La Scam dresse chaque année à La Rochelle, un état des lieux du secteur audiovisuel.
L’occasion de donner le point de vue des auteurs et des autrices sur leur situation et les chantiers français et européens en cours.

Le documentaire en 2022

En 2022, la Scam a enregistré 19 609 déclarations d’œuvres audiovisuelles, hors plateformes et réseaux sociaux (documentaire unitaire, grand reportage, série et investigation) pour des diffusions sur les chaînes de télévision et les services de vidéo à la demande, un volume en baisse de -3,7% par rapport à 2021.

Dans cet ensemble, le nombre d’œuvres audiovisuelles déclarées pour des diffusions sur les chaînes et les services numériques de l’audiovisuel public (France Télévisions, Arte, TV5 Monde, chaînes parlementaires…) s’élève à 7 160 en 2022, un nombre en léger recul de -1,4% sur un an.

Sur l’exercice 2022, 3 707 auteurs et autrices ont déclaré des œuvres audiovisuelles au répertoire de la Scam (contre 3 791 membres en 2021).

A la télévision, le genre se renouvelle à travers des codes et des écritures qui accordent un grand soin à la dramaturgie et à la narration : le documentaire Air Cocaïne, a généré 3 millions de visionnages sur myCANAL en l’espace de deux semaines. Le succès de la thématique du « true crime » se confirme, comme en témoigne notamment l’adaptation audiovisuelle des émissions radiophoniques emblématiques : Affaires sensibles de France Inter à France 2 et Hondelatte raconte d’Europe 1 à CANAL+. Le documentaire est aussi la porte d’entrée qui sensibilise tous les publics aux enjeux climatiques et environnementaux d’aujourd’hui (programmation spéciale et multi-antennes de France Télévisions lors de la COP27, Semaine Green du Groupe M6).

Sur les plateformes, on relève une forte croissance du nombre de documentaires « originals » proposés par les acteurs de la SVOD (Netflix, Prime Video, Disney+ et Apple TV+) : +63% entre 2020 et 2022 (de 737 à 1204) selon Médiamétrie.

La Scam se réjouit enfin du foisonnement du secteur de la VOD avec le développement de services thématisés autour du documentaire comme TENK, SPICEE, et plus récemment Brut, Explore, Kitchen Mania.

En ce qui concerne la création documentaire, elle est heureuse de poursuivre son partenariat avec la chaîne LCP pour un soutien à l’écriture documentaire, lancé l’année dernière ici-même. Clément Perot est le premier lauréat de la « bourse premier rêve/Scam-LCP. Son film « Dans la tête un orage » sera diffusé dans sa version longue sur LCP, le mercredi 28 juin à 20h30, sous le titre « Entre deux âges, portraits d’une jeunesse ».

Quel avenir pour l’audiovisuel public ?

Le documentaire reste le genre le plus identifiant[1] et le plus plébiscité par les téléspectateurs des chaînes publiques : en 2021, 75% des Français se disaient satisfaits de leur offre documentaire[2]. Le service public reste aussi notre premier partenaire représentant 40% des perceptions de la Scam.

La Scam a fortement protesté contre la suppression de la redevance audiovisuelle annoncée brutalement par le Président Macron encore en campagne, puis mise en œuvre dès 2022. Elle a assuré des contacts réguliers avec les pouvoirs publics afin de faire connaître son point de vue : la nécessité de conserver une source de financement dédiée pour permettre la sauvegarde de son indépendance et de ses ambitions éditoriales.

 

L’Assemblée nationale (rapport Gaultier-Bataillon) et le Sénat (proposition de loi Laurent Lafon) ont récemment préconisé des pistes de réformes de l’audiovisuel public.

Si certaines orientations semblent rechercher la stabilisation de l’audiovisuel public, d’autres conduisent à de dangereux écueils. Dans ce contexte, la Scam rappelle ses priorités :

[1] Etude Opinion Way présentée au Sénat en juillet 2018
[2] loin devant la fiction (64%) ; étude Harris Interactive « Regards sur la télévision en France et en Europe », déc. 2021

Pérenniser le financement de l’audiovisuel public pour stabiliser son action et lui donner les moyens de ses ambitions, en particulier en faveur de la création française.

La Scam continuera de soutenir toute proposition en mesure de garantir l’indépendance et la pérennité du service de l’audiovisuel public avec en vue une priorité : le maintien d’un haut niveau d’investissement dans la création documentaire, l’indépendance éditoriale et la capacité à affronter à la fois la concurrence internationale et les bouleversements technologiques.

La Scam approuve à cet égard la proposition des députés de maintenir l’affectation d’une part des recettes de TVA au-delà de 2024. Ce dispositif devrait prévenir les risques de gels budgétaires et permettre de préserver un financement indépendant. La proposition de loi organique déposée à cet effet doit être adoptée rapidement pour que le service public bénéficie d’un financement continu.

S’agissant des autres recettes, la Scam a toujours plaidé pour un financement sans publicité. Mais la suppression de toute annonce entre 20h et 6h, compensée par l’affectation d’une fraction du produit de la taxe sur les services numériques est un faux-semblant : cette taxe devrait s’effacer au profit d’un outil international à court ou moyen terme… Quant à cet amendement adopté au Sénat visant à plafonner les recettes publicitaires de FTV, il ne peut mener qu’à l’affaiblissement du service public sauf à augmenter d’autant la subvention ce qui, à l’évidence, n’est pas au programme.

