Quatorze personnalités françaises se mobilisent en envoyant leurs vœux aux journalistes turcs. Les marraines et parrains engagés dans la campagne #LibérezLesTous écrivent à leur filleul emprisonné ou traîné devant les tribunaux.

L’opération de solidarité « Des vœux pour la liberté de l’information en Turquie » est publiée conjointement en France et en Turquie, sur le site de L’Obs et dans le quotidien turc Cumhuriyet, ce jeudi 11 janvier.

Dans le cadre de la campagne « Libérez Les Tous », Plantu, Élise Lucet, Bernard Pivot, Edwy Plenel, Sorj Chalandon, Patrick de Saint-Exupéry, Annick Cojean, Florence Aubenas, Fabienne Sintes, Pierre Haski, Jean-Claude Guillebaud, Marie-Monique Robin, Catherine Clément et Jean-Xavier de Lestrade prennent la plume ou leur crayon pour soutenir celles et ceux qui se battent en Turquie pour le droit à l’information. Pour que les journalistes derrière les barreaux sachent qu’on ne les oublie pas, pour leur donner du courage dans ce huis-clos répressif et étouffant, pour faire entendre leur combat par-delà les frontières.

« Un journaliste turc emprisonné, c’est ma liberté d’expression que l’on bâillonne ! » est le slogan de la campagne « Libérez Les Tous » menée par la Scam et le Prix Albert-Londres, en partenariat avec Reporters Sans Frontières et le collectif « Informer n’est pas un délit ». Car nous sommes tous concernés par cette mise à mort de la liberté d’information en Turquie. Ne pas la dénoncer reviendrait à en être complice.


Nos vœux :

Élise Lucet marraine Ayşenur Parıldak

Chère Aysenur, l’année 2018 commence et je te sais en prison. Je t’imagine dans ta cellule, comme il est difficile de t’envoyer des vœux comme on le fait traditionnellement à tous ses amis en cette période de l’année. Pourtant c’est à toi que j’envoie ces vœux en priorité. Je te souhaite bien sûr de retrouver la liberté mais surtout de garder la force qui te caractérise. Je sais à quel point cela doit être difficile pour toi, qui a été condamnée à 7 ans et demi de prison en novembre dernier pour appartenance à une organisation terroriste armée. Tu étais étudiante en droit et tu écrivais des chroniques judiciaires pour le journal Zaman. Lors de ton arrestation, tu as été battue et agressée sexuellement. Dernièrement, tu écrivais : j’ai peur qu’on m’oublie… Non, nous ne t’oublions pas!!! Je t’envoie toute la force dont tu peux avoir besoin. De celle qui traverse les murs épais des centres de détention en Turquie. Nous allons continuer à nous battre pour toi et pour la centaine de nos consœurs ou confrères poursuivis ou détenus par le gouvernement Erdogan. #LiberezLesTous
Élise Lucet


Bernard Pivot parraine Turhan Günay

Cher Turhan, je ne vous connais pas mais j’ai beaucoup de sympathie pour vous – à quoi j’ajoute mon admiration pour votre courage.
Tous deux nous aimons la littérature et la liberté de penser, de lire et d’écrire. On veut vous en punir en vous traînant devant un tribunal.
C’est idiot et scandaleux. Cette intolérance est intolérable.
J’espère que 2018 y mettra fin.
Avec mon amicale solidarité.
Bernard Pivot


Edwy Plenel parraine Tunca Öğreten

Cher Tunca Öğreten,
Nous n’avons pas échangé depuis votre message privé sur Twitter, le 7 décembre dernier, au lendemain de votre remise en liberté après 323 jours d’emprisonnement. Vous m’aviez alors gentiment remercié du soutien que je vous apporte au nom de Mediapart. Pourtant nous faisons si peu quand, vous, ainsi que tous les autres journalistes turcs poursuivis, emprisonnés, jugés pour n’avoir fait que leur travail, vous risquez tant. Votre liberté, votre métier, votre emploi, votre vie en somme.
Aux premiers jours de cette année nouvelle, qui sera aussi celle de votre procès le 3 avril, je voudrais évidemment vous souhaiter le meilleur, la bonté, la beauté, la santé, la paix, bref le bonheur. Mais je me méfie des vœux, sans doute par déformation professionnelle : journalistes, nous savons bien que l’histoire ne s’écrit jamais par avance, tant l’imprévisible et l’improbable en sont les maîtres. Qui aurait prévu, par exemple, qu’on en vienne à vous traiter de terroriste alors qu’en révélant des faits de corruption au cœur du pouvoir, vous n’avez fait que servir le droit de savoir de vos concitoyens ?
Le sort funeste qui vous est fait est une alarme pour nous tous, au-delà de votre pays. Accepter que l’on s’en prenne à la liberté d’informer, qui suppose le devoir de révéler et le droit de critiquer, c’est se résigner au recul de la démocratie. En nos temps troublés et incertains, sous toutes latitudes, bien des pouvoirs et nombre de politiciens sont tentés par la criminalisation du journalisme. Ici même, heureusement ce ne sont que des mots, certains disent vouloir que nous rendions gorge et que nous soyons écartés du débat public… Sans doute ont-ils simplement peur de la vérité, tant ils craignent qu’on découvre combien ils sont faibles, ignorants et irresponsables.
Cher Tunca, vous êtes aujourd’hui, avec tous vos consœurs et confrères, l’honneur de notre profession.
Je vous salue fraternellement,
Edwy Plenel


