L’association Documentaire sur Grand Écran présente les nouveaux films de son catalogue. Un riche éventail des formes actuelles du cinéma du réel : libre, politique,poétique.

Les territoires choisis des films de ce programme sont multiples et hétéroclites, proches et lointains. Le seuil d’une boîte de nuit parisienne (Pandore), un coin de maquis corse (Le Cochon), une île néerlandaise surgie de la mer (Nature et nostalgie), une usine oubliée en Franche-Comté (Fils de Lip), la brousse rwandaise (Au nom du père, de tous, du ciel), un village des Alpes (L’Affaire Valérie)… mais en tous lieux, c’est la même acuité d’un regard politique sur le monde qui s’exerce à travers l’objectif de ces jeunes cinéastes. Des cinéastes qui relient intimement le mouvement de leur vie avec le mouvement du monde. Ainsi ce film de Digna Sinke (Nature et nostalgie) qui chronique l’évolution du paysage familier qui l’entoure en regard du temps et de sa vie qui passent. Les thèmes choisis semblent très présents, presque naturalistes, comme cette tuée du cochon filmée par Arnaud Dommerc ou la narration d’un fait divers par François Caillat. Mais à chaque fois, derrière ces apparences filmées, l’enjeu est ailleurs. Comme si, pour comprendre les mutations complexes du vaste monde contemporain, il fallait revenir au banal. À un quotidien qui permettrait de faire apparaître autre chose, qui modifierait la focale. À la manière des chantres de la “micro-histoire” des années 70, ces cinéastes d’aujourd’hui rassemblent les éléments de base qui constituent des sortes de monographies urbaines ou villageoises où se projette l’écho de la grande Histoire.
Cette inquiétude du politique dans le jeune cinéma documentaire pousse les cinéastes à chercher des formes nouvelles, en s’affranchissant des frontières artistiques. Notre société questionne ses modes de fonctionnement, ses utopies et ses monstruosités. Nos cinéastes semblent retourner ces questions sur le cinéma lui-même. À travers le réel, il s’agit de filmer le pouvoir et donc aussi l’immatériel, l’invisible.
Dans leur recherche de forme pour ce faire, les cinéastes d’aujourd’hui trouvent des correspondances avec quelquesuns d’hier. Correspondances ici réalisées : le Cochon d’Arnaud Dommerc avec celui de Jean Eustache, le Let Each One Go Where He May de Ben Russell avec le Jaguar de Jean Rouch. Quelles sont ces correspondances ? Que racontent-elles ? À ces déplacements des films dans le temps viennent en écho les déplacements dans l’espace. Celui d’Amos Gitaï suivant la tournée des Eurythmics au Japon. Brand New Day chronique la rencontre de l’électro-pop anglo-saxonne et de la société japonaise dans les années 80. Avec Eric Pauwels, les voyages sont infinis, qui l’emportent au gré de ses désirs de cinéma. De lettres en essais, il continue de rêver ses films comme on rêve ses voyages, dans la cabane au fond du jardin. De là, de cette monographie de la cabane, on entrevoit aussi le monde (Lettre à Jean Rouch, Lettre d’un cinéaste à sa fille, Les Films rêvés).
Annick Peigné-Guily
Présidente de Documentaire sur Grand Écran

Mercredi 9 mars
à 20h30
Soirée d’ouverture

En présence de la réalisatrice
* Nature et nostalgie
De Digna Sinke
P.-bas / doc. 2010 coul. 1h28 (vidéo)
L’île Tiengemeten a été reprise à la mer et remodelée pour devenir une terre fertile. Durant treize ans, Digna Sinke a suivi les transformations du paysage, et de sa propre vie.
Séance suivie d’un débat avec la réalisatrice

Jeudi 10 mars
à 18h00
 

En présence des réalisateurs
* Pandore
De Virgil Vernier
Fr. / doc. 2010 coul. 35min (vidéo)
À l’entrée d’une boîte de nuit à paris, de minuit à l’aube, le physionomiste règne. Le petit peuple des noctambules est soigneusement trié au seuil d’une promesse de nuit d’ivresse.
Et

* Fils de lip
De Thomas Faverjon
Fr. / doc. 2007 coul. 50min (vidéo)
À trente ans, l’âge du conflit Lip, le réalisateur revient à Besançon, lieu de cette bataille historique pour l’autogestion ouvrière. Bataille personnelle aussi qui fut celle de ses propres parents. L’occasion d’un bilan édifi ant.
Séance suivie d’un débat avec les réalisateurs 

à 20h30
En présence de Marieviolaine Brincard, réalisatrice,
Marcel Kabanda, historien, et Michel Terestchenko, philosophe
* Au nom du père, de tous, du ciel
De Marie-Violaine Brincard
Fr. / doc. 2010 coul. 52min (vidéo)
Joseph, Joséphine, Léonard, Augustin et Marguerite, tous quatre hutu, racontent comment, au coeur du génocide rwandais en 1994, ils ont caché des tutsis et les ont aidés à s’enfuir.
Séance suivie d’un débat avec la réalisatrice, Marcel Kabanda (historien, président de l’association Ibuka) et Michel Terestchenko(philosophe, auteur de “un si fragile vernis d’humanité, banalité du mal, banalité du bien” – la découverte, 2007).

