La Scam est endeuillée par le décès soudain de Jean-Pierre Thorn le 5 juillet. Les auteurs et autrices lui avaient attribué en 2023 le prix Charles Brabant pour l’ensemble de son œuvre de cinéaste. Nadja Harek et Atisso Médessou l’avaient rencontré la même année pour un regard croisé.

Jean-Pierre Thorn s’en est allé kiffer avec les anges !

Filmeur et accompagnateur de tant de luttes collectives, Jean-Pierre Thorn était un cinéaste sensible et un modèle d’engagement et de générosité. L’expression « Amour révolutionnaire » était comme inventée pour lui. Depuis « Oser lutter, oser vaincre, Flins 68 » à « L’Âcre Parfum des immortelles », en passant par « On n’est pas des marques de vélos », « Allez Yallah » et « Faire kiffer les anges », Jean-Pierre a filmé des ouvrier.e.s, des jeunes passionné.e.s de hip hop, des femmes de bidonvilles marocains et de banlieues françaises, des gilets jaunes, et tant d’autres – toujours avec cœur et intégrité, il a su capter la créativité de leurs luttes et la puissance des cultures populaires, dans la beauté des corps, des musiques, des fraternités et des solidarités. Sa voix singulière manquera au cinéma documentaire, nous ne l’oublierons pas.
Nos pensées vont à sa famille et ses proches.

Simone Bitton

Lettre à Jean-Pierre

Cher Jean Pierre, je t’écris du réel où tout est chaos mépris de classe, d’origine, de religion, de genre. Je t’écris d’où beaucoup ne veulent pas d’amour, pas de partage. Ça kiffe la guerre. C’est mon camarade cinéaste Pierre Carles qui m’a laissé un message m’annonçant ton décès. Comme tu m’avais annoncé le décès de notre cher ami écrivain Hafed Benotman que je t’avais présenté pour causer de taule et de comédie musicale il y a dix ans. Ça fait un bail qu’on se connaît Jipe et tu m’as tellement fait kiffer avec tes Anges que j’ai eu envie de filmer le hip hop. Tu es à l’origine de mon désir de documenter cette culture si chère à nous les enfants d’immigrés comme on nous appelle. Je t’écris au nom de tous les enfants d’ouvriers qui ont rêvé et qui rêvent encore de créer, qui rêvent de dire leur monde par l’art, qui rêvent d’exister dignement. Du monde de merde que tu as laissé et où tu n’as pas pu faire entendre les dernières notes intérieures de ton cinéma à venir, je te remercie de nous avoir donné la parole, d’avoir mis en image nos combats, notre révolte et notre art. Que les anges kiffent avec toi. Et envoie-nous des signes même en rêve, ils nous donneront de la force pour tenir, pour croire, pour faire de belles œuvres encore. Merci. Fraternellement.

Nadja Harek

J.P. c’est comment ?

C’est le gars du neuf un qui t’écrit !
Cimère encore pour tes cassedédis dans les livres « Rapattitude » et « Mouvement ».
C’est, Atisso Médessou, le réalisateur assommé d’avoir appris ta subite disparition par la cinéaste Alice Diop.
A mon tour, comme le vent pousse une feuille sur la rivière, j’ai partagé cette triste nouvelle auprès de la millefa. A Pascal Tessaud et tous les autres.

Je me souviens la première fois où j’ai vu ton doc «  Faire kiffer les anges ».
Je me souviens au combien Nadja Harek et moi étions fiers et émus de discuter avec toi sur ton parcours de cinéaste. L’année du 50 anniversaire du Hip Hop.
Je me souviens que le premier jour retenu pour ta remise du prix Charles Brabant une grève a eu lieu à Beaubourg.
Je me souviens à la Cinémathèque du documentaire,  avoir revu Seb Godefroy lors de la projection de ton dernier film « L’Âcre Parfum des immortelles ».
Je me souviens que tu nous as confiés ne pas avoir encore fait tous tes films.
J’espère qu’à travers l’œuvre que tu nous laisses, au lieu de te ranger dans la case du gars vénère que l’on te regarde à présent en contre-plongée.

J’espère qu’il y aura d’autres cinéastes de ta trempe. Celles et ceux qui feront des films qui dénoncent les injustices et qui parlent franc.

J.P. on est ensemble !
Sache que quoiqu’il en soit, on continue le combat jusqu’à ce qu’ils reconnaissent.
J.P. tu restes notre gars sûr.
Car tu as semé en chacune et chacun d’entre nous des graines afin qu’à notre tour nous puissions faire germer des belles œuvres. Et qui sait dans le futur, semez à notre tour.

Rest In Power J.P.
Rest In PEACE J.P.
And believe in that we can’t stop we won’t stop LOVE, UNITY and HAVIN’ FUN.

Atisso Médessou