Présidé par Olivier Weber et composé de Tahar Ben Jelloun, Catherine Clément, Annick Cojean, Colette Fellous, Pierre Haski, Isabelle Jarry, Michèle Kahn, Pascal Ory, Guy Seligmann et Patrick Deville (lauréat 2022), le jury a attribué le Prix Joseph Kessel 2023 à Sibylle Grimbert

Romancière et éditrice, Sibylle Grimbert dans Le Dernier des siens, questionne l’humain dans son approche du monde sauvage.

1835. En une époque où l’homme exploite la faune sans le moindre scrupule, le musée d’histoire naturelle de Lille envoie le jeune zoologiste Gus dans le nord de l’Europe. Lors d’une traversée, Gus assiste impuissant au massacre d’une colonie de grands pingouins (Alca impennis), et sauve l’un d’eux sans se douter qu’il vient de récupérer le dernier spécimen vivant de l’espèce. Bec de rapace, cri rauque, œil méchant, l’oiseau n’a rien d’un animal de compagnie. Et pourtant, une relation étonnante prendra forme peu à peu, mais comment aimer ce qui est en train de disparaître…

Ce superbe récit d’une amitié improbable raconte aussi l’amère découverte qu’une espèce, si proliférante soit-elle, peut s’éteindre à jamais. En filigrane se lit une question essentielle : l’homme restera-t-il ce prédateur qui détruit la Terre à petit feu, ou trouvera-t-il l’intelligence et la force de se ressaisir ?

Le dernier des siens donne à voir, sentir et imaginer une folle aventure rappelant le regard empathique de Joseph Kessel sur les êtres humains ou les créatures animales, telle son célèbre Lion. Le jury a salué l’originalité de ce douzième roman de Sibylle Grimbert, soutenu par une écriture précise, dense et un style d’une simplicité élaborée.

Michèle Kahn

 

Ce Prix Joseph Kessel de la Scam, doté de 5000 €, sera remis à l’autrice lors du festival Etonnants Voyageurs, dimanche 28 mai 2023 à Saint-Malo, en présence des membres du jury.

Contact presse

cristina.campodonico@scam.fr – 06 85 33 36 56

« On connaît très mal un écrivain par un seul de ses livres : les harmoniques de l’œuvre nous échappent. »

Marguerite Yourcenar, En pèlerin et en étranger

C’est donc pour mieux approcher un écrivain, appréhender son univers, (re)découvrir son talent que le Prix Marguerite Yourcenar de la Scam met en lumière un auteur ou une autrice pour l’ensemble de son œuvre.

Doté de 8000 €, le prix 2023 sera remis à Patrick Chamoiseau dimanche 26 juin dans le cadre du Festival Le Marathon des Mots à Toulouse.

Patrick Chamoiseau - photo Eric Daribo
Patrick Chamoiseau - photo Eric Daribo

Beaucoup se souviennent de « l’oiseau de Cham », alias le « rapporteur de paroles » qui orchestrait la spirale polyphonique constituant Texaco. Ce grand roman de la créolité en marche a valu à Patrick Chamoiseau un prix Goncourt retentissant en 1992, six ans à peine après la parution de son premier livre, Chronique des sept misères.

En inventant son chemin sur les traces magiques des conteurs créoles surgis de la catastrophe esclavagiste, son dernier roman, Le vent du nord dans les fougères glacées (Le Seuil, 2022), forme un lumineux diptyque avec l’essai publié, La nuit, le conteur et le panier pour explorer les sources de la création artistique d’une manière inédite, et témoigner ainsi d’une forme d’accomplissement.

Né à Fort-de-France en 1953, nourri de la pensée du Tout-monde élaborée par Edouard Glissant (1928-2011), Patrick Chamoiseau est désormais l’auteur d’une œuvre considérable et hautement singulière, que le jury* du Prix Marguerite Yourcenar est heureux et fier de célébrer alors qu’elle atteint une nouvelle apogée.

Patrick Chamoiseau

Ecrivain majeur de la Caraïbe, il est l’auteur de romans, de contes, d’essais et théoricien de la créolité. Il a également écrit pour le théâtre et le cinéma. Parmi ses œuvres les plus marquantes : Chronique des sept misères (Gallimard, 1986) ; Éloge de la créolité (avec Raphaël Confiant et Jean Bernabé, Gallimard 1989) ; Solibo Magnifique (Gallimard, 1991) ; Lettres créoles (avec Raphaël Confiant, Hatier, 1991) ;  Une enfance créole (Gallimard, 1996) ;  Biblique des derniers gestes (Gallimard, 2001) ; Écrire en pays dominé (Gallimard, 2002) ; La Matière de l’absence (Le Seuil, 2016) ; Le Conteur, la nuit et le panier (Le Seuil, 2021) ; Le Vent du nord dans les fougères glacées (Le Seuil, 2022).

