Par clic ou par bulletin, Aux urnes, citoyens ! Un article signé Rachel Zvir et publié en partie sur le site de Libération



La grande dame et la petite porte

« Connaissez-vous la cinémathèque Robert Lynen, la cinémathèque des enfants, dans le 17ème arrondissement de Paris, cette belle salle de 200 places ? » : c’est la question que nous avons posée samedi, place de la République. Eh bien, non, le citoyen parisien invité à découvrir les projets cultures de la ville ne la connaît pas, cette grande dame. Ou pas assez. Il est donc une fois encore nécessaire de crier son nom.

Flash back : Mars 2014, la nouvelle tombe comme un couperet : après des années de fermeture au public, la cinémathèque Robert Lynen, institution unique en France, va être détruite, ou vendue… Elle n’est plus aux normes, à cause d’une petite porte de secours manquante. Mobilisation de plus de 5000 personnes, signant une pétition lancée par la Scam*.

Conférence de presse, organisée dans l’urgence, où les élus de tous bords voient se dresser une levée de boucliers. Les croque-morts battent en retraite.

Depuis, bien des promesses, et peu d’action : la cinémathèque ne serait pas détruite, mais rénovée. Puis elle subit des changements d’élus, les réductions de budget, et puis plus rien. Et soudain, miracolo : le budget participatif ! Un nouveau mode de gouvernance qui sonne comme une dernière chance.

La cinémathèque se retrouve parmi les 77 heureux projets sélectionnés, sur 5115 idées soumises aux Parisiens et à tous ceux qui vivent et/ou travaillent dans la capitale. 10 projets seulement seront retenus le 20 septembre, au terme d’un vote citoyen.

Non, la cinémathèque Robert Lynen, n’est pas une « vieille cinémathèque » : c’est la première cinémathèque créée en France, en 1925. Elle porte le nom du jeune acteur, fusillé à 23 ans par les nazis, qui a interprété Poil de Carotte dans le film de Julien Duvivier.

Non, son projecteur n’est pas « has been » : c’est un vrai projecteur à l’ancienne, de ceux qui ne buggent jamais, contrairement à certains projos dernier cri.

Non, ce n’est pas une belle endormie : c’est une grande dame, hyperactive, dont les possibilités sont absurdement bridées depuis des années, et ce – toujours-à-cause-d’une-petite-porte-de-sécurité-qu’il-faudrait-quand-même-arriver-à-percer.

A l’origine de sa création, Charles Vincent Ocampo, qui légua en 1925 son hôtel particulier à la Ville de Paris, à condition, car condition il y avait, qu’il soit consacré à l’éducation artistique. Ce mécène, visionnaire et généreux avait, au 20ème siècle naissant, compris toute l’importance que les images et le cinéma allaient avoir. Son legs, qui s’adressait aux futures générations, résonne plus que jamais dans notre période de surinformation, de maelström d’images, où le besoin de décryptage est vital.

Vendre cette cinémathèque, à un cabinet d’avocats d’affaires, un marchand de biens, un promoteur de béton, brader son fonds de plus de 4.000 films, plus de 10.000 photos et autochromes, ou pire : la vendre à une officine privée, parée de bonnes intentions culturelles, tout ceci serait purement et simplement trahir le visionnaire Monsieur Ocampo.

Ce point mériterait de plus longs développements, et interroge sur la pérennité de l’esprit d’un legs, mais ce n’est, ici, ni le propos, ni le temps d’en débattre.

La cinémathèque n’a pas attendu, les bras croisés, pendant toutes ces années, qu’on daigne lui offrir une petite porte de secours. Ne pouvant plus accueillir, dans sa belle salle, 200 personnes, mais seulement 19 (norme de sécurité oblige), elle a continué à proposer des projections de films rares, travaillé avec des écoles de cinéma, mais surtout : elle est allée dans les écoles, offrant des ateliers à des classes du primaire, sur toute une année.

Juin 2015 : 300 spectateurs réunis dans la grande salle de la mairie du 17ème pour un film, écrit, réalisé, interprété, monté par des mômes de 10 ans, découvrant le cinéma dans toute sa matérialité, dans toute son essence : bluffant ! Après la projection, 25 gamins, de vraies graines d’acteurs et de cinéastes, assis au bord de l’estrade, les yeux très brillants, sous le feu des questions qui fusent. Et tous savent ce qu’est une nuit américaine, un plan séquence. Je me souviens d’un très jeune garçon. Inspiré, il s’empare du micro, pour répondre à la question-bateau d’un adulte sur une probable vocation de jeune premier, et modulant sa voix très théâtralement, et avec un humour qu’on rencontre assez rarement dans les conférences de presse au festival de Cannes : « Moi… mais j’avais toujours rêvé d’être perchman ! »

Alors, si vous considérez que sa survie est indispensable – car elle s’adresse à tous – si vous aimez le cinéma, si vous jugez utile que les jeunes générations apprennent le sens des images, continuent de voir ses films et suivre ses ateliers, si vous avez envie de la découvrir, d’y voir des films le week-end, faites-vous ses relais, ses ambassadeurs : parlez d’elle à vos amis, vos voisins, relayez cette information, sur les réseaux sociaux, et votez pour ce projet parisien N°52, indispensable et généreux.

Que ce vote de l’heure démocratique ne prenne pas le masque du leurre démagogique, qu’il soit représentatif de vrais choix, d’une vraie volonté politique à long terme.

Par clic ou par bulletin,
Aux urnes, citoyens !

Rachel Zvir

* parmi les nombreux membres du comité de soutien : Jean-Jacques Beineix, Julie Bertuccelli, Irène Jacob, Claude Lanzmann, Nicolas Philibert, Claire Simon, Bertrand Tavernier…


> Pour voter : www.budgetparticipatif.parisprojet parisien N°52

> Retrouvez la cinémathèque Robert Lynen sur facebook