Les auteurs et autrices de documentaires de la Scam adressent leurs plus chaleureuses félicitations à leur consœur Mati Diop, sacrée du trophée de l’Ours d’or à la 74e Berlinale. Son Dahomey, coproduit par Les Films du Bal, Fanta Sy et ARTE France Cinéma, rappelle que plusieurs décennies après la fin du colonialisme, certaines blessures restent ouvertes et il reste des comptes à solder.

Après Nicolas Philibert distingué de l’Ours d’or pour Sur l’Adamant il y a un an, c’est la deuxième année consécutive qu’un documentaire brille au firmament du cinéma et témoigne de la force du réel.

Contacts presse

Cristina Campodonico et Stéphane Joseph  – communication@scam.fr

À vos agendas ! La remise du Prix Émergences se tiendra mercredi 20 décembre 2023 à 19h au CentQuatre-Paris, Salon de L’Incubateur. La soirée sera animée par Pascal Goblot (président de la commission des Écritures et formes émergentes de la Scam).

Les films et projets de résidences finalistes

Mémoire morte
Quentin Sombsthay

28’58 – 2021 – LA FÉMIS

Quentin a découvert un disque dur appartenant à un adolescent qu’il ne connaît pas. Les discussions MSN et les photos qu’il contient vont l’amener à réfléchir sur la mémoire numérique et les traces que nous laissons.

Projet de résidence
Image latente

Au Kenya, une entreprise américaine exploite des centaines de travailleurs pour améliorer les IA. Payés 2 $ de l’heure, ils lisent des extraits de textes contenant des descriptions allant de la torture à l’inceste afin de construire la barrière morale de ChatGPT. Le film traite des visions récurrentes dont ils souffrent depuis la lecture de ces textes.

Le Colloque des Chiens
Norman Nedellec

22’56 – 2023 – LE FRESNOY

Le Colloque des Chiens est une adaptation cinématographique d’une nouvelle éponyme écrite par Cervantès en 1613. Ainsi, deux chiens sont touchés par le pouvoir de la parole, une nuit, aux abords d’un hôpital. Ensemble, ils philosophent sur leur condition canine et s’aventurent sur le récit d’un souvenir – et d’une métaphore politique – pastoral : de celui d’un loup menaçant le troupeau de brebis. Tournés en prises de vues réelles, les enjeux du film étaient de parvenir à donner une intériorité concrète aux chiens, en faisant résonner leur voix dans le contemporain. Par le montage de la voix, d’images documentaires liées à leur propos, et d’images d’archives jouant du souvenir berger, un espace fictionnel prend corps dans la rumeur du loup. Irréel jusqu’au bout du conte, il est animé en 3D et composé à même les images, traversant le film comme un fantôme revenant hanter notre monde.

Projet de résidence
Chalufy

Il est 21h sur le col de Chalufy, la lumière décline. Le berger envoie ses chiens réunir le troupeau. Ils courent sur le flanc de la montagne. Les brebis forment une masse blanche qui sonne et se meut sous les nuages roses orangés du crépuscule. La lune les regarde, isolée dans l’horizon à perte de vue. Le troupeau passe proche, le son des cloches s’intensifie avant de laisser place au langage des grillons. Un patou m’aperçoit, vient à ma rencontre en aboyant. Passant sur une crête, son corps se dessine en contre-jour du ciel. Il me sent, s’apaise, et me guide à la suite du troupeau pour nous ramener tous à la cabane. Dans cette balade entre chien et loup, sa forme blanche devient le repère de la marche. Plus la nuit s’installe et plus son corps devient abstrait, comme un nuage, un fantôme ou une pâle lumière dans l’obscurité. Il devient abstrait au milieu des grillons et des étoiles.

Play me, I’m yours
Julia Palmieri Mattison

14’31 – 2021 – ERG

Play me I’m yours est un court-métrage documentaire expérimental réalisé à l’École de recherche graphique à Bruxelles durant mon master de Narration Spéculative en 2021. Alliance d’images d’archives, de papiers scannés et de notes crachées sur des Post-it, il fait discuter plusieurs générations, questionnant la porosité des relations amoureuses, familiales et amicales. «Autour d’un repas bruyant, dans un lit où on partageait un paquet de gâteaux, la discussion pendant que tu te lavais, je préparais à manger et ma mère venait d’acheter un bouquet de fleurs à mettre sur le piano du salon. Tu n’aurais jamais dû baiser avec lui, elle a si bien fait de coucher avec elle. Je t’appelle demain pour qu’on en discute, je dois téléphoner à ma grand- mère avant. L’amitié, l’amour, la famille, les relations, les interactions, la mort, les femmes, les hommes, la nourriture, ça regroupe, ça divise et c’est poreux.»

Projet de résidence
Looking mean is not cool anymore

Looking mean is not cool anymore est un court-métrage documentaire expérimental, une expérience sociale. Son décors joue un rôle narratif crucial nécessitant un terrain d’expérimentation propre, un lieu de tests, en parallèle de l’écriture formelle. Une résidence me donnerait accès à cet espace de réflexion, de tentative, loin de mon appartement-atelier solitaire. Elle me permettrait de fusionner les mots aux objets, aux audios, aux dialogues, à l’esthétique générale du film. Et ce, dans l’optique de parfaire et dessiner la complémentarité et la résonance du visuel et de la narration. Il s’agit de trouver de nouvelles manières de faire cohabiter le propos du film et son esthétique, les rendant interdépendants. Ce sera l’objet de cette résidence. Trouver son équilibre esthétique, en trouvant les éléments justes, du simple document scanné à l’intégration 3D.

Plein air
Jérémie Danon

26’31 – 2021 – ENSBA Paris

Plein air met en scène des individus en réinsertion. Sortis du milieu carcéral, ils se retrouvent aujourd’hui dans une liberté différente de celle qu’ils ont connue avant leur détention. Transformés par l’expérience de la captivité, ils portent un regard nouveau sur ce monde retrouvé. J’ai invité cinq anciens détenus à prendre la parole sur un fond vert ; ce dispositif permet de présenter leurs témoignages tout en les décontextualisant de la réalité, au moyen d’espaces imaginaires. De l’univers mythopoétique de Falkreath The Elder Scrolls à celui de GTA V, ces décors de synthèse tirés de jeux vidéo ont été choisis d’après leurs réponses à la question : « où aimerais-tu être maintenant ? ». Au milieu de ces espaces machinima, ils témoignent du décalage et de l’impossible retour à la réalité qu’ils éprouvent.

Projet de résidence
Mothers

Mothers a pour sujet la ballroom scene. A contre-pied des rares documentaires qui ont vu le jour sur cette culture, je souhaite m’intéresser aux personnes qui sont au cœur de la ballroom scene sans jamais filmer un ball (compétition de voguing célébrant toutes les identités). Au lieu de montrer le lieu du ball et les performances qui s’y déroulent, je montrerai l’avant et l’après de cet événement pour évoquer ce qui ne doit pas être montré. Tout ici est question d’espace : espace de cinéma, espace de parole, espace de sécurité et espace de légitimité. Je veux donner aux protagonistes de cette histoire la possibilité de se mettre en scène, non pas à la manière d’un ball mais avec les outils du cinéma, pour questionner ensemble cet univers qui leur appartient. Je souhaite faire une œuvre sur la ballroom scene avec les personnes qui la font exister et que cette œuvre soit collective.

Forensickness
Chloé Galibert-Laîné

40’17 – 2021 – ENS (École normale supérieure)

Après avoir vu le film Watching the Detectives de Chris Kennedy, une chercheuse retrace la chasse à l’homme menée sur le forum reddit.com après les attentats terroristes de 2013 à Boston. Examinant des extraits de journaux de l’époque ainsi que des réinterprétations fictionnelles des événements, elle compare les manières dont agents du FBI, journalistes et internautes ont analysé la masse d’images amateurs qui ont mené à l’identification des terroristes. A mesure qu’elle se laisse fasciner par le spectacle de l’affrontement entre leurs différentes formes d’expertise et d’autorité, elle-même perd progressivement de vue l’écart entre ce que les images montrent véritablement, et ce qu’elle veut voir en elles.