* présidé par Isabelle Jarry, le jury est composé de Laura Alcoba, Arno Bertina, Catherine Clément, Colette Fellous, Simonetta Greggio, Nedim Gürsel, Ivan Jablonka, Bertrand Leclair et Pascal Ory, de l’Académie française.

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Cristina Campodonico – 06 85 33 36 56 – cristina.campodonico@scam.fr

La réalisatrice américaine Kirsten Johnson, présidera cette année le jury aux côtés d’Ovidie, Sophie Faucher, Pedro Pimenta et Jean-Claude Raspiengeas.

Le jury remettra L’Œil d’or, Le Prix du documentaire le samedi 27 mai au Palais des Festivals.

Le documentaire revient en compétition officielle au Festival de Cannes en cette « Année du documentaire » portée par le CNC en partenariat avec la Scam et la Cinémathèque du documentaire.

Depuis 2015, L’Œil d’or – Le Prix du documentaire met sous les projecteurs du Festival de Cannes ce genre cinématographique par lequel le 7e art est né. Il récompense un film présenté dans les sections cannoises : Sélection officielle (Compétition, Un Certain Regard, Hors compétition et Séances de Minuit, Séances Spéciales), Quinzaine des Réalisateurs et Semaine de la Critique. Doté de 5 000 €, L’Œil d’or – Le Prix du documentaire a été créé par la Scam alors présidée par Julie Bertuccelli avec la complicité du Festival de Cannes et de Thierry Frémaux.

Le jury 2023

Kirsten Johnson, présidente du Jury


(suite…)

C’est lors de la Soirée Tendances 2023 que le jury a décerné le Prix Scam de L’Œuvre institutionnelle 2023 à Yoni Nahum pour son œuvre Tendre mémoire.

Tendre mémoire
de Yoni Nahum

33’35 – 2022 – 11e District, Prod8 – pour France Alzheimer

Il s’appelle Gérard. Il a 74 ans. Il vit à Paris avec sa femme Marie. Il est comédien. Il a été diagnostiqué Alzheimer il y a presque une année, et doit aujourd’hui adapter son quotidien avec la maladie déjà enclenchée. Lumineux et optimistes, Gérard et Marie nous révèlent leur intime, de malade et d’aidante, sous le prisme des activités bénéfiques pour ralentir la maladie, et surtout pour continuer à vivre, aussi lucide qu’ils le peuvent, avec cette mémoire qui se détériore…

Yoni Nahum

Yoni Nahum, jeune réalisateur né à Paris, commence à réaliser ses premiers courts-métrages durant ses études à Paris VIII. Rapidement et fort de ses rencontres, il s’intéresse à mettre en valeur des histoires, humaines et sociales. En 2015, il filme une jeune fille de 18 ans, Anéka, handicapée depuis sa naissance, sa place dans ce monde, et surtout sa vie intime avec sa mère. En 2017, il collabore avec le metteur en scène de théâtre Didier Ruiz en filmant des jeunes adolescents de Sarcelles, Youth. Après plusieurs prix pour ses courts-métrages de fiction et de sensibilisation, notamment pour le Téléthon, il est Lauréat du Prix Victor-Noury de l’Académie Française en 2019. Très vite, il s’oriente vers le documentaire. Après plusieurs projets différents, notamment un hommage au film Place de la République de Louis Malle, il réalise en 2022 pour France Alzheimer « Tendre Mémoire » sur la maladie dans son intimité.

Le jury était composé de Caroline Swysen, Atisso Médessou et Aymeric Colletta, (réalisatrice et réalisateurs membres de la commission audiovisuelle de la Scam), Alexandre Berman (coréalisateur avec Olivier Pollet de Le Syndrome Panguna, finaliste pour le Prix Albert Londres 2017 audiovisuel, réalisateur de Ophir, Grand Prix au FIFO 2020) et Laura Ghazal (humoriste, réalisatrice de films institutionnels notamment pour Tulipes &Cie. Primée aux Deauville Green Awards 2022, compétition SPOT, pour son travail sur les stéréotypes de genre Grands projets au féminin – Lutte contre les stéréotypes Discrimination – diversité / VINCI).

Yoni Nahum, lauréat du Prix de L'Œuvre Institutionnelle 2023

Eh oui, quand il court, le furet ressemble au désir, et il ressemble à Jean-Marie Barbe. Depuis toujours, l’auteur, réalisateur, producteur et enseignant, prix Jean-Marie Drot de la Scam 2022, se dépêche d’accomplir son œuvre, comme si le temps lui mordait les mollets. Depuis toujours, les idées lui viennent, et quoi qu’il arrive, il veut les réaliser, il ne les abandonne jamais. Et le plus impressionnant est qu’il y parvient toujours ! Portrait d’un infatigable passionné.

