On peut ne pas adhérer à toutes vos saillies, n’empêche, quand vous l’ouvriez, ça avait de la gueule.

A Yvonne Baby, autre grande disparue de l’année qui vous interrogeait en mars 1960 sur A bout de Souffle, vous lâchiez : « Ce film est un documentaire sur Jean Paul Belmondo et Jean Seberg ».

« Jean Luc Godard n’a jamais opposé fiction et documentaire. Pour lui, un film, c’est d’abord voir, avant d’écrire et filmer. C’est un documentaire avec des acteurs, le personnage est d’abord filmé « documentairement » : telle est la clé pour rentrer dans le cinéma de Godard, sa marque de fabrique » analyse Marc Cerisuelo, professeur d’études cinématographiques à l’Université Gustave Eiffel.

En 1959, à propos de Moi un Noir, film de Jean Rouch, vous écriviez dans les Cahiers du Cinéma : « Mettons les points sur les “i”. Tous les grands films de fiction tendent au documentaire, comme tous les documentaires tendent à la fiction ».

Vous remettiez le couvert, si j’ose dire, en 1992 dans un entretien avec Artavazd Pelechian dans Le Monde : « Aujourd’hui la différence entre documentaire et fiction, entre un film documentaire et un film du commerce, même s’il se dit artistique, c’est que le documentaire a une attitude morale qui n’existe plus guère dans le film de fiction. La Nouvelle Vague a toujours mêlé les deux, nous avons toujours dit que Rouch était passionnant parce qu’à force de documentaire il fait de la fiction, et que chez Renoir, à force de fiction, il fait du documentaire ».

On vous salue Godard, membre de la Scam depuis 1989. Parmi la trentaine d’œuvres  dont vous nous avez déclaré les droits, citons :  la série « Histoire(s) de cinéma » avec « Toutes les histoires », « Une histoire seule », « Seul le cinéma », « Fatale Beauté », « La Monnaie de l’absolu », « Une vague nouvelle », « Le Contrôle de l’univers », « Les Signes parmi nous »… et la série « Six fois deux / Sur et sous la communication », réalisée aux côtés de Anne-Marie Miéville.

Rémi Lainé, réalisateur, président