En ces temps de vaches maigres pour la culture, en ces temps où l’économie semble avoir irrémédiablement pris le pas sur la création, et au moment où se pense une nouvelle loi sur l’audiovisuel qui a l’ambition de réformer à la fois les instances de contrôles, le service public, les usages sur internet, nous sommes nombreux parmi les créateurs, les producteurs et les diffuseurs aussi à nous interroger sur l’avenir de nos métiers.



Bonjour à toutes et à tous,

Au nom de la Scam, je vous souhaite la bienvenue dans ce Forum des images où la Directrice, Laurence Herzberg, nous accueille aujourd’hui.

Pourquoi des Assises de l’audiovisuel ?

En ces temps de vaches maigres pour la culture, en ces temps où l’économie semble avoir irrémédiablement pris le pas sur la création, et au moment où se pense une nouvelle loi sur l’audiovisuel qui a l’ambition de réformer à la fois les instances de contrôles, le service public, les usages sur internet, nous sommes nombreux parmi les créateurs, les producteurs et les diffuseurs aussi à nous interroger sur l’avenir de nos métiers.

Et les inquiétudes ne manquent pas :

Un service public aux finances menacées, condamné à un régime drastique qui, nous pouvons le craindre, n’aidera ni à clarifier sa ligne éditoriale, ni à favoriser une création audacieuse et singulière.

Un CNC, désigné nouvelle vache à lait du budget de l’Etat, condamné à l’arbitraire d’une ponction de 150 millions d’euros que l’on nous promet naïvement indolore.

Des diffuseurs de la TNT qui morcellent l’audience et qui, lorsqu’ils ne rediffusent pas des séries au succès suranné mais toujours efficace, proposent des programmes fabriqués à bas coût, sans autre souci que la rentabilité ;

L’arrivée des acteurs de la télévision connectée, Google TV, Apple TV – pour ne citer que les deux plus visibles – qui ont bien l’intention de bouleverser nos habitudes de téléspectateurs mais qui en revanche sont très réticents à l’idée de se soumettre aux obligations qui pèsent sur les chaînes traditionnelles et qui sont les seules garantes de la création d’œuvres patrimoniales.

Avec la multiplication des chaînes, chaînes de la TNT, chaînes thématiques payantes, nous assistons au développement d’une production que nous pourrions qualifier de low cost ;

Ainsi, chaque année des centaines d’heures de programmes sont produites dans des conditions économiques très précaires et sont généralement soumises à une ligne éditoriale formatée pour ne pas dire rigide. Ces programmes, souvent abusivement qualifiés de documentaires, bénéficient du soutien du CNC à travers le COSIP, Des exemples : NRJ12, 101 heures de documentaires, Seasons 84 heures, Equidia Life 70 heures… Pour un financement moyen de 25.000 euros de l’heure !

Il est temps de redonner pleinement son sens à la volonté du législateur de favoriser à travers les obligations de production patrimoniales et le compte de soutien, le développement et la production d’œuvres originales, porteuses d’une écriture et d’un vrai regard sur le réel.

C’est pourquoi nous soutenons à la Scam, en partenariat avec les syndicats de producteurs, un projet de réforme visant à renouveler en profondeur la mécanique du Cosip automatique afin de valoriser le soutien à la production de documentaires patrimoniaux.

C’est un enjeu majeur qui ne saurait être sous-estimé.

La télévision est globalement, encore imaginée, conçue et gérée comme il y a 30 ans. Or, nous en sommes tous conscients, c’est une nouvelle télévision qu’il faut inventer.

Demain, avec l’arrivée de la télévision connectée, il faudra produire des contenus et laisser à chaque Français la possibilité de constituer sa propre grille de programmes.

Demain il faudra arrêter de créer des contenus calibrés pour le salon, mais concevoir des programmes différents pour la télévision, les tablettes, les smartphones.

La liste pourrait être beaucoup plus longues… Mais je voudrais prendre ici, le temps de développer deux points en particulier. Points, qui je l’espère, seront débattus au cours de cette journée.

Arrêtons-nous, tout d’abord, sur les finances de France Télévisions. La bombe qu’avait lancée Nicolas Sarkozy en 2008 avec sa loi mal préparée et mal conçue, supprimant la publicité après 20 heures, cette bombe donc est en train d’exploser. Les finances du service public sont à l’agonie.

Dans un scénario que tout le monde anticipe, un scénario dans lequel Bruxelles décide de supprimer la Taxe Télécom qui rapportait 250 millions d’euros, il faudra, dès l’an prochain que le Budget de l’Etat comble un trou de 450 millions.

Où les trouver ?

Comme chacun sait, les caisses sont annoncées vides et notre cher Ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, ne s’est pas privé de nous le rappeler durant l’été.

Alors ? Retour à la publicité ?

Ce serait une défaite cuisante, un renoncement lâche, pour tous ceux qui ont l’ambition d’un service public indépendant, enfin débarrassé de l’obsession de l’audience et capable d’inventer la télévision de demain.

Et pour cela, je ne vois qu’une solution.

Il faut que cesse la démagogie et l’hypocrisie.
Il faut que ce gouvernement se décide à prendre une mesure que ses prédécesseurs n’ont pas eu le courage de prendre.
Il faut que ce gouvernement se décide enfin à briser la tabou de l’augmentation de la redevance.

C’est la seule solution viable et durable qui permette de pérenniser les ressources du service public et qui puisse assurer son indépendance.

Car,

Après la fin du monopole public, il y a plus de vingt ans,
Après le fort développement d’un secteur privé,
Après la révolution numérique et la convergence des médias,
Il est temps pour notre démocratie de donner corps à cette indépendance.

Comment assurer ce financement pérenne de France Télévisions ? Il faut tout d’abord élargir l’assiette  de perception de la contribution à l’audiovisuel public… et donc, dans un premier temps, l’étendre à toutes les résidences secondaires.

Il faut ensuite en revaloriser le montant.

Je rappellerai ici brièvement,

Qu’elle a été bloquée pendant 7 ans,

Qu’à 123 euros, elle est étrangement, curieusement, l’une des plus basses d’Europe, à titre de comparaison son montant est de 170 euros au Royaume Uni – ce qui rapporte près d’un milliard de plus à la BBC par rapport à France Télévisions – , de 216 euros en Allemagne, de 309 euros a Danemark…

La Scam propose donc une augmentation progressive sur 5 ans : 5 euros en 2013 puis 3 euros par an pendant 4 ans (hors inflation), soit au total 17 euros sur 5 ans.

Ces 17 euros permettraient de compenser les 450 millions manquants.

Quel que soit l’état de la crise, le monde politique doit comprendre et faire savoir aux Français que l’excellence et la survie de la culture et de la création, valent bien 17 euros de plus par an. Renoncer à prendre une telle mesure aujourd’hui serait à la foi suicidaire et irresponsable, dans une société où les consommateurs sont en permanence surtaxés…

Autre point sur lequel je voudrais m’arrêter quelques instants :

Demain il faudra intégrer la dimension participative et communautaire. Faire de la télévision un espace interactif.

Aujourd’hui, la télévision doit inventer demain.

Cela ne se fera pas sans une création dynamique et forte.

Cela ne se fera pas sans une volonté politique sans faille.

Cela ne se fera pas sans audace, beaucoup d’audace et sans la folie d’un brin de panache.

Bonne journée à tous….

Jean-Xavier de Lestrade
Président de la Scam
Auteurdevue 2012
24 septembre 2012 – Forum des Images