Réforme du service public et accords professionnels : Quel avenir pour la création audiovisuelle?
Auteurs et producteurs ensemble… La Scam, la Sacd, l’Uspa et le Spfa ont tenu une conférence de presse, lundi 8 décembre à 11h30 à la veille de l’examen du projet de loi au Sénat.
Réforme du service public et accords professionnels : Quel avenir pour la création audiovisuelle française?
> Accords interprofessionnels sur la production audiovisuelle entre TF1, France Télévisions, Canal +, M6, la SACD, la SCAM, l’USPA et le SPFA :
une ambition confirmée pour la création audiovisuelle.
La réforme de la politique audiovisuelle ne se limite pas uniquement à la suppression de la publicité sur le service public ni à la redéfinition de ses missions et de son cahier des charges.
En effet, dès l’an dernier, Christine Albanel, Ministre de la Culture et de la Communication, avait ouvert la voie à une redéfinition des décrets Tasca qui, depuis 2001, fixaient le niveau d’engagements et d’investissements des chaînes de télévision dans la création audiovisuelle et déterminaient les relations entre producteurs et diffuseurs.
Sous l’égide de David Kessler et Dominique Richard, des négociations se sont engagées qui ont abouti, le 22 octobre et le 25 novembre derniers, en présence de Christine Albanel, à la signature d’accords interprofessionnels avec les quatre grands groupes audiovisuels de notre pays. Ces accords sont notamment signés par la SACD, qui représente l’ensemble des auteurs de la fiction, de l’animation et du spectacle vivant, la SCAM, qui s’exprime au nom des auteurs de documentaires, l’USPA et le SPFA, qui sont les organisations majoritaires et représentatives des producteurs d’œuvres patrimoniales. Certains d’entre eux sont également signés par le SPI.
Ces accords aboutissent, de manière déterminante, à consolider, dans un contexte d’incertitude sur l’économie du paysage audiovisuel et en particulier sur ses ressources publicitaires, le soutien à la création audiovisuelle.
Ces accords sont importants car :
• Ils s’inscrivent dans la logique tracée par les pouvoirs publics et le Parlement qui avait adopté à l’unanimité en mars 2007, dans la loi sur la télévision du futur, une disposition tendant à recentrer le soutien à la création autour des œuvres audiovisuelles patrimoniales
Pour répondre au détournement fréquent et aux interprétations fantaisistes de la notion d’œuvre audiovisuelle, autour de laquelle le soutien à la création audiovisuelle était organisé depuis 1990, les parlementaires avaient proposé d’introduire un sous-quota d’investissement et de production dans les œuvres de patrimoine que sont la fiction, le documentaire de création, l’animation, la captation/recréation de spectacle vivant et les vidéomusiques.
Cette solution originale et réaliste partait du constat formulé par le CNC comme par le CSA d’une impossibilité à aboutir à une définition acceptable par tous de l’œuvre audiovisuelle dont les contours ne correspondaient plus à l’évolution des programmes audiovisuels et dont la mollesse et l’imprécision justifiaient toutes les incohérences et tous les abus.
Avec la signature des accords avec TF1, France Télévisions, Canal + et M6, c’est une définition homogène, acceptée par tous et correspondant aux genres expressément visés par le législateur en 2007 qui viendra remplacer la notion d’œuvre audiovisuelle pour comptabiliser les engagements en matière de production et de création audiovisuelle des chaînes.
Il est ainsi mis fin à un débat qui, depuis plus de quinze ans, n’a cessé d’empoisonner les relations professionnelles dans le secteur audiovisuel.
• Ils pérennisent de bons niveaux d’investissement dans la création
La réduction, strictement faciale, du niveau d’obligations des chaînes — qui ne porte plus sur des œuvres audiovisuelles mais sur des œuvres patrimoniales — ne saurait être interprétée comme un renoncement à défendre un haut niveau d’engagement dans la création patrimoniale. Au contraire, France Télévisions, M6 et Canal + renforceront significativement leurs investissements dans la création patrimoniale les prochaines années.
Ainsi, France Télévisions verra son obligation atteindre 20% de son chiffre d’affaires en 2012, consacrant sa vocation à être le partenaire majeur de la création dans notre pays. Canal + accroîtra également ses investissements dans la création audiovisuelle : son apport à la création patrimoniale, dont la moyenne au cours des cinq dernières années n’a pas dépassé 1,5% de son chiffre d’affaires, est désormais fixé à 3,4% de celui-ci. Pour sa part, M6 a accepté, d’une part, de conserver un niveau d’investissement dans les œuvres audiovisuelles de 15% de son chiffre d’affaires et, d’autre part, d’accroître ses engagements dans la création patrimoniale à laquelle elle consacrera entre 10,5% et 11% de son chiffre d’affaires (contre 9% réalisés en 2007).
Quant à TF1, le passage d’une obligation de 16% de son chiffre d’affaires dans les œuvres audiovisuelles à 12,5% dans les œuvres patrimoniales la conduit à maintenir ses engagements à un niveau proche des investissements qu’elle consacre actuellement à la création patrimoniale chaque année.
En outre, ont été inclus dans les accords avec les chaînes privées des mécanismes de bonification qui permettront une hausse du taux d’obligations patrimoniales au regard de l’évolution du chiffre d’affaire publicitaires ou d’abonnement.
• Ils confortent les quotas de diffusion des œuvres audiovisuelles patrimoniales
Les accords signés ne remettent pas en cause les quotas de diffusion qui prévoient notamment une obligation générale de diffuser 60% d’œuvres audiovisuelles européennes dont 40% d’œuvres françaises.
Au contraire, France Télévisions a pris l’engagement de porter et d’accroître son obligation de diffusion d’œuvres européennes et françaises à 70% et 50%.
