Demain, réflexions pour une rentrée par Ange Casta

La rentrée, nous le savons depuis nos plus jeunes années, c’est le moment où l’on jette un coup d’œil derrière soi, avec plus ou moins de satisfaction ou de nostalgie, mais plus encore celui où l’on regarde devant. Demain… Demain ?
On se rassemble, on fait le tour de ce que l’on sait, de ses convictions, des projets que l’on aimerait voir se transformer en certitudes, on se fixe des échéances. On voudrait que ce soit le temps de l’espoir. Ce sera sûrement celui de dures batailles qu’il faudra mener, chacun pour soi, dans la solitude. Et pourtant…
La Scam devrait devenir le lieu où l’on met, en commun, des mots sur cette difficulté de poursuivre une vocation d’auteur, de créateur, de réalisateur confronté à des conditions souvent précaires, épuisantes, la plupart du temps dans un environnement hostile. Elle nous a fait choisir un chemin, qui a orienté notre regard sur le réel, sur le monde et sur nous-mêmes, qui a fait naître un sentiment auquel nous ne renoncerons plus, celui de vivre.
La Scam devrait, plus encore qu’elle ne l’est aujourd’hui, être cet espace de parole et d’échange pour comprendre, anticiper, construire un futur qui soit un peu plus proche de celui que nous avons espéré.

Donc, jetons une dernière fois un regard rapide sur l’année qui vient de s’écouler pour évaluer le chemin parcouru.
Cette année a été celle de la clarification. Nous avons essayé de comprendre les origines d’un malaise qui s’est emparé de nombre d’entre nous ces dernières années. Certains se sont interrogés, ont pu douter.
Soyons concrets.
Nous avons d’abord mesuré à quel point les conditions statutaires du vote aux assemblées générales excluaient la plus grande partie des auteurs des décisions importantes qui orientent la vie et l’avenir de la Scam. Nous avons fait en sorte que cela change et que la démocratie soit élargie. Les statuts ont été modifiés. Le vote a été étendu à l’ensemble des auteurs par correspondance et par voie électronique. Il a été approuvé le 22 mars dernier au cours d’une assemblée générale extraordinaire par plus de 95 % des votants. Deux mois plus tard, le bilan comptable et le rapport d’activité de la Scam ont reçu le même accueil à l’assemblée générale ordinaire du 30 juin.

La clarification indispensable a ensuite porté sur l’autre point essentiel qui préoccupe les auteurs. Il s’agit des conditions de répartition des droits d’auteur pour les œuvres audiovisuelles.
Vous le savez, mais je me dois de le rappeler, un long travail d’analyse du répertoire audiovisuel a été effectué l’hiver dernier à la demande du conseil d’administration et auquel a largement pris part le commissaire aux comptes. Il a permis de faire apparaître des dysfonctionnements liés aux imprécisions des règles de répartition, à l’accroissement du nombre d’œuvres déclarées — actuellement 25 000 par an — et à l’inadaptation grandissante des procédures utilisées. Les règles d’objectivité prescrites par la loi qui régit les sociétés de perception et de répartition de droits n’étaient plus respectées comme il convenait. Il fallait y remédier. Le conseil d’administration de la Scam a pris en novembre dernier les décisions qui s’imposaient. N’oublions pas que la somme totale perçue par la Scam provenant chaque année des diffuseurs est une somme « finie ». Ce qui est attribué en trop à l’un est nécessairement retiré à l’autre…

Par ailleurs nous ne devions pas oublier que la Scam est une communauté d’auteurs ayant vocation à défendre les œuvres et la création
. Il était indispensable que l’objectivité appliquée à la répartition des droits s’accompagne d’une action déterminée et financièrement efficace en matière d’action culturelle, de valorisation et de promotion des œuvres et des auteurs. J’ai personnellement affirmé cette conviction dès les premières « Lettres aux auteurs » que je vous ai adressées en octobre et novembre 2003.
Les nouvelles générations doivent être aidées pour échapper au processus envahissant et aliénant de la marchandisation de l’espace audiovisuel dominé par une télévision, quelle soit privée ou publique, où le financement par la publicité dicte la loi. Cela est particulièrement vrai pour les œuvres documentaires dont le champ ces dernières années s’est diversifié et le public élargi.