Sorj Chalandon parraine Ahmet Şık

Difficile de souhaiter quoi que ce soit à quelqu’un qui est derrière les barreaux.
Homme libre, devant les barbelés de la prison de Silivri, j’aurais hurlé mes vœux comme on crie sa colère. Tourterelle, j’aurais survolé la ville, les champs d’herbe rase, les bâtiments grillagés, pour déchirer les nuages et piquer vers le camp. Vent violent, je serais né au large de Büyükçekmece. J’aurais pris des forces au-dessus de la mer de Marmara, gonflé de sable, de sel, de toutes les pluies à venir, j’aurais soufflé vers l’ouest pour faire trembler les murs de la prison.
Homme libre, tourterelle et vent, je ne te souhaite rien d’autre que la justice.

Tu n’es pas seul, Ahmet. Ta famille, tes camarades, tes amis en Turquie ou ailleurs, tous sommes un peu de ta liberté confisquée, des oiseaux qui te survolent et du vent qui te parle.
Votre revanche à tous, sera le rire de vos enfants.
Respectueusement.
Affectueusement
Sorj Chalandon


Patrick de Saint-Exupéry parraine Inan Kızılkaya

Cher Inan,
Nous ne nous connaissons pas. Nous ne nous sommes jamais rencontrés, nous n’avons jamais échangé. Tu n’es qu’un nom, je n’en suis qu’un autre.
Et pourtant, je pense à toi.
Je pense à toi car je ne comprends pas ce qui t’arrive. Ou plutôt, je ne le comprends que trop. Tu es journaliste, et tu as voulu faire ton travail. Juste ton travail. De journaliste. « Le travail du journaliste est de montrer ce qui est », disais-tu en mars 2017 devant la 23ème chambre de la cour pénale du Palais de justice de Caglayan.
Tu avais été arrêté un an plus tôt pour « appartenance à une organisation illégale ». J’ai cherché à comprendre quelle pouvait bien être cette « organisation illégale ». Je ne suis pas sûr d’avoir saisi. Ce dont je suis certain en revanche, c’est qu’au moment de ton arrestation tu venais d’être nommé à la rédaction-en-chef du journal Ozgur Gundem. Un journal est-il en Turquie une « organisation illégale » ? Peut-être… Le vent qui souffle sur ton pays est âpre, très âpre. Il éteint, tout.
Et tu as été éteint. Le 16 août 2016, lorsque la police turque a fait irruption dans les locaux de ta rédaction, 92 procès étaient déjà ouverts contre toi. Oui, 92 ! Et tu n’es pas une exception dans ce pays au vent âpre. Avant que l’on ne t’embarque, tu as eu le temps de lancer quelques mots : « Depuis que la guerre a recommencé contre les Kurdes, l’État est passé à l’offensive contre nous ». Oui tu es Kurde, je ne l’avais pas précisé.
Tu as passé 440 jours en prison. Tu as retrouvé le 31 octobre 2017 une liberté toute provisoire. A un peu plus de 40 ans, tu risques toujours une condamnation à perpétuité. Le 6 mars 2018, tu comparaitras à nouveau et tu en sauras peut-être un peu plus.
Je voudrais y croire. Cela m’est difficile. Quand un État lève le vent âpre, il se dépossède. Le vent n’appartient à personne. De cela tu es convaincu, Inan Kizilkayaz. C’est pourquoi tu te bats, pourquoi tu tiens. « C’est l’histoire et la société qui auront le dernier mot », dis-tu.
Inan, je pense à toi.
Je pense à ces mots que tu as lancés en audience : « Un journaliste ne peut fermer les yeux à la réalité, aux évènements, aux tragédies, sous prétexte que cela pourrait incommoder ou susciter des contrecoups ». Tes mots sont miens, sont nôtres.
Je ne peux fermer les yeux sur ce qui t’arrive, sur ce vent âpre qui voudrait t’éteindre.
Je veux croire que tu seras plus fort que le vent.

