Le Conseil d’État remet en cause la loi sur la numérisation des œuvres indisponibles mais valide l’existence du registre ReLIRE en ce qui concerne les licences d’exploitations déjà accordées.

Dans son arrêt du 7 juin 2017, le Conseil d’État a entériné la décision de la Cour de Justice Européenne du 16 novembre dernier en jugeant que, d’une part, l’absence préalable d’information effective et individualisée des auteurs dont les œuvres sont numérisées et, d’autre part, l’obligation qui leur est imposée, pour les auteurs souhaitant exercer leur droit de retrait, de démontrer être seuls titulaires des droits de reproduction, étaient contraires aux exigences du droit de l’Union Européenne.

Restait à savoir quelle serait la portée de la remise en cause du système en ce qui concerne les droits déjà accordés sur des œuvres indisponibles. A cette question cruciale de la rétroactivité, le Conseil d’État a estimé que les contrats précédemment passés – à savoir les licences d'exploitation déjà accordées par la Sofia – demeuraient valides.

Pour rappel, la loi 2012-287 du 1er mars 2013 et son décret d'application 2013-182 du 27 février 2013 ont créé un dispositif visant à rendre accessibles au public les livres indisponibles, définis en France comme ceux publiés avant le 1er janvier 2001 et ne faisant plus l'objet d'une diffusion commerciale ni d'une publication sous une forme imprimée ou numérique (CPI art. L 134-1 s. et R 134-1 s.).

Ces livres « oubliés » sont inscrits dans le registre ReLire, qui est enrichi tous les 21 mars. Une société de gestion collective des droits (la Sofia) peut autoriser la reproduction ou la représentation sous une forme numérique des livres indisponibles. Les auteurs ou leurs ayants droit pouvant s'opposer à l'exercice de ces droits par la Sofia dans les six mois qui suivent l'inscription des ouvrages dans le registre ReLire (ou à tout moment, pouvant sortir leurs livres de la gestion collective en faisant une demande de retrait auprès de la Sofia ou de la société d’auteurs à laquelle ils appartiennent qui entreprendra la démarche en leur nom).

Le 16 novembre 2016, saisie par le Conseil d’État pour statuer sur la légalité du décret d'application, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé la réglementation nationale relative aux livres indisponibles contraire au droit européen sans toutefois condamner le régime en tant que tel. Il appartenait donc au législateur français d'adapter la réglementation interne pour la mettre en conformité avec le droit européen ; La loi française repassant alors devant les Sages du palais royal.

Prenant acte de l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne du 16 novembre 2016, le comité scientifique de ReLIRE et la BnF ont dans l'attente de la décision du conseil d'État, décidé de ne pas publier de nouvelle liste dans le registre ReLIRE en mars 2017.

Le 7 juin 2017, le Conseil d’État a rendu un arrêt qui annule l’article 1er du décret du 27 février 2013 (et donc les articles R134-5 à R 134-10 du CPI) car contraire à la directive européenne de 2001 relative au droit d'auteur mais qui précise que la disparition rétroactive des ces articles ne produit pas d’effets propres de nature à remettre en cause la validité des contrats signés sous leur empire de nature à justifier une limitation dans le temps des effets de leur annulation.