Projet de résidence
La Grande Vacance

La Grande Vacance est un essai de recherche audiovisuel sur les images de l’épuisement, et sur l’épuisement par les images. Prenant pour point de départ une vidéo trouvée sur la plateforme de streaming en ligne Twitch, qui montre un internaute se filmant en train de dormir afin de monétiser son temps de repos, le film mène une enquête critique sur l’articulation contemporaine entre fatigue, (auto)exploitation, et pratiques des écrans connectés. Faisant le lien entre l’épuisement individuel et la surconsommation des ressources de la planète, la résidence sera spécifiquement consacrée au travail de mise en scène des archives audiovisuelles qui constituent la matière première du film – des archives remédiatisées, transférées, altérées, corrompues peut-être, invitant une réflexion sur les écologies numériques à venir et l’archivage d’internet.

Le jury

Il est composé de Ludovic B. (vidéaste, membre commission des Écritures et formes émergentes de la Scam), Jean-Marc Chapoulie (réalisateur, membre commission des Écritures et formes émergentes de la Scam), Julie Sanerot (CentQuatre-Paris), Karim Ben Khelifa (lauréat Prix Nouvelles écritures 2022 pour Seven Grams), Jean Gégout (lauréat Prix Émergences 2022, pour Omi-Maiko Station)

Les lauréats et lauréates des années précédentes

Jean Gégout (2022)
Nicolas Gourault (2021)
Gabrielle Stemmer (2020)
Marin Martinie (2019)
Ismaël Joffroy Chandoutis (2018)
Ugo Arsac et Hannah Hummel (2017)

Le Prix Émergences est doté de 6 000 € : 3 000 € par la Scam en récompense d’un film d’école, et 3 000 € par le fonds de dotation EDIS pour une résidence (au CentQuatre-Paris et/ou à l’Ardenome d’Avignon). Le prix est soutenu par l’AndÉa. Il a pour but de stimuler et de soutenir la nouvelle création. Le Prix Émergences propose aux jeunes auteurs et autrices étudiants·es en fin d’études, sortant des écoles d’art, d’audiovisuel et des établissements d’enseignement supérieur, de présenter un film personnel à caractère expérimental, réalisé dans le cadre de leur année diplômante, ainsi qu’un projet d’œuvre numérique en devenir, à réaliser lors de leur résidence.

En partenariat avec le CentQuatre-Paris et le fonds de dotation EDIS, soutenu par l’ANdÉA.

Contact

Caroline Chatriot – prixemergences@scam.fr

Après 10 mois de détention en Afghanistan notre confrère Mortaza Behboudi est enfin libre.

Formidable soulagement pour ses proches et l’équipe qui a tant œuvré pour cette heureuse issue, RSF et plusieurs consœurs et confrères.

Formidable soulagement malgré … la folle actualité.

C’est une formidable nouvelle. Mais, entre joie et amertume. Le Prix Nobel de la Paix est attribué à l’iranienne Narges Mohammadi, journaliste, et militante pour les droits des femmes et les droits humains. Un combat qui lui vaut d’être actuellement en détention, condamnée à une longue peine. Une de plus, après de nombreux allers-retours dans les geôles du régime des mollahs. Le Prix Albert Londres salue avec admiration le courage et le couronnement d’un tel engagement pour la « Femme, la Vie, la Liberté ».

C’est donc la troisième journaliste à recevoir cette distinction. En 2021, le russe Dmitri Muratov, ancien rédacteur en chef du journal Novaïa Gazeta, a lui aussi reçu ce Prix en vertu de sa lutte pour la liberté de la presse face à la propagande du kremlin. De même que la philippine Maria Ressa pour ses enquêtes avec sa plateforme de journalisme d’investigation, Rappler.

Voir ainsi salués des professionnels de l’information, montre la période que nous vivons. L’actualité s’est embrasée. Et les enjeux pour un travail de vérité sont considérables, voire déterminants. Invasion de l’Ukraine, conflit du Haut-Karabagh, crises multiples en Afrique, main de fer des talibans en Afghanistan, jusqu’à l’attaque massive du Hamas contre Israël… Toutes ces tragédies s’accompagnent de guerre de l’information.

Face à la perte de confiance que nous vivons, établir les faits est plus que jamais nécessaire, et le journalisme plus que jamais indispensable.

Chaque année, nos prix récompensent le talent des autrices et des auteurs à nous raconter le monde et valorisent celles et ceux qui ont laissé leur empreinte dans la création documentaire. Nous dévoilons ce magnifique palmarès audiovisuel avec fierté et nous félicitons la lauréate et les lauréats 2023 !

Jean-Pierre Thorn – Prix Charles Brabant

Ce prix consacre un parcours singulier, un talent et une exigence créatrice ayant su imposer durablement leur empreinte sur la création documentaire.

 Jean-Pierre Thorn débute en 1965 à Aix en Provence par des mises en scène théâtrales. Il tourne son premier long-métrage en 1968 à l’usine occupée de Renault Flins. En 1970, il abandonne le cinéma pour embaucher comme ouvrier O.S. à l’usine Alsthom de Saint Ouen. En 1978, retour au cinéma. Il est animateur de la distribution cinéma du programme intitulé Mai 68 par lui-même. En 1980, il réalise son second long-métrage Le Dos au mur. En 1989, sa première fiction Je t’ai dans la peau évoque le destin d’une militante féministe, religieuse puis ouvrière et dirigeante syndicale. Depuis 1992, il collabore avec le mouvement hip hop et réalise 3 films, devenus emblématiques : Génération Hip Hop, Faire kiffer les anges et On n’est pas des marques de vélo. Le Documentaire Allez Yallah !, en 2006, suit une caravane de femmes en France et au Maroc, pour l’égalité de droits et contre la montée de l’intégrisme religieux. En 2019, il réalise L’Âcre parfum des immortelles.

Jean-Pierre Thorn, Prix Charles Brabant 2023 - Photo Benjamin Géminel / Hans Lucas
Jean-Pierre Thorn, Prix Charles Brabant 2023 - Photo Benjamin Géminel / Hans Lucas

Brigitte Bouillot et Oan Kim – Prix du Documentaire

L’Homme qui peint des gouttes d’eau
France-Corée du Sud, vostfr 2020, coul 79’, Paraíso Production, Miru Pictures

Brigitte Bouillot est réalisatrice, photographe et scénographe. Elle a étudié́ les arts plastiques aux Beaux-Arts de Dijon. Après des débuts dans la performance artistique, elle s’oriente vers la scénographie, la photographie puis la réalisation de films de commande.

Oan Kim est réalisateur, photographe et musicien. Son travail de réalisateur se déploie entre installations d’art vidéo, films institutionnels et vidéoclips.
L’Homme qui peint des gouttes d’eau est leur premier film documentaire.

 

Charles Emptaz et Olivier Jobard – Prix du Reportage

Ethiopie : Tigré, au pays de la faim
France, vf et vostfr 2022, coul 24’, TV Only, Arte GEIE

Charles Emptaz est grand reporter. Pour Arte, il a couvert de nombreux conflits hors des radars de l’actualité, en Afrique et au Moyen Orient. Son travail a été récompensé par une Étoile de la Scam 2016, le Prix Bayeux des correspondants de Guerre, le Prix DIG de l’investigation (Italie).

Olivier Jobard est photographe et réalisateur. À vingt ans, il est propulsé dans la guerre des Balkans. Il parcourt le monde, puis il retrouve en France, à Sangatte, les réfugiés des conflits qu’il couvre. Il choisit alors de porter son regard sur les questions migratoires.

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Brigitte Bouillot - Prix du documentaire

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Oan Kim - Prix du documentaire

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Charles Emptaz - Prix du Reportage

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Olivier Jobard - Prix du Reportage

Contact presse

Cristina Campodonico / 06 85 33 36 56
cristina.campodonico@scam.fr

Patrick Chamoiseau a reçu le prix Marguerite Yourcenar 2023 pour l’ensemble de son œuvre. Retour sur le parcours de ce témoin de l’histoire coloniale et fervent penseur de la créolité, un chemin façonné de livres et d’essais marqués par la magnificence des mots.

