La chronique d’Hervé Rony publiée dans le Huffington Post à la suite du rapport de Pierre Lescure sur l’acte 2 de l’exception culturelle. Un rapport qui « ouvre une boite de Pandore au Parlement ».

L’ancien patron de Canal Plus n’a pas accouché d’une souris! Pesant 2,3 kilos, né sans couveuse, comme l’a tweeté avec humour son auteur, ce rapport a le mérite d’embrasser large. Accueilli très favorablement par les milieux culturels, il vient aussi de recueillir le soutien du Premier ministre. Et on dit l’Elysée séduit. On imagine aussi que le Président du CSA, Olivier Schrameck n’est pas fâché que le CSA soit si bien traité. On dit aussi que Pierre Lescure a eu l’habileté de tester ses idées en haut lieu avant de les rendre publiques. Bref le sentiment domine que ce rapport aura une postérité.

Nommé pour tenter de désamorcer les tensions existantes autour d’Hadopi, Pierre Lescure a pris soin de ne pas bousculer les créateurs. Il les soutient, ce qui ne surprendra pas ceux qui le connaissent bien, et manifeste en revanche bien des réserves, voire plus, à l’égard des producteurs mais surtout des nouveaux intervenants du net. Il se fait le chantre de la gestion collective, il plaide pour les rémunérations des artistes, il parle avec justesse des photographes qui souffrent plus que d’autres, il défend le régime de la copie privée, il plaide, sur le modèle du livre numérique, pour des codes des usages qui protègent les créateurs, il écarte posément la licence globale. Bref il ne reprend pas les critiques formulées par les adversaires des milieux culturels prompts à dénoncer leur conservatisme. Les libertaires du net, les industriels qui boycottent la commission copie privée, les hébergeurs qui prétendent n’être pas éditeurs de contenus pour fuir leurs responsabilités en sont pour leurs frais. On ne s’en plaindra pas.

Du même coup, il ne jette pas aux orties, heureusement, la réponse graduée même si la Hadopi en fait les frais, il confère au CSA, excellente idée, un rôle déterminant pour accroître la régulation des nouveaux services en ligne qui jouent un rôle pour la diffusion de la culture, il propose une taxe sur les objets connectés qui, avec un taux faible sur une assiette large, devrait être acceptable, il soutient avec bien d’autres la nécessité d’un traitement fiscal efficace en Europe à l’égard de Google, Amazon et autres opérateurs. Il ne prône en rien une Révolution mais une évolution qui reste dans la logique la plus pure des traditions françaises d’interventionnisme. Seul bémol: modifier à terme les modalités d’adoption des barèmes copie privée en y impliquant le Parlement pourrait être une fausse bonne idée. Cet Acte 2 plutôt que d’être une rupture s’inscrit au contraire dans la suite des rapports et réflexions en tous genres qui se sont succédé depuis quinze ans. La mission a su habilement et avec talent faire, sur ce plan, une synthèse de nombre de propositions qui sont dans l’air. La chance de Pierre Lescure est de ne pas avoir eu à essuyer les plâtres mais au contraire de pouvoir tirer un premier bilan de dix ans d’internet haut débit et des erreurs ou réussites qui en ont résulté.

S’appuyant ainsi sur les acquis de ces dernières années, cherchant à banaliser pour la conserver la réponse graduée, il insiste sur l’objectif majeur du moment : développer et consolider l’offre légale en soumettant les opérateurs du net aux contraintes qui pèsent sur les diffuseurs traditionnels.

On peut donc penser que le rapport Lescure ne va pas finir prématurément sur le haut d’une armoire ou au fond d’un tiroir de la rue de Valois. Mais, par la profusion de ses propositions, il ouvre une boite de Pandore au Parlement lorsque le législateur sera invité à transposer certaines d’entre elles en lois : arriver à convaincre la majorité de conserver la réponse graduée en la confiant au CSA, quand Aurélie Filippetti elle-même n’est pas convaincue, est tout sauf acquis. Il n’y a qu’à voir le communiqué sec de Patrick Bloche le Président de la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée. À suivre donc…

> à lire sur http://www.huffingtonpost.fr