La Scam dresse chaque année lors du Marché international du documentaire et des expériences narratives, un état des lieux du secteur audiovisuel.
L’occasion de donner le point de vue des auteurs et des autrices sur leur situation et les chantiers français et européens en cours.

Financement de l’audiovisuel public : assurer l’avenir !

L’annonce par le Président-candidat de son souhait de mettre fin à la contribution à l’audiovisuel public, puis du Président-élu d’y mettre fin dès 2022, et donc dans l’urgence, est un coup de tonnerre pour la création audiovisuelle. Cette annonce intervient avant même les conclusions d’un rapport conduit par les inspections des finances et des affaires culturelles attendues pour juin. Elle fait naître une profonde inquiétude sur l’avenir du financement de l’audiovisuel public autant que sur son indépendance. A ce jour, personne, y compris au sein de la majorité, ne semble savoir quel est le mécanisme de financement envisagé en lieu et place de la redevance.

Les auteurs du documentaire, dont le service public de l’audiovisuel est le premier diffuseur, sont concernés au premier chef. La Scam encourageait depuis plusieurs années la transformation de l’actuelle redevance pour qu’elle soit « universalisée », sur le modèle d’une réforme opérée en Allemagne avec succès en 2013.

La Scam fera entendre sa voix pour que le nouveau dispositif assure la pérennité, l’indépendance et une ambition pour l’audiovisuel public, et ne permette jamais à l’Etat de moduler le financement au gré de ses volontés.

Financement de la création par les plateformes étrangères : pour des engagements significatifs.

La transposition de la directive « Services de médias audiovisuels » dans le droit français a permis de fixer des obligations de financement de la création aux acteurs de la diffusion à la demande proposant leur catalogue en France mais ayant leur siège social à l’étranger. Un décret dit « SMAD », adopté le 22 juin 2021, oblige désormais ces offreurs à investir 20% de leur chiffre d’affaires français (CA) dans la création d’œuvres principalement européennes et indépendantes.

Ce texte donne aussi à l’Arcom (ex-CSA) la responsabilité de déterminer le détail des contributions dans des conventions avec chaque service. Les premières conventions, qui concernent les services les plus importants, ont été signées en fin d’année dernière. Elles fixent hélas des objectifs dérisoires pour le documentaire : 3% de l’obligation audiovisuelle (16% du CA) pour Amazon, 1,5% pour Disney+ et 0,6% seulement pour Netflix. Ce n’est pas acceptable.

Ces objectifs sont évidemment source pour nous d’un fort mécontentement. Elles font craindre pour l’avenir du documentaire sur ces services audiovisuels pourtant prometteurs pour la création. Nous continuons de privilégier la voie de l’entente et la négociation aux côtés des producteurs avec Netflix pour obtenir des engagements à la hauteur des moyens de ces plateformes mondiales.

Soutien à la création documentaire : poursuivre la concertation.

La Scam, avec les organisations représentant le documentaire, a engagé une concertation avec le CNC en début d’année. L’objectif est de parvenir à une meilleure adaptation des soutiens à la création documentaire. La concertation, qui devrait produire ses premiers effets prochainement, comprend deux volets :

  • L’extension de l’aide à la conception aux auteurs de documentaire : ce soutien, directement perçu par les auteurs et réalisateurs, était jusque-là réservé aux créateurs de la fiction et de l’animation. Elle devrait prochainement – et enfin ! – être étendue aux cinéastes documentaires. La Scam reste attentive aux modalités de mise en œuvre encore en discussion.
  • Un cycle de discussions sur l’adaptation et la revalorisation des aides à la création documentaire. La Scam a proposé des modifications du règlement général des aides permettant un meilleur accueil des images tournées à titre conservatoire et des images d’archives dans le calcul du soutien aux œuvres documentaires qui devraient pouvoir aboutir prochainement.

La Scam se devra, par ailleurs, d’être très attentive s’agissant de la négociation d’un nouvel accord documentaire avec France TV de manière à préserver les engagements du groupe public, en particulier en faveur des documentaires unitaires.

