cycle « L’inquiétante étrangeté de l’être »



à 11h
* VAMPYR

de Carl Theodor Dreyer
France, Allemagne, 1932, 35mm, N&B, 70’
Avec : Julian West , Henriette Gérard, Sybille Schmitz, Renée Mandel, Maurice Schutz
David Gray s’installe un soir dans l’auberge du village de Courtempierre. Pendant la nuit, un vieillard lui rend visite et lui confie un grimoire sur le vampirisme et les moyens d’y faire face. Dès cet instant, David doit affronter et déjouer les pièges d’une femme vampire.
L’insolite magie du réalisme apparent, captée par Dreyer. Sur le thème classique du vampire, la navette constante entre le visible et l’imaginaire, les ombres portées et la vie, distillent une angoisse savamment feutrée.

à 14h
* LES MIETTES DU PURGATOIRE

de Françoise Romand
France, 1993, Beta SP, couleur, 14’
Françoise Romand filme la vie quotidienne d’une famille bourgeoise traditionnelle. Quatre personnes vivent confinées dans un grand appartement vétuste : les parents (94 ans et 89 ans) sont réduits par l’âge à la quasi-immobilité, les deux fils, deux jumeaux de 54 ans, se répartissent les tâches ménagères.
Ces quatre personnages vivent, hors du temps, des journées totalement ritualisées – les repas, les soins médicaux, les courses, les nouvelles à la radio, la sieste, la messe – qui laissent peu ou pas de place pour un dessein personnel. La norme familiale tient lieu d’identité, on imagine à quel prix…
Alain, l’artiste de la famille qui, dans un instant de révolte, a imposé le tournage à son père, essaie de sauver des miettes de temps pour poursuivre une recherche picturale.
La cinéaste décrit cet univers étouffant où règne le non-dit, avec le mélange d’ironie et de tendresse qui la caractérise. Savoureux.

* J’AI ACCOUCHE D’UN SI BEAU GARÇON (TAKIEGO PIEKNEGO SYNA URODZILAM)
de Marcin Koszalka
Pologne, 1999, Beta SP, couleur, 25’
Le compte rendu de Marcin Koszalka sur sa vie avec son père et sa mère dans un petit appartement de Cracovie rappelle un étrange huis clos qui frise constamment le grotesque. Koszalka se déplace dans l’appartement, souvent caméra à l’épaule, et filme ses parents, qui se plaignent et jurent sans cesse. Quand ils ne s’adressent pas directement à la caméra, leurs voix exaspérées filtrent à travers les portes de verre, leurs propos haineux sont soulignés par leurs gestes agressifs. L’étudiant en cinéma n’est pas seulement accusé de paresse et d’ineptie. On lui reproche également de perdre son temps et de dilapider l’argent de ses parents. De plus, il est coupable d’avoir mené ses géniteurs au bord de la dépression nerveuse. Sous le feu de l’accusation, Koszalka demeure silencieux. Lorsque ses parents tentent de briser sa résistance en lui assénant insulte sur insulte, il demeure impassible. Pendant que ses parents se disputent, on le voit dévorer son dîner, stoïque et quasi immobile. Plus ses parents sont tendus, plus leurs gestes de colère sont juxtaposés à des plans fixes montrant Koszalka s’étirant paresseusement et ouvertement sur le canapé. La bravade dont il fait preuve dans ces situations est aussi absurde que tragi-comique. J’ai accouché d’un si beau garçon révèle et suggère les nombreux mécanismes néfastes d’une situation familiale complètement déchaînée. À ce mal, le film n’offre qu’une seule solution : une complète résignation.

* ESSAI DE RECONSTITUTION DES 46 JOURS QUI PRECEDERENT LA MORT DE FRANÇOISE GUINIOU
de Christian Boltanski
France, 1971, 16 mm, N&B, 26’
Quand il aborde le cinéma, Christian Boltanski fait preuve de la même invention que dans ses travaux habituels. Dans ce film, il prend pour sujet un fait divers : une jeune femme menacée d’expropriation décide de se cloîtrer dans son appartement avec ses deux enfants, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il décide de raconter l’histoire du point de vue de la victime, suivant la logique du désespoir, et nous montre l’inimaginable.

à 18h
* LES MESSIEURS (DIE HERREN)

de Patric Chiha
France-Autriche, 2005, Beta SP, couleur, 52’
À la Maison des Artistes de l’hôpital psychiatrique de Gugging, près de Vienne en Autriche, quatorze peintres vivent et travaillent. L’écriture, souvent au centre de leurs œuvres, inspire ce film qui rend compte de leur rapport singulier et émouvant à la folie, à l’art et à l’Autriche, marqué par le souvenir et construit dans l’isolement.

* BRUIT BLANC : AUTOUR DE MARIE-FRANCE
de Valérie Urréa et Mathilde Monnier
France, 1996, Beta SP, couleur, 50’
« Blanc comme l’oubli des couleurs, ce blanc que Mathilde Monnier avait déjà planté en lisière du regard dans L’Atelier en pièces, spectacle magistral créé avec un participant aux rencontres du Centre Chorégraphique National de Montpellier en direction de personnes autistes. Valérie Urréa s’attache ici à suivre la relation engagée entre la chorégraphe et Marie-France, jeune autiste de 26 ans. Il y a les moments d’un spectacle donné par elles deux et Louis Sclavis pour la musique, et le travail dans le cadre des ateliers de mouvement menés depuis quatre ans en collaboration avec l’association Les Murs d’Aurelle à l’hôpital de La Colombière. La relation entre Mathilde et Marie-France, évoquée par les pédo-psychiatres, médecins et kynésiologues, transite essentiellement par le corps : « C’est au-delà de la parole, mais dans un langage propre. » Propre à révéler « les capacités physiques étonnantes de Marie-France, extraordinaires, lui permettant d’adopter des positions que même un danseur ne peut refaire. » Une découverte fascinante pour cette danseuse dont le corps recèle nombre de chemins oubliés. »
Fabienne Arvers

à 21h 00
* PHASE II

de Lukas Schmid
Allemagne / Suisse, 2002, Beta SP, couleur, 87’
C’est l’été dans la campagne suisse-allemande, un bâtiment austère se dresse au milieu des champs de blé…
Rappa, Tobias, Marko, Sacha, Phillip, Martin et Usam, 7 adolescents en perte de repères sont internés dans un centre de rééducation pour mineurs délinquants toxicomanes. Entourés d’éducateurs attentifs qui tentent de les responsabiliser, ils ont trois mois pour atteindre un but adapté à chacun.
Dans ce centre où ils sont libres d’aller et venir, où ils sont responsables de leur lieu de vie (ménage, cuisine, etc…) ces mineurs recréent petit à petit un microcosme de société dont les enjeux sont renouvelés chaque jour.
Pendant trois mois, Lukas Schmid a suivi Robert dit Rappa, au plus près, cadrant en gros plans ces traces d’enfance qui l’entraînent dans des situations complexes. Son principal problème est la drogue, son but : guérir de sa dépendance. Evidemment, les pièges sont inévitables, de conflits en chutes et rechutes, de mensonges entêtés de petit garçon fautif en prises de conscience, le cas Rappa est un exemple parmi tant d’autres du désarroi d’une certaine jeunesse.
Lukas Schmid réussit un pari exceptionnel : montrer sans juger l’évolution de Rappa dans un film rythmé de moments d’émotion intense qui ne lâche ni les protagonistes ni les spectateurs jusqu’au dénouement final.