PUBLICITÉ ET ACTIVITÉS COMMERCIALES DE FRANCE TÉLÉVISIONS

Le point de vue de la Scam

Au printemps 2010, la représentation parlementaire a constitué un groupe de travail sur la publicité et les activités commerciales de France Télévisions. A cette occasion, la Scam fait part de sa position dans une perspective plus globale de bilan de la réforme de l’audiovisuel public.
Il ne sert à rien, en effet, d’évoquer l’indépendance et l’éthique du service public à travers son financement si les autres aspects essentiels de la réforme voulue par le Président de la République et votée par le Parlement ne sont pas abordés.

Pour la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques
Pour un moratoire dans la réforme de l’audiovisuel public
Pour l’augmentation de la redevance
Pour la transparence
Pour la diversité
Pour l’indépendance.


POUR LA SUPPRESSION TOTALE DE LA PUBLICITÉ SUR LES CHAÎNES PUBLIQUES

Depuis plus de vingt ans, la Scam milite pour que l’audiovisuel public s’affranchisse des lois du marché qui sont, selon elle, incompatibles avec les missions de service public qui lui incombent. Tant que subsistera un mode de financement aussi dépendant de l’audience qu’est celui de la vente d’espaces publicitaires, la programmation des oeuvres de création restera bridée par la nécessaire rentabilité des cases. Une télévision dont le financement est étroitement lié à la publicité propose des programmes qui s’adressent plus à des consommateurs qu’à des citoyens indépendants ; ces programmes sont souvent incompatibles avec les missions de service public. La publicité a tendance, même sur des chaines publiques dotées d’une certaine éthique, à imposer une politique de programmes qui est une politique non pas de l’offre mais de la demande. La publicité commande évidemment de servir la plus large audience possible, ce qui anéantit, chacun le sait, l’audace de programmer des émissions ou des oeuvres n’ayant pas ce caractère grand public a priori. Ce n’est pas choquant dans le cadre d’un paysage audiovisuel libre et ouvert à tous les types de médias et de publics mais c’est en revanche incompatible avec la nature même d’un service public fidèle à sa mission. Or, le documentaire et le reportage, coeur du répertoire de la Scam, sont des programmes qui, par essence, permettent d’enrichir la réflexion des citoyens. A ce titre, ils sont l’espace de création le plus menacé. Plus d’une fois dans l’histoire de l’audiovisuel, ces oeuvres se sont trouvées déprogrammées, ou programmées à des heures avancées de la nuit sous les prétextes les plus triviaux : audience supposée trop faible, pression d’annonceurs, ou pire, autocensure des diffuseurs. Pour garantir l’indépendance des auteurs, voire les préserver de tout soupçon de collusion avec le pouvoir économique, la meilleure solution est sans aucun doute d’éradiquer totalement la publicité des antennes de l’audiovisuel public. Incontestablement, la suppression de la publicité après 20 heures est donc une excellente mesure : elle a permis au Groupe France Télévisions d’accélérer et d‘ancrer un virage important dans sa programmation. Les documentaires, reportages et magazines retrouvent les lumières du prime time.


POUR UN MORATOIRE DANS LA RÉFORME DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC

France Télévisions est un partenaire privilégié pour la création. Ses engagements en termes de droits d’auteur comme en termes de financement de la création en attestent. La réforme de l’audiovisuel public a eu pour effet de renforcer encore ses engagements ce dont la Scam se félicite. La mission de service public de France Télévisions passe par le respect de ces engagements et par le maintien de sa place privilégiée dans la création. Pour les raisons exposées ci-dessus, la Scam a soutenu dès l’origine la réforme de l’audiovisuel public mais à la seule condition que le manque à gagner créé par la suppression de la publicité soit compensé à l’euro près. Dans cette optique, deux taxes ont été prévues, l’une sur le chiffre d’affaire publicitaire des chaînes privées et l’autre sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques. Ces deux sources de revenu sont aujourd’hui contestées, dénoncées notamment par la Commission européenne. Consciente de ces difficultés et soucieuse de ne pas déstabiliser France Télévisions, la Scam accepte un moratoire sur la suppression de la publicité en journée. Il importe que la suppression complète de la publicité reste inscrite dans la loi et que l’Etat puisse fixer l’objectif à cinq ans de pourvoir à la totalité des besoins de financement du service public correspondant à la suppression de la publicité en journée.


