L’ARP, La Guilde des Scénaristes, le Groupe 25 Images, la SACD, la SCAM et la SRF ont adressé un courrier à la ministre de la Culture et de la Communication, afin de soutenir la mise en place d’une obligation d’exploitation permanente et suivie des œuvres audiovisuelles et cinématographiques visant à renforcer leur disponibilité, notamment sur les plateformes numériques, et à faciliter leur accès au public.

Madame la Ministre,

Dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la création, l’architecture et le
patrimoine
en Commission des affaires culturelles à l’Assemblée nationale, un
amendement important proposé par le rapporteur Patrick Bloche a été adopté.

Tout en confortant la large place qui doit être laissée à une nécessaire
concertation professionnelle,
il prévoit d’instaurer
une obligation d’exploitation
permanente et suivie des œuvres
audiovisuelles et cinématographiques
à la
charge des détenteurs de droits.

Nous souhaitons vous dire tout le soutien que nous
apportons
à cette mesure
qui nous semble pouvoir garantir
aux auteurs une continuité dans l’exploitation
des œuvres qu’ils ont créées et dont ils ont cédé les droits à des tiers à des
fins de bonne exploitation. Elle est aussi de nature à
élargir
l’offre légale
d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques sur les plateformes
numériques.

Il va de soi que lorsqu’un auteur cède ses droits à un producteur, l’objectif est
bien qu’en soit assurée une exploitation continue et une diffusion la plus large
possible auprès du public. C’est la mission qui pèse sur les épaules du
producteur et qui est la contrepartie des droits cédés. Or, aujourd’hui, le
moteur de recherche récemment mis en place par le CNC a souligné les
progrès qu’il restait à accomplir en matière de disponibilité des films
:
seuls
12000 films français sont actuellement disponibles sur une base de 28000.

Au-delà,
beaucoup d’auteurs ont été confrontés à l’absence de volonté de
producteurs de faire des efforts pour exploiter leurs œuvres. Le cas le plus
emblématique reste à ce jour celui de Pierre Etaix qui, aux côtés de Jean-Claude Carrière, a dû saisir la justice pour obtenir la restitution
des
droits sur
son œuvre à l’égard d’un producteur qui ne souhaitait pas exploiter l’œuvre et
avait même assigné en justice la fondation GAN pour contrefaçon alors que
cette dernière avait utilement restauré l’un de ses films.

Pour changer la donne et assurer un nouvel élan en faveur de la diffusion des
œuvres, une telle réforme du Code de la propriété
intellectuelle est
indispensable. Indispensable car il serait incompréhensible
que l’on ne tienne
pas enfin compte des possibilités techniques offertes
par le numérique pour
assurer une exploitation suivie des œuvres, qui était impossible à l’ère
analogique. Indispensable également
car
l’appel à la seule bonne volonté des
professionnels et à la création d’un recueil des usages, matérialisée dans la loi
du 12 juin 2009 sur la création et Internet, a clairement montré ses limites
puisque depuis 6 ans, aucune
concertation n’a été organisée.

Pour autant, l’exploitation permanente et suivie ne peut être un principe
absolu, sans exceptions. Il est indispensable d’en définir des modalités
techniques et pratiques qui prennent pleinement en considération les
spécificités propres
pouvant tenir aux mécanismes de financement des
œuvres, à la distinction de l’économie de l’audiovisuel et du cinéma, à la
nécessité de maintenir des conditions objectives, équitables et non-discriminatoires dans les relations entre les détenteurs des droits et les
diffuseurs des œuvres…

A cet égard, il est évident que les exclusivités de ceux qui financent les
œuvres doivent être protégées,
tout comme le droit des plateformes de
diffusion de choisir les œuvres qu’ils acquièrent, dans le respect de leurs
obligations de diffusion et d’exposition,
doit être conforté.

C’est pourquoi nous partageons avec les parlementaires
cette
conviction
profonde qu’une large concertation
serait le meilleur moyen
pour en définir
précisément le cadre d’application. Le délai d’un an fixé en Commission des
affaires culturelles, délai au-delà duquel, en cas d’échec de la négociation, les
pouvoirs publics seraient amenés à prendre leurs responsabilités,
nous
semble
d’ailleurs
de nature à poursuivre cet objectif.

A
l’occasion des échanges intervenus en Commission, vous avez fait part de
votre volonté de poursuivre, d’ici l’examen du projet de loi en séance publique,
la réflexion collective sur les conditions de l’exploitation des œuvres. Nous
sommes ouverts
et disponibles pour
participer à toute discussion tout autant
que nous sommes attachés
à ce que la loi puisse renforcer efficacement une
continuité dans l’exploitation des œuvres.

Vous remerciant par avance pour la bienveillante attention que vous porterez
à ce courrier, nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l’assurance
de notre haute considération.

L’ARP

La Guilde des Scénaristes

Groupe 25 Images

SACD

SCAM

SRF


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