Dans un courrier adressé aux ministres Catherine Vautrin, Astrid Panosyan-Bouvet et Rachida Dati, les organisations professionnelles d’artistes-auteurs interpellent le Gouvernement sur les graves dysfonctionnements qui affectent encore l’accès aux droits à la retraite de base. Elles demandent des mesures concrètes pour garantir une prise en compte juste et efficace des carrières artistiques passées.

Madame Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
Madame Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l’Emploi
Madame Rachida Dati, ministre de la Culture

Paris, le 27 mai 2025

Mesdames les ministres,

Nous souhaitons attirer votre attention sur les graves dysfonctionnements persistants concernant la retraite des artistes-auteurs.

Ces difficultés touchent principalement la retraite de base, qui, malgré les réformes récentes, ne permet pas à tous les créateurs de bénéficier d’une retraite proportionnelle à leurs revenus artistiques passés.

Il est impératif de mettre en place rapidement des décisions et actions concertées avec toutes les parties prenantes, notamment les organismes de gestion collective, les organisations professionnelles, la CNAV, l’Urssaf, la Sécurité Sociale des Artistes-auteurs et les ministères de tutelle.

Vous trouverez ci-joint une note explicative détaillant les anomalies persistantes depuis plusieurs années.

Nous nous tenons à votre disposition et celle de vos services pour vous apporter les éléments complémentaires.

Nous vous prions d’agréer, Mesdames les ministres, l’expression de notre très haute considération.

Signataires
EAT – Ecrivaines et écrivains associés de théâtre
La Garrd – Guilde des auteurs-réalisateurs de reportages et documentaires
LaScam – Société civile des auteurs multimédia
Maison de la Poésie
Pen Club français
SACD – Société des auteurs et compositeurs dramatiques
Sacem – Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique
Scénaristes de cinéma associés
SGDL – Société des gens de letres
Snac – Syndicat national des auteurs et des compositeurs
Unac – Union nationale des auteurs et compositeurs
UPP – Union des photographes professionnels
U2C – Union des compositeurs et compositrices
U2R – Union des réalisatrices et réalisateurs

 

 

Note explicative sur les dysfonctionnements de la retraite des artistes-auteurs

Comme vous le savez, de nombreux rapports ont mis en lumière les dysfonctionnements de la protection sociale des artistes-auteurs entre 1975 et 2018, soulignant notamment les conséquences dramatiques de l’absence de prélèvement de cotisations d’assurance vieillesse sur leurs revenus artistiques.
Pour y remédier, le recouvrement des cotisations a été transféré à l’Urssaf Limousin le 1er janvier 2019, conformément au décret du 19 décembre 2018. Cette réforme a instauré un précompte des cotisations vieillesse sur les droits d’auteur dès le premier euro perçu, assurant ainsi aux artistes-auteurs une retraite future reflétant réellement leur carrière artistique. Cependant, ces nouvelles dispositions, bien que satisfaisantes pour l’avenir, n’ont pas permis de régulariser les situations passées.
L’approche de la retraite est souvent un moment difficile, particulièrement pour les artistes-auteurs car il s’agit souvent d’un choix par défaut : la conséquence d’une diminution des ressources, une problématique de santé… Ils découvrent fréquemment la modicité de leur future retraite, due à l’absence de prise en compte de certaines années d’activité entre 1975 et 2018.

I- Le dispositif de régularisation des cotisations arriérées

Il y a plus de dix ans, nous avons demandé la mise en place d’un dispositif de régularisation des cotisations prescrites. Les ministres des Affaires sociales et de la Culture de l’époque, Mesdames Marisol Touraine et Fleur Pellerin, avaient donné leur accord dans un courrier du 29 juillet 2015. Ce dispositif visait à « rétablir les artistes-auteurs dans l’ensemble de leurs droits », en réparant la situation de nombreux auteurs pour lesquels la cotisation d’assurance vieillesse plafonnée n’avait pas été appelée. Un dispositif ouvert pour une période de cinq ans a été mis en place via une circulaire du 24 novembre 2016, prolongé jusqu’au 31 décembre 2027, permettant aux auteurs de régulariser les cotisations arriérées.
Malheureusement, ce dispositif n’atteint pas pleinement ses objectifs. Les auteurs doivent affronter un parcours long, difficile pour reconstituer leur carrière et trouver les justificatifs nécessaires. Après avoir surmonté ces obstacles, ils doivent encore trouver le financement pour procéder aux régularisations, souvent par des aides ou des emprunts.
Malgré ces efforts, nombre d’auteurs sont confrontés à des silences administratifs, des erreurs inexpliquées et des retards injustifiés, perdant ainsi toute confiance dans le bon fonctionnement de l’assurance retraite.
Depuis 2017, nos organisations informent et accompagnent les auteurs dans la constitution de leur dossier, une mission qui aurait dû incomber en toute logique à la Sécurité Sociale des Artistes-Auteurs Malgré nos interventions régulières auprès des services de la CNAV, de nombreux auteurs attendent plusieurs années avant de voir leur dossier pris en charge.