Enfant à Lussas, petite commune d’Ardèche, il va à l’école qui se trouve dans la rue unique de ce village western. Son meilleur copain s’appelle Jean-Paul, il vient d’une famille d’agriculteurs modestes. Jean-Marie est mieux loti, sa mère tient l’épicerie du village, dans cette maison au centre, qu’on appelle « la maison Barbe », où vivent les deux couples Barbe et leurs enfants.

Les frères Barbe sont agriculteurs, ils cultivent les poires, les cerises, les châtaignes, et l’oncle de Jean-Marie a l’idée un jour de transporter leurs fruits et ceux des autres dans toute la France et même l’Europe… Au bout du village, pour abriter les camions, ils font alors construire un hangar qu’on appellera « le Joncas ». Désir du monde, de le parcourir, de le connaître et d’y porter les fruits de l’Ardèche. Cependant qu’à l’épicerie, Jean-Marie, enfant, entend toutes les histoires qui enchantent la vie quand la télévision n’a pas encore cloué le bec à tout un chacun. Beaucoup plus tard, Jean-Marie fera deux films sur cette épicerie, caverne d’histoires, de vies…

Les deux copains, Jean-Marie et Jean-Paul, deviennent de beaux jeunes hommes, et Jean-Paul se retrouve adjoint au maire du village. Des communistes, des socialistes, des agriculteurs en collectifs, des familles de droite, des anciens résistants, des anciens collabos peut-être… Le maire était de gauche, et Jean-Paul devient son disciple.

Quand ils se retrouvent, Jean-Marie — qui voyage et fait des études à Grenoble — et Jean-Paul — qui travaille avec son père et avec le maire — rêvent de grandes choses pour leur village. En 1976, Jean-Marie tourne avec un copain, Jean-Jacques Ravaux, et une copine, Mario Méjean, un film sur la tradition orale dans les Cévennes… Jean-Paul, quant à lui, espère maintenir l’agriculture en défendant le plan d’occupation des sols pour cultiver la terre, pas pour spéculer sur le foncier. Tous les agriculteurs de Lussas travaillent avec deux coopératives, l’une pour les fruits, l’autre pour la vigne. Ils achètent du matériel en commun et créent une retenue d’eau pour irriguer les magnifiques plantations d’arbres fruitiers. Au début des années 1980, c’est quatre-vingts entreprises agricoles qui sont implantées à Lussas.

Faire et voir un cinéma qui raconte les gens

L’agriculture, Jean-Marie l’aime mais la redoute. Combien d’orages et de gels ont sinistré les récoltes et amené le désespoir en famille. Il préfère militer, danser, voir des films, en faire et faire venir le monde à Lussas pour découvrir la culture populaire, régionale… Il préfère tout cela à ramasser les poires ou les cerises. Il est antimilitariste, Il aime la musique folk et surtout le cinéma. Un cinéma qui raconte la vie des gens, des gens comme ceux du village, ou celle des gens d’ailleurs… Il aime le cinéma documentaire qui est pour lui comme la légende des peuples.

Son premier festival se tient dans le hangar familial, les spectateurs sont assis sur les caisses de poires, il fait sept degrés et le lance-flammes du garagiste essaie de réchauffer la salle, entre les séances…

Claire Simon

Alors, très vite, il prépare avec les copains des villages alentours un festival baptisé « Pays et Régions » où sont projetés des films du coin, des films militants, qui montrent d’autres vies que celles des Parisiens… La première édition a lieu au « Joncas », dans le hangar familial, au mois d’avril, et les spectateurs sont assis sur les caisses de poires. Quatre cents personnes entrent et mille autres sont refusées… René Allio vient présenter Les Camisards, et le débat a lieu malgré les sept degrés et le lance-flammes du garagiste qui essaie de réchauffer la salle, entre les séances… Jean-Marie et le maire de l’époque, qui n’est pas encore Jean-Paul, décident de choisir pour la prochaine fois une date plus chaude, en juin.

Les années suivantes, Jean-Marie organise un « Marathon du scénario », avec Jean Aurenche pour président, une folie pleine de rires et d’inventions, sur trois jours, sans dormir, les candidats écrivent leur histoire. Le gagnant sera lu en public par Henri Gougaud… Quand il s’en souvient, Jean-Marie est toujours au bord du fou rire comme une bonne blague dans laquelle il aurait entraîné les autres…

En 1984, Jean-Marie tourne avec des amis un film sur les chevaux, et tombe malade… Une fois remis sur pied, ils s’allient et mettent en œuvre le festival de Lussas autour de cet animal. On vide le « Joncas », le fameux hangar familial, et on y installe des gradins pour que les chevaux viennent y faire des démonstrations et des courses ! On y projette aussi des films, aussi bien des westerns que Racetrack de Frederick Wiseman, ou même Ben-Hur !