Toujours, les grandes œuvres s’éclaircissent rétrospectivement de l’accomplissement qu’elles atteignent à la maturité, lorsque l’évidence s’impose de les célébrer comme un tout : ce tout était agissant dès le départ, dans chaque fragment, chaque esquisse sans doute, mais il aura fallu un long cheminement pour le dégager du brouillard des origines.

Peu d’œuvres en témoignent aussi nettement que celle de Patrick Chamoiseau, portée par la nécessité d’ouvrir la littérature francophone à un imaginaire de la diversité dégagé des œillères que nous a léguées l’histoire, et tout particulièrement l’histoire coloniale. Non sans atteindre parfois à une forme d’urgence dans « la ferveur des indignations » (Frères migrants, 2017), c’est dès ses prémisses que cette œuvre s’est inscrite à rebours exactement des processus de sclérose identitaire qui ronge notre début de millénaire hérissé de murs et de barbelés pour mieux reléguer les uns et enfermer les autres dans le ressentiment de leurs propres peurs.

Une langue à la richesse harmonique

Par-delà la magnificence d’une langue à la richesse harmonique nouvelle, c’est bien ce qui frappe à relire les premiers livres de Patrick Chamoiseau, de Chronique des sept misères (1986) au magistral Texaco (1992), chatoyante épopée des splendeurs et misères du peuple antillais depuis la sortie de l’esclavage : le chemin parcouru était donc tout entier contenu dans les prémisses, s’il y demeurait indiscernable ; pour reprendre une expression de Franz Kafka, une « conclusion innée » conditionnait déjà les premiers livres, serait-ce à l’insu de leur auteur qui cherchait, précisément, à la définir.

Patrick Chamoiseau l’affirme à sa façon à l’orée du fascinant Le Conteur, la nuit et le panier (2021) qui remonte aux sources de la création en terres créoles : alors que tout artiste est voué à cheminer de manière singulière, son œuvre en devient « un cheminement vers la compréhension de l’art qui est le sien ». Les livres publiés sont autant de pierres blanches qui matérialisent a posteriori ce « cheminement dépourvu de chemin ». « Comme tout artiste, l’écrivain s’invente une voie qui n’aboutit jamais, une voix qui cherche toujours son chant. C’est ainsi qu’il demeure désirant », car il n’est pas d’autre carburant que le désir, quand bien même le maître-mot de l’œuvre tout entière, en l’occurrence, resterait l’émotion : car au commencement est l’émotion, qui par deux fois s’est confrontée à la barrière de l’expression au long d’une « enfance créole » bientôt formatée par l’école coloniale, sous la férule d’un maître « grand pourfendeur de sabir créole, négateur des fastes de la culture dominée », celle qu’incarnait « Gros-Lombric », le double ou « l’écolier marron » amenant des confins de l’en-ville des contes de zombis et autre « Chouval-trois-pattes », ainsi que le raconte Chemin-d’école (1994), deuxième volume de la trilogie Une enfance créole.

Chamoiseau racontait volontiers comment l’écriture de l’essai, destiné à restituer la trajectoire d’une conscience ayant eu à trancher le choix d’une langue d’écriture, a ouvert la voie pour libérer enfin, et d’un seul souffle, le roman.

Bertrand Leclair

Si le Maître voguant « immatériel sur les cimes du savoir universel » terrifiait le présent, la langue qu’il imposait n’en reste pas moins celle dans laquelle a pu opérer l’appel d’air de la littérature mondiale. Alors que l’œuvre de Chamoiseau s’est construite sur deux jambes, alternant essais et romans ou récits, on ne peut sur ce point que s’attarder sur la parution conjointe, en 1997, de L’Esclave vieil homme et le Molosse et de Écrire en pays dominé. Chamoiseau racontait volontiers, à l’époque, comment l’écriture de l’essai, destiné à restituer la trajectoire d’une conscience ayant eu à trancher le choix d’une langue d’écriture, a ouvert la voie pour libérer enfin, et d’un seul souffle, le roman, très ancien projet qui lui résistait depuis des années. L’essai lui avait permis de comprendre que l’élan vers la liberté de son vieil esclave était certes un élan vers la réhumanisation mais que ce qu’il devait retrouver, à s’enfoncer dans les bois, n’était pas une essence perdue : de fait, il y découvre la présence agissante des traces de l’imaginaire amérindien aussi bien que le souvenir confus des divinités africaines ou des représentations symboliques imposées par le maître à travers la plantation. L’esclave vieil homme ne peut se réaliser en tant qu’être humain que dans une « totalité du monde » qu’il porte en lui, traçant la voie au monde ouvert né de la créolité, celui de « la Relation », chère à Édouard Glissant (1928-2011), dont l’élaboration théorique a profondément marqué Patrick Chamoiseau, l’incitant à dépasser à son tour les cloisonnements et les clivages identitaires.

On voudrait, bien entendu, s’attarder également sur le monumental Biblique des derniers gestes (2002), sur le lumineux L’Empreinte à Crusoé (2012). En tant que membre du jury du prix Marguerite Yourcenar destiné à couronner l’ensemble d’une œuvre, cependant, on ne peut conclure qu’en se réjouissant d’avoir l’honneur de décerner ce prix à Patrick Chamoiseau au moment où, une fois de plus, un diptyque associant roman et essai confère une dimension nouvelle à l’ensemble de son œuvre.

Métonymie de la création littéraire et de sa nécessité vitale

À l’essai déjà cité Le Conteur, la nuit et le panier, paru en 2021, répond merveilleusement le chef d’œuvre qu’est Le Vent du nord dans les fougères glacées, paru à l’automne dernier, et qui joue à merveille, en sous-main, du vertige que nourrissent les découvertes de la physique quantique[1]. Là où l’essai remontait aux sources de la création en retraçant l’extraordinaire émergence des premiers « maîtres de la Parole » dans le secret des veillées mortuaires, au temps de la catastrophe esclavagiste, le roman précipite quelques habitants des mornes en quête du dernier des maîtres de la Parole dont l’absence, d’abord passée inaperçue, creuse l’espace d’un manque, dans leur quotidien anesthésié. Aucun d’entre eux ne saurait dire exactement depuis quand Boulianno ne se présente plus aux veillées mortuaires : ayant « dépassé vieux » sans que nul ne puisse faire le compte de ses années, il n’apporte plus « cette lumière qui vient de la Parole, seule grâce capable de soutenir la vie en face de la mortalité ! » Car tous se souviennent que, lorsqu’il se présentait pour « monter au tambour » et entrer dans une la-ronde à la nuit tombée, « la mort elle-même trouvait à qui parler. (…) Hélas ! un jour, Boulianno Nérélé Iksilaire – honneur sur sa naissance et respect sur son nom – cessa de répondre aux appels ».

Par poussées fulgurantes qui sont autant de surprises, la logique du texte qui se fait luxuriant semble dès lors creuser dans un inconnu indiscernable. 

Bertrand Leclair

L’homme a disparu comme on s’efface, ou s’estompe, dans la modernité martiniquaise, sans avoir « déposé chez personne » « ce cœur-de-chauffe de la sagesse » désormais « serré au plus profond dans le silence de Boulianno ». Doutes et hypothèses lancent les plus fervents des enquêteurs à sa recherche sur les hauteurs inhabitées de Sainte-Marie, haut lieu du marronnage à l’époque de l’esclavage. Par poussées fulgurantes qui sont autant de surprises, la logique du texte qui se fait luxuriant semble dès lors creuser dans un inconnu indiscernable d’être situé non pas au dehors, mais à l’intérieur des enquêteurs, et par conséquent du lecteur – puisque le chemin de la Parole « n’est pas dans ce monde, il n’est nulle part en dehors de ta force : il est en toi-même ! » Les voici en prise immédiate avec « cette affaire insondable du vivre », constatant que « dans ce monde-ci, le nôtre, celui où l’on bat la misère », les choses « comprenables ne sont hélas pas les plus importantes ».

Ce faisant, ce n’est rien de moins qu’une métonymie de la création littéraire et de sa nécessité vitale que propose Le Vent du nord dans les fougères glacées, grand roman de la maturité artistique. Le « cheminement sans chemin » de Patrick Chamoiseau y dévoile des terres inconnues où déployer ses somptueuses harmoniques, et nous enchanter à nouveau.