Alors, demain ?
• Le grand chantier de l’élaboration d’un nouveau mode de répartition des droits entrepris en décembre dernier entre dans sa dernière phase. La formulation de la proposition qui sera faite à l’ensemble des auteurs est proche. Le travail effectué est considérable, l’administration de la Scam a joué un rôle important. Ce travail se chiffre par centaines d’heures, des paramètres multiples et des milliers d’informations ont été croisés, des simulations réalisées.

• Je rappelle ce qui a guidé la démarche pour définir ce nouveau mode de répartition : justice, équité, transparence, objectivité, simplification, pour permettre la définition de données informatisables. Ceci est devenu indispensable compte tenu de l’accroissement considérable des œuvres déclarées.
Ce travail ne s’est pas effectué dans le secret. Le nombre de participants a été élargi au fur et à mesure de la progression. Le conseil d’administration a été tenu au courant des différentes étapes. Il se prononcera sur le projet le moment venu.
• Dans le même temps, une étude est en cours pour définir les conditions juridiques et financières qui rendront possible ce qui est nécessaire : l’installation du fonds de valorisation de la création qui complétera le dispositif. Son financement marquera la solidarité des auteurs pour appuyer la politique de soutien à la création de la Scam. Il permettra chaque année de distinguer et de promouvoir un certain nombre d’œuvres remarquables du répertoire diffusé. Les conditions d’indépendance et de pluralité de ce choix seront définies. Nous y reviendrons.

• Le calendrier, qui permettra de communiquer à l’ensemble des auteurs le résultat de ce travail et la proposition qui en découle, est en préparation. Chacun pourra se familiariser avec ces procédures nouvelles et apporter ses observations, qui permettront, si besoin est, de l’amender et de l’améliorer.
Dernière étape, l’ensemble du projet — nouveau mode de répartition et fonds de valorisation de la création — sera ensuite soumis à l’approbation des auteurs à l’occasion d’une assemblée générale extraordinaire dont la date sera fixée ultérieurement.

• Autre moment important de cette nouvelle année : l’assemblée générale ordinaire du mois de juin 2005 verra une partie du conseil d’administration actuel renouvelée. C’est l’occasion pour une génération nouvelle d’accéder aux responsabilités au sein de la Scam. J’en ai exprimé le vœu à plusieurs reprises. A vous de jouer…

L’événement de l’été
Comment terminer ces lignes sans l’évoquer ?
Les propos tenus par le président de TF1 pour marquer la place de « sa » télévision sont, j’en suis sûr, restés dans votre mémoire, inutile de les rappeler. Ils ne nous ont rien appris que nous ne sachions depuis longtemps. Mais cette fois c’est l’homme qui est au cœur du système marchandisé de la télévision qui parle. Avec des mots précis, évocateurs, et une tranquille assurance qui confine à la candeur, M. Le Lay décrit par la même occasion ce qui a provoqué la faillite des missions de la télévision publique, entraînée dans cette dérive. Elles étaient à l’origine, faut-il le rappeler : « informer, cultiver éduquer, distraire ». Autrement dit connaître, imaginer, créer, rêver… Épanouir en somme!
En dernière page de cette lettre, Jean-Claude Guillebaud, dont on sait la qualité de regard et de réflexion revient sur cela.
La Scam la première, dès la fin juillet, s’est élevée contre ces propos qui ont soulevé une émotion considérable. Elle a édité et diffusé une affiche tirée à 6 000 exemplaires, adressée à tous les festivals de l’été, à la presse, aux responsables politiques et culturels, aux associations de téléspectateurs, etc.
Des demandes d’affiches arrivent tous les jours, un nouveau tirage est en préparation. « Télérama » a pris le relais avec lucidité et vigueur. Des milliers d’appels ont été reçus :
« Bravo ! Qu’est-ce qu’on fait après ? ».
</p ></p >