Mme Fleur PELLERIN

Ministre de la Culture et de la Communication

3, rue de Valois

75001 PARIS

Paris, le 13 octobre 2014,

Madame la Ministre,

En juillet 2009, un accord interprofessionnel était conclu pour redéfinir les contours de la chronologie des médias et les délais applicables à l’exploitation des films. Nous avions alors fait le choix de ne pas nous y associer afin de ne pas apporter notre soutien à un système figé, rigide et pénalisant pour la diffusion d’un certain nombre de films.

Depuis plus de 4 ans maintenant, des discussions professionnelles ont lieu, sous l’égide du CNC, afin de moderniser ce cadre entourant la mise à disposition des films.

Depuis 4 ans, la grande majorité des professionnels continue de militer en faveur d’un statu-quo qui impose notamment la diffusion des films en VàDA 36 mois après la sortie des films en salles et 48 mois pour la VàD gratuite, quels que soient les engagements en faveur de la création que pourraient prendre les plateformes ; qui maintient le gel des droits VàD lors de l’ouverture de la fenêtre télévisée, même lorsque les films ne seront diffusés sur aucune chaîne ; qui ne tient nullement compte de l’économie particulière des films documentaires.

Le maintien de cette position est problématique à plus d’un titre :

– elle est juridiquement bancale au regard des règles de la jurisprudence communautaire (décision de la cour de justice européenne du 11 juin 1985 – Cinéthèque SA et autres contre Fédération nationale des cinémas français.) car la chronologie des médias actuelle (hors la dérogation à 3 mois prévue par la loi) ne prévoit quasiment aucune exception, n’est pas proportionnée à son objectif et ne tient aucunement compte de la vie des films;

– elle est politiquement dangereuse dans un contexte marqué par la volonté de certains, notamment à Bruxelles, de remettre en cause une réglementation française jugée excessivement rigoureuse. De fait, ce sont les positions françaises en Europe qui se trouvent affaiblies;

– elle a été contredite par plusieurs rapports successifs dont le rapport Lescure, le rapport Bonnell, le rapport Lamour sur le documentaire, le bilan CSA sur les SMAD etc.

– elle est enfin extrêmement pénalisante pour les créateurs qui doivent souvent attendre de longs délais sans que leurs films ne soient visibles nulle part. A cet égard, un film qui n’aurait pas été acheté ou préacheté par une chaîne payante et par une chaîne gratuite serait interdit de diffusion entre 10 et 36 mois suivant sa sortie en salles !

Malgré les nombreuses réunions qui se sont tenues et les propositions de réforme mises sur la table, tant par le CNC que par nous-mêmes, l’immobilisme et l’inertie l’emportent sur la nécessité de faciliter l’accès du public aux œuvres.

Aujourd’hui, nous en appelons à votre concours car nous n’oublions pas que si la fixation des délais – hormis le délai vidéo – repose sur des accords interprofessionnels, le ministère de la Culture et de la Communication a aussi la possibilité de donner force réglementaire aux consensus professionnels qui peuvent se dégager en procédant à une extension par voie d’arrêté.

C’est d’ailleurs la responsabilité qu’avait prise Frédéric Mitterrand, alors ministre, en publiant un arrêté d’extension le 9 juillet 2009.

Parce que nous connaissons – et saluons – votre désir de changement et votre priorité de voir l’offre légale s’améliorer, l’abrogation de l’arrêté d’extension de la chronologie des médias serait un signal extrêmement fort.

Nous sommes convaincus que ce retrait de l’arrêté ministériel serait de nature à favoriser de nouveaux échanges constructifs et fructueux entre tous, tout en offrant aux pouvoirs publics le loisir de fixer les conditions qui pourraient rendre un nouvel accord extensible.

Plus que jamais, nous croyons qu’il est possible – et urgent – de parvenir à un nouvel équilibre facilitant l’exploitation des œuvres sans fragiliser ni le financement de la création cinématographique ni les chaînes de télévision qui sont aujourd’hui les principaux financeurs des films des créateurs français.

Vous remerciant par avance de la bienveillante lecture que vous réserverez à ce courrier, nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l’assurance de notre haute considération.

Pascal Rogard                                                   Hervé Rony
Directeur général de la Sacd                               Directeur général de la Scam

> lien vers le courrier (pdf)