« Je rencontre Laurence dans la cour du lycée Janson de Sailly dans les années 1970. Nous n’avons de sœur ni l’une ni l’autre et notre amitié se construit dans cette proximité sororale inaltérable pendant plus de cinquante ans. »
Son goût pour le cinéma l’écarte rapidement de la voix apparemment royale que ses parents imaginaient pour elle : reprendre « l’affaire » familiale dans la confection et se marier avec un bon juif…. Elle travaille, entre autres, pour l’émission Cinéma, cinémas et commence à réaliser ses propres films dans les années 1980. Elle rencontre le père de ses enfants, le grand chef opérateur Martin Schäfer qui, comme elle, est parti trop vite, en 1988 d’une crise cardiaque. Veuve à 32 ans, elle fait alors preuve d’un courage magnifique, tout comme récemment face à la maladie.
Grâce à Serge Daney, qui lui propose en 1989 d’aller couvrir le Festpaco à Ouagadougou pour le journal Libération, commence sa grande histoire d’amour avec l’Afrique. Laurence s’installe à Dakar en 2002 et acquiert la nationalité sénégalaise en 2008. Elle vit entre Dakar et Paris pendant vingt ans sans oublier de voyager sur le reste du globe.
Elle réalise nombre de documentaires en s’intéressant aux communautés libanaise ou cap-verdienne établies au Sénégal ou à ces histoires croisées, celle des Juifs noirs ou de
femmes vietnamiennes veuves de soldats sénégalais. Son œil s’exerce aussi à la photographie et son imagination nous entraîne dans quatre formidables romans inspirés également par l’Afrique.
À lire les hommages magnifiques qui lui sont rendus sur les réseaux sociaux depuis le funeste jeudi 14 septembre, nous constatons combien elle avait créé de liens forts et généreux tant au Sénégal qu’elle aimait passionnément que sur les autres continents.
Laurence avait l’obsession d’être à l’heure à ses rendez-vous.
Aujourd’hui, elle est partie trop en avance, à 68 ans, riche encore de projets de films et de livres. Elle nous manque déjà.
Corinne Bacharach, autrice de « Margot Capelier, reine du casting », Actes Sud, 2022

Filmographie documentaire de Laurence Gavron
- 1980 : Just like Eddie (portrait d’Eddie Constantine), 55 min
- 1991 : Ninki Nanka, le Prince de Colobane (portrait du cinéaste Djibril Diop Mambety), 45 min
- 1995 : Y’a pas de problème ! : fragments de cinémas africains, 66 min
- 1999 : Naar bi, loin du Liban (les Libanais au Sénégal), 40 min
- 2000 : Sur les traces des mangeurs de coquillages (les fouilles archéologiques dans le Sine-Saloum), 52 min
- 2004 : Le Maître de la parole – El Hadj Ndiaga Mbaye, la mémoire du Sénégal (Ndiaga Mbaye, un célèbre griot), 55 min
- 2005 : Saudade à Dakar (la communauté cap-verdienne établie à Dakar), 52 min
- 2006 : Samba Diabaré Samb, le gardien du temple(l’un des derniers griots du Sénégal), 68 min
- 2008 : Yandé Codou Sène, Diva Séeréer(la griotte de Senghor), 63 min
- 2008 : Assiko !
- 2013 : Manger au bol, 6 min
- 2013 : Le Déménagement, 4 min
- 2015 : Juifs Noirs, les racines de l’olivier, 53 min
- 2016 : Si loin du Vietnam, 60 min
- 2022 : Le Père du marié, 14´45 min