Les négociations ont également permis de conforter la règle selon laquelle TF1 doit respecter de programmer en prime-time 120 heures d’œuvres audiovisuelles européennes et d’expression originale française. Elles l’ont seulement modulé afin de laisser davantage de souplesse et de permettre des rediffusions d’œuvres audiovisuelles, sans que cela ne puisse dépasser 30h de programmes.
Le quota de programmation de 120 heures d’œuvres audiovisuelles en prime-time est également conservé et conforté sur M6.
Ainsi, la présence de la création française à des heures de grande écoute n’est pas remise en cause.
• Ils contribuent au renouvellement de la création française et au développement de l’innovation
Loin de perpétuer la régulation passée, ces accords posent des jalons pour l’avenir et vont apporter leur pleine contribution à l’émergence de nouveaux talents, au renouvellement des genres et en particulier de la fiction française et à la diversité des formats.
C’est ainsi que tous les accords ont prévu que les obligations d’investissement pourraient être consacrés, en partie, à la formation des auteurs, dans le cadre d’établissements agréés par le CNC, afin de promouvoir de nouveaux modes de travail et d’appréhender d’autres méthodes d’écriture et de collaboration.
En outre, les accords avec TF1 et M6 prévoient que les dépenses d’écriture, de développement et de pilotes sont bonifiés dans le calcul de leurs obligations, y compris lorsque elles ne donnent pas lieu ensuite à une diffusion. Proposé par la mission Kessler-Richard, cet encouragement au développement de la recherche-développement constitue une novation forte qui donnera aux diffuseurs de nouveaux moyens de diversifier et de moderniser son offre de programmes patrimoniaux.
• Ils mettent à l’abri des contentieux européens le dispositif réglementaire français
Parce qu’ils sont signés par toutes les parties intéressées, les accords sécurisent les mécanismes originaux du soutien français à la création audiovisuelle. Par leur caractère contractuel, ils démontrent l’adhésion des acteurs de l’audiovisuel à ces mécanismes.
• Ils apportent à l’animation française la garantie d’un financement pérennisé, en dépit des risques pesant sur certaines publicités alimentaires
Les quatre groupes audiovisuels ont accepté de prendre un engagement de financement de l’animation. TF1 et M6 ont reconduit leur quota d’investissement de 0,6% et 1 %. Par ailleurs, France Télévisions a accepté de prolonger jusqu’en 2012, l’accord conclu en avril 2005 avec le SPFA. Est ainsi assurée la sauvegarde d’un haut niveau de financement d’un genre audiovisuel dans lequel la France a fait preuve de remarquables capacités internationales, mais qui ne peut survivre qu’avec une implication forte des diffuseurs nationaux.
• Ils confortent la place de la production indépendante
La production indépendante, parce qu’elle permet un accès ouvert à tous les talents, est un contributeur essentiel de la diversité créative. Parce qu’elle est fondée sur la libre concurrence, elle favorise aussi l’efficacité économique. Les accords conclus lui reconnaissent une place importante, particulièrement dans la production patrimoniale, tout en apportant aux diffuseurs un intéressement à l’exploitation des programmes dont ils ont permis la production. France Télévisions et Canal + consacreront la totalité de leur engagement patrimonial à la production indépendante. Sur TF1 et M6, la part de la production indépendante dans la production patrimoniale sera portée respectivement à 75 % et 85 %.
• Ils tiennent compte de la diversité des politiques éditoriales des chaînes
La négociation séparée avec chacun des quatre groupes concernés a permis de trouver des réponses adaptées à leurs politiques, sur les plans des droits cédés, des modalités d’intéressement, des relations avec les différentes entités de chaque groupe. La méthode proposée par la Ministre de la Culture et de la Communication a ainsi permis une souplesse et une adaptabilité aux demandes très variées de chacun des acteurs que ne peut apporter la seule méthode réglementaire.
• Ils prennent en compte les nouveaux modes de distribution des programmes
Les accords offrent à chaque groupe la possibilité de développer des services sur les nouveaux médias : télévision de rattrapage, vidéo à la demande à l’acte ou par abonnement, Web TV ce qui est naturel du fait de l’évolution des pratiques de consommation des téléspectateurs et des risques pris par les diffuseurs dans le développement et la production des œuvres concernées. En revanche, ils garantissent que ces droits ne resteront pas inexploités et exclusifs pendant de très longues périodes. Ainsi, au moment où le Parlement examine la loi Création et Internet et la loi sur la communication audiovisuelle, est assuré un véritable développement de l’offre légale en matière d’œuvres audiovisuelles d’expression française.
• Ils ont été validés par le Ministère de la Culture et de la Communication qui souhaite en faire la base commune de la réglementation
Conclusion :
Dans un contexte d’incertitude sur l’évolution du paysage audiovisuel et des ressources publicitaires et alors que les créateurs s’inquiétaient à la suite de la non-adoption l’an dernier du décret renforçant les obligations patrimoniales des diffuseurs, ces accords viennent consolider à juste titre l’économie générale et la logique du soutien à la création audiovisuelle.
En s’inscrivant dans la logique du Parlement, ils tracent les contours d’une réglementation ambitieuse et efficace pour le soutien à la création française dans toute sa diversité et autour de niveaux et de volumes d’engagement consolidés pour certains et renforcés pour d’autres.
Nous formulons également le vœu que la logique de ces accords pourra également prévaloir dans les travaux de la mission Kessler-Richard sur les chaînes TNT et cab-sat de façon à renforcer l’homogénéité des règles de soutien à la création audiovisuelle à 3 ans du passage au tout-numérique.
Information : Stéphane Joseph au 01 56 69 58 88