Les villageois et les touristes sont enthousiastes. Au fil de mes visites à Lussas, tous me parlaient, très émus, de ce festival qui unissait la campagne et le cinéma, les animaux et la culture. Et c’est l’utopie de Jean-Marie Barbe : que Lussas devienne un lieu culturel aussi bien pour les villageois que pour les cinéphiles du monde entier, pour ceux que l’on appelle ici les « imaginaÏres » (« les rêveurs »), et les jeunes gens avides d’inventions formelles. C’est une époque où le documentaire est reconnu comme une forme nouvelle, qui fait le portrait de ceux que le cinéma oublie ou incarne par des vedettes… À Lussas, les légendes populaires sont racontées par les héros eux-mêmes, hors des paillettes hollywoodiennes…

Les débuts du « village-cinéma »

Une chambre dans la maison Barbe, telle une ruche bondée, sert de premier bureau, et Jean-Marie rêve d’un cinéma à Lussas, d’une salle des fêtes pour le festival, ce que petit à petit Jean-Paul, devenu maire, parvient à réaliser. On trouve un local plus grand pour que la troupe, autour de Jean-Marie, puisse travailler. Il faut faire des films pense Jean Marie ! Alors, il fonde une société de production, Ardèche Images Production, qui se lance dans la réalisation de films documentaires.

En 1989, à l’occasion du bicentenaire de la Révolution, la Bande à Lumière, qui regroupe, au milieu des années 1980, des maisons de productions et de distribution ainsi que des réalisateurs, imagine ce que devrait être un festival de films documentaires… Scission entre les Parisiens et les Lyonnais qui deviendront les Marseillais et les Lussassois.

Jean-Marie trouve toujours que c’est plus simple et moins cher à Lussas, que ça ne peut faire que du bien aux réalisateurs du monde entier de voir des films à la fin de l’été quand il y a les vendanges et la récolte des poires. 

Claire Simon

Jean-Marie avec d’autres créent Les États généraux du documentaire, sans prix, comme une université d’été… Jean-Marie trouve toujours que c’est plus simple et moins cher à Lussas, que ça ne peut faire que du bien aux réalisateurs du monde entier de voir des films à la fin de l’été quand il y a les vendanges et la récolte des poires. La première année, Raymond Depardon viendra y présenter son film, alors interdit, aujourd’hui appelé 1974, une partie de campagne.

Le cinéma de Lussas, la salle des fêtes, le « Joncas », un chapiteau loué ou un camion mobile, tous ces lieux projettent les films sélectionnés et on demande aux réalisateurs, même s‘ils sont éconduits, de laisser une copie de leur œuvre à la vidéothèque…

Car la mémoire est un des dadas de Jean-Marie, et peu à peu cet archivage lussassois finit par devenir la plus grande vidéothèque mondiale de films documentaires, grâce aux rétrospectives, aux programmations des cinématographies de différents pays, et tous les films reçus, accumulés au fil des années, classés, numérisés qui constituent aujourd’hui une incroyable richesse.

Le festival s’installe et comme disait la tante de Jean-Marie : « Les États généraux, c’est la semaine sainte ! » Les commerçants font leur fortune annuelle, les jeunes se posent au camping, les habitants accueillent des projections chez eux, et le village ne désemplit pas de jeunes gens conquis par ce cinéma qui semble le leur.

Le festival s’installe, et comme disait la tante de Jean-Marie : « Les États généraux, c’est la semaine sainte ! »

Claire Simon

Alors Jean-Marie, à observer cette jeunesse si enthousiaste se dit qu’il faut la former au cinéma documentaire. Il commence par des résidences d’écriture à Lussas, puis cherche des financements (via le CNC), et avec l’université de Grenoble se crée, en 1999, l’école : Le Master. Deux mois à Grenoble et le reste de l’année à Lussas pour douze réalisatrices et réalisateurs. Plus tard, en 2008, il y aura aussi des étudiants producteurs et même aujourd’hui des étudiants distributeurs. On laisse la porte ouverte aux professionnels qui veulent assister aux cours autour de la distribution des films documentaires.

Faire bouger les lignes, partout, tout le temps

Avant les années 2000, ARTE était la chaîne que le documentaire intéressait, et Thierry Garrel son pape comme il le disait lui-même. Mais, de plus en plus, les autres chaînes se désintéressèrent du genre, au profit du magazine, du reportage, de toutes sortes de formes sur lesquelles elles avaient tout pouvoir… Jean Marie sentait qu’il ne fallait plus compter sur la télévision. À Lussas, on élabore chaque année avec des producteurs et des diffuseurs régionaux des journées où les étudiants et les résidents viennent présenter leurs projets et trouvent souvent les moyens de les réaliser.

