Portrait polyphonique de cet homme qui se désignait comme un « tailleur de son » et concevait la radio comme art du réel. Un ouvrage livre-CD-DVD édité par Phonurgia Nova (Arles), sous la direction de Christian Rosset.
* Yann Paranthoën, L’art de la radio
sous la direction de Christian Rosset
L’artiste
Yann Paranthoën? Son nom symbolise la radio d’art (comme on dit cinéma ou photographie d’art). Il a découvert une manière de raconter le monde par le son, inventant un langage et renouvelant totalement les bases de l’expression radiophonique.
Dans ses émissions, la parole est un matériau à sculpter, au même titre que les sons de la vie ou les silences. De même, pour lui, la voix est d’abord une musique avant d’être un sens. En désacralisant l’écrit comme l’image, il a changé l’ordre des choses et renouvelé notre rapport au réel.
Prenant ses distances avec la radio «de tous les jours », il comparait volontiers son travail à de la peinture ou encore à la taille du granit comme la pratiquait son père : extraire de la réalité un bloc sonore, le monter comme on taille la pierre, le polir comme on mixe. Voici comment il en parlait : « Je compare la radio avec la peinture. Pour moi, la radio a de plus en plus à voir avec les arts plastiques. Je fais un tableau… un tableau sonore, je répartis les sons comme des couleurs ».
Sa mort en 2005 a été perçue comme attestant symboliquement l’évanouissement d’une certaine forme de « radio de création » dans sa forme la plus exigeante. C’est pourquoi il a semblé utile de lui rendre hommage, afin que son œuvre poursuive sa route vers de nouveaux créateurs et auditeurs, les confortant à préférer à la radio conventionnelle, la souveraine liberté de l’art sonore.
Le cœur de l’ouvrage est un livre : constitué de témoignages inédits, joints aux propos de l’artiste lui-même, il dessine en 156 pages serrées un portrait polyphonique de cet homme au Nagra qui se désignait comme un « tailleur de son ». Il questionne la relation particulière de Yann Paranthoën avec les personnages de ses émissions (qu’il appelait ses « modèles »). Montre la germination des idées issues d’un patient « tête-à-tête » avec les sons enregistrés. Questionne sa conception de la radio comme art du réel. Retrace la succession des projets sur 40 ans.
Plasticiens, écrivains et musiciens unis dans cet hommage collectif, révèlent son influence sur les créations d’aujourd’hui – une influence qui s’étend maintenant au-delà des cercles radiophoniques, parce que l’œuvre pose la double question de la forme sonore et de la restitution du réel. Ils témoignent de sa passion pour le son.
Deux entretiens inédits, l’un avec Jack Vidal, datant de 1990, l’autre (probablement le dernier qu’il ait accordé) avecThomas Baumgartner (datant d’octobre 2004) livrent sa réflexion sur la « taille des sons ». Des images de Pilar Arcila, Janeth Rodriguez, Brigitte Bauer, François Deladerrière, Jack Nutan et Michel Follorou, le montrent au travail à la Maison de la radio ou en extérieur, lors de prises de sons en Provence, sur le Paris-Roubaix, ou en Bretagne.
Une kyrielle d’auteurs : Thomas Baumgartner, Jean-Yves Bosseur, Emmanuel Guibert, Yann-Fanch Kemener, Daniel Mermet, Christian Rosset, Alain Veinstein, Paul-Louis Rossi, Claude Ollier, Dominique Petitgand, Christian Zanési, etc.
Un CD de 50 minutes donne à découvrir Questionnaire pour Lesconil, l’émission qui en 1980 le révéla soudainement au public, et obtint le Prix Italia. L’émission se déroule le temps d’une journée : départ des bateaux, pêche en mer, vente à la criée… (YP)
Un DVD de 110 minutes, 2 films mus par l’urgence de transmettre le tranchant de sa démarche singulière.
– (Au Fil du son) Un portrait en 54 min de Yann Paranthoën par la photographe Pilar Arcila, produit par Mille et une films.« Ses émissions sont des objets qui voyagent, avec une poésie, une liberté et une modernité hallucinantes. Les sons ont une telle capacité d’évocation que la première fois que j’ai entendu une de ses oeuvres, je me suis dit qu’il n’était plus utile de faire de la photo » Pilar Arcila.
– (Check up du Nagra IV S 3328) 66 minutes au pays du Nagra tournées par Michel Follorou lors d’une visite de Yann Paranthoën chez Nagra en Suisse en 1993.
Equipe d’édition :
Christian Rosset a coordonné ce projet au plan rédactionnel. Compositeur et auteur radiophonique, il a été membre de l’ACR de France Culture où il a côtoyé longtemps Yann Paranthoën. Il est l’auteur d’un essai sur Paranthoën paru dans l’édition CD de «Lulu» (INA/Phonurgia Nova, 1992).
Claude Giovannetti, compagne et assistante de Yann Paranthoën a mis au point la chronologie de ses émissions de 1967 à 2005, en confrontant ses sources à celles de l’INA compilées par Arnaud Touveron.
Jean-François Pontefract a numérisé Questionnaire pour Lesconil.
Christian Kirk-Jensen a conçu la maquette de l’ouvrage.
Marc Jacquin, directeur de phonurgia nova, a orchestré le tout.