[1] On pourra lire à ce propos l’article publié dans le quotidien numérique AOC le 13 décembre 2022

Juré du prix Marguerite Yourcenar, Bertrand Leclair est journaliste, romancier, essayiste et dramaturge. Il est également auteur d’une vingtaine de pièces radiophoniques et a collaboré à de nombreux ouvrages collectifs.

La Scam affirme la place singulière des auteurs et des autrices dans la société. Astérisque en est le porte-voix.

Le Prix Charles Brabant 2023 récompense Jean-Pierre Thorn, en cette année du documentaire, pour l’ensemble de son œuvre. 2023 est aussi le cinquantième anniversaire de la naissance du Hip Hop. Les étoiles s’alignent pour ce cinéaste qui est toujours resté dans l’ombre et n’a cessé de mettre en lumière les opprimés, les révoltés. Et ironie du sort. Le jour où l’on doit lui remettre son Prix, le 19 octobre 2023, une grève est annoncée…

Nadja Harek et Atisso Médessou ont rencontré Jean-Pierre Thorn pour un regard croisé.

 

Le Hip Hop a un devoir d’optimisme

Nadja HarekOn dit de toi que tu es un réalisateur militant politique et engagé. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Une case ? Un style ? Et ta poésie on la met où ? La première fois que je t’ai découvert c’est avec « Faire Kiffer les Anges » au festival de Montpellier Danse en 1996. Ça commence par un graffeur. Aujourd’hui on dit Street artiste.  On a du mal à dire Hip Hop comme on a du mal à dire noir et arabe. Noredine marche au milieu de sa cité et se dirige vers un spot pour graffer en arborant le tee-shirt du groupe Public Enemy. Qu’est-ce qu’on attend du groupe NTM introduit le film. On se dit ça commence fort. C’est Vénèr. Ça claque. C’est Nous. Enfin un film qui parle de notre génération. 

Atisso Médessou – À cette époque, je vivais à la Cité universitaire dans le quartier des Pyramides à Evry. Je n’en croyais pas mes yeux, comment Arte pouvait donner à voir des personnes faire du break sur des cartons au pied de leur immeuble. Des personnes comme toi et moi Nadja, celles que l’on côtoie dans notre quotidien. Je n’en croyais pas mes oreilles, entendre NTM c’était frais et dans ce documentaire cela ravivait l’essence même de ce morceau de rap que tous les JT avaient détourné pour mépriser les jeunes des quartiers populaires que nous étions, toujours relégués à la marge. Tu les as fait sortir de l’underground pour les mettre en lumière.

Un vrai électrochoc. On offrait enfin la possibilité à Noredine, Nicolas, Gabin, Karima et les autres de raconter leur vie en France et surtout de dire comment artistiquement ils restent debout grâce à l’art .

Nadja Harek – Nous sommes nombreux à avoir été marqués par ce film qui nous ressemble, qui parle de nous. Ce n’était pas encore l’insipide diversité, l’islamophobie, toussa toussa comme dirait le rappeur Disiz la Peste.  Le racisme systémique que tu dénonçais, on le connaissait trop bien. On n’a jamais su nous nommer. Mais toi tu as su nous regarder, nous écouter, sublimer notre art et mettre en lumière notre personnalité à nous les enfants d’ouvriers. Par écho, par miroir. C’est la première fois que je vois une danseuse hip hop, Karima Khélifi avec qui en 2012 je ferai mon documentaire BGirls. Et puis nous découvrons tes autres films, tous liés à la colère de la rue, à l’injustice, au monde ouvrier. 

Tu as posé une brique de plus dans le documentaire. Avec plusieurs films dont On n’est pas des marques de vélo et 93 la Belle Rebelle, tu as su donner les lettres de noblesse à un mouvement culturel longtemps perçu comme un phénomène de mode.

Tu nous reçois Atisso et moi chez toi non loin de République. Je vois trôner sur le haut de ta bibliothèque le livre culte Hip Hop Files, de la photographe et anthropologue Martha Cooper.

Comme Atisso, le premier monde que j’ai filmé c’est celui de la culture Hip Hop. Dès que je proposais un projet lié à cette culture, un responsable documentaire du service public me disait « c’est bon y a déjà Jean-Pierre Thorn qui a réalisé un film ». Je lui disais mais la nouvelle génération existe elle a des choses à dire. Il fallait se battre et tu m’as encouragée. Et tu t ‘excuses encore aujourd’hui devant moi parce qu’on a fait de toi le fusible ? Il ne faut pas s ‘excuser de la bêtise des autres.

Jean-Pierre Thorn – J’ai été financé oui mais je ne suis pas dupe. On me donnait ce rôle pour que des gens comme toi ne prennent pas la parole.

Depuis quelque temps, le sentiment dominant est la déception. Les opprimés sont mutilés pour leur colère face à l’injustice. Même si le mélange des cultures te tient à cœur autant qu’à nous, nous assistons à une montée inquiétante d’un racisme décomplexé. Mais comme nous, tu as la rage intacte.

Il reste quelque chose de la révolution qui est immortel

NH et AM – On dit que c’est au pied du mur que l’on reconnaît un maçon. Avec Le Dos au mur j’ai reconnu en en toi un cinéaste exigeant qui place la classe populaire au cœur de ses récits. Tu es de la trempe de ceux qui filment des mouvements collectifs à en faire jaillir des voix d’hommes et de femmes singulières. Dans ce film, tu parviens à nous faire partager la ferveur au quotidien des ouvriers en grève à l’intérieur comme à l’extérieur de leur usine.

Oser lutter oser vaincre est le film dont tu es le plus fier.  Slogans de 68 que je retrouve écrit noir sur rouge en 2019 sur une banderole d’un de mes personnages à venir, lors d’un tournage pendant le Hirak, mouvement révolutionnaire algérien. 

Ne faire qu’un avec ce qu’on voit est mortel et ce qui sauve c’est toujours la production d’un écart libérateur.

Marie -José Mondzain, L’image peut-elle tuer?

D’abord un choix éthique plutôt que politique

Ce que tu refuses c’est l’endormissement des facultés d’indignation, face aux images dites naturelles et vides de sens.  Ton style c’est de créer des ruptures avec le réel filmé comme un acte politique, comme la possibilité de regarder vraiment à travers l’opacité des images. Jouer avec le cinéma pour atteindre la vérité c’est ça ton cinéma. Le destin collectif apparaît en suivant les traces du destin individuel. L’ouvrier,  la bonne sœur, le rockeur, l’artiste hip hop, le gilet jaune, de ta place tu parles de la société française qui implose, qui se désintègre.

De six à seize ans, tu as vécu au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Ton père exerçait le métier de technicien au sol d’Air France, avant de finir chef d’escale.

Je me foutais de la gueule de mon père, je le traitais de colon. Ça le mettait en colère.

J’étais fils de protestants, avec une mère très pratiquante, dont le comportement m’amusait : elle faisait venir de France des sapins de Noël via le commandant de bord !

Son plus grand désespoir a été le jour où on a dû utiliser, pour faire le sapin, des branches de palmiers à Douala. D’ailleurs à la maison on mangeait français, alors que j’aimais bien la cuisine africaine.

Tu étais déjà avec “Nous”. Par ricochet, tu es passé du continent Africain, aux usines où nos parents trimaient, pour nous rencontrer par l’intermédiaire de la culture Hip Hop. C’est comme si nos parents étaient à tes côtés pour résister habillés de dignité. Une dignité qu’ils nous ont transmise. Tout était tracé pour que tu atterrisses dans les usines afin de vivre ta conscientisation et surtout afin d’agir au lieu de « blablater » comme les gauchistes. En 1968, tu fais des pieds et des mains pour faire rentrer une caméra dans une usine.

« Monsieur Thorn, on se demande ce que vous faites là »

Dans un film, on n’est jamais neutre. Les ouvriers étaient mis dos à dos avec les grévistes. Toujours cette menace de perdre son emploi, ses indemnités, et ce patron qui m’interpelle en me demandant ce que je faisais là ! Je dis toujours que lorsqu’on filme on est d’un côté ou d’un autre. Il faut arrêter de dire qu’on est neutre et invoquer la distance. On n’empêche que les films se fassent à cause de ça. En mai 68 quand tu as une caméra, tu es soit du côté des étudiants soit des flics. Je déconseille à tout le monde de monter au-dessus de la barricade, tu reçois des deux côtés des grenades et des pavés.

