
24 juin 2025
Le point de vue des auteurices de l’audiovisuel au Sunny Side of the Doc 2025
La Scam dresse chaque année à La Rochelle, un état des lieux du secteur audiovisuel. L’occasion de donner le point de vue des auteurs et des autrices sur leur situation et les chantiers français et européens en cours.
La Scam en chiffres, une année de croissance
57 094 membres actifs (dont les héritiers ayants droits) en 2024 (+ 2441 auteurs et autrices)
34 261 auteurs et autrices ont perçu des droits
124,7 M€ de droits d’auteurs collectés (+ 7 %)
110,61 M€ répartis aux ayants droit (+ 0,7 %)
81% pour l’audiovisuel linéaire et non linéaire (+ 7,6 %)
7,6 % pour la radio
4,3 % pour les journalistes
4% pour les plateformes et réseaux sociaux
3% pour l’écrit, la photo et l’illustration
216 182 œuvres audiovisuelles déclarées (Une hausse de 19,5 % due à la progression des déclarations de vidéastes (+ 23,7 %))
44 053 œuvres radiophoniques déclarées (+ 10 %)
11 754 auteurs et autrices d’œuvres littéraires ont perçu des droits
De nouveaux accords : de nouveaux droits pour nos auteurs et autrices
2025 est une année riche en nouveaux accords bilatéraux à sceller et à signer. En effet, les contrats auprès des quatre grands opérateurs français (Orange, Bouygues Telecom, SFR/SFR Fibre et Free), initialement gérés toutes sociétés d’auteurs confondues, sont en cours de renégociation ainsi que les contrats Radio France, RFI et Meta. Force est de constater que ces négociations sont de plus en plus tendues.
Mais, depuis l’édition 2024 du Sunny Side, la Scam a réussi à signer de nouveaux accords de licence avec les partenaires suivants :
- Groupe M6
- Altice (devenu CMA Média)
- Groupe NRJ
- LCP – La Chaine Parlementaire
- CANAL+ INTERNATIONAL
Plusieurs accords bilatéraux ont également été signés avec divers services de vidéo à la demande : TFOU Max, Molotov, La Cinetek, Filmo TV, Tënk Canada, Jour du Seigneur TV, …
Les premières avancées sur les droits voisins
La Scam représente deux catégories de bénéficiaires des rémunérations des droits voisins issus de la directive européenne de 2019 sur le droit d’auteur : les journalistes et les « autres auteurs » concourant à des titres de presse (écrivains, photographes/illustrateurs et réalisateurs).
Pour les journalistes, la Scam a signé lundi 23 juin un avenant avec Radio France afin d’étendre son accord spécifique relatif aux droits des journalistes à cette part de rémunération de droits voisins leur revenant. Les journalistes de Radio France percevront donc par l’intermédiaire de la Scam leur part de droits voisins. Les discussions sont en cours avec France Télévisions et les syndicats de journalistes de France Télévisions pour étendre de la même façon l’accord spécifique des journalistes à cette part de droits voisins.
Pour les « autres auteurs », la Scam doit signer le 25 juin avec le SATEV et la Garrd, un accord pour fixer la part revenant aux réalisateurs. Cet accord vise l’équité de traitement entre les réalisateurs et les journalistes audiovisuels. Cette part sera gérée individuellement par les producteurs, mais rien n’est exclu, à l’avenir, pour une éventuelle gestion par la Scam.
Intelligence artificielle générative : la Scam est mobilisée pour la défense du droit de la propriété intellectuelle, de la transparence et la fiabilité de l’information
Aux niveaux européens et international
La Scam, au sein de la Société des Auteurs Audiovisuels (SAA) et du Groupement Européen des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs (Gesac), a participé aux actions de lobbying et rejoint une très large coalition d’ayants droit dans l’UE pour contester la dernière version du « Code of practice », censé définir les obligations de respect du droit d’auteur et de transparence établies par l’AI Act adopté le 23 juin 2024.
Rédigée par un groupe de travail organisé par la Commission européenne, la dernière version du code constitue un recul par rapport aux acquis de l’AI Act : elle ne permet pas aux créateurs et créatrices et celles et ceux qui les représentent d’obtenir suffisamment d’informations sur les contenus protégés utilisés pour l’entraînement des IA génératives. Ces informations sont pourtant essentielles pour l’exercice de leurs droits.
De manière générale, l’exécutif européen montre des velléités préoccupantes de s’abstenir au maximum de réguler le marché de l’IA, alors que le Parlement compte plus de soutiens, parfois très actifs, une innovation encouragée par la régulation. Un rapport sur le droit d’auteur et l’IA générative y est en cours de rédaction et devrait être adopté en fin d’année. Nous y sommes très attentifs.
Signalons également qu’en novembre 2024, la première étude prospective significative (PMP Strategy pour la CISAC) sur l’impact de l’intelligence artificielle générative sur les revenus des créateurs est parue : elle met en évidence le recul prévisionnel de l’emploi (-21% dans l’audiovisuel d’ici 2028) et la création de valeur – significative – pour les fournisseurs d’IA.
Au niveau national
Signalons la publication des rapports d’Alexandra Bensamoun (volet juridique) et Joëlle Farchy (volet économique) sur la rémunération des auteurs et autrices, commandés par le CSPLA, qui ont été adoptés officiellement hier. Ils portent sur la mise en œuvre du règlement européen sur l’IA. La Scam se félicite de pouvoir disposer de documents de qualité. Elle en partage très largement les conclusions sur les objectifs de transparence, d’identification des données entrainées et sur les pistes envisagées pour obtenir une rémunération des auteurices.
