L’édito de Julie Bertuccelli, présidente de la Scam publié dans la Lettre Astérisque n°47.

La mise en valeur du patrimoine, la transmission au public et à la jeune génération à travers notamment l’éducation à l’image me  tiennent particulièrement à cœur. La bataille pour le respect de nos œuvres et de nos droits ne ressemble pas à un sprint mais bien à une course de fond ; il nous faut préparer le futur sans jamais perdre du regard le passé, l’histoire, la filiation et la transmission. Le dialogue, la formation et l’information des plus jeunes sont essentiels. À cet égard, il est temps de lancer la réflexion autour d’un vrai lieu de valorisation de l’histoire du documentaire dans toutes ses dimensions, télévisuelle, radiophonique, cinématographique… En effet, aucune cinémathèque et « audiothèque » digne de ce nom n’est facilement accessible au public comme c’est le cas pour le cinéma de fiction avec la Cinémathèque Française.

Certes, il existe des rétrospectives ponctuelles lors de festivals, il y a aussi les précieuses séances de « Documentaire sur grand écran », la salle des collections du Forum des images, le Mois du film documentaire, l’accès aux fonds de l’INA par internet, ou encore des plateformes spécialisées sur la toile, mais je pense qu’un projet plus complet vaut la peine d’être mis sur pied. Rendre hommage à ceux qui nous ont appris, offrir un écrin à nos répertoires, faire que nos films et nos documentaires sonores continuent de palpiter une fois leur « actualité » passée. Cette salle je la vois comme le lieu où l’on reçoit et regarde ensemble, où ce rituel crée une communauté éphémère d’où le débat et la réflexion peuvent surgir, où des rencontres avec les auteurs peuvent éclairer, sensibiliser et passionner.

Je ne sais pas encore quelle forme cela pourrait prendre, quels moyens et idées peuvent émerger mais j’ai envie d’y réfléchir avec vous. D’ores et déjà nous travaillons à l’organisation d’une journée consacrée au patrimoine et à toutes les questions qui s’y rattachent.

Parallèlement, la Scam essaye de participer au sauvetage d’une cinémathèque pour le jeune public. En effet, à quelques pas de l’avenue Vélasquez, la Cinémathèque Robert-Lynen est menacée de fermeture par la Ville de Paris. Elle doit être réhabilitée et mise aux normes. Je défends ardemment ce projet qui consiste non seulement à sauver une magnifique salle des années 50 — que peu de professionnels connaissent — mais également à faire perdurer une mission essentielle de sensibilisation des jeunes publics, nos spectateurs de demain. Cela se fait notamment sous forme de projections en 16 mm que cette Cinémathèque organise, depuis 1952, dans de nombreuses écoles à Paris, en s’appuyant sur son fonds magnifique et insoupçonné de près de 4 000 films, majoritairement documentaires. Il faut voir l’émerveillement de ces enfants de découvrir la pellicule film, eux qui ne connaissent que l’immatérialité de l’image numérique, présente en abondance, si facilement… qu’elle en perd sa valeur.

Pour redonner aux politiques, la volonté qui fait défaut, la Scam participe à la redéfinition du projet pédagogique pour les enfants et imagine un lieu d’exposition et de vie pour le documentaire à destination des professionnels et du grand public. Il s’agit de créer un lieu d’échange entre les générations sur le monde tel que nous le racontons.
De plus la Scam pourrait être partenaire de cette salle en y organisant des projections. D’autant que notre salle Charles-Brabant qui connaît un vif succès n’est plus suffisante pour recevoir toutes vos projections et nos envies de promotions de vos œuvres.

L’éducation et la transmission auprès des jeunes me semblent essentielles pour aiguiser leur exigence, leur écoute et leur regard sur les images, la télévision, les documentaires et les reportages… Pour les ouvrir au monde, pour en faire des citoyens et non de simples consommateurs. N’est-ce pas aussi la raison d’être de nos œuvres ?