Je ne suis jamais du côté des privilégiés parce que j’ai trouvé une générosité, une intelligence chez les autodidactes. Ils n’ont pas cet orgueil des bourgeois qui savent tout. Les trois quarts du cinéma c’est « je sais tout ». Les bourgeois m’ont toujours fait chier, leur hypocrisie aussi.

Le respect du réel

Tu dis « Il faut savoir sortir de la narration pour que le spectateur prenne position ». Tu respectes trop le réel. Dans Je t’ai dans la peau, ton unique film de fiction, tu composes avec le Mistral et tourne tes scènes de la cité ouvrière, à l’église des prêtres ouvriers communistes, tu portes attention au soin des tenues de l’époque. C’est pour ça qu’on entend coupez à la fin du film L’Âcre parfum des immortelles, et qu’on voit les regards caméra au début de Faire kiffer les anges.

C’est une façon de dire c’est un spectacle, je regarde. Vous avez peut-être un autre regard sur ce que je vous montre et c’est à vous spectateur de l’affirmer.

Le naturalisme a toujours été pour moi au cœur de l’esthétique du pouvoir pour aliéner les capacités d’indignation du peuple, le maintenir dans une résignation.

La théorie d’Eisenstein c’est que le sens d’un film est lié par deux images qui s’entrechoquent. L’unité des contraires, le matérialisme dialectique.

Il faut présenter des fragments de scène et que le montage se fasse dans le cœur du spectateur, dans la tête et dans le cœur de manière à créer un saut extatique.

Et c ‘est là dans ta fiction à la manière d’Eisenstein que le sens se fait.  On se retrouve en 1956, après avoir rencontré ton personnage dans les années 1940, La religieuse, débarrassée de sa croix, devient ouvrière à la chaîne dans une usine. Une musique mélancolique nous donne à entendre ses pensées. Le bruit de la presse et la venue du chef viennent sortir Jeanne de ses pensées. Et le couperet tombe, le chef qui sans pitié lui dit “quel enthousiasme mademoiselle Rivière”. Comment peut-on être enthousiaste lorsqu’on travaille à la chaîne ? lorsqu’on risque de perdre son travail à tout moment si on n’atteint pas le rendement ?

Le documentaire n’est pas uniquement une façon de copier la vie

Le documentaire c’est apporter de la poésie, de la couleur. Je travaille énormément à l’étalonnage de mes films et à la bande son. Ce sont des moyens que je me donne, cette notion de contrepoint que j’ai appris chez Eisenstein est très importante pour moi. En 1967, j’ai vu Octobre, j’ai suivi des cours de Barthes qui enseignait la sémiologie, j’avais convaincu mon père qui ne comprenait pas que je puisse écrire une thèse “Matérialisme dialectique et montage”. Les plus grands documentaristes pour moi c’est Eisenstein, Glauber Rocha ou Godard qui travaillent la fiction en y mettant du documentaire.

« Le parti je l’avais dans la peau si j’étais exclue j’en mourrai ». C’est la phrase de ton personnage Jeanne Rivière Les premières images de ta fiction sont des images du réel. Une femme dans la pénombre de son modeste appartement de banlieue assiste au décompte de l’élection présidentielle de Mitterrand. Le malaise, la désillusion se lisent sur son visage et n’augurent rien de bon. L’avenir malheureusement lui donnera raison. 

Dès les premières scènes de Je t’ai dans la peau, on voit la condition des opprimés. Là il s’agit d’une femme aux prises avec son quotidien de daronne qui, pour cacher la violence conjugale qu’elle subit, dit à la religieuse qui lui rend visite qu’elle s’est cognée contre un coin du fourneau. « Et le fourneau il vous fait des coquards des deux côtés ? » lui demande avec compassion la religieuse. Cette femme voudrait juste travailler mais son mari refuse et la traite de traînée. Tu dénonces le patriarcat à l’état pur.  C’est à coup de poings qu’ils discutent. Voilà l’époque. Et ça continue…

Ta révolte et tes idéaux sont dans tes dialogues. Comme le rappeur Grandmaster Flash, Tu  as un flow, des lyrics, un message. L’avortement, les violences conjugales, la guerre, il faut choisir son camp. A travers ton personnage, tu questionnes la position de l’Eglise face aux injustices.

Le fait qu’un moyen de lutte devienne une fin en soi, presque religieuse, ça résonnait en moi. Je ne pouvais l’aborder que dans la fiction. Peut-être que je me serais simplifié la vie si j’avais fait un documentaire plutôt qu’une fiction.

Charles Brabant m’a fait une commande d’écriture. J’ai eu l’avance sur recettes pour ce projet co-écrit avec Lorette Cordrie. Je n’arrivais pas à le monter pourtant je n’étais pas encore mal vu. Toutes les télés l’ont refusé, personne ne comprenait cette histoire de femme qui se suicide à 52 ans pour contester ce qu’était devenu la gauche. Pourquoi cette femme est allée jusqu’à la mort ?  Toutes ces questions, cette fidélité à l’appareil résonnaient en moi.

« Finalement elle est belle ma vie »

Là ou après toi, Rabah Ameur-Zaïmeche va faire la fiction Bled Number one, pour parler de la double peine, toi tu choisis le documentaire avec ton film On n’est pas des marques de vélo.

Bouda le personnage principal du film n’arrêtait pas de dire « mais je n’ai rien fait ». Je lui disais arrête Bouda tu as fait des conneries, ce qui n’est pas normal c’est qu’on t’ait expulsé vers un pays que tu ne connais pas. S’il s’était agi de mon fils, au bout de deux ans il aurait repris sa place dans la société française.

Je voulais le faire marcher pour qu’à la fin il soit dans le soleil. On a dû répéter avec le caméraman et sans Bouda, pour qu’on ne se casse pas la figure. Je lui faisais des signes pour qu’il avance vers moi et qu’il arrive vers la lumière. Et c’est là que c’est génial le documentaire : Bouda m’a échappé! Il s’arrête devant moi et dit : « finalement elle est belle ma vie ». J’étais sidéré. Car ce personnage disait : « j’ai bien commencé », «  j’ai mal tourné et puis finalement je m’en suis bien sorti ».  J’espère que ça servira aux jeunes pour qu’ils fassent moins de conneries. Il avait tout compris.

Ça, j’y arrive tout simplement en faisant marcher les gens. J’appelle ça la scène des aveux. Comme on l’avait chauffé à blanc la veille, c’est presque de la fiction.

Quand je fais du documentaire c’est parce que j’aime les gens. Je savais que Bouda pouvait me dire ça et je le respecte. S’il n’avait pas voulu, je ne l’aurais pas filmé. Ce que je voulais montrer c’est l’inadmissible : ne pas donner une chance de réinsertion.

Convergence des luttes

Dans ta jeunesse, tu te rends à Madagascar, voir ton père, avec Joëlle, ton amour. Vous attrapez tous les deux le paludisme. « Elle y est restée moi je m’en suis tiré » dis-tu. Et tu as réalisé L’Acre parfum des immortels, un film en forme de lettre à ta bien aimée.  Tu reviens sur tes fantômes filmiques, certains sont encore debout et vivants, d’autres te hanteront à jamais. Un amour perdu dans mai 68 où apparaissent fantômes rebelles d’hier et d’aujourd’hui. Toujours l’insoumission. Toujours la rage face à l’injustice. Toujours l’amour de tes personnages que tu fais vivre et revivre au-delà du temps et sans frontières.

La scène finale de ce film est comme une jonction entre le hip hop et le rock.

Oui, le guitariste Serge Teyssot-Gay et la rappeuse Casey m’ont fait comprendre que pour retrouver leur énergie de départ et sortir de leur côté établi, le Hip Hop et le Rock devaient se rejoindre.  Quand j’ai dû faire la musique de L’Acre parfum des immortels, je me disais, mon histoire à moi c’est le rock alternatif. Pourquoi je me retrouve au côté du Hip Hop, il faut que j’aie le courage d’assumer d’où je viens.