La Scam a contribué aux réflexions communes préalables à l’adoption de ces rapports et mené un travail de sensibilisation auprès des parlementaires, notamment dans le cadre de la mission « IA et création » menée au Sénat (Pierre Ouzoulias, Agnès Evren, Laure Darcos). Ses conclusions sont attendues pour l’été.
Par ailleurs, la Scam participe à la concertation organisée par les ministres de la Culture et du Numérique, réunissant ayants droit et acteurs de la tech. Une première réunion s’est tenue le 2 juin au ministère de la Culture.
- La Scam salue l’initiative de Rachida Dati et Clara Chappaz pour cette concertation avec les opérateurs et espère, au-delà de la production d’un rapport, susciter des négociations aboutissant à la signature d’accords de licences. Ils devraient permettre une autorisation encadrée, transparente et rémunérée des contenus des auteurs et autrices dont les œuvres sont exploitées par les IA.
- Compte tenu de la frilosité de l’UE sur le sujet, la Scam espère que les conclusions très étayées du rapport de Mmes Bensamoun et Farchy pourront susciter rapidement la rédaction d’un texte de de loi qui porterait création d’une présomption d’utilisation des œuvres protégées.
Création de LaFA : une union majeure de l’écosystème audiovisuel pour activer une défense commune de la filière
En novembre 2024, les groupes audiovisuels France Télévisions, M6 et TF1, les principales organisations de gestion collective du secteur – l’Adami, la SACD, la Sacem et la Scam – ainsi que les syndicats de producteurs – ANIM France, le SPI et l’USPA – se sont réunis pour officialiser la création de LaFA, la filière audiovisuelle.
Parmi les acteurs de la filière, les chaînes de télévisions historiques sont les premières pourvoyeuses de droits et assurent le meilleur modèle de rémunération proportionnelle pour les membres de la Scam. Elles sont aussi les principales partenaires du financement de la création, aux côtés des producteurs, autre maillon essentiel de la chaîne de création. C’est pourquoi la Scam a soutenu la fondation de LaFA afin de porter une voix unie pour défendre l’écosystème de l’audiovisuel.
Dans un contexte de bouleversements profonds du secteur, l’ambition de LaFA est d’assurer la solidité de son modèle économique, d’accompagner sa transformation, de garantir la diversité et le renouvellement de la création dont les œuvres représentées par la Scam constituent une part essentielle. LaFA garantit aussi de défendre ensemble l’exception culturelle.
- LaFA va publier le 27 juin Un « livre blanc ». Cette étude porte sur les problèmes économiques du secteur et met en exergue le rôle primordial joué par les acteurs audiovisuels historiques en matière, notamment, de création et d’information.
Audiovisuel public : consolider plutôt que fusionner
Proposition de loi (PPL) de Laurent Lafon
Alors que Delphine Ernotte Cunci, la présidente de France télévisions est confirmée à son poste pour un troisième mandat, et Laurent Vallet, président de l’INA également au sien pour un troisième mandat, de fortes incertitudes sur l’avenir de la gouvernance de l’audiovisuel public demeurent. La « PPL Lafon », qui propose la création d’une holding rassemblant France télévisions, Radio France, et l’INA, devrait en principe être discutée en séance publique le 30 juin.
- La Scam est opposée à cette PPL pour de multiples raisons : la différence de nature entre l’audiovisuel et le sonore (production externe versus production interne), le risque d’affaiblissement de Radio France, le coût du rapprochement, un volet social lourd avec deux conventions collectives qu’il faudra inévitablement renégocier, sans parler d’éventuelles difficultés d’avoir deux accords séparés en matière de rémunération des droits d’auteur, etc.
Assurer à l’audiovisuel public les moyens de ses ambitions et préserver le financement de la création
L’urgence aujourd’hui est d’assurer à l’audiovisuel public les moyens des ambitions qui lui sont fixées.
En 10 ans (ce qui correspond aussi au premier mandat de Delphine Ernotte), France télévisions a perdu près de 480M€ en euros constants.
Source : France TV, juin 2025
Le budget 2025 de FTV a été raboté de 47,6 M€ par rapport au projet de loi de finances initial, conduisant l’entreprise à anticiper un déficit de 23 M€ sur l’exercice en cours. En cours d’année 2024, l’entreprise avait déjà dû faire face à l’annulation de 36M€ de crédits.
Pour les auteurs et autrices, il est capital de sécuriser le financement de la production audiovisuelle : FTV reste le premier moteur de la création documentaire audiovisuelle.
Pour rappel : aujourd’hui FTV est astreinte à une enveloppe annuelle de 520M€, soit 440 M€ en audiovisuel (avec 105 M€ pour le documentaire français de création) et 80 M€ pour le cinéma. La profession s’inquiète, à l’instar du président de l’Arcom, que l’investissement dans la création subisse le prochain rabot des nombreuses coupes successives imposés à France TV.
- Les pouvoirs publics doivent offrir les garanties nécessaires pour que ce qui a été obtenu dans l’accord « création » du 2 juillet 2024 (qui court jusqu’au 31 décembre 2027) soit sanctuarisé, et puisse assurer la visibilité financière nécessaire au groupe public.
La Scam sensible aux préoccupations des auteurices de M6
Une récente étude de la Garrd – M6 : conditions de travail des auteurs réal – fait état d’un profond malaise concernant le travail d’un certain nombre d’auteurs et autrices qui réalisent des programmes pour M6.
Le sujet de la santé au travail ne peut laisser la Scam indifférente. Elle a écrit à Guillaume Charles, directeur général des programmes, pour en discuter. Elle souhaite également saisir le Syndicat des Producteurs et Créateurs de Programmes Audiovisuels (SPECT).
Enfin, la Scam demande à être associée aux discussions sur la charte tripartite auteurs/producteurs/diffuseurs que propose, à juste titre, la Garrd.