« Je ne veux pas me décider à entendre quelque chose comme l’éternité, je n’entends rien du tout à part le ruissellement du sable à chaque pas » fait-il dire à son Homo Faber, son film le plus important à ses yeux.

Il nous laisse orphelins. Ni fleurs, ni couronnes. Il n’aimerait pas. J’ai eu la chance de le rencontrer. Je souhaitais monter ses films après avoir découvert Une saison au paradis, magnifique documentaire consacré au poète  sud-africain Breyten Breitenbach. Le portrait d’un homme qui résiste du fond de sa prison, avec les mots. Richard Dindo résiste avec les mots et les images que les mots appellent. Jamais l’un ou l’autre ne se font de l’ombre. Il filme des rebelles. Il est l’un d’eux.

Depuis Dani, Mitchi, Renato et Max où il mène une enquête sur les violences policières qui ont provoqué le décès de quatre jeunes gens en passant par Enquête et mort à Winterthur, réalisé en 2002, qui relate le sort tragique de membres de mouvements alternatifs zurichois dans les années 1980. Jusqu’à Ni olvido ni perdón en 2003 où il fait la lumière sur l’histoire longtemps occultée de l’écrasement, sur ordre gouvernemental, du mouvement de protestation étudiant à Mexico en 1968.

Avec Ernesto Che Guevara, journal de Bolivie, il voit la mort du Che « comme une métaphore de la défaite de la lutte révolutionnaire, comme une métaphore de la mort de l’utopie ».  Ses films sur l’art sont aussi des films de résistance.  Quand il présente son dernier film Le Voyage de Bashô à la Cinémathèque suisse, il a ces mots «  Je suis de plus en plus rebelle pas seulement dans la forme, je reste un  homme libre. Bientôt, le système ne saura pas ce que ça veut dire un homme libre. »

Il m’a découragée de travailler au montage avec lui. «  Je suis invivable, je ne travaille qu’avec ceux qui peuvent me supporter, toujours les mêmes ».  Plus tard, en 2013, j’ai organisé une Master Class à la Faculté Michel de Montaigne à Bordeaux. Nous avons élaboré avec soin le  programme. Il veillait à tout très précisément, soucieux des conditions de projection, du partage de la parole. Un seul détail semblait lui échapper : Pour le programme, il nous avait envoyé une photo de lui a trente ans.

Eternel jeune homme, vibrant, provocateur, il a su nouer un dialogue intense avec les étudiants, enfants du numérique, sonder leur désir de cinéma et les inviter à se battre irréductiblement pour faire émerger les images justes sans céder à la facilité, aux pressions diverses, aux compromis.

Une phrase continue de résonner, elle doit nous porter : « Les images sont dans le désert où il nous faut aller les chercher. »

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Richard Dindo - photo Droits réservés