Dans une lettre commune, la Scam et la GARRD demandent au Gouvernement des mesures adaptées à la situation des auteurs et autrices du réel.

Nous sommes réalisateurs, réalisatrices, auteurs, autrices, journalistes de documentaires et de reportages. Nous filmons, analysons, travaillons avec le réel. C’est notre matière première. Si l’impact de la crise sanitaire n’a pas été aussi visible et aussi immédiat que pour le spectacle vivant ou la musique, notre secteur est lui aussi, durement touché. Nombre de tournages ont été reportés sine die ou annulés sur la période de mars, avril, mai, et une grande incertitude règne pour la suite. A quelle date pourrons-nous reprendre en toute sérénité nos tournages ? En juillet, en août, en septembre… Nul ne peut le dire. Si cette inquiétude concerne les tournages en France, l’incertitude demeure également pour les documentaires et reportages réalisés à l’étranger. Quant aux conditions même de tournage, le flou est plus grand encore.

La mise au chômage partiel décidé par l’État a été une bouffée d’oxygène pour nos corps de métiers, mais cette situation n’a été prévue que jusqu’à la fin de l’été, dans l’hypothèse d’un retour à la normale en septembre. Malheureusement le constat s’éloigne de la réalité administrative. C’est pourquoi, nous, réalisateurs, réalisatrices de documentaires et de reportages, demandons que le chômage partiel soit étendu jusqu’à la fin 2020 et dans des conditions qui ne mettent pas en difficulté les bénéficiaires. C’est-à-dire avec le maintien de 84% du salaire et son obtention en cas d’annulation ou de report de tournage.

Sur ce dernier point, l’interprétation donnée par le ministère du Travail aux textes applicables en matière d’activité partielle pour notre secteur – en prévoyant que « une date reportée ne peut être prise en charge au titre de l’activité partielle » – va à l’encontre de la réalité de la production audiovisuelle. Un report décidé à un moment donné peut très bien se transformer en une annulation ultérieure, plusieurs mois après la pandémie, soit parce que les conditions nécessaires au tournage ne seront plus réunies, soit parce que la société de production n’aura plus les moyens de maintenir la production pour des raisons économiques.

Nous demandons donc que le ministère du Travail revienne sur cette interprétation dommageable pour les salariés que sont les réalisateurs, réalisatrices et les journalistes.

Enfin, et parce que nous savons que les répercussions de cette crise vont se faire sentir au moins pendant un an, si l’intermittence ne prend pas le relais, un pan entier de notre profession sombrera dans la plus grande précarité. Dans un décret paru au JO le 15 avril 2020 et précisé par un arrêté publié le 17, le gouvernement a acté un allongement des droits des intermittents pour la durée du confinement. Les indemnisations des intermittents ne sont prolongées que pour celles et ceux arrivant en fin de droit entre le 12 mars et le 31 mai, et la période de calcul des heures sera allongée de 3 mois seulement. Une situation qui concerne également les droits des journalistes à Pôle emploi.

Nous demandons au gouvernement d'assumer la promesse faite par le président de la République de « ne laisser personne au bord de la route », et de décider en urgence :

l'intégration, de manière expresse et sans plus aucune ambiguïté, des situations de reports de tournages et de productions au dispositif d'activité partielle ;

la prolongation automatique de tous les droits des intermittents et des journalistes pendant une période allant du 1er mars à la reprise « normale » de l’activité dans tous nos secteurs ;

la prolongation automatique de tous les droits des intermittents et des journalistes à l’issue de cette période et pour une durée d’un an.

Il ne s’agit pas seulement de la situation des auteurs et des autrices du réel qui est en jeu. Il s’agit aussi de notre souveraineté culturelle. Écrire et réaliser avec notre regard et notre savoir-faire est primordial au moment où, à la faveur de la crise du Covid, les plateformes étrangères assoient leur position sur le marché ou y entrent en force.

Ne pas entendre les autrices et auteurs du réel serait une grave erreur dans un moment où le public plébiscite les documentaires et les reportages. Au moment où nous tous collectivement avons besoin d’être en prise avec ce réel si mouvant.

Nous espérons sincèrement que les discours et la volonté de l’État seront à la hauteur de la situation. Puisse le président de la République qui doit prendre la parole demain soutenir nos demandes.


Contact presse

Astrid Lockhart – 06 73 84 98 27 – astrid.lockhart@scam.fr