Jean-Marie pense aux pays, de l’autre côté de la Méditerranée, il faut les amener, eux aussi, à faire des films sur leur réalité. Il le sent comme une espèce d’amicale agricole ou régionale… À ce moment-là, la région est aux mains des socialistes et des écologistes, et Jean-Marie, invité à Dakar, organise des résidences d’écriture de films documentaires, d’abord à Gorée puis à Saint-Louis-du-Sénégal, et finit par convaincre l’université sénégalaise de créer un master documentaire à Saint-Louis, avec le soutien de la Région Rhône-Alpes.

À partir de là, tous les ans, les producteurs locaux et hexagonaux, les petites chaînes françaises, des chaînes africaines viennent faire leur marché auprès des projets d’étudiants et de résidents…. Jean-Marie s’attelle aussi à faire la même chose à Madagascar et, bien sûr, à travers le monde des résidences se mettent en place : en Géorgie, en Sibérie, en Nouvelle-Calédonie, au Cambodge — au centre Bophana à Phnom Penh créé par Rithy Panh —, en Guyane française, où des cinéastes documentaristes français accompagnent les projets des jeunes sur place qui parfois viennent ensuite à Lussas finir leur formation…  De nombreux films naissent de ces écoles et résidences, qui racontent brillamment ce regard intérieur sur chaque réalité, celui qui manque tant aux grands médias…

C’est alors que naît l’idée d’une plateforme de cinéma documentaire d’auteur, Tënk, qui à terme deviendrait internationale et sauverait la mémoire et l’actualité du genre. À ce moment-là, Netflix commence et Jean-Marie sent qu’il a un peu d’avance mais pas tant que ça. Avec son ami Jean-Paul, il veut créer, à Lussas, un lieu dédié au documentaire qui réunirait toutes les sociétés du « Village documentaire » et également la plateforme Tënk. Conjointement les deux projets avancent… Je les ai suivis dans une série que j’ai appelé Le Village dont un film sera tiré.

C’est cela que Jean-Marie Barbe poursuit, que cette vision de la culture du peuple soit reconnue et perdure !

Claire Simon

Malheureusement deux soucis surviennent : la région passe à droite et Laurent Wauquiez remplace les crédits de la formation qui soutenaient les résidences et les masters à l’étranger par un vif soutien à ce qu’il nomme « Chasse, Pêche, Nature et Tradition ». Et Jean-Marie retombe malade en septembre 2015. Les médecins lui demandent alors de « se calmer » et d’arrêter de voyager pour le cinéma documentaire. Néanmoins, avec toute son énergie et accompagné de nombreux jeunes gens, ils créent Tënk, et l’édifice sort de terre.

La plateforme est inaugurée en 2016 et le bâtiment en 2018. Il s’appelle « L’Imaginaire », et c’est sans doute le seul endroit dans le monde consacré au documentaire qui regroupe son école, sa vidéothèque, sa plateforme, un auditorium de mixage et des salles de montage vidéo et son. Avec Tënk, Jean-Marie veut coproduire de 100 à 150 films par an ! Toujours les chiffres valsent et son camarade Pierre Mathéus calme avec amitié et admiration cette excitation numérique… Mais la plateforme s’avère viable et de nombreux films sont coproduits.

D’autres projets en cours sont un peu laissés en plan faute de crédits tels que le cimetière audiovisuel de Lussas : chaque personne raconterait sa vie et où, sur de grands panneaux, on pourrait voir les défunts parler après leur mort. Soixante-dix portraits existent, il en manque 270… Les fantômes attendent 300 000 euros pour reprendre un peu de vie.

Toujours plus, toujours plus loin

Les dernières années ont vu la réussite de Tënk et la continuation du festival, du Master, etc. Mais certains jeunes gens, qui ont découvert le documentaire à Lussas et qui ont rejoint le « Village documentaire », se sont révoltés contre l’usine à idées qu’est Jean-Marie, l’ont trahi, l’ont mis à l’écart, alors Jean-Marie a dû courir encore plus vite pour ne pas ressembler au Roi Lear.

Son ami de toujours, Jean-Paul, s’est noyé il y a un an dans la retenue d’eau d’irrigation des vergers lussassois, sa collaboratrice de toujours, Claude Gallès Moncomble est maintenant maire de la ville. L’Association Tënk chez l’habitant, créée par Jean Marie et son amie Danièle Carlebach, enchante beaucoup de personnes qui n’ont pas de cinéma près de chez eux en leur faisant découvrir la fine fleur des films documentaires sortis en salles et en leur permettant d’en débattre avec le réalisateur ou la réalisatrice. Et les idées, Jean-Marie n’en manque pas : les mille et un films à sauvegarder à l’Unesco, convaincre France Culture de faire une émission de critique de films documentaires, une nouvelle plateforme pour le cinéma documentaire…

Parmi tous ses films — depuis 1976, Jean-Marie Barbe a réalisé, seul ou accompagné, 18 films —, mon préféré est celui sur les ouvriers agricoles dont on sent combien il les admire… Tant de gens extraordinaires sont venus à Lussas : de Pierre Bourdieu aux différents ministres de la Culture qui ont dû chausser leurs sandales l’été pour découvrir ce qu’un village agricole a fait pour la culture.