Vendredi 11 mars
Soirée Eric Pauwels – Correspondances

En présence du réalisateur
à 18h00

* Lettre à Jean Rouch
D’Eric Pauwels
Belg. / doc. 1992 n&b 9min (16mm)
Cinéaste et enseignant à l’Insas (Institut national supérieur des arts du spectacle), Eric Pauwels a présenté sa thèse de doctorat à la Sorbonne sous la direction de Jean Rouch. Cette missive vidéo est ici un hommage à son cinéma et à la vie.

* Lettre d’un cinéaste à sa fille
D’Eric Pauwels
Belg. / doc. 2000 coul. 50min (35mm)
Un fi lm libre et ludique, tissé de mille histoires, habité de mille visages, cousu de mille textures… qui est une sorte de manifeste personnel de cinéma.
Séance suivie d’un débat avec le réalisateur

à 20h00
En présence du réalisateur et de Guy Seligmann, président de la scam
* Les films rêvés
D’Eric Pauwels
Belg. / doc. 2010 coul. 3h00 (vidéo)
Un jour, un homme, un cinéaste fait un rêve : il rêve qu’il fait un film qui contiendrait tous les films qu’il a rêvé de faire. Et tous les voyages.
Séance suivie d’un débat avec le réalisateur

Samedi 12 mars
à 18h00

En présence du réalisateur

* L’affaire Valérie
De François Caillat
Fr. / doc. 2004 coul. 1h15 (vidéo)
Le narrateur se souvient d’un fait divers survenu en 1983 dans un coin des alpes : l’assassinat d’un touriste canadien par sa maîtresse prénommée Valérie, depuis disparue. Vingt ans plus tard, que reste-il de cette affaire ?
Séance suivie d’un débat avec le réalisateur

à 20h30
En présence de Nurith Aviv, cinéaste et chef opératrice

* Brand New Day
D’Amos Gitai
Avec Annie Lennox, Dave Stewart, Jimmy ‘Z’ Zavala, Patrick Seymour, Clem Burke, Chucho Mercham, Joniece Jamison, Ryuichi Sakamoto, Kenny Endo,Conny Plank, Toru Takemitsu, Watazumido Doso Roshi
Fr.- g.-b. / doc. 1987 coul. 1h33 (vidéo)
Brand new day est le récit d’une tournée des eurythmics au japon. La découverte de ce pays à travers le regard excentrique de deux stars du rock. Un voyage aussi au cœur d’une chanson en train de se faire.
Séance suivie d’un débat avec Nurith Aviv. Elle a fait l’image d’une centaine de films de fiction et documentaires, parmi lesquels Brand new day.

Dimanche 13 mars
D’un cinéaste l’autre

à 15h00
En présence de Marc Piault, anthropologue et cinéaste


* Jaguar
De Jean Rouch
Fr. / fict. 1953-1967 coul. 1h29 (vidéo)
Le berger Lam, Illo le pêcheur et Damouré l’écrivain public décident de se rendre à accra pour y trouver fortune, le montant de la dot indispensable à leur mariage. Un film qui influença Ben Russell pour son film let each one go where he may.

à 17h00
En présence de Marc Piault, anthropologue et cinéaste
* Let each one go where he may 
De Ben Russell
É.-u. / doc. 2009 coul. 2h15 (16mm)
Deux frères entreprennent le long voyage entre leur ghetto du Surinam et les rapides en amont du fleuve Surinam, sur les traces de leurs ancêtres qui fuirent l’esclavage 300 ans auparavant.

à 20h30
Soirée de clôture
En présence d’arnaud Dommerc et (sous réserve) Nicolas Philibert, cinéastes
* Le cochon
D’arnaud Dommerc
Fr. / doc. 2010 coul. 56min (vidéo)
Abattage, dépeçage et charcutage de cochons dans un coin du maquis corse en 2010. Sans aucun point de vue moral ou sociologique, mais
Avec un point de vue politique, Dommerc a filmé, impassible, des faits qui sont banals dans la vie des paysans corses.

Et

* Le cochon
De Jean Eustache et Jean-Michel Barjol
Fr. / doc. 1970 n&b 50min (16mm)
Abattage et dépeçage d’un cochon dans une ferme des Cévennes en 1970. Sans aucun point de vue moral ou sociologique, eustache a filmé, Impassible, des faits qui sont banals dans la vie des paysans cévenols.
Séance suivie d’un débat avec Arnaud Dommerc et (sous réserve) Nicolas Philibert, cinéastes