Notre génération écoutait à la fois du rock alternatif du punk et du rap, parce qu’il y avait un message.

Je raconte l’échec d’une lutte. J’ai pensé que la meilleure manière de finir le film était de situer la danse dans une usine déserte. Ça renvoie à l’histoire ouvrière.

Ma famille c’est le Hip Hop

Le Hip Hop c’est une culture de la banlieue qui veut aller dans le centre.

Ma famille ça a été le Hip Hop, au moins c’était concret.  Mes copains étaient les fils des ouvriers. J’adore leur vision du monde, leur façon de travailler, leur franchise. Ils t’invitent à leur première. Tu vois comment les éclairagistes des scènes de théâtres ne leur donnent pas les moyens de bien faire leur spectacle. Tu vois tout le racisme endémique de la société, tu vois aussi comment on peut leur monter la tête pour qu’ils perdent leurs valeurs. Scandaleux!  Le mépris des décideurs culturels pour la culture qui vient du peuple.

Dans ton dernier film, un de tes personnages dit : “Il aurait fallu couper des têtes”.

Le système est pervers. Le Hip Hop a servi aux classes dirigeantes, c’est sous le ministère de Sarkozy et non sous la gauche, que deux chorégraphes issus de l’immigration ont pu diriger des centres chorégraphiques privilégiant les spectacles de divertissement. Tout ça sans permettre à ceux qui ont un vrai message d’accéder à ces scènes. Diviser pour mieux régner.  Les chorégraphes issus eux-mêmes du Hip Hop ne les programmaient pas. Ce système pervers a utilisé le Hip Hop pour faire croire qu’on s’occupait des banlieues. Farid Berki l’a bien compris : on veut nous faire jouer les pompiers de service pour éteindre l’incendie sans régler quoi que ce soit. Je trouve que c’est dramatique pour le Hip Hop qui ne s’interroge pas assez sur le rôle que lui a fait jouer le système.

Recevoir ce prix, ça va faire la nique à tous ceux qui m’ont chié à la gueule et ils sont nombreux ! l’avance sur recette du CNC, les diffuseurs me disent que j’ethnicise les rapports sociaux lorsque je me réfère à Alice Diop ou à Rachid Djaïdani.

Les rapports de classe c’est de voir qui est en bas de l’échelle et moi à l’usine j’ai tellement vu ça. Ceux qui sont les plus exploités sont les immigrés. Faut arrêter de se raconter des histoires.

J’ai fait ces films pour redonner de la fierté aux ouvriers, aux immigrés et aux copains, copines, ces enfants d’immigrés qui sont devenus des artistes à part entière.
Tout ce que j’ai découvert je le transmets. Aujourd’hui c’est vous qui allez poursuivre ce combat.

Jean-Pierre Thorn

Spéciales dédicaces

Aux Ouvriers, aux B-Girls, aux B-Boys, aux Graffeurs aux Rappeurs, aux Dj’s, aux Punks, aux Rockeurs, aux Gilets Jaunes, aux Autodidactes, aux Méprisés, aux Opprimés. PEACE !

Crédit photo : Oser lutter, Oser vaincre, manifestation du HIRAK algérien – photo Nadja Harek

Nadja Harek est réalisatrice, scénariste et comédienne. Elle est l’auteure de plusieurs films liés au Hip Hop dont Du Cercle à la Scène, Bgirl, Mayotte Hip Hop Révolution. Ses documentaires qui questionnent l’immigration Ma Famille entre deux terres (lauréate brouillon d’un rêve Scam 2014) et Tata Milouda ont été récompensés au festival du documentaire de Tanger et au Fespaco. Actuellement elle travaille sur deux projets Debout Payé, adaptation du livre éponyme de Gauz et Rage Intacte avec Pierre Carles.

Atisso Médessou est un auteur réalisateur de films documentaires et de fictions. Pour le rappeur Disiz la Peste, il réalise le clip J’pète les plombs. À la télévision, il intervient dans les collections de films documentaires Opération TéléCité (France 3), L’Œil et la Main (France5), Toutes les télévisions du monde (Arte). Son film documentaire Les bandes, le quartier et moi s’est vu décerné l’étoile de la Scam 2012. Actuellement, Atisso Médessou enseigne au sein de la Classe Cinéma du Cours Florent et développe un projet de long-métrage pour lequel il a obtenu le soutien de la Région Réunion.

La Scam affirme la place singulière des auteurs et des autrices dans la société. Astérisque en est le porte-voix.

Lauréat du Prix Nouvelles Écritures au Fipadoc 2023, Thierry Loa n’a de cesse de mettre en lumière notre planète Terre, qu’il arpente drone et caméra VR en main pour nous dévoiler cette vertigineuse époque qu’est l’anthropocène. Son œuvre monumentale « 21-22 », telle une odyssée entamée en 2018, nous fait tourner la tête… et les jambes de ce discret et talentueux cinéaste-baroudeur. À la démesure de son talent. Rencontre.

Vous pouvez demander son âge à Thierry Loa, il ne répondra pas. Vous pouvez le questionner sur ses origines, sa famille, son enfance ou son parcours, il ne répondra pas non plus. Tout juste saura-t-on qu’il a étudié le multimédia, la philosophie, le cinéma et la géographie, entre l’Australie et son Canada natal. Entamé sa carrière en alternant publicités et œuvres d’art multimédia à Toronto, où vit toute sa famille. Migré à Montréal en 2015 pour devenir le cinéaste interdisciplinaire qu’il est aujourd’hui.

Un jour, il aimerait réaliser un projet racontant ses origines. Mais en attendant, il entretient un certain mystère autour de sa personne, en entretien comme avec ses amis. « Je trouve que les gens dévoilent trop de choses », pose-t-il d’emblée lors de notre rencontre. « Je suis très discret, voire privé. Peu de gens me connaissent bien. » Il préfère largement parler de ses œuvres plutôt que de lui-même. Internet ne vous aidera pas à en savoir plus : le premier résultat proposé par Google lorsque l’on cherche son nom est l’article de la Scam annonçant sa récompense au Fipadoc, en janvier 2023.

Exigence, discipline et rigueur

Alors parlons de ses œuvres, à commencer par la dernière. Je faisais partie du jury qui a décerné ce prix Nouvelles Écritures à Biarritz. Comme les deux autres membres, j’ai été totalement embarquée par 21-22 China, son film en 360 VR, premier volet d’une série qui s’annonce monumentale. Casque sur la tête, on survole la Chine pendant vingt minutes, dans un voyage méditatif, sans aucune voix off si ce n’est une rapide introduction. On découvre des paysages saturés d’urbanisme, déshumanisés, presque surréalistes. Avec 21-22, Thierry Loa observe, explore et critique l’anthropocène, cette époque où l’activité humaine modifie, voire détruit, les écosystèmes de la planète. Le développement industriel majeur et les changements massifs transforment irrémédiablement la topographie. Vu du ciel, le constat est implacable et vertigineux.

L’idée qu’a Thierry de la musique qu’il souhaite que je compose est souvent si précise qu’à chaque fois que l’on termine un projet, j’ai l’impression d’avoir été une extension de son esprit. 

