Un état des lieux du photojournalisme et avance des propositions pour faire respecter les « bonnes pratiques ». La Scam publie les résultats d »une enquête sans précèdent menée par la journaliste Béatrice de Mondenard qui explique, décrit et analyse les conditions de plus en plus difficiles d’exercice de la profession. 

Cette enquête de 64 pages réalisée dans les six derniers mois, donne la parole à de nombreux acteurs de la profession, celles et ceux qui vivent cette crise au jour le jour et qui tentent malgré tout de continuer à exercer leur métier : Martin Argyroglo, Patrick Bard, Georges Bartoli, Samuel Bollendorff, Pierre Ciot, Hélène David, Michel Diard, Marie Dorigny, Edouard Elias, Corentin Fohlen, Jean-François Leroy, Alain Mingam, Dominique Sagot-Duvauroux, Isabelle Simon, Lorenzo Virgili, Alfred Yaghobzadeh, Claudia Zels…
Sommaire de l'étude
Éditorial par Lise Blanchet « Pourquoi publier aujourd'hui un état des lieux du photojournalisme, quel est le sens d'une telle étude et quelles conclusions peut-on en tirer ? »
Éditorial par Thierry Ledoux « Le photojournalisme, laboratoire social du libéralisme économique »
1 – Une mutation spectaculaire
    
Entretien avec Jean-François Leroy « Il n'y a plus un seul photojournaliste indépendant qui travaille exclusivement pour la presse »
2 – Multi-activités : le casse-tête des statuts
     Qu’est-ce qu’un reporter-photographe ? par Michel Diard
3 – Une profession mal encartée
4 – Contrats, commandes, rémunérations : une économie dérégulée
    
Entretien avec Dominique Sagot-Duvauroux « Il y a un peu de vol »
     L’état des lieux en images (cahier photos)
     Entretien avec Claudia Zels « Le métier d'iconographe est de plus en plus sportif »
5 – Se réinventer
    
Samuel Bollendorff : reconversion dans le webdoc
    
Hélène David : un penchant pour les projets hybrides
    
Marie Dorigny : cap sur les bourses et les prix
    
Edouard Elias : débuter en temps de crise
    
Corentin Fohlen : l’auto-financement comme solution
    
Isabelle Simon : faire feu de tout bois
6 – Initiatives pour valoriser le photojournalisme

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Le temps des propositions

Les différents rapports concernant le photojournalisme depuis vingt ans révèlent la précarisation croissante de la profession sur laquelle le document publié par la Scam met des mots. Il s’agit d’une réalité professionnelle préoccupante qui ne doit cependant pas conduire à des remises en cause ou à des renoncements sur les principes fondateurs de la profession qui aboutiraient à la création d’un statut séparé pour les photographes de presse.

Les pouvoirs publics, maintes fois sollicités, ont toujours affirmé vouloir favoriser des solutions préservant un équilibre économique sans accroître la précarisation des journalistes et plus particulièrement celle des pigistes.
Dès 1992, ils invitaient les partenaires sociaux à engager une négociation pour élaborer une convention délimitant les rémunérations (revenus complémentaires) susceptibles d’être versées en droits d’auteur en compatibilité avec le statut social des journalistes.
Ce n’est qu’après plus de quinze ans de négociations qu’un texte de compromis a enfin pu être signé le 10 mai 2007 par les syndicats de journalistes et la Fnappi (Fédération nationale des agences de presse photos et d’informations) mais sans le Saphir (Syndicat des agences de presse photographiques d’information et de reportage) farouchement hostile à ce texte.

L’accord rappelle que le revenu principal du journaliste reporter-photographe est assujetti au régime général de la sécurité sociale (alors que les agences photographiques proposent très souvent des rémunérations en droits d’auteur). Il distingue également cinq situations donnant lieu à rémunération sous forme de droits d’auteur au titre de la rémunération complémentaire.

Cet accord de 2007 a fait l’objet d’un arrêté d’extension le 5 mai 2008, le rendant applicable de facto à toutes les agences de presse photographiques, y compris celles membres du Saphir. Le système ainsi mis en place semblait apporter au secteur la sécurité juridique qui lui faisait défaut.

Cependant, en 2009, suite aux États généraux de la presse écrite, la loi Création et Internet dite « loi Hadopi » a mis en place un régime spécifique pour les œuvres de commande des journalistes qui vient « télescoper» les termes de l’accord de 2007.

Concernant les photojournalistes pigistes, cette loi stipule la négociation d’un accord de branche devant intervenir dans un délai de deux ans, afin de déterminer un barème minimum de piges (soit avant le 12 juin 2011). Aucun accord n’est intervenu à ce jour, malgré les demandes répétées des représentants des photographes journalistes.

Il est temps de mettre en place un barème minimum de piges pour les reporters photographes non permanents. Les bases d’un tel barème pourraient être les suivantes
:

• toute commande (et toute acceptation) de reportage doit être rémunérée en temps de travail. Dans le cadre d’une commande, le travail (préparation, déplacement, réalisation, post-production) est mesurable en durée et un taux horaire doit lui être appliqué. Il s’agit d’une garantie pour le reporter photographe de ne pas être rémunéré en dessous des minima sociaux.
• ensuite, cette rémunération serait complétée en fonction des photos utilisées selon des critères à préciser.
• toute réexploitation (hors ligne ou en ligne) donnerait lieu à une rémunération complémentaire. Dès lors, pour les œuvres commandées par les titres de presse, le salaire minimum du photojournaliste comporterait la rémunération de son temps de travail et celle complémentaire des droits de publication. Reste à définir le cercle de la première exploitation (couverte par le salaire).

Au-delà de la mise en place urgente de ce barème respectueux des cessions de droits, la Scam appelle les pouvoirs publics et les professionnels du secteur à réfléchir ensemble sur plusieurs points :

• La stabilisation des relations commerciales entre éditeurs, agences de presse et photographes, particulièrement sur les commandes et les délais de paiement. À cet égard, la restauration de la pratique du « Bon de commande » est le pivot garant de la protection du statut des journalistes ;
• le strict encadrement de l’usage de la mention «DR» (droits réservés) ;
• les mesures techniques envisageables pour éviter la réutilisation sans autorisation ni limite des photographies achetées par les éditeurs ;
• les conditions d’attribution des aides à la presse:
> un pourcentage de ces aides ne devrait-il pas être fixé et dédié par les éditeurs de presse à des commandes photographiques ?
> les bénéficiaires ne devraient-ils pas être tenus de s’approvisionner pour une part substantielle de leurs commandes auprès de photographes justifiant de leur qualité de journalistes ou d’agences de presse?
• obliger les auteurs non bénéficiaires (dont la majorité des revenus est constituée de salaire) mais assujettis à payer leurs cotisations vieillesse (de base et complémentaire) en application du Code de la sécurité sociale ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, l’affiliation étant volontaire;
• doter les Agessa de moyens de coercition. Les Agessa ne peuvent déterminer elles-mêmes le volume versé en droits d’auteur aux seuls reporters photographes.

Il est urgent de contraindre le secteur à respecter des «bonnes pratiques» pour lesquelles certains dispositifs existent déjà et dont les dispositions, si elles ne sont pas assorties de mesures incitatives voire « coercitives », s’avèrent nulles.


> télécharger le dossier complet « Photojournalisme, une profession sacrifiée » (pdf)