A l’honneur, William Karel. Une rencontre organisée à Longueur d’Ondes dans le cadre de la journée du Doc au Quartz, animée par Pierre Bouteiller, président de la commission des œuvres sonores de la Scam.



Une rencontre ponctuée d’extraits de Le Journal commence à 20 h (Point du Jour-Arte, 1999) ; Opération Lune (Point du Jour-Arte France, 2002) ; Le Monde selon Bush (Flach Films-France 2, 2004) ; Meurtres à l’Empire State Building (Roche Productions-Canal +, 2007) ; 1929 (Roche Productions-Arte France, 2009) et des images inédites de son dernier film Gallimard a cent ans.

William Karel, né en Tunisie, parisien d’adoption, suisse de nationalité.

Auteur politique, autant que prolifique (plus de vingt documentaires réalisés), cinéaste exigeant et international, William Karel se situe obstinément aux antipodes du consensus et du politiquement correct.

Ses sujets de prédilection : les grandes figures contemporaines, les événements polémiques de la Grande Histoire ou les institutions qui régissent le monde. Thèmes brûlants, enquêtes fouillées, démonstrations impeccables servies par un montage rigoureux. C’est la « patte » William Karel.

 

A l’âge de onze ans, il est brutalement projeté dans le monde du travail. Jeune adulte, il arrive en France, entre chez Renault et suit, parallèlement, des cours de photographie à l’école Vaugirard. Deux ans plus tard, en 1966, le Nouvel Obs propose de l’engager, à condition cependant qu’il soit parfaitement équipé (matériel, studio, labo). Qu’à cela ne tienne, William Karel participe au jeu télévisé « Monsieur Cinéma », gagne une jolie somme – l’équivalent de 15.000 € !- et entre au Nouvel Obs.
En 1969, il choisit d’émigrer en Israël. Il travaille pour un hebdomadaire d’extrême-gauche, puis pour le Théâtre National de Tel Aviv et devient correspondant des agences Sygma et Gamma. Pendant neuf ans, il vit dans un kibboutz à la frontière libanaise.
De retour à Paris à la fin des années 1980, il poursuit sa collaboration avec Sygma et entre à Canal +, nouvellement créée, pour participer à un magazine cinéma. Il travaille, pendant quatre ans, en tant que reporter, pour les émissions Envoyé Spécial et La Marche du siècle.
Sa rencontre avec Maurice Pialat sera décisive. Ce dernier lui fait faire son « premier vrai documentaire » (Pialat au travail) et lui propose de participer à l’écriture du scénario de Police. D’autres portes s’ouvrent, il cosigne le scénario de quatre films de Philipe Faucon.
Et il entre de plein pied dans le monde du cinéma documentaire.
Il réalise quarante portraits d’écrivains pour Ex-Libris et quatre films pour Un siècle d’écrivains. Il fouille le passé : La Rafle du Vel d’Hiv, coréalisé avec Blanche Finger (1992) ; La Cagoule (1998), une page méconnue de l’entre-deux guerres, l’unique tentative de putsch fasciste en France, en 1937 ; et Histoire d’une droite extrême (1999).
Il questionne le pouvoir et ses légendes : Les deux morts de Joseph Staline (1993), François Mitterrand : un mensonge d’Etat (2001), Valéry Giscard d’Estaing, le théâtre du pouvoir (2002). Plus récemment, il fait dans Mais qui a tué Maggie ? (Fipa d’argent 2009, Etoile de la Scam 2010) le récit du lynchage politique de Margaret Thatcher par son propre camp, épilogue peu reluisant après onze ans de pouvoir absolu.
Il bouscule les idées reçues, se fait quelques ennemis. On se souvient de l’exceptionnel FMI Jamaïque – Mourir à crédit (1994), dénonçant pour la première fois les conséquences des interventions du FMI dans les pays en voie de développement. Suivi du Journal commence à 20 heures (1999), qui fit l’effet d’une petite bombe dans le PAF de l’époque.
Avec un art consommé de l’investigation, il offre dans Les Hommes de la Maison Blanche (2001), CIA, guerres secrètes (2003) et Le Monde selon Bush (2004), une description stupéfiante des coulisses du pouvoir et de la diplomatie, de la guerre froide, un réquisitoire implacable contre la médiocrité criminelle des hommes.
Prestidigitateur à ses heures, et partant du principe que « S’il n’y a pas d’images, il n’y a pas d’événement », William Karel défie notre capacité à décrypter l’information et réalise, avec Opération Lune, un canular magistral : archives truquées, images détournées, textes modifiés, faux témoins dans de vrais rôles…
1929, son documentaire le plus récent, fait involontairement écho à la crise économique de 2008 aux Etats-Unis. Une analyse ciselée des trente premières années du 20ème siècle outre-Atlantique et des implications politiques immédiates en Europe. 1929 nous offre de réentendre la pensée d’économistes et historiens remarquables, dont la voix désormais éteinte du grand Howard Zinn, que William Karel a eu le talent de longuement interviewer.
La Fille du juge (2005) est un film à part. Tourné avec Clémence Boulouque, à partir de son livre (Mort d’un silence, Gallimard, 2003), il respecte le récit dont il est tiré et la douleur de la jeune femme. Son père, le Juge Boulouque, englué dans l’affaire Gordji et des otages français au Liban, avait mis fin à ses jours en décembre 1990.
Il a fait deux incursions au pays de la fiction. Poison d’avril (2006), un pamphlet contre la course à l’audimat que se livrent les JT à la veille du second tour des élections présidentielles en 2002. Et Meurtres à l’Empire State Building (2007), un film décalé et jubilatoire en hommage à l’âge d’or du film noir américain des années 1930 et 40. Du bonheur à l’état pur.
Il vient de terminer l’histoire des éditions Gallimard (diffusion prévue début 2011) et tourne actuellement un film sur Philip Roth. En préparation, un téléfilm sur le procès Brasillach ainsi qu’un Portrait d’un inconnu, un certain… Nicolas Sarkozy.
Il a écrit deux livres, Israël-Palestine, une terre deux fois promise (éd. du Rocher, 1998) et, dans le prolongement du documentaire éponyme cité plus haut, Opération Vent Printanier – La Rafle du Vel d’Hiv (éd. La Découverte, 1992). En 1993, il a publié un recueil de photos avec et sur Aragon, Carnet de route.
D’aucuns disent que William Karel travaille « à l’ancienne », on lui a même reproché de faire « de la radio filmée »… Tiens donc ! Voilà qui nous intéresse…

> Lien vers le site de Longueur d’ondes : http://www.longueur-ondes.fr/