Voici les dysfonctionnements récurrents que nous constatons :
• Réception des demandes : La circulaire interministérielle du 19 octobre 2022 impose à la CNAV d’accuser réception des dossiers dans un délai de trois mois après la réception du dossier. Cette procédure est rarement appliquée, laissant les créateurs sans nouvelles pendant de longs mois, voire plusieurs années. Il a été signalé à plusieurs reprises que l’adresse d’envoi figurant sur le formulaire de demande de régularisation est erronée, ce formulaire n’a pas été mis à jour à la suite de la circulaire de 2022.
• Perte de dossiers : certains dossiers déposés en 2019 ont été égarés. Une anomalie informatique a rendu ces dossiers illisibles, empêchant l’envoi de devis aux intéressés. Après cinq ans d’attente, il leur a été demandé de constituer une nouvelle demande.
• Délais de traitement des demandes : la circulaire prévoit l’envoi d’un devis dans les deux mois suivant la réception du dossier complet. Cependant, de nombreux dossiers sont en attente depuis plusieurs années, sans devis ni demande d’informations complémentaires.
• Clôture de dossier : certains dossiers sont clôturés/fermés sans que l’auteur ait eu connaissance de cette fermeture et de son motif. Il doit alors présenter une réclamation pour relancer sa demande ce qui a pour effet de rallonger le temps de traitement de son dossier.
• Révision du montant de la pension : la circulaire dispose que le nouveau montant de la pension prend effet dès le paiement intégral de la régularisation. Pourtant, la révision intervient souvent plusieurs mois après (délai de six voire douze mois pour certains dossiers), causant un déséquilibre budgétaire pour les auteurs ayant contracté des crédits.
• Rétroactivité : compte tenu du préjudice subi par les auteurs déjà retraités quant aux délais de réponse et de traitement de leur demande, la CNAV Ile-de-France a confirmé une mesure de bienveillance pour réviser la retraite à compter de la date de la demande de régularisation si celle-ci est postérieure à la liquidation de retraite. Cette décision de la CNAV Ile-de-France répare à juste titre les délais de traitement extrêmement longs. Mais elle n’est pas appliquée uniformément sur tout le territoire (Nantes, Bordeaux par exemple). Il convient d’étendre cette mesure de bienveillance automatiquement à tous les artistes-auteurs retraités concernés par un retard de traitement.
Par ailleurs, cette possibilité de régularisation est encore mal connue par les auteurs alors qu’un grand nombre d’entre eux ayant démarré leur activité de création avant la mise en place du précompte de la cotisation vieillesse, pourrait en bénéficier. Il nous paraît donc primordial d’envisager la prolongation de ce dispositif au-delà du 31 décembre 2027.

II- Liquidation de la retraite

Les artistes-auteurs rencontrent également des difficultés à faire valoir leurs droits à la retraite auprès de la CNAV. Par méconnaissance de leur activité, des justificatifs impossibles à fournir leur sont demandés alors que d’autres documents sont refusés, entraînant des retards de plusieurs mois dans la liquidation de leur retraite. Une clarification de la part des Ministères de tutelle quant aux pièces justificatives suivi d’une information des services de la CNAV semblent indispensables.
Par ailleurs, une meilleure coordination entre les services de la CNAV et de l’Urssaf permettrait sans aucun doute d’améliorer la fluidité du traitement des dossiers.
Des problèmes informatiques font parfois disparaître des rémunérations artistiques, affectant le calcul des droits. En l’absence de contrôle interne sur les relevés de carrière, de graves erreurs peuvent ainsi affecter les droits.

Contact
La Scam : Pascale Fabre – Directrice des Ressources Humaines et Affaires Sociales