l’édito de Ange Casta, président de la Scam



Exister…

Certes, dans la vie, à chaque instant « …Je reconnais quelque chose – je re-connais – un objet, des personnes, moi-même, mais je demande aussi à être reconnu par les autres. Et si par bonheur il m’arrive de l’être, la reconnaissance devient gratitude envers ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont reconnu mon identité en me reconnaissant », disait le philosophe Paul Ricœur.

Peut-on véritablement exister sans être reconnu, aujourd’hui, plus tard, vivant ou mort ? Que seraient la culture, les civilisations, sans ce signe lancé à travers le temps, qui n’a pas besoin des mots ?
Et quel serait le sens de ce qui nous réunit, ici, chaque année, au Fipa, si le but n’était pas de désigner pour chacun de nous celui ou celle à qui nous devrons un instant d’émotion, un éclair de lucidité, un sujet de réflexion, qui deviendra peut-être un repère, un modèle, un exemple ?
La création se nourrit de solitude et ne trouve sa vérité que lorsqu’elle rencontre l’autre.
La marchandisation mondialisée de nos sociétés, de nos comportements, mais aussi des esprits, tend peu à peu à faire disparaître, ou à pervertir, cet échange, ce langage subtil qui construit nos identités, nos solidarités, nos imaginaires, dans leur diversité. Comment ne pas voir le mal-être grandir?
Dans les domaines qui sont les nôtres, ceux de l’image, du son, du regard, de la parole, du rêve, la dérégulation dans laquelle tentent de survivre les créateurs, auteurs, réalisateurs, n’est plus seulement faite de solitude, mais de désarroi. Je pense à ceux qui ont choisi d’emprunter ce chemin avec exigence, habités par le désir de découvrir, le souci de vérité, le besoin de partager.
Ce sont ceux-là qui comptent et qui, à leur manière, façonnent l’avenir. L’absence d’écoute, de dialogue, de reconnaissance de ce qu’ils sont, de ce qu’ils donnent, est pour eux plus lourde à porter que les difficultés matérielles de leur existence.
Dérégulation où se cumulent la perte du sens, l’absence de responsabilité du politique, la confusion et le dévoiement des structures, la faiblesse ou le calcul des décideurs, la bataille des ambitions, la toute puissance de l’argent.
La Télévision publique aurait pu être ce lieu d’échange et d’enrichissement profitable à tous si elle n’avait, en grande partie et depuis longtemps, renoncé à l’essentiel de ses missions.
Pour être juste, donnons acte au nouveau Président de France Télévisions d’en avoir pris conscience, de l’avoir dit avec courage et lucidité, et malgré la faible marge qui lui est laissée, de tenter d’allumer une petite lumière, très loin au bout du tunnel.
C’est pour toutes ces raisons que la Scam a décidé de désigner chaque année à nos regards dans des conditions clairement ouvertes, 30 œuvres nouvelles de grandes qualités qui recevront, à la fois en terme de promotion et de notoriété, une légitime reconnaissance, accompagnée d’un soutien financier significatif.
A côté de Brouillon d’un rêve, dès le printemps prochain, Les Étoiles de la Scam commenceront à briller.