Les pouvoirs publics doivent maintenant mettre en oeuvre cette feuille de route pour une ambitionculturelle au service de tous. Les auteurs de la Scam seront aux rendez-vous des concertations àvenir afin d’y contribuer activement.

Culture Acte 2, Contribution aux politiques culturelles à l’ère du numérique

La remise du rapport de Pierre Lescure « Culture – Acte 2 » marque certainement un tournant dans l’évolution du secteur. C’est le premier de la sorte qui donne une vision d’ensemble de l’exploitation des œuvres à l’heure du tout numérique et de la convergence des médias. Ce rapport dont tout un chacun s’accorde à souligner la pertinence, est sans aucun doute l’outil précieux qui permettra effectivement aux œuvres et à leurs auteurs de trouver enfin leur marque dans l’univers numérique.
Deux grands chantiers doivent maintenant être entamés. Il faut structurer l’offre culturelle et redessiner le cadre de la télévision du futur. A cet égard, le rapport Lescure jette les bases d’une évolution des dispositifs agissant sur l’offre culturelle légale, et celles de la future grande loi sur l’audiovisuel.

1. Structurer l’offre culturelle numérique légale : L’auteur du rapport constate, en particulier dans l’audiovisuel et le cinéma, que l’offre est éparse, inégale et parfois incohérente. Il faut la restructurer.

Instituer une obligation d’exploitation permanente et suivie dans l’audiovisuel > La Scam dispose d’une charte des usages professionnels pour son répertoire audiovisuel signée avec les producteurs, qui est le cadre adéquat pour arrêter les conditions d’une obligation d’exploitation permanente et suivie conformément au code de la propriété intellectuelle. Les pratiques dans le milieu audiovisuel doivent tendre vers un réflexe de disponibilité numérique et la charte peut être employée à cette fin.

Réformer la chronologie des médias > La Scam adhère à la proposition 10 du rapport consistant à assouplir la chronologie des médias. Elle a plaidé pour trois des mesures qui sont mises sur la table : dérogation, avancement de la fenêtre de la VàDA et fenêtre glissante. La chronologie des médias est fondamentale, elle doit être maintenue mais elle ne doit pas non plus se retrouver à contre-courant de sa raison d’être : consolider le financement des oeuvres cinématographiques et fluidifier leur exploitation. Il
faudra trouver le juste équilibre.

Systématiser la numérisation des œuvres > La Scam est prête à envisager une extension du dispositif légal récemment mis en place pour les livres indisponibles à d’autres domaines de son répertoire. D’une façon générale, toutes les pistes de réflexion tendant à systématiser l’exposition numérique des œuvres (subordination des aides, mobilisation des ressources existantes…) doivent être approfondies.

Adapter le Cosip > La Scam avait plaidé pour une évolution du Cosip et de ses ressources. Elle se félicite que les propositions faites d’une adaptation de la TST à l’économie numérique notamment à la Télévision de rattrapage aux OTT, aux distributeurs en ligne et autres téléviseurs connectés, trouvent échos dans le rapport Lescure. De même, la Scam avait soutenu l’idée reprise par le rapport d’un financement par le CNC qui s’étende à l’ergonomie des plateformes et à la présentation des offres.

Améliorer le référencement de l’offre licite et le déréférencement de l’offre illicite > Porte d’entrée sur la toile, les moteurs de recherche doivent pouvoir mieux référencer l’offre légale. L’enjeu d’une recherche ne saurait se résoudre à la mathématique des pages vues et à la pertinence du mot recherché. Elle doit intégrer la légalité des propositions qui sont faites. Le tissu de l’offre légale dépend pour beaucoup d’une hiérarchie qui doit lui accorder la priorité.

Conserver la réponse graduée > L’offre légale est nécessairement appuyée de la réponse graduée.
Auparavant, le droit d’auteur régissait les rapports entre auteurs et professionnels du milieu culturel dans une relative sérénité. Internet a propulsé le droit d’auteur dans la sphère publique. Mal assimilé, mal interprété, il est l’objet de tous les fantasmes. Mais surtout, les intermédiaires, FAI, hébergeurs et autres exploitants d’Internet refusant d’assumer leur responsabilité, et en cela confortés par l’Union européenne, les auteurs se sont trouvés seuls à devoir défendre leurs droits. A défaut de responsabiliser les
intermédiaires, il a fallu responsabiliser les utilisateurs.
La réponse graduée est le dispositif pédagogique ad hoc pour ce faire. Elle doit absolument être maintenue avec une sanction à son terme. Il n’y a pas de pédagogie sans sanction. A ce jour, les pouvoirs publics comme l’Europe ne semblent aucunement disposés à responsabiliser davantage les intermédiaires, à tout le moins au titre de la propriété intellectuelle. La réponse graduée ne peut dès lors que persister.

