À l’occasion du Salon du livre de Paris 2015, la Scam, avec le concours de la SGDL et de la Charte des auteurs jeunesse, rend public son nouveau baromètre des relations auteurs/éditeurs. Plus de 1800 auteurs ont répondu à cette enquête (soit 80 % de plus que la 5e édition en 2013, notamment grâce au développement de l’enquête en ligne et à son élargissement aux auteurs jeunesse).

Enquête réalisée du 1er décembre 2014 au 30 janvier 2015.
Les 1.856 auteurs ayant répondu à cette enquête représentent tous les secteurs de l’édition (47% en littérature générale, 34% en documents et essais, 32% en livres jeunesse…). Près des deux tiers (62%) ont signé des contrats en 2013 ou 2014.


1 – AUTEURS-EDITEURS : OUI, MAIS…

La très grande majorité des auteurs signent des contrats avec de multiples éditeurs au cours de leur vie d’écrivain : 2 à 5 éditeurs pour la moitié d’entre eux, de 6 à 10 pour un quart d’entre eux et plus de 10 pour un auteur sur cinq. Moins d’un auteur sur dix a signé l’ensemble de ses contrats avec un seul et même éditeur.

En 2015, 60% des auteurs estiment que leurs relations sont insatisfaisantes, voire conflictuelles : avec tous leurs éditeurs (20%) ; la majorité de leurs éditeurs (15%) ; ou certains de leurs éditeurs (25%). En revanche, 40% des auteurs estiment que leurs relations sont satisfaisantes, voire excellentes, avec tous leurs éditeurs.
De plus, un auteur sur trois estime que les relations avec ses éditeurs se sont dégradées sur les trois dernières années. Ils sont par ailleurs 60% à déclarer que rien n’a changé. Et moins d’un auteur sur dix estime que les relations se sont améliorées.

Si la relation avec l’éditeur en amont (contrats, travail de création…) reste appréciée, le constat se dégrade sensiblement en aval de la vie du livre (diffusion, promotion…)… mais la situation semble s’améliorer !
Les contrats proposés par l’éditeur
 : Sur cette question, les opinions sont relativement stables au cours des dernières années. Près de 60% des auteurs sont satisfaits de la relation avec leur éditeur au moment de la signature du contrat (note de 6 à 10) ; un peu plus de 20% n’en sont pas satisfaits (note de 0 à 4).
La collaboration avec l’éditeur sur le travail de création : Dans ce domaine aussi, la relation semble plutôt positive. Les auteurs globalement satisfaits sont plus de 60 %, contre 30% d’auteurs insatisfaits (ce qui reste significatif…). L’évolution par rapport aux précédents baromètres est d’ailleurs plutôt favorable. Tient-elle à une relation plus privilégiée dans le secteur jeunesse ?
L’exploitation commerciale par l’éditeur : Si en 4 ans le taux de satisfaction a augmenté de 8 points (42% d’auteurs satisfaits du travail de leur éditeur en 2015, contre 34% en 2010), les auteurs sont encore 42% à être toujours insatisfaits.
La communication et la promotion effectuées par l’éditeur : Près de la moitié des auteurs continuent de se dire insatisfaits de leurs relations avec leurs éditeurs sur cette question. Ils sont toutefois près de 40% à en être satisfaits.


« Quelle note de 0 à 10 attribuez-vous à la relation avec votre principal éditeur dans les domaines suivants ? »

Les contrats d’édition: un important travail de clarté et d’explicitation reste à faire.

En 2009, dans une écrasante majorité des cas (98%), les auteurs négociaient seuls leurs contrats d’édition. Ils font aujourd’hui appel, pour 40% d’entre eux, à quelqu’un pour les aider à relire leurs contrats : à parts égales, ils confient cette tâche à un juriste ou un avocat (13%), à un tiers (13%) ou à une société d’auteurs (11%). Ils ne sont toujours que 2% à utiliser les services d’un agent littéraire pour négocier ces contrats.
Près des deux tiers des auteurs continuent donc de lire seuls leurs contrats et la quasi-totalité d’entre eux les négocie seuls à seuls avec leurs éditeurs. Cette proportion est d’autant plus étonnante qu’ils sont près de 60% à estimer que les conditions des contrats ne sont pas toujours claires pour l’édition imprimée, et plus de 80% s’agissant des dispositions pour l’édition numérique !
Dans la majorité des cas (55%), les éditeurs font signer simultanément aux auteurs un contrat d’adaptation audiovisuelle.
La Scam rappelle que la signature de ce contrat n’est pas une obligation.