Philippe Le Bon, compositeur

Dans les oreilles, la bande-son saisit le spectateur. Comme tous les films de Thierry Loa depuis 2017, elle a été composée par le Canadien Philippe Le Bon, qui décrit une collaboration aussi passionnante que déroutante. « L’idée qu’a Thierry de la musique qu’il souhaite que je compose est souvent si précise qu’à chaque fois que l’on termine un projet, j’ai l’impression d’avoir été une extension de son esprit. Avec lui, je mets plus d’effort à saisir exactement ce qu’il souhaite que d’effort à composer. J’ai souvent eu l’impression que ne rien savoir des origines de Thierry expliquait peut-être, du moins en partie, le fait de ne pas toujours saisir ce qu’il attend du premier coup. »

Exigence, discipline et rigueur font partie des mots qui reviennent le plus souvent pour caractériser Thierry Loa. En salle de montage comme dans un salon de thé, les discussions peuvent durer des heures. Ce qui n’est pas pour déplaire à Philippe Le Bon. « Thierry s’attend à ce que ses collaborateurs appliquent le même niveau d’exigence que le sien. Cette rigueur ne l’empêche toutefois pas d’être quelqu’un de profondément bon, humain et bienveillant. Je n’ai jamais vu Thierry dans un élan de colère, ou même lever le ton. Il reste toujours calme et posé, à la recherche de solution, même quand c’est moi qui commence à m’emporter parce que ça fait six versions que je lui propose pour une scène et que ce n’est toujours pas ce qu’il veut ! »

Vie de nomade et travail ethnographique

Au Fipadoc, à Biarritz, j’ai découvert un jeune homme, sac greffé sur le dos et sourire aux lèvres. De courts cheveux noirs, un bouc assorti, un short (il déteste les pantalons) et un accent indéfini. Comme son âge. Et surtout, une humilité saisissante et une reconnaissance immense pour son prix. Deux mois plus tard, j’ai revu Thierry à la Scam. Il arrivait tout droit de Montréal, son sac toujours sur le dos, pour participer à l’événement eXplorations, organisé par la commission des Écritures et formes émergentes. Même sourire, même discrétion, même reconnaissance.

Ma règle de vie depuis des années : jamais de bagage en soute !J’ai amélioré ma façon de voyager au fil du temps pour être plus efficace. 

Thierry Loa

Deux mois plus tard, il réalise notre entretien en visio depuis son bureau à Montréal. En arrière-plan, son vélo, avec lequel il se déplace toute l’année, y compris sous la neige. Quelques jours avant, Thierry vadrouillait au Maroc pour commencer les repérages en vue de son prochain volet consacré à l’Afrique. « Pour chaque volet de 21-22, je passe beaucoup de temps sur place, à vivre comme un local, pour comprendre la culture, la société. Je loue un appart, je vais au musée, j’étudie les enjeux climatiques du lieu où je suis. Surtout, j’échange avec les habitants pour comprendre leur point de vue et éviter de plaquer sur eux des préjugés. Ce travail ethnographique ne se voit pas à l’écran, mais ça me nourrit. »

Avec 21-22, Thierry a adopté une vie nomade, détachée des biens matériels. En repérage comme en tournage, toutes ses affaires tiennent dans un sac cabine de 50 litres. « Ma règle de vie depuis des années : jamais de bagage en soute ! J’ai amélioré ma façon de voyager au fil du temps pour être plus efficace. » Légèreté et efficacité le guident sur le terrain qu’il arpente avec une caméra VR attachée à un drone. Un dispositif qu’il a perfectionné en mode R&D, depuis ses premiers tournages en 2018, pour être le plus mobile et le plus discret possible. Pratique en Chine, quand il faut passer pour un touriste.

Cette folle série qui raconte la Terre

Reprenons le (long) fil de l’odyssée 21-22. Entrepris en 2018, le premier volet, « Chine », est donc achevé, diffusé et récompensé. Le deuxième épisode mettra le cap sur les États-Unis. Après de nombreux tournages de 2020 à 2022, la post-production se termine bientôt. Direction l’Inde pour la troisième partie, en début de développement. Après l’Afrique, qu’il envisage pour 2025, il restera encore quatre volets, « si tout va comme prévu et si l’univers le permet » : l’Amérique du Sud, le Moyen-Orient, le pôle Nord et l’Europe. Monumental, on vous dit.

Je ne tiens pas forcément à tout faire seul, je ne suis pas un loup solitaire.

Thierry Loa

Patiemment, il finance chaque volet l’un après l’autre, grâce aux soutiens publics tels que le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de Montréal et le Conseil des arts et des lettres du Québec. « Les gens pensent que mon projet coûte très cher. Pour ne pas exploser les coûts, je fais en sorte d’optimiser au maximum mon budget. Je pars seul, je recrute des locaux avec qui les échanges sont essentiels. Je ne tiens pas forcément à tout faire seul, je ne suis pas un loup solitaire. Je fais juste ce qui est le plus pertinent pour le projet. » Reste que Thierry Loa écrit, tourne, monte, réalise et produit cette folle série qui raconte la Terre.

L’autofinancement, la débrouille et la démesure, il connaît. En 2018, il a mis un point final à 20-22 OMEGA, son premier long-métrage. Un documentaire symphonique muet, tourné en pellicule, pendant cinq ans, dans une centaine de lieux. Un film qui observe la société présente et future du point de vue du passé, et qui prolonge son court-métrage 20-22 ALPHA dans lequel, déjà, en 2015, il documentait notre époque.

Thierry a une vision forte et claire de ce qu’il veut, il est aussi méthodique que créatif.

Forbes Campbell, vidéaste

Pour 20-22 OMEGA, Thierry Loa a embarqué avec lui le vidéaste canadien Forbes Campbell, devenu depuis un ami. « Au début, Thierry était un peu mon mentor et moi son assistant, bien que je sois plus âgé que lui. Il a une vision forte et claire de ce qu’il veut, il est aussi méthodique que créatif », raconte Forbes Campbell. Surtout, le jour où Thierry lui fera acheter des cuissardes de pêche afin de filmer l’intérieur d’une mine abandonnée et inondée. Au rayon des meilleurs souvenirs, c’est le premier qui vient à l’esprit de Forbes Campbell.

Tout un programme

Quand il ne capture pas l’univers, Thierry Loa avance sur un autre grand projet : A Man and a Woman, un film de fiction interactif qui l’occupe depuis plus de dix ans. Dans celui-ci, il est question du cycle infini de l’amour et de la vie. Tout un programme. En cours également, son projet CODE MRU, un documentaire sur les habitants de l’île Maurice. Avec tout ça, il trouve (parfois) le temps de poursuivre FACES, un projet ethnographique de portraits réalisés dans l’espace public.

La réalisation, c’est dur, il faut être coriace et prêt à faire face à toutes les situations, comme un athlète de haut niveau.

Thierry Loa

À ses heures perdues, Thierry Loa absorbe tout ce qu’il peut en se perdant sur YouTube : infos, conférences, vulgarisation géopolitique. Et tout ce qui peut nourrir ses projets. Côté fiction, il « gobe tout : cinéma, blockbusters, séries, films grand public… Je regarde juste moins d’œuvres expérimentales qu’avant, car j’ai assez appris pour constituer ma base ». Quand il quitte son écran, c’est pour pratiquer du sport et notamment du crossfit. « Mes tournages pour 21-22 durent des semaines en mode marathon, il faut tenir le coup physiquement et mentalement. Ça m’aide beaucoup d’être sportif. La réalisation, c’est dur, il faut être coriace et prêt à faire face à toutes les situations, comme un athlète de haut niveau. »

Tout cela ne laisse guère de place pour une quelconque vie de famille. Avec toute l’humilité qui le caractérise, il sourit et glisse : « Mes enfants, ce sont mes projets ». Ça tombe bien, les huit volets de 21-22 risquent de l’occuper un bon bout de vie. Certains tournent autour de leur sujet des années. Thierry Loa, lui, tourne autour de la Terre, littéralement.

Journaliste indépendante, Marianne Rigaux réalise des reportages entre la France et la Roumanie pour la presse magazine. Responsable pédagogique, elle est également très investie dans différentes activités associatives et siège à la Scam en tant que membre de la commission Écritures et formes émergentes.

La Scam affirme la place singulière des auteurs et des autrices dans la société. Astérisque en est le porte-voix.

Remise du Prix François Billetdoux 2023 à Gaëlle Obiégly
Remise du Prix François Billetdoux 2023 à Gaëlle Obiégly

Gaëlle Obiégly
Totalement inconnu (Christian Bourgois)

Un jour, la narratrice de Totalement inconnu entend parler dans son oreille droite. Une voix lui enjoint de porter des habits noirs afin d’attirer la mort, et quantité d’autres commandements absurdes. Désireuse de s’immiscer « dans les petits papiers de la mort » alors qu’un cancer la menace, la narratrice décide aussitôt de se soumettre à l’autorité de ce qui la dépasse, sur la page aussi bien que dans la vie. Rédigeant une conférence, elle exerce à son tour sa propre voix, ce faisant, pour nous maintenir sous un étrange pouvoir en partageant son expérience : sa docilité joueuse l’a libérée du « jugement d’autrui, de l’hésitation, libérée de la contingence», et rien de moins.