Toujours plus, toujours plus loin, le visionnaire n’a qu’une terreur, celle que ça ne tienne pas, que ça ne reste pas…  Lors de l’inauguration du bâtiment de Lussas, il avait fini son discours par : « Rendez-vous dans un siècle ! » C’est cela qu’il poursuit, que cette vision de la culture du peuple soit reconnue et perdure ! Peu de gens ont fait autant pour le cinéma documentaire en courant comme le furet, épuisé mais toujours vif en regardant l’immensité de la tâche encore à accomplir…  De chaque difficulté, Jean Marie, tel le Phénix, renaît de ses cendres. Alors bien sûr, oui, rendez-vous dans un siècle !

Claire Simon est une scénariste, actrice, directrice de la photographie, monteuse et réalisatrice française. Elle est l’autrice de plusieurs films documentaires, dont Les Patients, Récréations et Coûte que coûte récompensés dans de nombreux festivals.

La Scam affirme la place singulière des auteurs et des autrices dans la société. Astérisque en est le porte-voix.

Le jury de cette 31e édition a consacré Mário Macilau pour son portfolio Faith. Il rejoint ainsi le prestigieux palmarès du Prix Roger Pic décerné par la Scam.

Faith de Mário Macilau

Faith documente la pratique contemporaine de l’animisme au Mozambique. Les religions traditionnelles admettent l’existence d’esprits individuels se manifestant dans les objets et les phénomènes naturels. A ce titre, les esprits des ancêtres peuvent affecter les vivants. La préservation des cultures ancestrales mozambicaines induit la transmission d’un savoir : médecine traditionnelle, méthodes de guérison, rites de passage, règles de vie en communauté, etc. Ces pratiques religieuses reflètent une conception particulière de Dieu et du cosmos.

photo Mário Macilau
photo Mário Macilau
photo Mário Macilau

Mário Macilau

Il vit et travaille entre le Portugal, le Mozambique et l’Afrique du Sud. Artiste multidisciplinaire et activiste, connu pour son travail photographique, il est considéré comme l’une des figures de proue de la nouvelle génération d’artistes mozambicains. Ses photographies portent un éclairage sur l’identité, les questions politiques et les conditions environnementales. Il travaille avec des groupes socialement isolés pour sensibiliser son public aux nombreuses injustices et inégalités sociales. Avec le portrait pour point de départ, il ouvre le champ et invite à des scènes d’humanité, de fraternité et d’espoir. (suite…)

Le Prix Anna Politkovskaïa, créé en 2009 et doté de 3 000 € par la Scam, récompense le meilleur long métrage de la compétition documentaire du Festival international de films de femmes à Créteil.
Cette année, c’est le documentaire de Jacquelyn Mills qui a été distingué et doublement primé puisqu’il a également reçu le Prix du public.

Géographies de la solitude de Jacquelyn Mills

Canada – 2022 –103’ – Acéphale
Une immersion dans le riche écosystème de l’île de Sable, guidée par la naturaliste et environnementaliste Zoe Lucas qui vit depuis plus de 40 ans sur ce bout de terre isolé dans l’océan Atlantique Nord-Ouest. Tourné en 16 mm, ce long métrage documentaire expérimental est une collaboration ludique et respectueuse avec le monde naturel.

Née en 1984 à Sydney, Nouvelle-Écosse (Canada), Jacquelyn Mills vit à Montréal. Cinéaste, monteuse, conceptrice sonore et directrice de la photographie, ses œuvres explorent souvent une connexion intime et curative avec le monde naturel. En 2013, elle réalise un court métrage Leaves, présenté à Cannes et en 2017, son moyen métrage In the Waves est en sélection à Vision du Réel. Géographies of Solitude est son premier long métrage.

Ce prix récompense une étudiante ou un étudiant pour son film de fin d’étude et pour un projet de création numérique. Un partenariat Scam, CentQuatre-Paris et le fonds de dotation EDIS pour l’art numérique, avec le soutien de l’ANdÉA.

Quels candidats ?

La Scam, en partenariat avec le CentQuatre-Paris et le fonds de dotation EDIS pour l’art numérique, avec le soutien de l’ANdÉA -Association nationale des écoles supérieures d’art- propose aux jeunes étudiants et étudiantes sortant des écoles d’art, d’audiovisuel et des établissements d’enseignement supérieur, de primer leur film de fin d’études -réalisé dans le cadre de leur année diplômante- et un projet de résidence afin de réaliser une future œuvre en devenir, à caractère innovant et aux techniques d’écriture émergentes. Une attention particulière sera portée sur la qualité de ce projet, de sa conceptualisation à sa description formelle.

