Dans le cadre des négociations avec vos éditeurs, voici quelques recommandations concernant les droits d’exploitation numérique.

* Information aux auteurs sur les droits d’exploitation numérique

Les négociations menées entre le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Conseil permanent des écrivains (CPE) sur les conditions de cession et d’exploitation des droits numériques sont arrivées à leur terme le 4 mars 2011.

Elles portaient sur six points essentiels :
– un contrat séparé pour l’exploitation numérique,
– une durée limitée (2 à 3 ans à compter de la date de publication avec tacite reconduction),
– les conditions de rémunération (proportionnelle et au moins équivalente à celle perçue pour le papier),
– un bon à diffuser numérique,
– une obligation d’exploitation permanente et suivie de l’ouvrage numérique,
– une reddition des comptes (trimestrielle ou semestrielle).

Ces discussions n’ont malheureusement pas permis d’aboutir à un accord sur certains de ces principaux points : le contrat séparé, la durée limitée et les conditions de la rémunération.
Toutefois, sur deux autres points, certaines avancées ont été obtenues dans leur principe ou leurs modalités : le bon à diffuser numérique et l’obligation permanente et suivie.

Le SNE estime, pour sa part, que ces négociations sont simplement interrompues et qu’il est important de pouvoir les reprendre. Le CPE, de son côté, ne souhaite pas continuer à discuter indéfiniment, alors que depuis l’annonce il y a six mois d’un protocole d’accord sur les livres indisponibles entre Google et Hachette Livre, plusieurs éditeurs réfléchissant à la possibilité de rejoindre cet accord, les propositions de signature d’avenants numériques se multiplient.

Les membres du CPE ont donc demandé aux pouvoirs publics (dans un courrier en date du 3 mai adressé au ministre de la Culture) de prendre leurs responsabilités sur ce sujet par la voie de la création d’une commission, sous la responsabilité d’une personne indépendante, composée de représentants des auteurs et des éditeurs, mais aussi de représentants du ministère de la Culture, de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il s’agirait dans ce cadre, et un avec un calendrier resserré, de reprendre et de faire aboutir les discussions interprofessionnelles, mais également de formuler les propositions nécessaires pour l’adaptation justifiée du Code de la propriété intellectuelle à l’exploitation numérique des livres.

Le CPE est dans l’attente des suites qui seront réservées à cette demande, mais il nous semble important que d’ici là, lors de la signature d’un avenant ou d’un nouveau contrat, les auteurs puissent être attentifs à ces points et se référer à certaines avancées de la part d’éditeurs, qui loin de la position collective de blocage ou de refus défendue par le SNE, acceptent d’ores et déjà à titre individuel. La pratique des éditeurs diffère selon les maisons d’édition ou selon les secteurs de l’édition (littérature générale, jeunesse, BD, scolaire etc…).

Nous communiquons ci-après dans le détail, les demandes formulées par le CPE aux éditeurs ainsi que des propositions alternatives qui ont été discutées.

Dans le cadre des négociations avec vos éditeurs, vous devez pouvoir vous y référer et, selon les situations, obtenir satisfaction sur certains points.


* RECOMMANDATIONS AUX AUTEURS

1/ Contrat séparé

Certains éditeurs proposent, pour de nouveaux contrats, un « avenant numérique » séparé du contrat principal. Ils sont rares.

Faute d’un accord sur un contrat séparé pour l’exploitation numérique des œuvres, le SNE a toutefois accepté d’intégrer au sein du contrat d’édition – un chapitre unique – clairement identifié contenant l’intégralité des clauses relatives à l’exploitation numérique.

Ce chapitre du contrat général d’édition pourrait selon les discussions, et sans rentrer dans le détail de chaque rubrique, se présenter sous la forme de la trame suivante :

« Les droits de reproduction, de représentation et d’adaptation cédés à l’article … [viser la référence de l’article du contrat d’édition concerné par l’étendue de la cession] du présent contrat, quels qu’en soient l’étendue, les termes et conditions, doivent être régis par les stipulations du présent article pour tout ce qui concerne l’édition de l’œuvre dans un format numérique et/ou électronique (numérisation homothétique ou adaptation) :
1. durée
2. formes d’exploitation numérique et/ou électronique envisagées et autorisées (périmètre)
3. rémunération proportionnelle et modalités de calcul (y compris un éventuel minimum garanti par exemplaire)
4. application du droit moral (BADN – bon à diffuser numérique)
5. périodicité et formes des redditions de comptes
6. cas de résiliation automatique de la cession des droits d’exploitation numérique et/ou électronique (en particulier si pas d’exploitation numérique permanente et suivie)
7. précisions concernant les éléments du livre qui seraient constitutifs d’un droit de propriété et dont le titulaire resterait l’éditeur (marque commerciale ou signe distinctif, maquette payée en tant que telle par l’éditeur)
8. clause de « concurrence loyale » en cas de récupération par l’auteur des droits d’exploitation numérique de l’œuvre »

