par Guy Seligmann, président de la Scam



« Voilà comment François Ier a mérité d’être surnommé le protecteur et le restaurateur des lettres. Il délivrait aux imprimeurs et aux libraires des lettres patentes de privilège, scellées de son grand scel, pour que les œuvres de l’esprit fussent, pour ainsi dire, sacrées et inviolables ». (1)
En sera-t-il de même du sceau du Président de la République ? Protégera-t-il avec la même efficacité nos œuvres au point de les rendre sacrées et inviolables lesquelles seront diffusées dans les tuyaux numériques ?
On peut en douter. Nicolas Sarkozy a pris à contre-pied la Commission Copé en annonçant avec force qu’il était opposé à toute augmentation de la redevance, promesse de sa campagne assure-t-il. Une des rares qui sera tenue ? Dans le même temps comme en écho à Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé se dit favorable à une deuxième coupure publicitaire. Si elle est instaurée, cette coupure portera son nom : la coupure Copé, comme la vignette automobile immortalisa Ramadier. On entre dans l’histoire comme on peut. Le montant estimé de ce nouveau coup de main donné aux groupes privés de la télévision, environ 250 à 300 millions d’euros, ne sera pas suffisant quelque soit le taux de taxation pour financer convenablement ce qui est nécessaire au service public. D’autres propositions de financement du service public sont évoquées : taxation des fournisseurs d’accès à internet, élargissement de l’assiette de perception de la redevance, indexation de la redevance sur le coût de la vie. Pourquoi pas ? Tout dépendra des montants.
Nicolas Sarkozy dans sa lettre de mission du 27 février à Jean-François Copé s’interrogeait sur le rôle de la Télévision Publique en matière de création artistique, audiovisuelle et cinématographique française et européenne, louables intentions ! Mais les faits étant têtus, pour que la Télévision Publique puisse jouer ce rôle là – essentiel à la création – il faut qu’elle soit financée. Aucune des pistes ouvertes pour l’instant ne sont suffisantes pour satisfaire à la lettre de mission. Nous, les créateurs, ceux de la Scam et de la Sacd, avons toutes les raisons d’être inquiets. L’avenir du service public de télévision semble sombre, toute la propension à soutenir les groupes privés de télévision s’affirme de jour en jour.
Le candidat Nicolas Sarkozy avait pourtant déclaré en avril 2007 : « la création a besoin d’aide si l’on ne veut pas que la loi du profit à court terme décide de tout ». Belle déclaration qui augurait d’une véritable politique en faveur de la création et qui s’inscrivait dans cette tradition française de l’état protecteur des arts et lettres. Hélas, ce temps semble déjà bien lointain. Le sceau de Nicolas Sarkozy semble s’apposer sur un parchemin faire part de la Mort du service public. Nous ne sommes pas prêts à faire ce deuil. Il nous faudra batailler au parlement au moment de la discussion du budget audiovisuel. Nous le ferons.

(1) Paul Lacroix : Notice au « Recueil de Vrai Poésie Française » (1544/1869).

Cet article a été publié dans La Lettre de la Scam n°32 (juin 2008)mais malheureusement sans la signature de Guy Seligmann. Nous vous prions de nous en excuser.

photo Thierry Ledoux