L’édito de Anne Georget, présidente de la Scam publié dans la Lettre Astérisque n°52.

En novembre, la Scam fêtera les dix années d’existence des Étoiles. 356 auteurs, 284 films distingués brillent au firmament. Je vous invite à venir les fêter les 7 et 8 novembre au Forum des Images. Ces Étoiles sont chères à mon cœur. Je m’y suis investie dès que j’ai décidé de m’engager à la Scam en 2004. Je me retrouve dans ce qu’elles disent de nos métiers. Elles reflètent à bien des titres l’esprit que je souhaite insuffler dans notre maison au cours de mes deux années de présidence.

La force de proposition
. Par leurs contenus et leurs écritures ces films brillent dans la masse des programmes de télévision. Ce sont des œuvres qui écoutent, portent, racontent, râlent, râpent, séduisent ou dérangent. Elles nous renvoient à une télévision enthousiasmante qui imagine mille manières de raconter le réel. Qui crée du lien, de la connaissance, du rêve, du rire. Comme l’Étoile
du berger, elles peuvent nous montrer un chemin. Les diffuseurs y attachent désormais une importance, une légitimité. En témoigne la vigilance des responsables de programmes au moment de la révélation du palmarès. Ils se réjouissent d’en avoir décrochées ? Tant mieux.

La force de la diversité. La constellation des répertoires de la Scam — écrit, images fixes, formes émergentes, radio, télévision — raconte l’essence de notre diversité. Notre « m » inventé par François Billetdoux est le signe que la création n’a pas d’exclusive. La diversité du profil des auteurs étoilés établit que la Scam est la maison de tous. De jeunes auteurs, par l’âge ou l’expérience, y côtoient des super novas. Certaines œuvres ont été correctement financées, d’autres sont nées de l’acharnement créatif et du sacrifice économique de leurs auteurs. Par leur rayonnement, les Étoiles varient aussi. Certaines ont touché le large public des chaînes historiques d’autres scintillent dans le ciel des chaînes locales.

La force du dialogue. Les Étoiles ne doivent pas faire oublier les côtés obscurs de notre quotidien. La relation auteur-producteur-diffuseur s’est assombrie. Certes la télévision reste de qualité et nos diffuseurs défendent la présence du documentaire, son existence même. S’il nous arrive de l’oublier, c’est que nous nous sentons menacés dans notre singularité et parfois contraints par des recettes
toutes faites qui abîment nos films. Il est urgent de nous mettre autour d’une table avec les producteurs et les diffuseurs et redéfinir le périmètre d’action de chacun, ses droits et ses devoirs dans une relation empreinte de respect mutuel. Comme nous l’avons fait avec les syndicats de producteurs, je souhaite établir avec les diffuseurs une charte des bons usages.

La force du collectif. Si aujourd’hui, nous sommes devenus incontournables dans le paysage audiovisuel, c’est d’abord grâce à cette idée de génie des fondateurs de la Scam : la défense de nos droits par la gestion collective. Je l’ai dit aux administrateurs qui m’ont élue, citant mes amis africains : « seul on va vite, ensemble, on va loin ». J’en suis intimement convaincue. La Scam, forte de ses 37 000 membres, pèse dans les négociations de nos droits, dans la défense de leur périmètre. L’administration mène à cet égard un travail remarquable au service de nous tous. Nous tous, cette galaxie, si vaste et si diverse pourtant unie par l’exercice de la création.

La force de la culture. Si les Étoiles ont cette vitalité, c’est qu’elles s’inscrivent dans une politique culturelle qui profite aux auteurs de tous les répertoires. Brouillon d’un rêve, la si précieuse aide au processus de création, est en pleine réorganisation. Il est impératif de raccourcir le temps d’instruction des dossiers pour que cette bourse s’inscrive dans le tempo réel des projets. Au soutien d’un nombre croissant de festivals s’ajoute une action de long terme. Nom de code « Mémoire du réel » : Julie Bertuccelli a initié ce projet destiné à réunir en un seul lieu les catalogues d’une vingtaine d’institutions détentrices de
notre mémoire télévisuelle et cinématographique. Un site unique (en lien avec les régions) où s’organiseraient une réflexion et une animation autour d’un fonds d’une richesse exceptionnelle. L’élan est donné, les négociations sont en cours avec le ministère de la Culture. Je ferai tout pour que ce lieu voie le jour.

La force de l’ouverture. L’émotion s’estompe mais le souvenir de la tragédie de janvier dernier nous dicte de questionner le monde, de rapporter sa complexité avec rigueur, douceur, brutalité ou poésie. Chacun son langage. Chacun son outil, stylo, micro, caméra, photo… Ne laissons pas l’espace aux formes simplistes et aux discours consensuels. N’abandonnons pas non plus l’idée de toucher les esprits au-delà du cercle des convaincus. Nos poussières d’étoiles sont précieuses aussi dans les poches où se serrent les poings.