Régimes social et fiscal : harmonisation à l’horizon ?

La création l’an dernier d’une « Délégation aux politiques professionnelles et sociales des artistes-auteurs et aux politiques de l’emploi » au sein du ministère de la culture a permis d’offrir une enceinte de concertation pour poursuivre l’amélioration pour les artistes-auteurs de leur accès aux droits sociaux. La Scam y participe très activement en répondant à l’ensemble des concertations menées. Elle continue aussi de plaider pour l’harmonisation des régimes social et fiscal des artistes-auteurs.

L’objectif final reste double : permettre un accès toujours meilleur aux droits sociaux et une « vie administrative » fortement simplifiée.

La Scam aux avant-postes de la création : premier accord avec des médias sociaux.

La Scam est devenue, le 24 mai dernier, le premier organisme de gestion collective de l’audiovisuel au monde à conclure officiellement un accord de licence avec des médias sociaux. Cet accord permet d’autoriser « Meta », à diffuser les œuvres des membres de la Scam (France, Belgique et Luxembourg) sur ses services Facebook et Instagram. La perception d’une redevance annuelle par la Scam permettra à tous les auteurs et autrices d’obtenir les droits qui leur reviennent en proportion de la diffusion et de l’audience de leurs contenus.

C’est un moment historique pour notre communauté qui concrétise les avancées permises par la directive droit d’auteur, adoptée en 2019, et de son article 17 qui rend les plateformes de partage de contenus responsables face au droit d’auteur.

Cet accord intervient après un autre accord avec Brut X. Ces engagements démontrent la capacité de la Scam à adapter le modèle de la gestion collective aux nouvelles formes de la création.

Négociations professionnelles : vers de meilleures relations auteurs/producteurs.

La Scam se félicite d’avoir abouti aux côtés de la Boucle documentaire, de la Garrd et de la SRF, dans la négociation d’une charte tripartite avec les syndicats des producteurs audiovisuels (SATEV, SPECT, SPI et USPA) et France Télévisions. Cette charte signée lors de la tenue du Fipadoc est un signe éminemment positif et structurant dans les relations auteurs-producteurs-diffuseurs. La Scam appelle désormais de ses vœux la signature d’une charte sur le même modèle avec ARTE-France.

Par ailleurs, la Scam a engagé avec la Boucle et la Garrd, des négociations professionnelles auteurs-producteurs afin d’actualiser la charte bipartite signée en 2015. Cette négociation s’est fixée pour but de parvenir à définir des minima de rémunérations pour les auteurs pour cette phase essentielle et critique du travail créatif. Nous espérons parvenir ainsi à donner des repères financiers pour la profession qui en a besoin, et faire reconnaître à sa juste valeur le travail d’écriture du documentaire.

Les rendez-vous de l’Europe.

Le Parlement et les États européens ont conclu, le 23 avril dernier, un accord politique sur le Digital Services Act, un règlement destiné à renforcer la responsabilité des plateformes sur les contenus en ligne. Si de nombreux points restent encore en discussion, les acquis de la directive droit d’auteur ont été préservés.

La France, qui a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne le 1er janvier dernier, pour une période de six mois, a invité les Etats membres à faire connaître leurs observations sur les pratiques de contournement des dispositions qui protègent le droit d’auteur sur leur territoire.

Les réponses, compilées dans un rapport sur l’« effectivité du cadre européen du droit d’auteur » adopté le 1er juin dernier, laissent entendre que de nombreuses plateformes continuent d’imposer le buy-out (rémunération forfaitaire et définitive récompensant la création et la cession définitive des droits sur une œuvre) aux auteurs auxquels elles font appel.

Ces constats pourraient encourager l’Union à se doter d’une législation interdisant expressément ces dispositions contractuelles. Un tel texte permettrait de combler les failles dans la transposition des articles 18 et suivants de la directive « droit d’auteur », qui devaient mettre en œuvre un vrai droit à rémunération proportionnelle pour les auteurs. La transposition est en effet insatisfaisante dans plusieurs états.