2 – RÉMUNÉRATION : LE SEUIL D’ALERTE

En 2015, plus des deux tiers des auteurs (69%) perçoivent pour l’édition imprimée moins de 10% de droits d’auteur sur le prix public de vente des livres (contre 59% en 2013). Le taux de 10% du prix de vente ne s’applique qu’à un quart des auteurs (23%, contre 31% en 2013) et ils ne sont plus que 7% (ils étaient encore 10% en 2013) à percevoir un taux supérieur à 10% du prix public de vente. Autre chiffre inquiétant : en 2015, presque 19% des auteurs sont rémunérés à un taux inférieur à 5% du prix public de vente alors qu’ils n’étaient que 15% en 2013, proportion pourtant déjà alarmante.

Cette apparente dégradation de la situation peut s’expliquer – mais pas se justifier ! – par la pratique persistante de taux de rémunération plus faibles dans le secteur jeunesse, moins représenté lors des éditions précédentes du baromètre.

Nouveauté 2015 Et pour l’exploitation numérique… ce n’est guère mieux ! Près de 60% des auteurs perçoivent un taux de rémunération inférieur à 10% du prix public de vente, de surcroit sur un prix de vente inférieur à celui du livre imprimé et 27% d’entre eux perçoivent une rémunération inférieure à 5% du prix de vente.

Seul un auteur sur deux (49%) se voit aujourd’hui proposer systématiquement des contrats avec un à-valoir. Plus de la moitié des auteurs n’en perçoivent que «quelquefois» (29%) ou «jamais» (22%). Qui plus est le montant de ces à-valoir est à la baisse. Ainsi près des trois quarts des à-valoir proposés dans les derniers contrats sont inférieurs à 3.000 euros (contre deux tiers inférieurs à 3.200 euros en 2013).
Aujourd’hui, 38% des auteurs concernés par un à-valoir ont perçu pour leur dernier contrat un à-valoir inférieur à 1.500 euros et 28% d’entre eux, un à-valoir supérieur à 3.000 euros.

Nouveauté 2015 « Auteur de l’écrit » n’est pas l’unique métier pour près de 70% des auteurs interrogés, trois quarts d’entre eux exerçant une activité de scénariste, de journaliste, de chercheur, d’enseignant… Le métier d’auteur de l’écrit représente pour 65% des auteurs interrogés moins d’un quart de leurs revenus annuels. Pour autant, 30% d’entre eux exercent leur activité d’auteur à titre unique. Ce résultat important sera à rapprocher des résultats de la future étude nationale sur les revenus des auteurs, mise en œuvre par le ministère de la Culture et le Centre national du livre.

« Les revenus issus de votre activité d’auteur de l’écrit (droits d’auteur, revenus d’accessoires, etc.) représentent-ils : »

Par ailleurs, plus de la moitié des auteurs (53%) considèrent que leur situation matérielle s’est dégradée au cours des deux dernières années et 40% qu’elle s’est maintenue.


3 – NON REDDITION DES COMPTES : ÇA CONTINUE

Sur le front de la reddition des comptes, la situation est tellement dramatique qu’elle ne pouvait que s’améliorer. Très léger mieux donc, puisque 55% des auteurs (51% en 2013) reçoivent une reddition de comptes de la part de tous leurs éditeurs ou de la majorité d’entre eux. Ce qui signifie néanmoins que 45% des auteurs n’en reçoivent jamais ou seulement de certains de leurs éditeurs.
Et tous les éditeurs ne se montrent pas rigoureux dans le versement des droits : pour 28% seulement des auteurs, la reddition s’accompagne du versement des droits chez tous leurs éditeurs ; pour 57% des auteurs, chez la majorité ou certains de leurs éditeurs ; pour 15% d’entre eux, chez aucun de leurs éditeurs !
Ils sont 18% à avoir écrit plusieurs fois à leur(s) éditeur(s) pour réclamer cette reddition des comptes (20% en 2013).
De plus, lorsqu’elles sont transmises, ces redditions ne sont claires et complètes chez tous leurs éditeurs que pour 13% seulement des auteurs interrogés et chez la majorité de leurs éditeurs, pour un quart des auteurs.
À cet égard, il est important de noter que, suite à l’accord entre les auteurs (Conseil permanent des écrivains) et les éditeurs (Syndicat national de l’édition), de nouvelles dispositions légales et réglementaires sont entrées en application le 1er décembre 2014 et sont désormais applicables à tous les auteurs et tous les éditeurs. Ces dispositions permettront aux auteurs de résilier facilement leur contrat en cas d’absence de reddition des comptes ou de reddition des comptes non conforme. L’objectif n’est pas de multiplier les résiliations des contrats, mais de favoriser une information plus régulière, plus claire et plus transparente de la part des éditeurs sur les comptes des auteurs.


