Lors des 6emes rencontres parlementaires, la Scam a rappelé l’importance de trouver un équilibre dans le projet de loi qui ne fragilise pas le statut protecteur des auteurs.



Le 5 décembre dernier, dans le cadre des sixièmes rencontres parlementaires sur la société de l’information et l’internet, la Scam a participé à la table-ronde portant sur « la convergence révolutionne-t’elle la protection des droits d’auteurs ? ».

A cette occasion, Laurent Duvillier, délégué général de la Scam, est intervenu pour rappeler la nécessité de trouver un équilibre dans le projet de loi sur les droits d’auteurs et droits voisins dans la société de l’information afin que le statut protecteur des auteurs ne soit pas fragilisé.

Cette rencontre était animée et présidée par Patrick Bloche, député de Paris
en présence de Eric Garandeau, directeur financier et juridique du CNC, Jean Martin, avocat à la Cour de Paris, Christophe Stener, président d’Alliance TICS et du SFIB et secrétaire général d’HP France et Christian Vanneste, député du Nord et rapporteur du projet de loi sur les droits d’auteur.

Extrait de l’intervention de Laurent Duvillier, délégué général de la Scam

« Les 20, 21 et 22 décembre 2005 s’ouvre le débat parlementaire sur la transposition de la directive relative aux droits d’auteur et à la société de l’information. La question des droits d’auteur est donc bien au cœur de l’actualité.
La convergence bouleverse la création et ébranle la protection des droits des auteurs. Bernard Miege, professeur en sciences de la communication, a écrit récemment dans Les nouveaux dossiers de l’audiovisuel, que « la phase actuelle est celle de l’effervescence de la création, de potentialités, mais aussi de confusion, de brouillage et de rumeurs ». En effet, la dissémination des contenus, aujourd’hui, est un véritable défi pour la protection et la gestion des droits d’auteur. Alors que les TIC ont permis la dématérialisation des œuvres, ce défi est d’une ampleur que nous n’avons jamais connue, tant pour la gestion collective que pour la gestion individuelle (c’est-à-dire le contrôle et l’identification des œuvres). L’économie classique est elle-même déstabilisée du fait du déplacement de la publicité vers les nouveaux médias, ce qui peut conduire à une baisse de la rémunération des droits en gestion collective. En outre, une fragmentation très forte de la mise à disposition des œuvres et la montée en puissance de nouvelles modalités d’exploitation (blogs, Podcasts, web radios, etc.) sont à l’œuvre. Cette profusion technologique rend particulièrement difficile pour les professionnels (les auteurs, les producteurs et les éditeurs) la maîtrise de l’offre légale et du processus de contractualisation des autorisations. Par ailleurs, la sécurisation de la communication pose la question des libertés individuelles et publiques, comme cela a été souligné au cours de la première table ronde de la journée.
Nous disposons aujourd’hui de procédés hybrides qui créent pour les sociétés de gestion une incertitude sur la manière d’appréhender des utilisations d’œuvres se situant à mi-chemin entre communication privée et communication publique. Il en résulte que certains droits échappent à la gestion collective ou individuelle. Par exemple, les web blogs sont libres, mais qu’en est-il des contenus protégés qu’ils sont susceptibles de véhiculer ? Est-ce un acte licite ou non ? Il s’agit très certainement d’un acte de communication publique ; encore faut-il que les tribunaux et la loi le reconnaissent. Il existe aussi la VOD et ses formules dérivées. Tous ces modes de diffusion risquent de remettre en question la gestion des droits. Laquelle sera très bientôt ébranlée par la pratique naissante des creative commons. Ces creative commons interdisent à un auteur, une fois qu’il a autorisé l’exploitation d’une œuvre pour une destination précise, de revenir sur cette autorisation. Enfin, il convient de citer le débat considérable que suscite la copie privée en France et en Europe. La notion de copie privée pourrait être sérieusement mise à mal à l’occasion des travaux actuellement menés sur les DRMs au niveau européen.
Les TIC fragilisent aussi l’œuvre : on assiste en particulier à l’effacement du nom de l’auteur comme garant de l’intégrité d’un texte, puisque celui-ci peut être modifié par une écrite multiple et collective. Comment faut-il faire face à ces nouveaux concepts provenant d’outre-Atlantique, qui viennent modifier nos programmes de télévision ?
D’un autre côté, je crois que la technologie peut constituer un levier pour le rayonnement culturel des droits d’auteur. En effet, la technologie pourrait permettre d’accéder à des pans entiers du patrimoine culturel jusqu’ici méconnus du grand public. Les TIC peuvent relancer la demande culturelle des citoyens et favoriser la promotion de la diversité culturelle. Ainsi, des sociétés d’auteurs ont-elles conclu des accords avec l’INA pour autoriser la diffusion sur l’Internet d’œuvres oubliées ou méconnues (reportages, fictions, musique). En outre, les TIC permettent de donner une chance à des œuvres s’adressant à des publics de niche (comme le patrimoine régional). Le projet de la BNUE (bibliothèque numérique européenne) a aussi été lancé en Europe, en réaction à l’initiative de Google qui reviendrait à privatiser une partie du patrimoine. Tout ceci montre que la technologie offre une possibilité de riposte. Les représentants des ayants-droit du monde entier s’attachent à promouvoir des identifiants permettant de contrôler la circulation des œuvres sous format numérique : ce sont notamment les identifiants ISWC pour la musique, ISAN pour l’audiovisuel, ISTC pour les textes, qui permettent de tracer les œuvres sur Internet dès lors que ces œuvres sont exploitées. En France, une agence ISAN a été créée en collaboration avec les producteurs et les sociétés d’auteurs. Les DRMs constituent des outils de gestion qui peuvent tout à fait être utilisés par les entreprises de gestion collective. Ils peuvent contribuer à une plus grande efficacité de la gestion de ces sociétés, notamment par le processus d’attribution de licences d’exploitation en ligne : en effet, les DRMs permettent de réaliser un suivi précis des autorisations. Il ne faut pas pour autant réduire la copie privée à néant. En effet, la copie privée profite au public. Il convient donc de trouver un équilibre dans le projet de loi.

En conclusion, il faut aujourd’hui créer un cercle vertueux pour sortir de la phase actuelle de « brouillage ». Il s’agit de ne pas fragiliser le statut protecteur des auteurs, de façon à accroître l’héritage culturel des nations européennes, pour le plus grand intérêt des citoyens et des entreprises culturelles européennes dans le monde. »