La Scam, mobilisée aux côtés de nombreuses organisations professionnelles, interpelle le secrétaire d’État sur les conséquences dramatiques du projet de loi sur le régime des artistes-auteurs.



Monsieur le ministre,

Nous avons pris connaissance du projet de loi instituant un système universel de retraite qui doit être présenté en conseil des ministres le 24 janvier. Or la lecture de ce texte suscite de fortes inquiétudes sur lesquelles les organisations professionnelles signataires du présent courrier souhaitent pouvoir obtenir rapidement des clarifications, des garanties et des aménagements. 

Sur un certain nombre de sujets soulevés lors de la concertation sectorielle, qui s’est ouverte le 19 novembre dernier, nous n’avons toujours aucune réponse définitive et le silence du projet de loi sur ces questions fait perdurer des zones grises particulièrement inquiétantes pour les professionnels que nous représentons.

Nous déplorons en outre l’absence de toute communication d’étude d’impact du projet de loi sur ces professionnels : impact sur le profil et le nombre d’auteurs concernés par des hausses ou des diminutions de cotisations, impact sur le niveau des pensions des auteurs et leur répartition en nombre suivant leur niveau de revenu, impact de la réforme pour celles et ceux, nombreux chez les créateurs, qui cumulent des salaires et droits d’auteur. Les cas types qui nous ont été présentés au cours des réunions de concertation ne peuvent refléter de vraies carrières d’auteur et ne disent rien du nombre d’auteurs concernés par tel ou tel cas. Ces éléments sont pourtant indispensables afin d’éclairer au mieux les organisations professionnelles et de garantir une réforme juste.

Par ce courrier, nous demandons que des garanties soient apportées et des modifications effectuées sur les points ci-après.

Plafond de cotisations et prise en charge de l’équivalent de la part employeur (articles 13 et 16)

Si l’article 16 précise bien qu’il y aura, pour les rémunérations perçues jusqu’à 1 PASS (plafond annuel de la sécurité sociale), une compensation de la part employeur sur le budget de l’État, le texte est silencieux sur les rémunérations se situant entre 1 et 3 PASS. 

Au cours des réunions de concertation, le Haut-commissariat à la réforme des retraites (HCR) a toujours indiqué qu’au-delà de 1 PASS, seule la part salariale serait à la charge des auteurs. Il convient donc de clarifier le texte dans ce sens pour éviter toute ambiguïté. 

Nous demandons en outre une prise en charge par l’État de l’équivalent de la part patronale jusqu’à 3 PASS afin de respecter pleinement la volonté d’équité du nouveau système et de pouvoir tenir compte de la très forte irrégularité des droits d’auteur selon les années pour un même auteur. A défaut, pour un euro cotisé, les auteurs acquerraient qui plus est dans le système universel moitié moins de droits que les salariés dès lors qu'ils dépasseraient 1 PASS. Au sein même de la profession, les auteurs pourraient ainsi avoir des traitements différenciés suivant leurs niveaux de revenus.

En outre, cette prise en charge au-delà d'un PASS représenterait un coût tout à fait symbolique à l’échelle de la protection sociale des artistes-auteurs. 

Situation des auteurs retraités et reliquidation des droits à pension (articles 12 et 26)

Les auteurs ayant fait liquider leurs droits à pension se verraient appliquer, dans le système universel, la même cotisation qu’un actif. Les organisations professionnelles ont fait part de cette problématique à de nombreuses reprises sans qu’aucune solution ne soit proposée.

De fait, certains auteurs retraités ont subi en 2019 une hausse de 6,90% des cotisations sociales en raison de la mise en place du précompte dès le 1er euro. L’application du taux dont relèvent les actifs, aboutirait à une augmentation des cotisations de sécurité sociale de près de 30%. Nous vous rappelons par ailleurs qu’aujourd’hui, lorsqu’un auteur retraité perçoit des droits d’auteur, ces derniers sont soumis à une cotisation de solidarité extrêmement réduite, voire inexistante aux régimes de retraite complémentaires (0% au RAAP, 1% au RACD et 1,5% au RACL). 