Pour nous tous.
Merci Inan.
Patrick de Saint-Exupéry


Annick Cojean marraine Kadri Gürsel

Cher Kadri,
Je n'ai pas pu me rendre à l'audience de ton procès ce 25 décembre, étant dans l'Océan indien. Mais tu sais combien ce jour-là, j'ai pensé très fort à ces journalistes courageux comme toi qui se présentaient devant un simulacre de justice et des magistrats aux ordres du pouvoir. Notre petit échange à l'issue de cette audience grotesque pendant laquelle un de tes confrères – Ahmed Sik – a été expulsé de la salle et qui s'est terminée par un report du procès au mois de mars (laissant donc plusieurs journalistes en prison) m'a montré combien tu restais ferme sur tes positions, mais aussi, avec l'élégance qui te caractérise, combien tu ne voulais pas que cela gâche cette période de vacances ou de fête en France: « la vie doit continuer » m'écrivais tu.
Elle continue, bien sûr, Kadri. Mais quel journaliste pourrait ne pas se sentir concerné par ce qui se passe actuellement en Turquie? Quel journaliste ne serait pas horrifié par ces purges décidées par Erdogan dans tous les secteurs, et en particulier dans le domaine de l'information? Quel journaliste ne se sentirait pas formidablement solidaire de vous tous, journalistes valeureux et intègres, qui n'avez fait que votre beau et nécessaire métier: celui d'informer. « Un journaliste emprisonné, c'est ma liberté d'expression qu'on bâillonne! » dit le slogan que nous avons choisi pour vous manifester notre soutien. Oui, nous tous, journalistes, devons former une chaîne solidaire. Et ce qui arrive à l'un de nous concerne aussi tous les autres. Un vent mauvais souffle sur l'information de par le monde. Et nous devons tous nous tenir droits, inflexibles sur nos principes, fermes sur ce qui nous relie tous: le désir d'informer nos concitoyens en totale indépendance et liberté.
Tu as déjà fait 11 mois de prison, Kadri. 11 mois. Et tu en risques beaucoup plus. C'est une totale injustice. Un pur scandale. Car non seulement tu es innocent des crimes absurdes dont on t'accuse – « activités terroristes », quelle blague!-, mais tu es l'honneur de la presse en Turquie. Donc notre honneur à tous.
« En prison, je n'ai jamais compté les jours et les mois, j'ai toujours regardé vers l'avant », as-tu confié récemment, ajoutant ne pas ressentir de haine, simplement de la colère. Une colère « surtout philosophique, spirituelle. » Oui Kadri, nous aussi, au Prix Albert Londres, à la SCAM, à RSF,nous sommes très en colère.
Alors je te souhaite le meilleur pour 2018. Je te souhaite d'être blanchi de ces saloperies. Je te souhaite de recouvrer une totale liberté de mouvement et d'action. Je te souhaite de pouvoir exercer notre beau métier avec la flamme, la compétence et l'intégrité dont tu as toujours fait part et que tes confrères du monde entier admirent depuis si longtemps. Je te souhaite aussi, bien sûr, un bonheur personnel et familial. Le baiser donné à ton épouse le jour de ta sortie de prison en septembre dernier a fait le tour de la planète, comme un magnifique symbole de liberté. Je souhaite enfin, pour reprendre ton expression, que le journalisme turc sort du « coma » dans lequel Erdogan l'a plongé.
Reçois mes amitiés affectueuses et solidaires.
Annick Cojean, Grand reporter au Monde, Présidente du Prix Albert-Londres