Quel type d’œuvres ?

D’une part le Prix Émergences sélectionne un film documentaire expérimental linéaire, de non-fiction, terminé, dont les dates de production et de réalisation sont incluses dans l’année universitaire en cours ou dans les deux précédentes, et concourant pour la première fois, telle que :

  • un film à caractère expérimental documentaire, y compris participant d’une installation visuelle performative ou d’une webcréation, participant d’une œuvre générative en réseau ou nomade, participant d’un dispositif immersif (réalité virtuelle ou augmentée), participant d’une application ou d’un jeu documentaire (serious game), en dehors de toute captation (toutes techniques confondues acceptées : images de synthèse, animation 3D, stop motion animation, etc).

D’autre part le Prix Émergences propose à ses candidats et candidates une résidence pour un projet d’œuvre numérique, documentaire et expérimentale, linéaire ou non-linéaire, de non-fiction, conceptualisée dès son inscription au Prix, telle que :

  • une œuvre à caractère expérimental documentaire (synthèse, animation, 3D, nouveaux médias, etc.) destinée à être projeté en salle, sur le web, ou destinée à être l’objet d’une installation à partir d’une œuvre générative en réseau ou nomade, l’objet d’un dispositif immersif (réalité virtuelle ou augmentée), l’objet d’une application, l’objet d’un jeu documentaire (serious game).

Quels critères ?

L’accent sera mis sur la créativité, l’inventivité de l’auteur et de l’autrice, dans le caractère innovant de son œuvre déjà réalisée comme de son projet à réaliser, qui doivent témoigner d’une écriture contemporaine et innovante.

Organisation du Prix et dotation

Le Prix Émergences se déroule en deux phases :

  • Première phase : un comité de présélection retient 5 œuvres de fin d’étude assorties d’un projet de résidence à venir. Les candidates et candidats sélectionnés seront invités à participer à la seconde phase du prix.
  • Seconde phase : les autrices et auteurs présélectionnés sont invités à une session de préparation aux pitchs de leur projet. Au terme de cette journée de réflexion et de travail, ils/elles viennent pitcher leur projet définitif devant le Jury qui élit, le soir-même, l’œuvre lauréate pour la remise du Prix Émergences. Lors de cette soirée de remise du Prix, sont projetées les œuvres présélectionnés et l’œuvre lauréate.
  • Une dotation de 6 000 € récompense le lauréat ou la lauréate (3 000€ de la Scam et 3 000€ du fonds de dotation EDIS) pour permettre la mise en production de son projet lors d’une résidence offerte au CentQuatre-Paris et au Grenier à sel d’Avignon (l’Ardenome, lieu d’exposition d’EDIS). L’auteur ou l’autrice s’engage pour sa part à trouver une société de production indépendante pour gérer la réalisation de sa nouvelle œuvre en résidence.

Les conditions d’attribution et le choix dans l’ordre des lieux de résidence, entre Le CentQuatre-Paris et EDIS pour l’œuvre en devenir, sont à définir avec l’auteur ou l’autrice selon le calendrier des différentes étapes de production et de réalisation de son projet.

Les lieux de résidence mettent à disposition des auteurs et autrices, selon leurs besoins :

  • un atelier ou un bureau de production, suivant le type de projet
  • pour une durée de 15 jours minimum à 2 mois maximum
  • avec une aide technique et du matériel mis à disposition suivant les disponibilités
  • avec une possibilité d’hébergement sur place, au cas par cas

Remise du prix

La remise du Prix, incluant la projection de l’œuvre linéaire primée et des œuvres remarquées par le jury aura lieu mi-décembre.

Modalités de candidature

Les candidatures se font gratuitement en ligne, via un formulaire accessible sur le site de la Scam, du 18 septembre au 10 octobre 2023 à minuit.
Tous les éléments nécessaires à l’inscription en ligne sont listés en première page du formulaire de candidature. Le dossier de candidature rédigé en français doit comporter obligatoirement les éléments suivants :

  • coordonnées complètes des auteur et autrices
  • biographie des auteurs et autrices de l’œuvre réalisée (1 page maximum par auteur)
  • lien de visionnage permanent vers l’œuvre réalisée (mot de passe éventuel)
  • lien de téléchargement permanent vers l’œuvre réalisée (MP4 H264, HD 1080P, Stéréo, 25i/sec, mot de passe éventuel)
  • résumé de l’œuvre réalisée (900 signes maximum espaces compris)
  • nom de l’école et coordonnées professionnelles du responsable au sein de l’école
  • résumé du projet de résidence (900 signes maximum espaces compris)
  • note d’intention pour le projet de résidence (PDF, A4 en portrait, 5 pages maximum, 3000 signes, 2 Mo maximum)
  • complément de sa présentation si nécessaire -recherches, liens, visuels- (PDF, A4 en portrait, 5 pages maximum, 3 000 signes, 2 Mo maximum)
  • 1 photogramme issu de l’œuvre linéaire réalisée (JPG ou JPEG, 2 Mo maximum)
  • 1 visuel, issu du projet d’œuvre à réaliser en résidence (JPG ou JPEG, 2 Mo maximum)

