Le Prix Charles Brabant consacre un parcours singulier, un talent et une exigence créatrice ayant su imposer durablement leur empreinte sur la création documentaire. Il récompense cette année le travail de William Karel.



Si un beau jour, un extraterrestre débarquait depuis la face cachée de la lune, il suffirait de le planter devant un écran et lui faire défiler les films de William Karel pour lui donner à entendre notre histoire et approcher la folie du monde. Du plaisir, de l’émotion, des frissons et des surprises, des sourires et même des rires (Barack Obama ridiculisant Donald Trump devant le gratin de la presse américaine dans Au cœur de la Maison Blanche), du sang, des larmes, des monts et merveilles, de la révolte et du dégoût (archives exhumées de la Nuit de Cristal dans Jusqu’au dernier : la Destruction des Juifs d'Europe).
Karel agit à contretemps des raccourcis faciles, ausculte les âmes et signe des films qui donnent tant à apprendre. Enfant juif à Bizerte, ancien ouvrier, reporter-photographe pour l’agence Gamma, puis soutier de l’information Karel réfute être cinéaste ou documentariste et se préfère en « journaliste d’investigation ».

« Je n’oublierai pas le premier visionnage de FMI-Jamaique. Mourir à crédit, notre première coproduction, se souvient Thierry Garrel, où j’ai découvert estomaqué le montage d’un film qui dépassait de beaucoup notre attente et reste un des rares très grands films sur l’économie mondiale – par la qualité de ses tournages documentaires in situ, mais aussi par son travail acharné pour accéder aux protagonistes au plus haut niveau et cette capacité de les organiser par le montage en un récit palpitant et éclairant. ».

Pour (re)découvrir son œuvre, on peut aussi écouter sa Diaspora des cendres, formidable collage de textes sur le site de France Culture. Il n’aimerait pas se l’entendre dire, mais William Karel est un artiste complet qui brille dans tous nos répertoires.

Rémi Lainé, documentariste, président de la Scam