Sur la situation des retraités, les équipes du Haut-commissariat ont mis en avant le dispositif de reliquidation des droits à pension, mais celui-ci est totalement inadapté à la nature des revenus en droits d’auteur. Le projet de loi précise en effet que les droits acquis post-liquidation seront générateurs de droits à pension. Cependant, il limite ce dispositif à une seule reliquidation dans les deux ans suivants la première. 

Les organisations professionnelles signataires du présent courrier souhaitent que la reliquidation des pensions ne soit pas limitée à une seule fois mais puisse au contraire intervenir régulièrement. 

Représentation des auteurs dans la future Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) (article 49)

Les artistes-auteurs constatent qu’aucune représentation de ces derniers n‘est prévue au sein de la future Caisse nationale alors que, d’une part, toutes les catégories professionnelles y siègeront, et d’autre part, les artistes-auteurs font bien l’objet d’une intégration progressive dans le système universel de retraite. Il est urgent de revenir sur leur exclusion regrettable de la gouvernance de la future CNRU.

Maintien d’une structure dédiée aux artistes-auteurs (article 52)

Cet article précise qu’une ordonnance déterminera à titre transitoire les modalités spécifiques de délégation de la gestion du système universel de retraite à l’IRCEC avant le transfert de ses personnels, biens, droits et obligations, créances et dettes à la Caisse nationale de retraite universelle.

Une telle formulation semble indiquer que l’IRCEC aurait pour vocation unique de liquider les pensions de retraites pour le compte du régime universel. Alors que la concertation est loin d’avoir abouti et que les discussions sur ces questions ont été repoussées, nous sommes dans l’incompréhension face à une telle démarche. Nous souhaitons donc que le projet de loi ne préjuge pas de son issue. 

Les auteurs doivent impérativement obtenir la garantie qu’ils pourront mettre en place un étage professionnel afin de s’assurer des prestations tenant compte notamment du différentiel de cotisations.

Enfin, la gestion financière des réserves des trois régimes RAAP, RACD et RACL ne serait plus assurée par les auteurs, ce qui est contraire à ce qui nous a toujours été exposé comme un principe constitutionnel intangible, à savoir que « les réserves appartiennent à celles et ceux qui les ont constituées ».

A cet égard, nous nous étonnons que la solution retenue soit différente de celle adoptée pour d’autres régimes, notamment ceux des professions libérales et nous demandons expressément une égalité de traitement. 

La rédaction de l’article 52 doit en conséquence être modifiée et être calquée sur celle de l’article 51,4°.

Au regard des nombreux points qui doivent être précisés, nous sollicitons une rencontre avec vous dans les meilleurs délais afin de définir ensemble des mesures et des équilibres de nature à dessiner les contours d’une réforme positive et juste pour les auteurs. C’est à cette condition que les auteurs, à juste titre particulièrement inquiets et fortement mobilisés, pourront être rassurés sur les conséquences d’une telle modification de leur régime de retraite.

Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de notre haute considération.


AFD
– Alliance Française des Designers

ATAA
– Association des Traducteurs Adaptateurs de l’Audiovisuel 

ATLF
– Association des Traducteurs Littéraires de France

Chorégraphe associé·e·s


EAT
– Écrivains Associés du Théâtre

GAM
–  Guilde des Artistes de la Musique

Groupe 25 Images
– Association de réalisateurs

L’ARP
– Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs

SACD
– Société des auteurs et compositeurs dramatiques

SACEM
– Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique

SCAM
– Société Civile des Auteurs Multimédia

SCA
– Scénaristes de Cinéma Associés

SGDL
– Société des Gens de Lettres

SNAC
– Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs

SOFIA
– Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit

SRF
– Société des Réalisateurs de Films

UCMF
– Union des Compositeurs de Musique de Films

UNAC
– L'Union Nationale des Auteurs et Compositeurs

UPAD
– Union Professionnelles des Auteurs de Doublage 

UPP
– Union des photographes professionnels

SNMS
– Syndicat National des Metteurs en Scène

Lettre adressée à Laurent Pietraszewski Secrétaire d'État chargé des retraites, copies à : 
M. Emmanuel Macron, Président de la République
M. Edouard Philippe, Premier Ministre
M. Franck Riester, Ministre de la culture                                 

Mme Agnès Buzyn, Ministre des solidarités et de la santé

Contact : pascale.fabre@scam.fr