Florence Aubenas marraine Cihan Acar

Lettre à un ami turc qui sort de prison et risque d’y retourner
Cher Cihan Acar,
En t’envoyant cette lettre aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a dans ce geste quelque chose de profondément déplacé. C’est moi, journaliste en France, qui t’écris et toi, journaliste en Turquie, qui me lis.
Tu ne penses pas que c’est l’inverse qui devrait avoir lieu ?
J’ai tant de questions à te poser depuis que j’ai vu ta photo, arrêté entre deux policiers. Un de tes collègues expliquait, sur un tweet, qu’on t’avait surnommé « Cihan le cimetière » pour ta couverture exceptionnelle de cérémonies funéraires autant en mémoire d’opposants kurdes que de célébrités. L’été dernier, tu as finalement été libéré de prison, mais où en est ton dossier maintenant? A quoi ressemble ta vie aujourd’hui? Arrives-tu à travailler ? Et la Turquie, comment va-t-elle, les rues, les gens, les villages? Qu’est ce qui te manque le plus depuis que ton journal est interdit ? Quelle histoire, quelle cérémonie n’as tu pas pu nous raconter ?
Vu d’ici, nous avons de plus en plus de mal à avoir des nouvelles de toi et ton pays.
Ce que je te souhaite pour 2018, mon cher Cihan, serait que tu puisses répondre rien qu’à une seule de ces questions. Librement.
Florence Aubenas


Fabienne Sintes marraine Zehra Doğan

Chère Zehra,
Ces dernières semaines, grâce à tes amis qui se démènent pour toi, j’ai appris à te connaitre et surtout à connaitre ton travail. Pour ceux qui l’ignorent, tu es enfermée depuis de longs mois pour une peinture. Et un texte.
Ton pays, et ses chaos, tu les dessines, autant que tu les écrits. Et c’est cette liberté d’esprit qu’on veut enfermer. Il en faudrait beaucoup plus pour te réduire au silence. Ça aussi, je l’ai appris en lisant sur toi et ton travail. Il circule d’ailleurs une vidéo « Les yeux grands ouverts », et chacun devrait prendre 5 minutes de son temps pour la regarder et comprendre.
Alors bien sûr, pour 2018, c’est la liberté que je te souhaite. Celle d’aller et venir; celle aussi, d’écrire et peindre; comme nous le faisons nous ici sans réaliser pleinement la chance qui est la nôtre. Que 2018 soit l’année de ta liberté, ainsi que celle de tous les autres, emprisonnés injustement pour avoir écrit dans un journal.
Et pour nous, lucides, mais chaudement installés dans nos pays libres, que 2018 soit l’année où chacun d’entre nous saura garder « les yeux grands ouverts » sur le sort réservé aux journalistes, aux artistes, et tous ceux qui sont injustement enfermés ou interdits de travailler en Turquie.
Fabienne Sintes


Pierre Haski parraine Ahmet Altan

Cher Ahmet,
Nous ne nous sommes jamais rencontrés, mais je vous ai « vu »; vous étiez sur un écran de télévision, non pas dans un de ces talks shows où vous aviez l'habitude de batailler, mais dans une salle d'audience du palais de justice d'Istanbul en novembre dernier. Vous étiez en visioconférence depuis votre prison, avec votre frère Mehmet, également détenu comme vous, pour votre propre procès.
Que peut-on souhaiter à un homme contre qui trois peines de prison à vie ont été requises par le Procureur de la République, et qui est en attente de conclusion de son procès ? Pas la liberté car, comme vous l'avez joliment écrit, vous l'avez déjà dans votre tête, quelle que soit la taille des barreaux de votre cellule qui ne vous empêcheront jamais de vous sentir libre. Alors au moins la justice, celle qui vous est manifestement niée aujourd'hui en Turquie.
Avec mon entière solidarité et mon admiration pour le courage dont vous faites preuve.
Pierre Haski


Jean-Claude Guillebaud parraine Mehmet Altan

Une accusation extravagante
Pour les vœux cette nouvelle année, je suis heureux et fier de m’adresser à un confrère turc, Mehmet Altan, emprisonné en Turquie. J’ai accepté en effet, avec joie, d’être son parrain. A 64 ans, ce professeur d’économie à l’Université d’Istanbul doit répondre de « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel » et de « tentative de renverser le gouvernement ». Partisan d’une Turquie européenne, il intervenait régulièrement dans les médias, y compris dans ceux de la confrérie Gülen que le gouvernement accuse de tentative de putsch. Aux yeux de Mehmet Altan, une Seconde République est souhaitable en Turquie pour surmonter les contradictions nées de la République issue du Kémalisme radical, aujourd’hui contesté.
Il ne m’appartient pas de porter un jugement d’ensemble sur l’évolution de ladite République turque. Mais l’extravagance du procès intenté à Mehmet Altan parle d’elle-même. Qu’on en juge ! Il encourt trois peines incompressibles d’emprisonnement à vie ! La première audience de ce procès se tiendra le 12 février prochain. Soyez assuré, cher Mehmet Altan, que je serai à vos côtés et que je diffuserai chaque information vous concernant. Je sais que vous avez confié à votre avocat : « (En prison), c’est une vie étriquée sans joie aucune ou sentiment de joie. Si l’État de droit devait revenir en Turquie un jour, je sais que je ne serai pas considéré comme un suspect une seule seconde. Je suis suspect seulement parce que j’exige la démocratie. »
On me dit également que vous êtes en mode combattif et que votre moral est bon. Je forme des vœux pour qu’il le reste. Enfin, je vous souhaite un excellent anniversaire, si tant est que cela soit possible lorsque l’on est injustement privé de sa liberté ! Vos amis en France pensent fort à vous. Croyez à ma pleine solidarité et à ma sympathie, cher Mehmet Altan.
Jean-Claude Guillebaud


