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Tahar Ben Jelloun, Patrick Braoudé, Alain Corneau, Jean-Claude Carrière, Jacques Fansten, Marc Ferro, Maurice Frydland, Jean-Claude Guillebaud, Cédric Klapisch, Stéphane Brizé, Jean-Xavier de Lestrade, Jean Marbeuf, Sarah Moon, Charles Nemes, Christine Miller, Pascal Ory, Jean-Paul Salomé, Guy Seligmann, Vincent Solignac, Bertrand Tavernier, Marianne Gosset, Patrick Jeudy et Raoul Sangla.

On nous avait annoncé que la suppression de la publicité sur le service public allait déboucher sur une réflexion sincère des pouvoirs publics pour renforcer l’identité et l’ambition de l’audiovisuel public et asseoir son financement sur une base stable et solide.

Nous voici désormais contraints de faire un constat aussi amer que révoltant : l’avenir du service public dont les pistes de financements apparaissent aléatoires sinon insuffisantes ne semble ni serein ni radieux ni même assuré, quelles que soient d’ailleurs les propositions retenues par une Commission pour la nouvelle télévision publique, durablement fragilisée par le départ de parlementaires socialistes et communistes persuadés que la réforme du service public s’écrivait ailleurs.

Les inquiétudes se multiplient en effet sur l’avenir du service public, notamment après les déclarations du Président de la République qui n’a pas attendu que l’encre des scénarios formulés par la commission Copé soit sèche pour rejeter toute augmentation du produit de la redevance.

Malheureusement, s’il est aujourd’hui une caractéristique de la politique audiovisuelle en France, c’est la propension de nos gouvernants à voler au secours des chaînes commerciales et à détourner la tête dès lors qu’il s’agit de soutenir la création, qu’elle soit présente sur les antennes privées ou publiques.

Cette triste réalité dans le pays qui a défendu avec ardeur et sincérité la diversité culturelle est sans doute douloureuse pour tous ceux qui pensaient que la politique de civilisation vantée par le Président de la République ne devait pas plus se traduire par un délitement du service public que par une compassion exagérée pour les chaînes commerciales.

Loin de tout intérêt général, les pouvoirs publics semblent aujourd’hui vouloir se pencher avec une bienveillance extrême au chevet des chaînes privées, quitte à ce qu’un fossé irrémédiable ne se creuse entre un service public mal financé et des chaînes privées abreuvées jusqu’à plus soif de publicité et délivrées d’une réglementation audiovisuelle à qui l’on fait revêtir les habits du coupable idéal, oubliant au passage ce que la vitalité de la création française et la diversité culturelle lui doivent.

En cela, ils s’inscrivent dans les pas de ceux qui considèrent que la descente aux enfers du cours de bourse des chaînes commerciales ne doit rien aux erreurs stratégiques commises ces dernières années. L’aveuglement des équipes dirigeantes qui n’ont pas su parier sur le développement de la TNT, qui n’ont pas anticipé le déclin d’un modèle économique bouleversé par l’éclatement du paysage audiovisuel et le développement d’Internet et qui ont consumé leurs forces et leurs financements dans une guerre perdue avec Canal Satellite se trouve ainsi exonéré à bon compte.

Ce dévoiement de la réflexion sur l’avenir du service public pourrait prêter à sourire s’il n’était pas l’expression du lobbying triomphant des chaînes privées dans tous les couloirs de la République et s’il ne mettait pas en lumière les dérives d’une politique audiovisuelle borgne et univoque, engagée dans une entreprise rigoureuse de démolition de la réglementation.

Car ne le cachons pas, l’annonce par le Gouvernement comme par Jean-François Copé, Président de la commission éponyme, de leur soutien à l’instauration d’une seconde coupure publicitaire dans les œuvres, la parant des atours de la modernité, au mépris du public et au détriment de l’intégrité des œuvres, n’est rien d’autre que l’illustration de cette nouvelle politique qui joue l’industrie contre la création. C’est malheureusement la première étape d’un parcours qui conduira à la remise en cause des obligations d’investissement et de diffusion de la création française et européenne des chaînes commerciales pour renoncer à toute ambition culturelle nationale.

Finalement, c’est tout l’équilibre de la politique audiovisuelle, qui a autant besoin d’acteurs audiovisuels forts que d’un soutien affirmé à ses créateurs, qui se trouve fragilisé et remis en cause. Alors que se préparent dans le secret des Ministères des décrets et des lois pour introduire une seconde coupure publicitaire dans les œuvres, proposer un nouveau mode de calcul de la publicité, augmenter son volume et refondre des règles anti-concentration, pour la création et la culture, c’est « circulez, il n’y a rien à voir ! ».

En avril 2007, celui qui n’était pas encore Président de la République, mais qui promettait une augmentation des recettes publicitaires du service public, professait « je ne crois pas que la culture, que l’art, puissent être entièrement abandonnés à la logique du marché… La création a besoin d’aide si l’on ne veut pas que la loi du profit à court terme décide de tout. ». Ses déclarations et sa volonté de conduire une politique de civilisation semblent aujourd’hui rester lettre morte, sauf à considérer que la civilisation est uniquement indexée sur le cours de bourse des chaînes commerciales !

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