La Scam aux côtés d’organisations d’auteurs, de producteurs et de distributeurs appelle le Parlement à soutenir les amendements qui permettront de maintenir la dotation publique de France Télévisions, en supprimant les économies proposées par le gouvernement, au sein du projet de loi de finances pour 2026.

Paris, le 20 octobre 2025

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

La Coordination intersyndicale de la production audiovisuelle (CISA), qui réunit AnimFrance, le SATEV, le SEDPA, le SPECT, le SPI et l’USPA, représente la quasi-totalité des sociétés de production et de distribution françaises. Ces 950 entreprises produisent et distribuent aussi bien des œuvres patrimoniales de fiction, d’animation, de documentaire et de spectacle vivant, que des programmes de flux, c’est-à-dire les magazines, jeux et divertissements. Elles sont au cœur de la filière audiovisuelle qui regroupe plus de 260 000 salariés et qui constitue une des industries les plus dynamiques de notre pays, plus contributeur au PIB que l’industrie automobile.

La SACD et La Scam sont des organismes de gestion collective qui, au nom des auteurs et autrices qui en sont membres, plus de 60 000 pour la SACD, et notamment les scénaristes et réalisateurs de cinéma, de fiction et d’animation, et plus de 57 000 pour La Scam, dont la majorité sont des documentaristes, des auteurs de reportage et les journalistes, remplissent des missions essentielles à leur profit : négocier des contrats avec les diffuseurs pour assurer aux auteurs une rémunération proportionnelle quand leurs œuvres sont diffusées et permettre une exploitation licite de leurs œuvres, collecter et répartir leurs droits, défendre leurs intérêts, les accompagner dans leur vie d’auteur et d’autrice.

C’est à ce titre que nous, syndicats de producteurs, de distributeurs et organismes de gestion collective représentant les auteurs, avons pris connaissance avec les plus vives inquiétudes, du projet de loi de finances pour 2026 qui porte en germe une baisse de 71 millions d’euros de la dotation à l’audiovisuel public, dont France Télévisions supportera la plus grande partie à hauteur de 65,3 millions d’euros. Cette baisse intervient alors que la lettre-plafond élaborée par le gouvernement Bayrou et destinée à encadrer le budget 2026 de France Télévisions, exigerait de manière inédite des économies impactant principalement les investissements du groupe dans les œuvres à hauteur de 60 millions d’euros, ainsi que 20 millions d’euros pour les magazines, les jeux et les divertissements. Les salves d’économies subies par France Télévisions avaient déjà eu pour conséquence d’imposer en 2025 une réduction budgétaire systématique de 5% pour chaque programme de flux. Elles ont été concentrées sur les quatre derniers mois de l’année, avec notamment pour conséquence l’arrêt de Question Pour un Champion en semaine, émission emblématique du service public depuis des décennies.

De telles nouvelles coupes budgétaires provoqueraient à n’en pas douter un choc systémique pour la création et la production audiovisuelle indépendante et plus largement l’ensemble de la filière audiovisuelle mais aussi les 44 millions de
téléspectateurs qui regardent France Télévisions chaque semaine. Cette offre gratuite qui s’adresse à tous les publics est aujourd’hui un des garants du lien social qu’il convient de préserver.

A titre d’exemple, à elle seule, France Télévisions représente 35% de l’apport de l’ensemble des éditeurs de services (y compris les plateformes étrangères soumises aux obligations de production) dans la fiction, 43% dans l’animation, 45% dans le documentaire et tout autant dans le spectacle vivant. Une réduction de 60 M€ représenterait près du quart de l’investissement de France Télévisions dans la fiction, plus de la moitié de celui dans le documentaire, le double de celui dans l’animation ou encore près de quatre fois celui dans le spectacle vivant. Pour le public, ce reviendrait à l’équivalent de la disparition d’une soirée hebdomadaire de fiction sur l’ensemble de l’année ou bien la suppression de toutes les captations de théâtre, concerts, opéras sur le service public. Les retombées économiques, directes et indirectes (hôtellerie, restauration notamment, mais également en termes de charges sociales et d’impôts) se feront également sentir sur l’ensemble du territoire français car 70% des tournages de fiction sont localisés aujourd’hui en dehors de l’Ile-de-France.
France Télévisions est aussi le premier partenaire des producteurs indépendants dans les magazines, jeux et divertissements qui ont déjà servi de variables d’ajustement du budget du groupe public au cours de la dernière décennie. France Télévisions a tout particulièrement un rôle majeur pour les magazines culturels et d’information qui représentent 73% de son offre de flux. Dans ce domaine, le groupe public regroupe la quasi-totalité d’une offre de programmes qui n’est à coup sûr pas transposable sur les antennes des diffuseurs privés.