Il est important de vérifier ou de faire vérifier que dans le contrat d’édition, aucune clause générale ne vienne annuler ou contredire les effets des clauses spécifiques ci-dessus envisagées, limitant par exemple l’obligation d’exploitation permanente et suivie à une des formes d’exploitation prévues par le contrat.

2/ Durée limitée

Les négociations n’ont pas abouti quant au principe d’une durée limitée pour la cession des droits numériques. Or la possibilité pour l’auteur de récupérer ses droits sans devoir recourir à une instance judiciaire constituait, et constitue toujours, une condition essentielle pour les auteurs, compte tenu des incertitudes actuelles sur les modalités de développement du marché numérique.

Certains éditeurs commencent toutefois à proposer ou à accepter une durée limitée, le plus souvent de 3 ou 5 ans à compter de la date de publication du livre.

→ Clause de « rendez-vous » ou de « réexamen »

A défaut d’un contrat à durée limitée, il a été discuté entre le CPE et le SNE, le principe d’une clause dite de « rendez-vous » ou de « réexamen » permettant, à moyen terme, une véritable renégociation des conditions de rémunération pour l’exploitation numérique. La discussion sur cette question n’a cependant pas pu aboutir sur les conséquences à prévoir lors d’un éventuel désaccord entre l’auteur et l’éditeur à l’occasion de ce rendez-vous ou réexamen. Il est en effet important qu’en cas de désaccord, l’auteur puisse reprendre facilement ses droits numériques. Faute de quoi, ce simple « rendez-vous » n’aurait aucun caractère contraignant pour l’éditeur.

Le CPE a proposé au SNE les clauses suivantes :
– « En cas de désaccord sur les conditions de la rémunération de l’auteur ou des co-auteurs, celui-ci ou ceux-ci peuvent reprendre leurs droits numériques ».

Ou bien encore :

– « Lors de la nouvelle discussion à échéance des 3 ou 5 ans, l’auteur et l’éditeur négocient de bonne foi, sur la base d’éléments comparatifs en leur possession et de critères objectifs, les conditions de la rémunération de l’auteur. En cas de désaccord, ils peuvent faire appel, afin d’éviter une procédure contentieuse, à une instance de conciliation composée de représentants des auteurs et des éditeurs ou bien encore aux organisations professionnelles de leurs choix qu’ils auraient désignées à cet effet dans leur contrat ».

Ainsi, certains éditeurs commencent à proposer ou à accepter une clause de « rendez-vous » à échéance le plus souvent de 3 ou 5 ans à compter de la date de publication du livre avec chez certains éditeurs, une possibilité de sortir de la cession des droits numériques si l’accord sur l’exploitation numérique et ses modalités de rémunérations n’étaient pas renouvelées par les parties.

Il est important, dans ce cadre, de préciser l’étendue exacte des droits récupérés.

3/ Conditions de rémunération

Le SNE a proposé aux auteurs de leur garantir un pourcentage pour l’édition numérique strictement identique à celui ou ceux existant pour l’édition papier.

Compte tenu de la diminution du prix de vente du livre numérique, le CPE a estimé que cette proposition était insuffisante et demandé à ce que ce taux soit réévalué pour l’édition numérique de telle sorte que le montant de rémunération soit au moins équivalent en valeur absolue à celui obtenu pour l’édition papier. Le SNE a refusé ce principe.

Les associations d’auteurs ont également rappelé la faiblesse des pourcentages proposés dans certains secteurs éditoriaux et l’absence de justification pour le maintien de ces écarts dans le cadre d’une exploitation numérique. Les auteurs pourront se référer, dans le cadre des discussions avec leurs éditeurs, au principe d’une rémunération juste et équitable, qui figure désormais à l’article L.132.5 du Code de la propriété intellectuelle (texte adopté le 17 mai 2011 par le Parlement dans le cadre de la loi relative au prix du livre numérique.

Certains éditeurs proposent ou acceptent, en littérature générale tout au moins, un taux de rémunération minimum pour le numérique de 15% à 20% du prix public HT de vente.