Promouvoir des synergies et des coopérations sans imposer une holding.

La Scam est fortement opposée à la création d’une holding proposée par le Sénat et en conteste l’opportunité. Créer une superstructure réunissant des entités dont la production de programmes et les métiers répondent à des réalités et des missions très différentes alourdirait considérablement le fonctionnement du service public audiovisuel. Mesure budgétivore, cette proposition de loi contredit les obsessions du Sénat à réclamer des économies.

Permettre aux dirigeants de l’audiovisuel public d’agir dans la clarté et la durée.

D’une manière générale, la Scam réclame de la cohérence et de la clarté de la part de l’Etat actionnaire avec des contrats d’objectifs et de moyens à la hauteurs des exigences du service public.

Des avancées significatives pour les auteurs et autrices

La Scam se réjouit des avancées significatives qu’elle a obtenues aux côtés des organisations professionnelles d’auteurs et des syndicats de producteurs pour une rémunération minimale pour l’écriture d’un projet documentaire.

Accord professionnel sur la rémunération minimale des auteurs et autrices : Le 23 janvier, au FIPADOC, la Scam, Le Boucle documentaire et la GARRD ont signé un accord interprofessionnel historique avec les syndicats de producteurs (SPI, UPSA, SATEV, SPECT) qui prévoit une rémunération minimale de 2.000€ pour l’écriture d’un projet de présentation d’un dossier documentaire de format « 52 minutes ».

Cet accord met en place un système à double détente : 1 000 € acquis en tout état de cause puis 1 000 € complémentaires dès lors que le producteur a réuni 6 000 € de financement de toute nature. Cet accord est le fruit de plusieurs mois de négociation entre organisations pendant lesquels la Scam a joué un rôle décisif. Il pourrait inspirer des accords similaires dans d’autres secteurs de la création.

La Scam demeure mobilisée sur le champ interprofessionnel et ouverte à la discussion pour encadrer davantage les usages et les rémunérations des auteurs. Elle estime nécessaire notamment à court terme d’envisager un encadrement de la rémunération des réalisateurs.

La Scam a également œuvré en 2022 pour obtenir des avancées sociales importantes.

Des mesures pour renforcer la protection sociale : une circulaire du 19 octobre 2022 a permis de prolonger et d’améliorer le dispositif permettant aux artistes-auteurs de régulariser leur situation en « rachetant » des trimestres de retraite. Le « taux d’actualisation », qui renchérissait les devis de de 10 à 30% a été supprimé, et la procédure clarifiée. Le gouvernement s’est en outre engagé sur un délai limite pour traiter les dossiers. La Scam a fortement œuvré, avec d’autres organisations, pour obtenir ces avancées, les documentaristes étant largement concernés par la carence dans l’appel des cotisations vieillesse qui a duré de longues années, et les prive aujourd’hui de pensions de retraite convenables.

Elle reste mobilisée pour l’aide à la création

La Scam reste engagée pour que les soutiens publics permettent de financer plus particulièrement l’amont de la création documentaire en audiovisuel comme en cinéma, et accompagne la prise de risque.

« Aide à la conception » : réclamée de très longue date par la Scam, l’« aide à la conception », soutien direct aux réalisateurs de films dispensé par le CNC et jadis réservé aux auteurs de la fiction et de l’animation, bénéficie désormais aux auteurs de documentaire. En décembre dernier, le premier formulaire destiné aux cinéastes documentaires a été mis en ligne : tous ceux ayant sorti un film l’année précédente, moyennant certaines conditions (budget du film inférieur à 500.000 €, ayant obtenu l’agrément de production ou de distribution) ont pu demander une aide de 10.000€. Cette aide, très significative, devrait faire œuvre de soutien à la carrière poursuivie par nombre de créateurs et créatrices.

Soutien automatique : dans le cadre de la réforme attendue du soutien automatique, la Scam est mobilisée auprès du CNC pour avancer sur des propositions concrètes qui encouragent l’investissement dans l’écriture, la phase la plus fragile économiquement.

La création documentaire face aux défis de l’IA.

La diffusion massive des intelligences artificielles dites « génératives » (ChatGPT, Midjourney, Dall-E, etc.) bouscule tous les secteurs de la création. Les créateurs de la non-fiction n’échappent pas aux bouleversements en cours, au premier rang desquels les traducteurs, les photographes et les journalistes.

La Scam participe activement aux réflexions qui visent à faire adapter le droit et les pratiques des OGC aux défis majeurs posés par l’intelligence artificielle. Au plan national, elle nourrit des contacts avec les autorités pour les sensibiliser sur les enjeux posés au droit d’auteur par ces nouveaux outils. Au plan européen, elle participe aux travaux des fédérations d’organismes de gestion collective avec ses homologues et suit attentivement les avancées de la procédure d’adoption du règlement sur l’IA afin qu’il impose aux éditeurs d’IA de respecter le droit d’auteur.