POUR L’AUGMENTATION DE LA REDEVANCE

La Scam et l’ensemble des organisations professionnelles, unanimes, ne cesseront de rappeler que la redevance audiovisuelle française est bien inférieure à celle pratiquée dans d’autres pays européens comparables. En Autriche, le montant de la redevance s’élève à 270 euros, en Allemagne, à 215 euros, en Grande Bretagne, à 175 euros et en Italie, à 109 euros. En effet, son montant a été bloqué pendant de nombreuses années, conduisant de fait, en euros constants, à une baisse des ressources de l’audiovisuel public. Quant à l’’augmentation de la redevance en 2009, celle-ci n’a que légèrement compensé les effets de l’inflation. Enfin, l’exonération dont bénéficient les résidences secondaires reste incompréhensible. Or, la redevance est la ressource naturelle de l’audiovisuel public. Le mode de financement par le public est le plus apte à satisfaire une programmation compatible avec la mission de service public de France Télévisions. Il est aussi le plus apte à préserver la liberté d’expression et donc la liberté de penser. La poursuite de la réforme de l’audiovisuel public passe donc également par l’augmentation de la redevance et la suppression de l’exonération dont bénéficient les résidences secondaires.


POUR LA TRANSPARENCE

Pour La suppression de la publicité après 20 heures n’a pas supprimé totalement toute présence commerciale sur les antennes publiques, y compris après 20 heures. Non seulement, les partenariats et autres sponsorings continuent à encadrer la météo et les bandes annonces mais, désormais, le placement de produits est autorisé à l’intérieur même des oeuvres de fictions et des clips vidéo. Dans un rapport sénatorial de la commission des finances et de la commission de la culture présenté le 29 juin, des sénateurs ont exprimé le souhait de vouloir supprimer les partenariats et sponsoring après 20 heures car ils considèrent qu’il s’agit de « publicité hypocrite » et d’un détournement de la loi. La Scam approuve cette initiative à la seule condition que le manque à gagner pour France Télévisions, évalué à 50 millions d’euros, soit intégralement compensé par l’Etat via une augmentation de la redevance par exemple. Le sponsoring, le placement de produits et la publicité en journée plaident pour que la régie publicitaire de France télévisions ne soit pas privatisée. Tant que les perspectives de financement de France Télévisions resteront floues, toute privatisation constituerait une aberration économique et politique. Pour la Scam, il n’y a que deux alternatives. Soit la régie publicitaire a une raison d’exister et elle reste publique, soit elle n’a pas de raison d’exister car il n’y a plus de publicité et de partenariat et alors elle doit disparaître. Sa privatisation est un non sens, il n’existe aucune raison économique pour privatiser la gestion de ces ressources. La polémique sur la privatisation un temps envisagée avant d’être abandonnée, a surtout révélé la nécessité d’établir des règles transparentes. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, les éventuels repreneurs ne peuvent pas avoir de positions dans la production audiovisuelle à quelque niveau que ce soit.


POUR LA DIVERSITÉ

La loi du 5 mars 2009 disposait que « dans le respect de l’identité des lignes éditoriales de chacun des services qu’elle édite et diffuse, France Télévisions veille par ses choix de programmation et ses acquisitions d’émissions et d’oeuvres audiovisuelles et cinématographiques à garantir la diversité de la création et de la production. » Le service public occupe, depuis toujours, une place singulière dans le coeur des professionnels de la création audiovisuelle ; ils sont d’autant plus attentifs à son évolution. Ils souhaitent que ses antennes demeurent un lieu d’innovation et de diversité. Dans cette perspective, la Scam s’inquiète des procédures de financement et de validation des oeuvres au sein de France Télévisions. Celles-ci en effet influent directement sur le travail des auteurs, tant d’un point de vue économique que d’un point de vue artistique. Dans les premières heures du débat qui a suivi l’annonce de la création d’un groupe unique par le Président de la République, et tout au long du processus parlementaire qui y a conduit, la Scam a plusieurs fois eu l’occasion de faire entendre sa voix à propos du « guichet unique ». Le terme, pour polémique qu’il soit devenu, ne doit pas occulter une réalité, conséquence quasimécanique de la fusion des entités. Auparavant, l’indépendance décisionnelle de chacune des antennes donnait autant de chances à chaque projet d’aboutir. Depuis la fusion des sociétés et la constitution d’une unité documentaire placée sous une autorité unique, cette multiplicité de débouchés à la fois économiques et artistiques a disparu. Si la « thématisation » des pôles de l’unité peut préserver la diversité des genres (historique, scientifique…), elle n’offre pas de deuxième chance à un projet. De surcroît, elle n’est pas, pour un même thème, garante de la diversité contrairement à l’organisation précédente. Les « entrées » proposées, en dépit de leur multiplicité sont regroupées sous une même autorité. Or, à validation unique, « guichet unique ». La Scam ne souhaite pas s’immiscer dans la gestion interne de France Télévisions, ni encore contester la compétence des responsables de la programmation à quelque niveau qu’ils se trouvent. En revanche, la Scam affirme que l’architecture des unités de programmes peut et doit être modifiée afin de revenir à une approche éditoriale plus ouverte.


