Les auteurs racontent le monde… Le 19 juin, la Scam a remis ses grands prix, en présence des lauréats.



* Prix d’honneur – Prix des auteurs à Bernard Pingaud
Romancier, essayiste, infatigable militant de la culture, Bernard Pingaud est un défenseur de la politique du livre et de la lecture. Ancien
des Temps modernes, toujours en avance d’un regard sur le monde, Bernard Pingaud est un écrivain-guetteur qui n’en a jamais fini avec l’écriture.

Télévision

* Prix Charles Brabant pour l’ensemble de son œuvre à Mosco Levi Boucault
Le documentaire chez Mosco Levi Boucault, c’est la plongée en humanité. Ses enquêtes sont rigoureuses, ses témoins d’une lumineuse subjectivité, et son désir d’humour, insatiable.
Après l’avoir suivi dans les méandres des commissariats de France, après s’être interrogé avec lui sur les témoignages des brigadistes italiens, après avoir parcouru les différents chapitres de l’histoire du PCF, on s’autorise un fou rire en dévorant l’addictive anthologie Le sourire de…, jamais lassé par les pépites récoltées par Mosco le chercheur d’Homme : «Ce sont des moments où l’esprit se régale, se libère et se donne en partage. »

* Prix de l’œuvre de l’année à Sébastien Lifshitz pour Les Invisibles
115’, Zadig films, 2012, César du meilleur film documentaire 2013
Les Invisibles racontent l’évidence de la liberté. Liberté sans condition, liberté de vies d’insoumis. Les hommes et les femmes amoureux rencontrés par Sébastien Lifshitz ne sont ni parisiens, ni artistes, ni icônes. Ces vivants nés dans l’entre-deux-guerres, habitants de petites villes ou de campagnes, homosexuels dans une France effrayée par le spectre de la «déviance », font le récit de l’amour, de la recherche du bonheur coûte que coûte. Sous l’œil de Sébastien Lifshitz explosent le courage qui prend aux tripes, la joie et la fierté, le désir, la vie.

* Prix Découverte Sébastien Coupy et Bertrand Larrieu pour Lux

50’, Z’azimut films, 2012
Lux, c’est un road movie paradoxalement lumineux, tout en sons et photos, à travers un Burkina Faso plongé dans les ténèbres. Un pays en manque d’électricité mais plein d’énergie humaine.
Seb Coupy et Bertrand Larrieu pistent de village en village le raccordement tant espéré, si coûteux et si fragile – eux-mêmes, parfois en quête d’électricité pour recharger leur matériel. La virtuosité du montage du son et des images donne vie à des rencontres précieuses. Des hommes et des femmes à qui il arrive, malgré l’habitude et souvent la résignation, d’avoir peur du noir, celui des sorciers, que le luxe électrique pourrait parvenir à chasser.

Radio

* Prix pour l’ensemble de son œuvre à Alain Veinstein
Poète, écrivain, Alain Veinstein est une voix. Les auditeurs noctambules de France Culture lui doivent la naissance des Nuits magnétiques en 1978.
Espace résolument subjectif, au sein duquel les écrivains deviennent auteurs de radio. Chaque soir désormais, Alain Veinstein passe Du jour au lendemain en compagnie d’un auteur. Ses entretiens tissent un lien sensible et exigeant entre littérature et radio. Un espace d’échanges, un espace où l’on prend le temps. Et dans cet espace feutré comme un salon, la nuit s’étire dans un pur moment de voix littéraire.

* Prix de l’œuvre de l’année à Brigitte Brisbois pour Léon et Antoinette
48’30, Atelier de création sonore radiophonique (Bruxelles), 2013
Création radiophonique, documentaire, Brigitte Brisbois travaille à la lisière des genres. L’histoire: un père, une mère – les grands-parents de Brigitte –, douze enfants aujourd’hui soixantenaires.
Que raconte le souvenir collectif d’un couple de parents ? Comment les douze voix, subjectives et sensibles, forcément, s’accordent-elles pour esquisser les contours de ces personnages qui tout à coup prennent corps ? Miracle radiophonique du voyage dans l’intime, le trait ne se révèle pas si tremblant et on les entend bel et bien vivre, Léon et Antoinette. On les écoute pudiquement se rencontrer, s’aimer, prier et tenir leur rôle à la tête de leur tribu. On les voit, même. Et on s’étonne avec émotion de vivre à travers leur histoire la traversée d’un siècle.

* Prix Découverte pour Mégacombi
Radio Canut, Lyon
La primeteam officie en prime time sur Radio Canut à Lyon. Indescriptible objet sonore et réjouissant, dans la pure tradition antitradi des radios libres, Mégacombi n’accepte ni code ni case, à part sa case horaire du mercredi à 18 heures. Les radio-actifs et les radio-actives du collectif cherchent le free son aux quatre coins du monde, à vélo, en manif, sous terre, en Turquie, en Tunisie ou à la Croix Rousse, en reportage ou en fiction.

