Temps d’antenne, horaires, rediffusions… La Scam a dévoilé au Sunny Side of the Doc 2013, son étude sur la place du documentaire à la TV. Un état des lieux de la politique éditoriale des chaînes sous forme de palmarès thématique.
Il y a documentaire et… documentaire. Reportages, grands reportages, magazines, collections, séries, docu-fiction, JT… Le répertoire « non-fiction » est vaste. L’objet de cette étude exclusive de la Scam se limite au « documentaire unitaire », celui dit le plus « créatif ». Celui qui nécessite de longs mois, voire des années, de travail, d’élaboration, d’écriture, de tournage… avant d’essayer de trouver son public en accédant aux écrans de télévision, le temps d’une diffusion, souvent perdu dans le maelström des programmes.
Le résultat est édifiant : un téléspectateur qui veut voir des documentaires doit dormir très tard… ou ne pas dormir. La visibilité de ce répertoire reste beaucoup trop limitée. Moins les diffuseurs exposent le documentaire, moins il fait d’audience… moins ils l’exposent. Il n’est pas conforme à la mission du service public pourtant dynamique dans ses investissements, que France Télévisions ait une politique de diffusion qui ne permette pas d’atteindre le public le plus large possible. Quant au secteur privé, les grands opérateurs ont délaissé le genre depuis longtemps ; à cet égard, la politique de TF1 notamment n’est pas acceptable.
Méthodologie : Cette étude a été réalisée sur la base des œuvres déclarées à la Scam par les auteurs pour la perception de leurs droits sur les œuvres diffusées en 2011. La classification des œuvres n’est donc pas celle du CNC ou du CSA. Ainsi, la catégorie «documentaires unitaires » comprend aussi les collections documentaires. Par ailleurs, concernant Arte, les chiffres ne tiennent compte que des documentaires francophones. Enfin, les statistiques ont été « consolidées » pour France 3 afin de tenir compte à la fois du réseau national et régional (24 régions) ; idem pour LCP (Assemblée nationale et Public Sénat) analysées sur un seul canal, celui de la TNT.
Temps d’antenne : vive le service public !
Il y a plusieurs moyens d’appréhender la place du documentaire ; le nombre d’oeuvres mis à l’antenne ou le nombre de minutes, les premières diffusions ou les rediffusions comprises… Quel que soit le filtre, France 5, la chaîne du savoir et de la connaissance, est sur la plus haute marche du podium et s’impose de loin comme LA chaîne du documentaire, suivie par Arte évidemment dont la politique documentaire fait les beaux jours de la chaîne depuis sa création. Le documentaire est donc un programme de service public !
Deux surprises cependant dans ce palmarès :
• Grace à un fort taux de rediffusions, LCP monte sur la 3e marche du podium et franchit la barre des 50.000 minutes programmées, devant France 3.
• Si France 2 est troisième en termes de nombre d’oeuvres mises à l’antenne, la première chaîne du service public est proche de TF1 en termes de minutage programmé.
20 / 22 heures le documentaire dort, inacceptable
On cherche les documentaires en prime time (20 / 22 heures). Le documentaire aux heures de grande écoute n’existe pas sur les chaînes privées. Il y a bien des reportages et des magazines dans cette tranche horaire… mais rarement de documentaires.
La tranche 20 / 22 heures représente 43.800 minutes de diffusion par an et par diffuseur. Seulement 3 diffuseurs franchissent la barre (pourtant basse) des 4.000 minutes programmées aux heures de grande écoute, soit 10 % du temps d’occupation du prime time. France 5 atteint 39 %, LCP 18 % et Arte un peu plus de 13 %.
LCP et France 5, en diffusant 14 à 15 % de leurs documentaires en prime time, jouent la contre-programmation mais aussi pleinement leur rôle d’acteur responsable de la vie démocratique.
La situation est pire en access prime time (18 / 20 heures) puisque que seuls 3 diffuseurs programment quelques documentaires : LCP en premier, Arte en second et France 5 en 3e position.
22 heures / minuit Le docu se réveille bien tard
Absent du prime time, on aurait pu croire que cette tranche horaire (22 h / minuit) soit le refuge naturel du documentaire… malheureusement pas, même si pour les principaux diffuseurs du genre, cette tranche horaire représente entre 8 et 18 % de leur diffusion de documentaires…
À l’inverse, pour les diffuseurs anecdotiques du genre (W9, M6…), la seconde partie de soirée représente 30 à 45 % de leur programmation documentaire… mais avec moins de mille minutes, beaucoup de rien = toujours rien !