Bannir la licence globale
> La Scam estime, au contraire du rapport, que la « licence globale » ou quelle que soit son appellation (« contribution créative », exception pour les « partages non marchands »…) est une proposition dépassée, ancrée dans un Internet des pionniers de la fin des années 90. Elle fait complètement abstraction de l’évolution d’Internet de ces dix dernières années : ses 40 millions d’utilisateurs français, ses mille milliards de pages, l’hégémonie de multinationales extra-européennes, les 3h50 mensuelles consacrées par les détenteurs de smartphone à sa consultation, l’avènement de la télévision connectée… Internet n’est plus un moyen d’exploitation résiduel qui pourrait être couvert par un régime d’exception comme la copie privée ou de simples licences plus ou moins consenties, mais bientôt un moyen de communication des oeuvres universel et sans doute inévitable à terme – et nous contribuons tous à ce qu’il le soit.

2. Une future loi sur l’audiovisuel connecté : Il est temps de poser les jalons de la télévision
numérique et d’en permettre l’essor. Il faut revoir les règles du jeu pour une concurrence saine qui profite à tous, du téléspectateur-usager aux anciens et nouveaux acteurs, jusqu’aux créateurs.
Etendre les compétences du CSA > La Scam soutient entièrement l’idée d’une extension des compétences du CSA en la matière. Cette autorité a fait ses preuves. Le récent succès du passage à la TNT le prouve encore au besoin. Le CSA est tout à fait apte à s’occuper de la réponse graduée qui, à l’heure de la convergence, doit soutenir l’offre télévisuelle.

Privilégier l’engagement dans la création
> Le principe du « donnant-donnant » qui émaille à plusieurs propositions du rapport Lescure est un principe vertueux pour asseoir une redistribution des cartes dans l’univers de la télévision connectée. Investissements dans les oeuvres audiovisuelles françaises, leur diffusion, respect de la propriété intellectuelle… doivent être pris en compte pour favoriser l’exposition des services qui jouent le jeu.

Réguler la distribution > Il y a lieu aussi de remettre à plat l’obligation de distribution des mêmes services par les distributeurs. Il faut préciser les contours de cette obligation et celle, impérative, de reprise des services de l’audiovisuel public, y compris de ses extensions interactives.

Prendre en considération les services mixtes > La Scam partage entièrement l’avis du rapport Lescure quant à la nécessité de mieux appréhender les acteurs de l’Internet qui ont une activité mixte. Le flou qui perdure sur les services qui à la fois hébergent, diffusent et distribuent, nuit considérablement au basculement de la télévision traditionnelle. Il faut distinguer leur activité de diffuseur et de distributeur afin de leur appliquer une réglementation adéquate. Cette clarification faite, la concurrence n’en sera que plus profitable pour tous et notamment pour les téléspectateurs.

3. Par ailleurs… > Des 80 propositions du rapport Lescure, ces deux axes de réflexion sont à l’évidence ceux qui doivent prioritairement être transformés à court ou moyen terme. Les autres propositions ne sont pas négligées par la Scam.

Si la Scam accueille ainsi avec intérêt l’idée de créer une taxe sur les objets connectés et ne méconnaît pas la nécessité de réfléchir à une meilleure transparence du dispositif de la copie privée, elle reste réservée sur la proposition d’adosser à terme la rémunération pour copie privée à cette nouvelle taxe. Elle soutient par ailleurs les propositions qui vont dans le sens d’un meilleur respect des droits des créateurs dans tous les domaines. A cet égard, elle estime qu’il y a urgence à établir une politique volontaire de sauvegarde des
droits des photographes.
La Scam n’est pas opposée à réfléchir aux propositions les plus novatrices et notamment concernant les licences créatives ou « licences libres ». Elle soutient également l’idée d’un encadrement et d’un soutien des initiatives de financement participatif (crowdfunding).