4 – TRADUCTIONS, PILON… L’OPACITÉ

En 2015 (comme en 2013), 28% des auteurs ont eu connaissance d’exploitations de leurs oeuvres à l’étranger sans avoir été informés au préalable par leur éditeur. Tout aussi grave, 29% des auteurs n’ont pas été informés de la mise au pilon de leurs livres (30% en 2013).
Aucune amélioration notable n’est semble-t-il intervenue sur ces questions depuis cinq ans.
Qui plus est, lorsque leurs œuvres ont été exploitées à l’étranger, 59% des auteurs n’ont jamais reçu de droits !


5 – L’ÉDITION 2.0 : DANS LE BROUILLARD

Nouveauté 2015 Pour la majorité des auteurs (65%), les contrats proposés par les éditeurs pour l’édition numérique sont le plus souvent insuffisamment clairs et explicites et les taux de rémunération proposés insuffisants compte tenu du prix de vente des livres numériques, le plus souvent inférieur à celui de l’imprimé.

« Sans jugement sur les conditions mêmes des contrats qui vous sont proposés par vos éditeurs, estimez-vous que ces contrats sont suffisamment clairs et explicites s’agissant des droits numériques? »



Pour plus des deux tiers des auteurs (66% cette année, à peine 50% en 2013) leurs derniers contrats comportaient une clause relative à l’exploitation numérique des œuvres. Et 12% des auteurs (contre 4% en 2013), ont d’ores et déjà négocié des contrats pour une exploitation strictement numérique de leurs œuvres.
Un peu plus d’un tiers des auteurs (36%) se sont vus proposer par leurs éditeurs de signer un avenant numérique à leurs anciens contrats ; dans 75% des cas, les auteurs les ont signés.

Nouveauté 2015 Les représentants des auteurs et des éditeurs ont conclu en mars 2013 un accord prévoyant de nouvelles dispositions pour le contrat d’édition, en vue notamment de l’exploitation numérique. À ce jour, 58% des auteurs déclarent ne pas en avoir eu connaissance et pour 80% d’entre eux, leurs éditeurs n’ont semble-t-il pas intégré ces modifications dans les contrats ou avenants qui sont proposés.
Les nouvelles dispositions n’ont été transposées dans la loi que fin 2014, un important travail d’information reste donc à faire pour que les contrats proposés y soient conformes et qu’ils puissent être négociés en toute transparence.


6 – GESTION COLLECTIVE : UNE CONFIANCE RENOUVELÉE

Les sommes issues de la gestion collective des droits (droit de prêt en bibliothèque, reprographie, copie privée numérique…) constituent un complément à la rémunération des auteurs, sans pour autant venir compenser la faiblesse de leurs revenus principaux.

En matière de gestion collective obligatoire :
> 65% des auteurs ont perçu des droits pour le prêt public, dont 19% via la Scam, 38% via la Sofia et 8% via les éditeurs ;
> 53% ont perçu des droits de reprographie, dont 26% via la Scam, 7% via les éditeurs et 20% via un autre organisme ;
> 42% ont perçu des droits de copie privée numérique, dont 16% via la Scam, 22% via la Sofia et seulement 4% via les éditeurs ;
En matière de gestion collective volontaire : les sommes réparties sont plus conséquentes, 28% ont perçu des droits audiovisuels ou radiophoniques, dans deux cas sur trois via la Scam.

Qu’il s’agisse de gestion collective obligatoire ou volontaire, la proportion d’auteurs percevant ces rémunérations via leurs éditeurs reste étonnamment faible, au regard du nombre d’auteurs concernés.