POUR L’INDÉPENDANCE

La Scam pense qu’il est nécessaire de revenir sur le mode de nomination du président directeur général de France Télévisions. L’actualité de Radio France montre d’ores et déjà les limites de l’exercice. Lors de la réforme, il a été notamment soutenu que l’ancien mode de nomination par le biais du CSA était hypocrite car, de toute manière, piloté par le pouvoir exécutif. Il a été soutenu aussi que seul l’actionnaire, comme dans toute entreprise, était fondé à nommer son président et que la double tutelle, celle du CSA et celle de l’actionnaire, était un facteur de confusion et de mauvaise gestion. Il n’empêche que c’est du CSA que le président tirait sa légitimité et auprès duquel il rendait compte de son action. Même si les soupçons politiques affleuraient parfois, ses décisions éditoriales n’étaient en général pas empreintes du soupçon quasi automatique qui pèse dorénavant sur chacune de celles prises actuellement par le PDG de Radio-France, de l’être en accord avec le Président de la République. La polémique n’a peut-être pas lieu d’être mais le mode de nomination en est directement la cause. Si la réforme voulue par le Président de la République entendait mettre fin à une hypocrisie, elle soulève cependant des problèmes plus importants encore et, sur ce point, cette réforme n’est pas satisfaisante. C’est précisément parce que France Télévisions n’est pas une entreprise publique comme une autre que le mode de désignation de son PDG doit être singulier. Dès lors, tout lien fonctionnel avec le pouvoir exécutif et au delà avec les forces politiques du pays, doit être inexistant. Afin de garantir l’indépendance des choix éditoriaux et la diversité des expressions sur France Télévisions, la Scam souhaite que la nomination de son président directeur général revienne au CSA. Réforme qui, bien évidemment, s’étendrait aux autres sociétés nationales de programmes.


SUPPRESSION DE LA PUBLICITÉ SUR FRANCE TÉLÉVISIONS : QUELQUES DATES

Le 8 janvier 2008, le Président de la République annonce la suppression de la publicité sur les chaînes du service public.
Le 25 juin 2008, la « Commission Copé » remet son rapport au Président de la République.
Le 22 octobre 2008, le Conseil des ministres adopte le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Ce texte concentre dans « un paquet global audiovisuel », la réforme de l’audiovisuel public, la transposition de la directive sur les services de medias audiovisuels (SMA) et les accords interprofessionnels réformant les décrets Tasca qui fixent les obligations de production des chaînes dans la création. Ces accords professionnels destinés à remplacer les décrets Tasca dès 2009, ont été officiellement signés avec les groupes Canal+, France Télévisions, TF1, M6 et la Scam, la SACD, l’Uspa et le SPFA.
Le 25 novembre 2008, le projet de loi est présenté en urgence à l’Assemblée nationale et adopté par elle le 17 décembre 2008. Ce texte est transmis le jour même au Sénat où les débats en séance publique débutent le 7 janvier 2009.
Le 16 janvier 2009, à une courte majorité (11 voix d’avance), le Sénat adopte le projet de loi donnant désormais lieu à une commission mixte paritaire.
Le 28 janvier 2009, la commission mixte paritaire se réunie afin de parvenir à un texte de consensus et de compromis. Cette commission composée de 7 députés et de 7 sénateurs a adopte un texte qui modifie plusieurs dispositions votées par le Sénat.
Le texte prévoit notamment la hausse de la redevance dont le montant est fixé à 120 euros (au lieu de 116 euros), la suppression de la publicité sur RFO et, concernant la révocation des présidents de l’audiovisuel public, la suppression de l’obligation de réunir au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions des affaires culturelles du Parlement. L’examen final des conclusions de la commission se tient à l’Assemblée nationale le 3 février et au Sénat le 4 février.
Le 3 février 2009, l’Assemblée nationale adopte le texte par 166 voix pour et 75 voix contre. Le 4 février, le Sénat adopte le texte par 177 voix pour et 159 voix contre.