La Scam qui a été l’une des premières sociétés auditionnées par la mission Culture Acte 2 présidée par M. Pierre Lescure a remis ses propositions couvrant tout le spectre de son répertoire : audiovisuel édition, presse écrite, images fixes (photographes, illustrateurs, dessinateurs…).

Le débat sur la culture a souffert ces dernières années des polémiques autour de la loi Hadopi et son adoption. Or, la compétence limitée de la Hadopi, la réponse particulière qu’elle apporte au téléchargement illicite ne couvrent pas, à elles seules, loin s’en faut, tous les enjeux de la culture à l’ère du numérique. La mission Culture-Acte 2, dont le champ de réflexion est extrêmement large, est une opportunité pour les auteurs de s’exprimer au-delà des clivages, sur les évolutions de leur métier, sur les aménagements à envisager pour la préservation et la diffusion de la culture.

La mission a remis au goût du jour l’expression « exception culturelle ». On lui a pourtant préféré depuis, celle de « diversité culturelle ». Quoi qu’il en soit, si la première expression a peut-être une connotation plus défensive que la seconde, il n’en demeure pas moins que l’idée persiste de la nécessité de préserver la culture dans un environnement économique voué aux règles du marché. C’est en fait le débat de fond. La culture a toujours été considérée comme une exception à ces règles. Mais l’univers du numérique marchand qui a acquis aujourd’hui une puissance économique considérable, et dans lequel évoluent des multinationales qui n’ont rien à envier aux plus grands studios hollywoodiens, menace aujourd’hui ce consensus qu’on pensait acquis.

Certes, on parle d’« industrie culturelle », c’est surtout pour rappeler que c’est un secteur composé d’entreprises qui fabriquent des biens culturels et qui produisent des emplois – d’ailleurs non délocalisables. C’est un secteur dynamique en croissance. Un secteur qui a, par conséquent, toute sa place dans un pays qui, d’année en année, voit s’éroder le marché de l’emploi et ses points de croissance. L’industrie est au demeurant un bien grand mot pour la production des œuvres audiovisuelles que la Scam représente. Il s’agit surtout d’un tissu de petites structures qui n’ont absolument rien à voir avec les géants du cinéma américain et de la musique. Ces sociétés et leurs employés tiennent en fait davantage de l’artisanat que des grands groupes internationaux.

Quels sont les grandes composantes économiques de l’exception culturelle ? Qu’est-ce qui permet à la culture audiovisuelle d’exister ? La propriété littéraire et artistique qui confère originellement à l’auteur un droit exclusif sur la communication de ses œuvres, exclusivité qui permet le financement des œuvres par des mécanismes comme les préachats, la chronologie des médias … Le CNC, instrument de régulation et courroie indispensable dans le réinvestissement d’une part des recettes des œuvres audiovisuelles dans leur fabrication. L’audiovisuel public est aussi un élément essentiel à la diversité culturelle. Sa mission de service public, son désintéressement permet l’existence d’une multitude d’œuvres qui n’existent pas dans le secteur privé. Le documentaire de création en est un exemple frappant. Chaque année la Scam récompense par 30 étoiles les documentaires diffusés l’an passé, en 7 ans d’existence, pas un ne l’a été sur TF1 ou M6. L’objet commercial de ces chaînes n’est pas en soi critiquable mais il conforte la nécessité d’un audiovisuel public pour préserver la diversité culturelle.

Au-delà de ces préoccupations liées à ce qu’on peut considérer comme des « piliers » de l’exception culturelle audiovisuelle, la Scam formule diverses propositions sur la responsabilité des services d’hébergement numérique, la réponse graduée, la rémunération pour copie privée qui concerne non seulement l’audiovisuel mais aussi les autres répertoires que représente la Scam dont le livre, l’image et la presse au sujet desquels nous exposerons les positions qui sont les nôtres au regard de l’actualité de ces secteurs.


14 PROPOSITIONS POUR LA « MISSION LESCURE »

1 > Renforcer la responsabilité des hébergeurs : la Directive sur le commerce électronique de 2001 doit être revue ; les « hébergeurs » qui ont des fonctions d’éditeurs ne peuvent s’exonérer d’une responsabilité sur la légalité des contenus distribués.

2 > Assurer une véritable rémunération pour copie privée : assujettir tous les matériels permettant la copie et étendre cette rémunération au « cloud computing ».

3 > Adapter aux particularités du documentaire la chronologie des médias et les durées d’exclusivité dans l’audiovisuel.
– en ramenant le délai de la diffusion sur la télévision coproductrice de 24 à 12 mois après la sortie du film et tous les délais qui en découlent ensuite.
– en permettant des opérations ponctuelles de sorties simultanées en salles et sur des plateformes de VàD payante.
– en limitant, sauf exception, les durées d’exclusivité des chaînes à 2 ans au plus à compter de la remise du prêt-à-diffuser.
– et en les assujettissant plus étroitement à l’investissement du primo diffuseur.

4 > Assurer le financement du compte de soutien du CNC

– en préservant les ressources du CNC qui doit faire face à une augmentation continue du nombre de productions, corollaire du nombre toujours plus élevés de services de télévision.
– en étendant l’assiette de la TST aux recettes de la télévision de rattrapage et aux nouveaux acteurs tels que les « agrégateurs de vidéos ».
– en permettant aux FAI de refacturer une part de la TST aux consommateurs importants de bande passante.

5 > Mieux aider le documentaire de création
– en déterminant un barème objectif et pragmatique pour bonifier les aides aux productions artistiquement « ambitieuses ».
– en orientant davantage le compte de soutien en direction des SMAD.
– en assurant l’essor de la vidéo à la demande.

6 > Consolider un financement pérenne et indépendant de l’audiovisuel public en augmentant la contribution à l’audiovisuel public d’au moins 17 euros sur cinq ans, hors inflation.

7 > Maintenir l’action pédagogique de la réponse graduée mais en substituant à la coupure de l’abonnement une sanction de simple amende.

8 > Renforcer la gestion collective des droits qui facilite les exploitations de masse telles que les permettent les services numériques.

9 > Faciliter les rapprochements ARCEP-CSA, compte tenu de la convergence des médias. Le débat sur l’Hadopi et sur ses compétences sont probablement à intégrer à la réflexion.

10 > Adapter les principales clauses des contrats d’édition au développement du livre numérique : durée de cession, assiette des droits, exploitation permanente et suivie, épuisement des droits, reddition des comptes. Ceci passe par un accord interprofessionnel et/ou une modification du Code de la propriété intellectuelle.

11 > Encourager la gestion collective pour les exploitations de banques d’images et des publications créditées « DR » c’est-à-dire libres de droits.


12 > Réformer les modalités d’attribution de la carte de presse
 dont les critères ne sont plus totalement adaptés à la réalité du métier protéiforme de photographe.

13 > Mettre en place un fonds de soutien à la photographie numérique.

14 > Assurer une juste rémunération des journalistes pour l’indexation des articles de presse par les moteurs de recherche dès lors que les éditeurs obtiendraient une rémunération à ce titre.

À ÉCOUTER

Jean-Xavier LESTRADE, Président
Hervé RONY, Délégué général
Nicolas MAZARS, Responsable juridique de l’audiovisuel et de l’action professionnelle