Il convient aussi de souligner que France Télévisions, et c’est une différence fondamentale notamment avec les plateformes de vidéo à la demande par abonnement, travaille avec un tissu de producteurs très diversifié, installés dans l’ensemble des territoires métropolitains et ultramarins que vous représentez. L’offre proposée aux téléspectateurs est, elle-même, riche de cette diversité. Elle accorde un terrain d’expression aux créateurs et talents, confirmés comme plus émergents, qui font aussi la renommée de la France à l’international. C’est à n’en pas douter un élément qui renforce le pluralisme des programmes proposés aux citoyens de notre pays.
Affecter la capacité de France Télévisions à financer la création, c’est porter atteinte au renouvellement des programmes diffusés, à la constitution d’une offre diversifiée et adressée à tous les publics. Contraindre des chaînes à proposer exclusivement des rediffusions est-il souhaitable pour le service public de l’audiovisuel ?
Nous souhaitons également alerter le Parlement sur les conséquences sociales d’un tel coup de rabot. L’industrie audiovisuelle est une industrie de main d’œuvre puisque 60 à 70% des coûts de production du secteur sont constitués par des salaires et des charges sociales. Une telle décision aurait de facto des conséquences immédiates sur l’emploi, sur les équilibres des caisses sociales du secteur et sur l’assurance chômage. Un certain nombre de sociétés de production et de distribution seront probablement amenées à cesser leurs activités. C’est aussi la disparition de perspectives d’embauches pour des milliers d’étudiants en formation dans le secteur de la production audiovisuelle.

Une telle amputation des ressources de France Télévisions constituerait également un choc majeur pour les auteurs, scénaristes et réalisateurs de cinéma, de fiction, de documentaire de création et d’animation, pour lesquels la rémunération versée par la SACD et La Scam au titre de la diffusion de leurs œuvres sur le service public représente souvent une part substantielle de leurs rémunérations. Or, ces droits étant liés au chiffre d’affaires de France Télévisions, toute évolution négative aura pour conséquence de diminuer et de fragiliser les rémunérations des créateurs, dont un certain nombre connaît déjà des situations de précarité.

Par ailleurs, cette baisse de crédits apparaît en contradiction flagrante avec les ambitions affichées par l’État dans le cadre du plan France 2030, qui prévoit d’importants investissements pour renforcer la souveraineté de la filière audiovisuelle et cinématographique, notamment à travers la construction ou la modernisation de studios de tournage sur le territoire.

Enfin, la capacité d’exportation de l’industrie audiovisuelle serait également affaiblie. Avec près de 210 millions d’euros, les ventes de programmes audiovisuels français ont augmenté de près de 30% en dix ans. Réduire le volume de production conduirait à limiter à terme les performances à l’export de l’industrie audiovisuelle et la présence des œuvres et formats français sur les écrans du monde entier. La promotion du savoir-faire français, des talents et des créateurs serait nécessairement mise à mal, tant une offre diversifiée et pluraliste est clef dans la circulation des œuvres et des programmes à l’international.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons solennellement à la représentation nationale, de ne pas réduire la dotation de France Télévisions pour 2026.

Liste des signataires

ANIMFRANCE
SACD
SATEV
SCAM
SEDPA
SPECT
SPI
USPA