Marie-Monique Robin marraine Meltem Oktay

Chère Meltem,
Je t’écris de ma maison située à Pierrefitte-sur-Seine, dans la banlieue nord de Paris, où j’ai emménagé il y a dix-huit ans, avec mon mari et mes trois filles, âgées aujourd’hui de 20, 23 et 26 ans. J’espère qu’un jour tu pourras nous rendre visite. Je te montrerai notre jardin, où je cultive un jardin potager biologique avec deux ruches. Chaque matin, avant de me mettre au travail, je vais y faire un petit tour pour voir où en est la nature. En cette période hivernale, la terre est au repos, attendant le printemps, comme les abeilles, qui dorment bien au chaud au milieu de leurs réserves de miel.
Quand tu viendras, je te montrerai aussi mon bureau, qui est une vraie tanière, où les livres et documents s’entassent jusqu’au plafond.
Je suis journaliste depuis trente-trois ans. J’ai choisi ce métier, pour raconter le monde et soutenir les droits humains partout où ils sont bafoués ou menacés. C’est ainsi que j’ai réalisé quelque 200 reportages et documentaires pour la télévision et écrit une douzaine de livres. C’est ma « spécialité » : j’ai coutume de passer deux ans sur un sujet d’investigation auquel je consacre un film et un livre. L’une de mes enquêtes les plus célèbres s’intitule « Le monde selon Monsanto » (le documentaire a été diffusé dans une cinquantaine de pays et le livre est traduit en vingt-deux langues). Au fil des années, j’ai développé une sensibilité particulière pour les thèmes écologiques, car je suis très inquiète pour l’avenir de l’humanité. Tout indique que ceux qui dirigent le monde n’ont pas pris la mesure des défis qui caractérisent le XXIème siècle : le dérèglement climatique, la destruction de la biodiversité, les pollutions sous toutes leurs formes (l’air, l’eau, les aliments) et la progression alarmante des inégalités. Comme le colibri, j’essaie de faire ma part pour que nos enfants puissent continuer à vivre dignement sur notre jolie planète bleue que les humains ne cessent de malmener.
En ces premiers jours de l’année 2018, je pense à toi, en espérant de tout cœur que nous pourrons bientôt nous rencontrer.

Affectueusement,
Marie-Monique


Catherine Clément marraine Cağdas Erdoğan

Cher filleul, mon cher petit, on vient de m’apprendre que tu étais officiellement accusé d’appartenance à une organisation terroriste. Je voudrais te transmettre du courage, le courage nécessaire pour affronter cette période éprouvante. L’histoire est pleine de héros qui, après un séjour en prison, sont devenus les libérateurs de leurs peuples ! C’est dur. Si je pouvais davantage, je le ferais. Je te souhaite des nuits pleines de rêves et des jours sans ennui. En espérant que l’année prochaine sera celle de ta liberté, je t’embrasse,
Catherine Clément
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Jean-Xavier de Lestrade parraine Kazım Kızıl

Mon cher filleul,
Ta remise en liberté m’a certes réjoui mais je ne serai pleinement soulagé qu’en apprenant ton acquittement. Enfin débarrassé de cette épée de Damoclès, tu pourras alors reprendre sereinement ta caméra et te concentrer sur ce sujet qui te tient tant à cœur : rendre visible l’injustice qui broie les « petites gens ». Tu le fais avec talent, courage et conviction. Tu le sais. Sache également que ton engagement dépasse les frontières de ton pays que d’aucuns voudraient hermétiques, opaques. Il est un exemple pour chacun de nous. Je te souhaite une excellente année 2018 remplie de magnifiques projets. Filme encore et encore. Tes documentaires feront exister un avenir plus juste.
Jean-Xavier de Lestrade

Contact Scam : Astrid Lockhart – astrid.lockhart@scam.fr – +33 (0)6 73 84 98 27

Lien vers le dossier de presse avec les biographies complètes des journalistes turcs – pdf