Le président de la Scam rend hommage à Christophe de Ponfilly au conseil d’administration



Paris, le 2 juin 2006

Je veux dire quelques mots après la mort de Christophe de Ponfilly…
Je me demande si la Scam a suffisamment compris le sens du message qu’il essayait de nous faire passer. Il vivait de plus en plus difficilement, comme nous tous ici à la Scam, le naufrage de la télévision, pas seulement en tant qu’outil dévoyé de ses fins, mais aussi la dérive d’une société dont elle est le reflet, et où l’on voit se défaire, se dissoudre peu à peu ce qui donne un sens au fait même d’exister : le rapport à l’autre, à soi, à la mémoire, à la nature, à l’esprit.

J’ai revu hier le film qu’il a fait sur le Commandant Massoud. Avec ses images, Christophe a écrit un moment de l’Histoire contemporaine du Moyen Orient dont on voit à quel point elle pèse dans l’équilibre mondial. Il s’est manifestement identifié à Massoud qui était devenu son ami, à son refus, à sa résistance contre ce qui était injuste. Il s’est aussi identifié à l’Afghanistan comme à un espace de vie où la vérité et le sens étaient encore présents dans les gestes de chaque instant. Christophe ne supportait plus, il ne se voyait plus dans ce que sa propre vie était en train de devenir. Il prêchait la révolte. Il voulait faire un film violent pour dénoncer ce que la télévision était devenue, ce que son métier était devenu. Il voulait mettre en cause, nommer, ceux qui pour lui en étaient responsables.

Il est venu m’en parler il y a quelques mois. Vous savez que depuis très longtemps j’ai dit et écrit sur tout cela. Vous imaginez à quel point je comprenais ce qu’il me disait. Il souhaitait que la Scam l’aide à faire aboutir cette volonté de film. Je lui ai tout de même dit : « Tu sais Christophe que tu brûles tes vaisseaux ? » Il m’a répondu : « Je m’en fous ! ». Il n’est pas parvenu à mettre ce projet sur pied. Alors il a fait un film de fiction, qu’il venait de terminer, toujours sur l’Afghanistan. Il espérait pouvoir le présenter au cours de la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes. Cela ne s’est pas fait…

Christophe de Ponfilly était un homme de convictions, d’exigence et de courage. Il était allé aussi loin qu’il lui était possible d’aller. On ne lui permettait pas d’aller plus loin encore.

Sa mort, je crois, n’est pas un renoncement. C’est son dernier geste de protestation. Elle doit nous faire réfléchir.