La Scam a adressé une lettre ouverte aux Parlementaires : »Il est urgent d’agir et de briser le tabou de l’augmentation de la « redevance » ! »

– Lettre ouverte aux Parlementaires –

Madame, Monsieur,

En ces temps de vaches maigres pour la culture et au moment où se pense une nouvelle loi sur l’audiovisuel qui a l’ambition de réformer à la fois les instances de contrôles, le service public, les usages sur internet, nous sommes nombreux parmi les créateurs, les producteurs et les diffuseurs aussi, à nous interroger sur l’avenir de nos métiers.

Et les inquiétudes ne manquent pas :
– Un service public aux finances menacées, condamné à un régime drastique qui n’aidera ni à clarifier sa ligne éditoriale, ni à favoriser une création audacieuse et singulière ;
– Un CNC ponctionné de 150 millions d’euros, effort que l’on nous promet indolore et « exceptionnel » (sans aucune garantie) ;
– Des diffuseurs de la TNT qui morcellent l’audience et qui, lorsqu’ils ne rediffusent pas des séries au succès suranné mais toujours efficace, proposent des programmes fabriqués à bas coût, sans autre souci que la rentabilité ;
– L’arrivée des acteurs de la télévision connectée, Google TV et autres Apple TV qui ont bien l’intention de bouleverser nos habitudes de téléspectateurs mais qui en revanche sont très réticents à l’idée de se soumettre aux obligations qui pèsent sur les chaînes traditionnelles, seules garantes de la création d’oeuvres patrimoniales.

La télévision est globalement, encore imaginée, conçue et gérée comme il y a 30 ans. Or, c’est une nouvelle télévision qu’il faut inventer.
Demain, avec l’arrivée de la télévision connectée, il faudra produire des contenus et laisser à chaque Français la possibilité de constituer sa propre grille de programmes.
Demain, il faudra arrêter de créer des contenus calibrés pour le salon, mais concevoir des programmes différents pour la télévision, les tablettes, les smartphones.

LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC, SEUL FINANCEMENT PÉRENNE

Mais revenons sur le premier de ces points : le financement de l’audiovisuel public. La réforme qu’avait lancée Nicolas Sarkozy en 2008 aurait pu être la bonne si la loi avait été réfléchie, mieux préparée et bien conçue. Aujourd’hui, les finances du service public sont au plus mal.

Dans un scénario que tout le monde anticipe, dans lequel Bruxelles décide de supprimer la taxe Télécom qui rapportait 250 millions d’euros, il faudra, dès l’an prochain que le Budget de l’État comble un trou de plusieurs centaines de millions d’euros.
Où les trouver ?
Comme chacun sait, les caisses sont annoncées vides.
Alors ? Retour à la publicité ?
Ce serait une défaite cuisante, un renoncement lâche, pour tous ceux qui ont l’ambition d’un service public indépendant, enfin débarrassé de l’obsession de l’audience et capable d’inventer la télévision de demain. Et ce serait inutilement déstabiliser les télévisions privées confrontées à la crise du marché publicitaire.

Il faut donc que cesse la démagogie et l’hypocrisie et, brisant un tabou, que ce gouvernement se décide à prendre une mesure que ses prédécesseurs n’ont pas eu le courage de prendre.
C’est la seule solution viable et durable qui permette de pérenniser les ressources du service public et qui puisse assurer son indépendance.
Après la fin du monopole public, il y a plus de vingt ans,
Après le fort développement d’un secteur privé,
Après la révolution numérique et la convergence des médias,
Il est temps pour notre démocratie de donner corps à cette indépendance.

UNE REVALORISATION RAISONNABLE ÉTALÉE SUR 5 ANS

Il faut tout d’abord élargir l’assiette de sa perception… et donc, dans un premier temps, l’étendre à nouveau aux résidences secondaires.Il faut ensuite en revaloriser le montant.

Je rappellerai ici brièvement
Qu’elle a été bloquée pendant 7 ans,
Qu’à 123 euros, elle est étrangement, curieusement, l’une des plus basses d’Europe ; à titre de comparaison son montant est de 170 euros au Royaume Uni – ce qui rapporte près d’un milliard de plus à la BBC par rapport à France Télévisions –, de 216 euros en Allemagne, de 309 euros au Danemark…

Aujourd’hui, le Gouvernement propose une augmentation de 2 euros de la Contribution à l’audiovisuel public en plus de l’indexation sur l’inflation. C’est la première augmentation supérieure à l’inflation depuis dix ans et, à ce titre, mérite d’être soulignée et appréciée. Cependant, la Scam affirme que cette hausse sera insuffisante pour redresser et pérenniser les finances de l’audiovisuel public et de France Télévisions en particulier.

La Scam propose donc une augmentation progressive sur cinq ans : 5 euros en 2013 (soit 25 cts de plus par mois que ce que propose le gouvernement), puis 3 euros par an pendant 4 ans (hors inflation), soit au total 17 euros sur cinq ans. Ces 17 euros permettraient de compenser les 450 millions manquants et d’éviter d’avoir à voter chaque année, une dotation budgétaire équivalente. Quel que soit l’état de la crise, le monde politique doit comprendre et faire savoir aux Français que l’excellence et la survie de la culture et de la création, valent bien 17 euros de plus par an. Renoncer à prendre une telle mesure aujourd’hui serait à la foi suicidaire et irresponsable, dans une société où les consommateurs sont en permanence surtaxés…

Demain il faudra intégrer la dimension participative et communautaire. Faire de la télévision un espace interactif.

Aujourd’hui, la télévision doit  inventer demain.
Cela ne se fera pas sans une création dynamique et forte.
Cela ne se fera pas sans une volonté politique sans faille.
Cela ne se fera pas sans audace, beaucoup d’audace et sans la folie d’un brin de panache.

Les 32.000 auteurs que la Scam représente comptent sur votre audace et avec eux, toutes celles et tous ceux qui vivent de la création et de la production d’œuvres audiovisuelles.

Je vous prie de recevoir, Madame, Monsieur, mes respectueuses salutations.

Jean-Xavier de Lestrade,
Président de la Scam*
Auteur, producteur,
Oscar 2000 pour Un coupable idéal,
Prix Albert Londres 2002 pour La Justice des hommes 

*le conseil d’administration de la Scam présidé par Jean-Xavier de Lestrade est composé de : Anne Andreu, Patrick Barbéris, Philippe Bertrand, Julie Bertuccelli,, Pierre Bouteiller, Catherine Clément, Kathleen Evin, Anne Georget, Patrick Jeudy, Rémi Lainé, Thierry Ledoux, Manon Loizeau, Alain Longuet, Jean-Paul Mari, Alok Nandi, Pascal Ory, Edouard Perrin, Carole Pither, Alain de Sédouy, Guy Seligmann, Henri de Turenne.

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Le financement de l’audiovisuel public est un enjeu majeur de notre société mais… les ressources du CNC, la réforme du Cosip, la contribution des nouveaux acteurs de la TNT à la création, le développement des offres légales, le cadre européen… sont autant de sujets de préoccupation pour les auteurs.

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