Journalisme

Prix pour l’ensemble de son œuvre à Daniel Grandclément

Le tour du monde de Daniel Grandclément est un tour de l’Homme.
Quand il partage le périple en enfer d’une centaine de réfugiés somaliens et éthiopiens à bord d’une embarcation de fortune qui traverse le Golfe d’Aden, Daniel Grandclément ne rentre pas indemne. Le spectateur non plus.
Trois ans plus tard, le grand reporter retourne filmer ces immigrants sur les rives du Yémen, cette fois face à l’épreuve du désert. Avec la même sensibilité poignante, il suit les élèves des écoles coraniques au Sénégal.
Grandclément raconte l’horreur avec la farouche et constante volonté de « frapper le regard», en témoin engagé, de tout son être.


Écritures et formes émergentes

* Prix de l’œuvre d’art numérique à Perrine Michel pour Lame de fond
57’, Hors Saison, 2013
Une lame de fond arrive sans prévenir, se dresse toute puissante et emporte tout sur son passage.
Le titre du film de Perrine Michel nous aura prévenus. La maison de famille est mise en vente. Le père est mort. Le frère et la sœur s’expriment, bribes, voix off, Perrine
Michel raconte. Chantonne une berceuse aux accents sinistres. Et au détour d’une phrase, d’une photo, ouvre le couvercle de la marmite familiale. L’expérience du raz-de-marée démarre, la voie est sans issue. La réalité des souffrances endurées, enfant, dans cette
«maison du bonheur », fait jour sous cet étrange collage, à la frontière de la fantasmagorie et de la réalité.

* Prix des nouvelles écritures à Théo Le Du Fuentes, Charles Ayats, Jérémy Quentin et Antoine Guerchais pour Type : Rider, l’odyssée typographique
L’odyssée est onirique, le mouvement, fluide, la musique, envoûtante.
Type: Rider est une expérience graphique et poétique. L’œuvre se fait didactique, jamais austère, et au fil des tableaux, le joueur réalise une formidable plongée en typographie, addictive et réjouissante.

Institutionnel

* Prix de l’œuvre de l’année à Stéphan Moszkowicz pour Chronique de l’hépatite C, d’hier à aujourd’hui
11’56, TBWA, Adelphi pour Gilead, 2013
La maladie, c’est l’histoire d’un combat.
De chercheurs, de médecins, de tâtonnements expérimentaux. Au cœur de ce combat, il y a les patients. Les hommes et les femmes qui endurent des traitements lourds et invasifs, s’expriment comme on se libère, sous le regard de Stéphan Moszkowicz.
Approche sensible, humaine, sans commentaires : la parole est aux malades. L’objectif du film est autant de sensibiliser les professionnels de la santé sur les effets secondaires que sur l’espoir suscité par les nouveaux traitements.

Écrit

* Prix Joseph Kessel à Thomas B. Reverdy pour Les Évaporés – Flammarion, 2013
De la résidence Kujoyama à Kyoto, Thomas B. Reverdy est revenu avec un désir de fuite couché sur le papier.
«Pourquoi rechercher celui qui a voulu disparaître? » Pourquoi retenir à l’encre ces Évaporés ? Sans doute pour raconter, en creux de polar, le mystère, le désir et le chagrin, ces liens qui unissent deux êtres à l’amour et à l’existence.

* Prix François Billetdoux à Éric Chevillard pour Le Désordre Azerty Minuit, 2014
Éric Chevillard ne peut pas ne pas écrire. Apparent désordre des lettres du clavier, étrange agencement de mots qui font thèmes, prétextes à l’écriture qui jaillit. Avec jubilation, Éric Chevillard dresse un inventaire de ses objets littéraires.
Au Monde des livres, l’auteur feuilletonne chaque semaine.
Sur la Toile, son blog L’autofictif livre quotidiennement ses pensées, trouvailles libérées de toute convention narrative, tour à tour absurdes, philosophiques, spontanées, surréalistes.

Exposition > Qu’est-ce qu’un portrait ?
par Olivier Culmann, membre du collectif de photographes Tendance Floue.
Jusqu’au 5 novembre à la Scam – Entrée libre

Est-ce l’image que l’on a de soi-même? Celle que l’on voudrait renvoyer aux autres ? Celle qu’ils perçoivent ? Est-ce une photo de
soi ? D’un visage? Une photo d’identité officielle, avec ce qu’il faut d’oreille et de neutralité? La photo que l’on aime, que l’on encadre,
que l’on donne lorsque nécessaire, même si elle a vingt ans d’âge et n’est plus du tout d’actualité? Est-ce la vignette qui accompagne nos profils sur la Toile, ou les images apparaissant par centaines lorsqu’on tape un nom dans un moteur de recherche ?

Lorsque la Scam m’a demandé de réaliser les portraits des lauréats 2014, je me suis particulièrement interrogé sur les différentes façons d’interpréter ce mot. Non seulement il regroupait les multiples formes mentionnées précédemment, mais – a fortiori lorsqu’il
s’agit d’auteurs –, il me semblait difficile de ne pas tenir compte des œuvres qui leur étaient reliées.

Outre la réalisation d’une photographie – classique – de chaque lauréat, j’ai donc demandé à chacun de me donner des images,
des objets ou des morceaux de leur vie, de leur personne ou de leur œuvre. Puis, en m’inspirant de leur univers, de notre rencontre
et en jouant avec les différents modes de représentation, j’ai pris le parti de construire une image particulière pour chaque auteur.

Merci à eux d’avoir accepté de jouer le je.

Olivier Culmann

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