Être programmé en début ou en fin de 2e partie de soirée, ce n’est pas du tout la même chose, la fin de 2e partie de soirée s’apparente souvent à une 3e partie de soirée pour ne pas dire à la nuit. Les cases documentaires ne bénéficient pas d’une programmation à horaires fixes permettant de fidéliser un public.
Minuit / 06 heures Le documentaire noctambule, sur le service public aussi
La nuit, les compteurs explosent ; Tous les diffuseurs remplissent leurs quotas en gavant leur grille de programmes de documentaires. Serait-il un programme conçu pour les noctambules ?
Au regard des volumes diffusés, France 5 est, là aussi, la première chaîne française. Cependant, pour les diffusions nocturnes de documentaires, il est plus intéressant de regarder un autre palmarès que celui des volumes diffusés.
Ainsi, TF1, le champion des audiences de prime time est aussi le champion de la diffusion nocturne des documentaires, second diffuseur en volume la nuit mais premier diffuseur en termes de politique éditoriale puisque la diffusion entre minuit et 6 heures du matin représente 96 % de sa programmation documentaires !
Triste première place pour la première chaîne européenne. Surprise, la première chaîne du service public, France 2, monte sur la seconde marche du podium : ¾ des documentaires programmés par France 2 sont ainsi diffusés ou rediffusés la nuit !… et plus de la moitié pour France 3. Sur les 6 heures de la tranche nocturne, les diffuseurs étudiés diffusent 42 % plus de documentaires que pendant les 12 heures de la tranche diurne (6 / 18 heures) !
Redifs Le documentaire est un programme amorti
Le documentaire est un programme patrimonial. À cet égard, il peut être rediffusé, c’est un de ses nombreux atouts. Ainsi, sur les chaînes étudiées, le coefficient de rediffusion du documentaire unitaire est égal à 3,5 alors qu’il n’est que de 2,4 si l’on considère le répertoire magazine.
En matière documentaire, on constate trois tendances :
• Les chaînes de la TNT rediffusent davantage les documentaires que les chaînes historiques. En rediffusant moins leurs documentaires que leurs divers magazines, les chaînes de la TNT confirment le peu d’intérêt qu’elles portent au genre. En revanche, les chaînes historiques privées rentabilisent leurs investissements ; elles rediffusent jusqu’à la corde les documentaires mais sans mettre le
genre en avant puisqu’elles remplissent leur grille nocturnes notamment.
• Les chaînes du privé rediffusent beaucoup plus que les chaînes publiques qui favorisent donc la création.
• Les chaînes à « tendance documentaire », France 5 et Arte, ont un coefficient de rediffusion proche de leur taux moyen de multidiffusion. Les chaînes historiques publiques favorisent un renouvellement de l’offre de programmes avec des coefficients de rediffusion inférieurs à 3.
France Télévisions et Arte
Derrière ces chiffres, il y a des œuvres. Les auteurs, les producteurs qui les font et les chaînes qui les diffusent. Derrière la froideur des chiffres, il y a les fameuses politiques éditoriales des diffuseurs. Elles ont fait leur apparition avec la multiplication des
chaînes dès l’apparition des chaînes privées. Chacune voulant se démarquer pour mieux fidéliser ses publics, toutes ont mis en place des politiques pour affirmer leurs différences.
Si en termes de volumes de documentaires diffusés, TF1 et France 2 sont proches, et si France Télévisions fait des choix horaires parfois contestables, en termes de politiques éditoriales c’est le jour et la nuit. Par ailleurs, France 2 fait partie d’un groupe ; France Télévisions mène une politique transversale de programmation des documentaires. Ainsi, en termes de minutages diffusés, France télévisions représente à lui tout seul plus de 41 % des presque 400.000 minutes de l’offre documentaire des diffuseurs étudiés. Le groupe public représente 43 % de l’offre en prime time, 58 % en journée (6 / 18 heures) et seulement 37 % la nuit car très concurrencé par TF1 sur cette tranche. Arte représente 17 % de l’offre en prime time, 34 % en journée, 11 % la nuit.
Un autre critère, le palmarès des Étoiles de la Scam est également évocateur ; depuis 2006 que la Scam attribue ses Étoiles distinguant 30 œuvres remarquables de l’année (soit près de 200 œuvres primées), TF1 et M6 n’ont jamais décroché une seule Étoile ! En revanche, France Télévisions et Arte en ont obtenues les 3/4.
> télécharger l’étude (pdf)
contact presse > Astrid Lockhart – 06 73 84 98 27 – astrid.lockhart@scam.fr