Le CentQuatre-Paris est un établissement artistique de la Ville de Paris qui accueille des artistes en résidence tout au long de l’année et collabore avec différentes structures, et notamment la Scam.
EDIS, fonds de dotation français dédié à l’art des nouveaux médias, a pour objet de soutenir, promouvoir et organiser toute action d’intérêt général à caractère culturel, artistique, dans le domaine de l’art des nouveaux médias.
L’ANdÉA -Association nationale des écoles supérieures d’art- créée en 1995, association qui fédère les 45 écoles supérieures d’art sous tutelle du ministère de la Culture. Ces établissements d’enseignement supérieur et de recherche délivrant des diplômes nationaux sont représentés au sein de l’ANdÉA par plus de 200 membres issus de toutes les catégories d’acteurs : professeurs, étudiants, directeurs, administrateurs, chefs de services.

Attribué par l’Association Pierre & Alexandra Boulat ce prix est destiné à encourager le travail des photojournalistes qui se heurtent aux difficultés économiques de leur métier.
Depuis 2015 il est doté de 8000 € par la Scam, afin de permettre à un ou une photojournaliste de réaliser un reportage inédit.

Le jury se réunira à Paris en juin et le prix, doté de 8 000 €, sera remis à Visa pour l’image, au Campo Santo de Perpignan, lors de la soirée du jeudi 7 septembre.

Pour toute demande d’information : annie@pierrealexandraboulat.com

Lauréats précédents : Jean Chung (2008), Margaret Crow (2009), Lizzie Sadin (2010), Maciek Nabrdalik (2012), Arnau Bach (2013), Kosuke Okahara (2014), Alfonso Moral (2015), Ferhat Bouda (2016), Romain Laurendeau (2017), Jérôme Sessini (2018), Axelle de Russé (2019), Jérôme Gence (2020), Mary F. Calvert (2021). Laura Morton (2022).

Le Prix François Billetdoux porte le nom du romancier, dramaturge, auteur « multimedia » de radio et télévision qui fut l’un des fondateurs de la Scam. Doté de 5000 €, il est attribué à l’autrice ou l’auteur d’un ouvrage littéraire en langue française, évoquant l’univers de la littérature, de la photographie, du cinéma, de la radio, du journalisme ou de la télévision.

Le jury, composé de Laura Alcoba, Arno Bertina, Catherine Clément, Colette Fellous, Simonetta Greggio, Nedim Gürsel, Ivan Jablonka, Isabelle Jarry, Michèle Kahn, Bertrand Leclair et Pascal Ory, a dévoilé sa sélection :

  • Baldwin, Styron et moi de Mélikah Abdelmoumen (Mémoire d’encrier, 2022)
  • Sur les pouvoirs de la littérature de Justine Augier (Actes Sud, 2023)
  • Le Vingtième siècle d’Aurélien Bellanger (Gallimard, 2023)
  • Sylvia P. d’Ananda Devi (Editions Bruno Doucey, 2022)
  • Si nous avions su que nous l’aimions tant, nous l’aurions aimé davantage de Thierry Frémaux (Grasset, 2022)
  • Héctor de Léo Henry (Payot & Rivages, 2023)
  • Sidonie Gabrielle Colette d’Emmanuelle Lambert (Gallimard, 2022)
  • Totalement inconnu de Gaëlle Obiégly (Christian Bourgois Editeur, 2022)
  • Le Risque de voir de Thierry Soulard (Les Editions du Cerf, 2022)
  • Les Sables savants d’Isabelle Vouin (Editions du Jasmin, 2022)

La Scam rassemble des auteurs et des autrices qui œuvrent à la création documentaire audiovisuelle ou sonore, aux reportages et grands reportages, à la traduction, la vidéo, la photographie, le dessin et l’écrit sous toutes ses formes. Elle négocie, collecte et répartit leurs droits d’auteur, défend leurs intérêts et mène une action culturelle et sociale. Ainsi, elle décerne chaque année de multiples prix, dont plusieurs dans le domaine de l’écrit : le Prix Joseph Kessel, le Prix Marguerite Yourcenar, le Prix François Billetdoux et le Prix du Récit dessiné.

Contact presse

Cristina Campodonico – 06 85 33 36 56 – cristina.campodonico@scam.fr