Il est important de rappeler que des taux de droits d’auteur, même supérieurs, se révèlent le plus souvent moins intéressants s’ils sont calculés sur la base des recettes nettes de l’éditeur.

En France, la rémunération de l’auteur est, pour le livre imprimé, proportionnelle au prix de vente hors taxe. Toutefois, pour le numérique, il convient d’étendre cette « assiette » à d’autres types de rémunération, ou à tout le moins de ne pas les écarter : revenus publicitaires, ventes par abonnement, et d’une manière générale, l’ensemble des revenus liés à la diffusion et à la commercialisation des œuvres.

4/ Exploitation numérique permanente et suivie

Les conditions liées à l’obligation pour l’éditeur d’assurer une exploitation numérique permanente et suivie ont été en partie définies d’un commun accord entre le SNE et le CPE.

Á l’issue d’une période de 2 ans à compter de la signature du contrat (ou de la remise du manuscrit pour les œuvres de commande), l’auteur pourrait à tout moment demander à l’éditeur de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour remplir ces conditions dans un délai maximum de 3 mois. Á défaut, l’auteur pourrait recouvrer ses droits numériques dans la dernière version du texte approuvée par l’auteur. Sauf cas particuliers dont la preuve incombe à l’éditeur, le texte de la version imprimée est réputé appartenir à l’auteur. Une référence trop vague à un « apport de l’éditeur » doit être évitée.

Bien qu’il n’y ait pas eu d’accord définitif entre le CPE et le SNE sur les modalités précises de sa mise en œuvre, certains éditeurs intègrent déjà cette obligation dans leurs contrats numériques.

Voilà ci-après quels pourraient être les éléments permettant une définition de l’exploitation numérique permanente et suivie de l’œuvre :

• l’œuvre est exploitée dans sa totalité sous une forme numérique ;
• l’œuvre est présente au catalogue numérique de l’éditeur ;
• l’œuvre est accessible dans un format technique exploitable en tenant compte des formats usuels du marché et de leur évolution ;
• l’œuvre est référencée par un nombre signification des principaux e-distributeurs ;
• l’œuvre est disponible pour l’ensemble des libraires en ligne et pour des sites non propriétaires ;
• l’éditeur met en œuvre les moyens nécessaires au bon référencement de l’œuvre sur les principaux moteurs de recherche.

5/ Bon à diffuser numérique

Parmi les points d’accord, le SNE et le CPE ont acté la mise en œuvre d’un bon à diffuser numérique. L’auteur aurait ainsi la possibilité de valider le fichier numérique avant sa diffusion. Un accord complet sur les modalités précises de cette validation n’a toutefois pas abouti. Ce bon à diffuser n’a de sens que s’il est préalable à la publication. Selon les secteurs, il peut prendre des formes variables.

A l’instar du livre papier, pour lequel il y a ou il devrait y avoir un BAT (Bon à tirer), il est normal que l’auteur puisse faire une validation du format du fichier numérique (le principe même de la diffusion de l’œuvre écrite sous une forme numérique et le type de format numérique -fichier fermé (image)- fichier ouvert (e-pub)- ou application – ou autres). S’il s’agit d’un fichier image (fermé), la validation du BADN portera sur les images elles-mêmes. S’il s’agit d’un fichier e-pub (ouvert), la validation du BADN portera sur une structure informationnelle (le contenant, les instructions de lecture, l’indexage, des enrichissements de métadonnées ou de toutes autres informations pertinentes du même ordre).

Certes, l’auteur jouit du droit au respect de son œuvre et il pourrait se plaindre, postérieurement à la diffusion, de l’atteinte causée à son droit moral. Pour éviter ce type de litige qui pourrait entraîner des procédures inutiles, il vaut mieux mettre en place un système de validation préalable du fichier de l’œuvre numérique.

6/ Reddition des comptes

Le SNE et le CPE ne sont pas parvenus à un accord sur les conditions et la périodicité de la reddition des comptes pour le numérique.

Le principe d’une reddition explicite et transparente de la rémunération de l’auteur pour l’exploitation numérique de ses livres a toutefois été intégré dans la loi relative au prix du livre numérique. [l’article L.132-5 du CPI : « Le contrat d’édition garantit aux auteurs, lors de la commercialisation ou de la diffusion d’un livre numérique, que la rémunération de l’exploitation de ce livre est juste et équitable. L’éditeur rend compte à l’auteur du calcul de cette rémunération de façon explicite et transparente. »]

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