Le 6 mars, Jean-Jacques Beinex, Julie Bertuccelli, Jean-Xavier de Lestrade et Yves Jeuland interpellaient les candidats à la Mairie de Paris, sur l’avenir de ce lieu unique. Un article signé Isabelle Répiton, journaliste.

La Cinémathèque Robert-Lynen, qui œuvre depuis 1926 à l’éducation à l’image des enfants, dans le 17e arrondissement parisien, à deux pas du siège de la Scam, est menacée. Le 6 mars, la Scam y organisait une conférence de presse et interpellait les candidats à la Mairie de Paris, sur l’avenir de ce lieu unique.

C’est une petite salle de cinéma des années 50, au charme suranné. Rideau rouge en fond de scène, fauteuils au velours passé, un peu râpé, projecteurs exposés tout autour : elle est intacte depuis son installation, 11, rue Jacques Bingen, dans le 17e arrondissement, en 1947. Un lieu méconnu et oublié. Et pour cause : faute d’être mise aux normes de sécurité par la Ville de Paris, propriétaire de l’immeuble qui lui fut légué par un collectionneur d’art, la Cinémathèque Robert-Lynen n’accueille plus ni public ni classes des écoles de Paris, depuis plus de vingt ans. Cette institution municipale d’éducation « à l’image », héritière de la « Cinémathèque scolaire de la Ville de Paris », créée en 1926, intervient pour l’essentiel « hors les murs » : ateliers dans les centres de loisirs, projections sous le préau de 120 écoles où chaque mois un animateur installe un projecteur 16 mm et fait découvrir aux enfants nés à l’ère du virtuel, la magie de la pellicule.

Films pour enseigner la géographie, l’hygiène… que produisaient avant-guerre Pathé, Gaumont, Eclair ; films d’auteurs, de Nanook l’Esquimau (1922) de Robert Flaherty, à des œuvres de Jacques Demy, Joris Ivens, Chris Marker, Agnès Varda…: près de 4.000 titres sur copie 16 mm (ou 35 mm) et 10.000 photos, constituent la collection sur laquelle veille Emmanuelle Devos, directrice passionnée, et une équipe de dix-huit personnes.

La Ville de Paris a projeté de vendre le bâtiment, de numériser le fonds pour diffuser les images en ligne ou sur DVD. Face à la contestation, elle a renoncé. Jusqu’à l’année scolaire 2014/2015 au moins, les projections 16 mm seront maintenues.

Mais quid du lieu ? Julie Bertuccelli, présidente de la Scam, et animatrice de longue date d’ateliers cinéma dans les écoles, a initié le comité de soutien à la Cinémathèque. Tous les candidats à la Mairie de Paris ont été conviés le 6 mars rue Jacques Bingen, à débattre de l’avenir.

Jean-Jacques Beineix a d’abord témoigné. Lycéen, « si je n’avais pas un jour poussé la porte de cette cinémathèque, je ne serais pas devenu cinéaste. J’ai fait du cinéma grâce à la façon un peu sacerdotale qu’avaient les instituteurs qui étaient là de nous parler du cinéma, d’organiser les débats ».

Jean-Xavier de Lestrade a rappelé aux politiques l’enjeu fondamental de l’éducation artistique, qui permet de développer une sensibilité propre, et « au final la capacité de choisir sa vie ».

Unanimes, Eric Garandeau, (ex-Directeur général du CNC), représentant la candidate UMP Nathalie Kosciusko-Morizet, Danielle Simonnet, candidate du Parti de Gauche, et Christophe Najdovski, Europe Ecologie (EELV), se sont engagés à maintenir la Cinémathèque et à réhabiliter le bâtiment.

Anne Hidalgo (PS), favorite du scrutin, était représentée par Bruno Julliard, par ailleurs adjoint à la Culture de l’équipe Delanoë, celle qui avait envisagé le démantèlement de la Cinémathèque. Il a rappelé qu’Anne Hidalgo, si elle est élue, s’est engagée à ne pas disloquer la Cinémathèque et à conserver ensemble le fonds d’images et la mission d’éducation.

Quant au maintien dans le lieu actuel, c’est « le scénario privilégié », mais seulement si le coût de rénovation du bâtiment reste « raisonnable ». Sinon…il faudra déménager dans un lieu encore indéterminé. Les études seront lancées au lendemain des élections, a-t-il promis. Un devis, il y a quelques années, chiffrait les travaux à 4 millions d’euros (sur un budget culture de 300 millions à Paris !).

La Scam est prête à s’engager comme partenaire d’un projet pour la Cinémathèque, autour du patrimoine documentaire, pour faire revivre le lieu, au-delà de sa mission scolaire.