Célébration joyeuse de l’écriture, le onzième roman de Gaëlle Obiégly embarque le lecteur dans les méandres de la création avec une insolente et très vivifiante liberté que le jury du prix François Billetdoux, composé des membres de la commission de l’écrit est très heureux de saluer.

Remise du Prix François Billetdoux 2023 à Gaëlle Obiégly
Remise du Prix François Billetdoux 2023 à Gaëlle Obiégly

Née en 1971 à Chartres, Gaëlle Obiégly a fait des études d’art puis de russe avant de publier son premier roman Petite figurine en biscuit qui tourne sur elle-même dans sa boîte à musique en 2000 dans la collection L’Arpenteur chez Gallimard.

Dans les années qui suivent, elle publie dans la même collection cinq romans dont Gens de Beauce (2003), Faune (2005) et La Nature (2007). Mon prochain paraît en 2013 aux éditions Verticales. De 2014 à 2015, Gaëlle Obiégly a été pensionnaire de la Villa Médicis. Elle obtient un succès critique et public avec N’être personne (Verticales, 2017). Elle collabore occasionnellement à des revues dont L’Impossible et Les Chroniques Purple.

Le jury du prix François Billetdoux 2023 : Laura Alcoba, Arno Bertina, Catherine Clément, Colette Fellous, Simonetta Greggio, Nedim Gürsel, Ivan Jablonka, Isabelle Jarry, Bertrand Leclair, Pascal Ory, ainsi que Michèle Kahn, fondatrice du Prix.

Gaëlle Obiégly - photo Arnaud Delrue
Gaëlle Obiégly - photo Arnaud Delrue

Contact presse

Cristina Campodonico – 06 85 33 36 56 – cristina.campodnico@scam.fr

Prix François Billetdoux 2023 à Gaëlle
Prix François Billetdoux 2023 à Gaëlle

Prix François Billetdoux 2023, -Gaëlle Obiégly
Prix François Billetdoux 2023 à Gaëlle Obiégly – Totalement inconnu

Découvrez les 30 Étoiles de la Scam 2023 ! 30 films étoilés, en présence de leurs auteurices, rencontreront leur public lors du festival Vrai de Vrai les 2 et 3 décembre prochain au cinéma MK2 Bibliothèque (entrée libre).

Le 18e jury des Étoiles de la Scam était présidé par Philippe Baron et composé de Cathie Dambel, Madeleine Leroyer, Tülin Özdemir et Cédric Tourbe.

Les Étoiles de la Scam forment une constellation dans le ciel d’une année de production documentaire.
Ce voyage nous a emmenés en Ukraine et en Russie, forcément ; aux confins de déserts africains, dans des quartiers à la dérive de mégalopoles américaines, des coins perdus de jungles lointaines. Grâce à de beaux documentaires historiques, nous avons revisité les totalitarismes du XXème siècle, les perversions du colonialisme, les débuts du consumérisme. Nous avons parcouru des chemins très intimes, guidés par de belles œuvres introspectives. Nous avons rencontré une multitude de terriens et de terriennes.

Philippe Baron, président du Jury 2023

Les 54 premières années : manuel abrégé d’occupation militaire
d’Avi Mograbi

Arte
Les Films d’ici, Arte France, 24images, ma.ja.de. Filmproduktion, Citizen Jane Productions
Avec la participation de RTS

Afghanistan, le prix de la paix
de Claire Billet, écrit par Claire Billet, Éric Chaix de Lavarène et Alberto Marquardt

France 5
Point du Jour – Les films du Balibari
Avec la participation de Al Jazeera Media Network

America
de Giacomo Abbruzzese

Tënk
Maje Productions, La Luna Productions

Les Années Super 8
de David Ernaux-Briot, écrit par Annie Ernaux

Arte VOD
Les Films Pelléas

Austral
de Benjamin Colaux

RTBF — La Trois
Stenola Productions, Little Big Story, Associate Directors, Arte G.E.I.E., WIP Wallonie Image Production

*Chaylla
de Paul Pirritano et Clara Teper

Bip TV
Novanima, Pictanovo

*Colette et Justin, une histoire congolaise
d’Alain Kassanda

TV5 Monde Afrique
Luna Blue Film, L’image d’après, RTBF, Shelter Prod

La Combattante
de Camille Ponsin

Be TV
Minima Productions, Altitude 100 Production, Dharamsala, Milléas Production, KS Visions, Scope Pictures

*Le Dernier Refuge
d’Ousmane Zoromé Samassékou

Arte.tv
Point du Jour – Les films du Balibari, DS Productions, Steps, Arte G.E.I.E.

*Détruire rajeunit
de Benjamin Hennot

Be TV
YC Aligator Film, RTBF, CBA

*En route pour le milliard
de Dieudo Hamadi

RTBF — La Trois
Kiripifilms, Les Films de l’oeil sauvage, Neon Rouge
Avec la participation de TV5 Monde

L’État du Texas contre Melissa
de Sabrina Van Tassel et Cyril Thomas, écrit par Sabrina Van Tassel

Canal+
Vito Films, Tahli Films

Et j’aime à la fureur
d’André Bonzel

Amazon Prime Video
Les Films du Poisson, Les Artistes Asociaux Productions

Far West, l’histoire oubliée
de Mathilde Damoisel et Tomas van Houtryve

France 5
Les Films d’ici

*Gagner sa vie
de Philippe Crnogorac, écrit par Philippe Crnogorac et Pascale Maria Absi

Arte.tv
Iskra Films, IRD, Zorba Production, Vosges Télévision

Ghost song
de Nicolas Peduzzi, écrit par Nicolas Peduzzi et Aude Thuries en collaboration avec Léon Chatiliez

Orange VOD
Gogogo Films

How to save a dead friend
de Marusya Syroechkovskaya

Arte
Les Films du Tambour de Soie, Sisyfos Film, Docs Vostok Production
Avec la participation de Lyon Capitale TV

Il faut ramener Albert
de Michaël Zumstein

LCP-Assemblée nationale
Squawk Productions, LCP-Assemblée nationale
Avec la participation de France 3 Corse ViaStella

*Inner lines
de Pierre-Yves Vandeweerd

RTBF — La Trois
Cobra Films, Les Films d’ici Méditerranée, Les Films d’ici, CZAR Film, Arte G.E.I.E., WIP Wallonie Image Production

Isaac Asimov, l’étrange testament du père des robots
de Mathias Théry

LCN–La Chaîne Normande
Kepler22 Productions, Arte France

Mission Castor
de Patrick Destiné

RTBF
Dancing Dog Productions, RTBF

Le Procès du 36
d’Ovidie

France 2
Magnéto Presse

Le Procès, Prague 1952
de Ruth Zylberman

RTBF — La Deux
Pernel Media, Arte France

Rwanda : le silence des mots
de Gaël Faye et Michaël Sztanke, Alexandra Kogan et Sébastien Daguerressar

Arte
Babel Doc, IYUGI, Arte France

Sauvons les enfants
de Catherine Bernstein, écrit par Catherine Bernstein et Grégory Célerse, d’après le livre Sauvons les enfants de Grégory Célerse (Éditions Les Lumières de Lille)

France 3
Kuiv Production
Avec la participation d’Histoire TV

*Solid
de Marius Vanmalle

France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur
13 Productions, France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur

Tranchées
de Loup Bureau

Universciné
Unité

Vai cavalo
d’Harold Grenouilleau et Vincent Rimbaux, écrit par Harold Grenouilleau

France 2
Babel Doc

Wagner : l’armée de l’ombre de Poutine
de Ksenia Bolchakova et Alexandra Jousset

France 5
CAPA Presse
Avec la participation de ZDF, RTBF, RTS et Al Jazeera Media Network

*Zinder
d’Aïcha Macky

Arte
Point du Jour – Les films du Balibari, Tabous production, Corso film, Arte France

 

*Ce film a été soutenu à l’écriture par la bourse Brouillon d’un rêve de la Scam.

Contact presse

Cristina Campodonico – cristina.campodonico@scam.fr – +33 6 85 33 36 56

Contact Étoiles

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Alessandra Valente – alessandra.valente@scam.fr