En région Pays de la Loire, 9e volet de la série Territoires et Création, les auteurs et les autrices de documentaire font face à une situation inédite. En décembre 2024, les coupes drastiques opérées par la collectivité territoriale dans le budget alloué à la culture en 2025 sont venues fragiliser une filière locale déjà affaiblie par l’absence d’aide à l’écriture dans le fonds d’aide à la création régional, un cas unique en France.

La région Pays de la Loire et le documentaire audiovisuel

En 2024, le conseil régional des Pays de la Loire a alloué à la création audiovisuelle et cinématographique une enveloppe de 3 055 000 euros dans 87 projets. Le documentaire audiovisuel capte 17% du budget (506 500 euros) et 32% des projets (28). Le soutien est concentré à l’étape de la production (61% du nombre d’aides et 85% du montant), suivie du développement (39% des projets et 15% de l’enveloppe). Aucune aide à l’écriture n’a été accordée en l’absence, historique, de dispositif dédié dans le fonds de soutien régional.

3 055 000 €

aide à la création

Malgré une mobilisation nationale massive des artistes et des professionnels de la culture, le conseil régional des Pays de la Loire a adopté, le 20 décembre 2024, un budget 2025 qui entérine un plan d’économies de 100 millions d’euros d’ici 2028, dont 82 millions d’euros dès cette année, et des coupes à hauteur de 62 % notamment dans la culture. Il prévoit également le non-renouvellement de 100 postes au sein des directions de la collectivité, soit 10% des effectifs, d’ici cette même échéance de 2028 qui correspond à la fin du mandat de Christelle Morançais, la présidente Horizons de la région. Il s’agit d’un « budget d’économies, de choix politiques forts pour l’avenir et de recentrage sur nos compétences prioritaires », s’est félicitée l’élue.

Face à la baisse des dotations de l’Etat, la collectivité n’est pas la seule à tailler dans les subventions culturelles mais elle se distingue par l’ampleur inédite de ses coupes, alors que l’effort budgétaire demandé aux collectivités locales dans la loi de finances pour 2025 a été ramené à 2,2 milliards d’euros. Son montant s’élevait à 5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances présenté à l’automne 2024 par le précédent gouvernement.

Pour autant, la Région Pays de la Loire a maintenu sa volonté de réduire la voilure en termes de dépenses publiques. Le budget 2025 voté par l’Assemblée nationale, comme la situation de la France, sont « catastrophiques » et « la poussière que certains ont voulu mettre sous le tapis » finira par réapparaître « de manière encore plus violente », expliquait à la Scam Alexandre Thébault, conseiller délégué à la culture et au patrimoine des Pays de la Loire, avant que le gouvernement n’annonce un nouvel effort de 40 milliards d’euros dans la dépense de l’Etat en 2026, en ciblant notamment les collectivités locales.

Le virage opéré par le territoire intervient dans une région déjà sensible pour les professionnels de l’audiovisuel et du cinéma qui y sont implantés. Celle-ci est la seule en France dont le fonds de soutien à la création cinématographique et audiovisuelle ne propose aucune aide à l’écriture, qu’elle soit directe ou indirecte. Ses aides sont concentrées sur le développement et la production ayant pour bénéficiaires les sociétés de production. Cette situation, historique, perdure, malgré les multiples demandes portées collectivement par la filière, comme encore récemment.

Sur le territoire, où des signes avant-coureurs avaient alerté sur le risque d’un plan d’économies, son ampleur a provoqué un « vrai tremblement de terre », la « sidération », résume le Bureau des auteurs et des autrices au sein de La Plateforme qui, depuis 2013, regroupe la filière du cinéma et de l’audiovisuel de la région dans son ensemble et tous genres confondus et oeuvre à sa structuration. La Plateforme, qui recense près de 300 adhérents, est l’un des six pôles culturels des Pays de la Loire, des associations soutenues depuis leur création par le conseil régional, la Drac ou d’autres collectivités sur le territoire. En parallèle, l’Adéfi, l’association pour le développement de la fiction, créée en 2007, revendiquait, en 2024, 129 membres professionnels du cinéma, de l’audiovisuel et du numérique, dans la région.

« Au-delà même de notre filière du cinéma et de l’audiovisuel, ces coupes budgétaires ont touché de nombreuses structures, notamment dans le sport ou le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes, avec le Planning familial par exemple, mais aussi des missions locales. Elles soulèvent la question même du projet de société voulue par la région », soulèvent les auteurs et les autrices. « L’impact sur la culture est global », relève de son côté le Bureau des producteurs et des productrices de La Plateforme. « On est dans un écosystème, donc tous un peu liés les uns aux autres : le cinéma et l’audiovisuel au spectacle vivant, lui-même lié aux arts visuels. Certains métiers, comme les techniciens, peuvent travailler pour ces différents secteurs ».

L’aide à l’écriture, c’est de l’argent qui permet notamment de faire des repérages et nous octroie du temps, sans que l’on ait besoin de travailler dans un restaurant pour gagner sa vie. Ne pas y avoir accès complique le fait de pouvoir vivre du travail d’auteur ou d’autrice.

Le Bureau des auteurs et des autrices

Les festivals et La Plateforme, premiers touchés par les coupes, le fond de soutien à la création préservé

Le plan d’économies adopté par le conseil régional porte sur les budgets dits de fonctionnement. S’agissant du seul secteur du cinéma et de l’audiovisuel, il concerne pour l’instant les subventions allouées par la région aux festivals, nombreux sur le territoire : Premiers Plans à Angers, le Festival des 3 Continents à Nantes, le Festival du film de La Roche-sur-Yon, ou encore le Festival du film du Croisic. La Plateforme, pilier stratégique des professionnels sur le territoire, est également touchée de plein fouet avec une subvention divisée par deux en 2025 avant un désengagement total en 2026, mesure qui concerne l’ensemble des six pôles culturels de la région.

L’apport de la collectivité représente environ 41% du budget global de La Plateforme et 71% de sa masse salariale. Cette subvention est complétée par un abondement annuel du CNC de 15 000 euros pour le parcours d’auteur et d’autrice, dans le cadre de la convention de coopération triennale entre la région, la Drac et le CNC. Cette formation à l’écriture filmique, soutenue financièrement par la Scam, a été créée par La Plateforme il y a huit ans, pour répondre à l’absence d’aide à l’écriture dans le fonds de soutien de la région sans que les professionnels renoncent cependant à celle-ci.

Déployée sur six mois, l’aide au parcours d’auteur bénéficie chaque année à 10 auteurs ou autrices (cinq de documentaire et cinq de fiction) pour « développer et approfondir leur travail d’écriture, diversifier et renforcer leur réseau professionnel grâce à des rencontres avec des acteurs du secteur », décrit la présentation. Encadré par deux tuteurs ou tutrices, le soutien combine deux semaines de formation et une semaine de résidence ainsi que plusieurs rendez-vous individuels. Il se clôture par un exercice de pitch.

Par ailleurs, l’aide au développement de structures de production régionales, attribuée une fois par an par la région pour consolider les sociétés existantes et favoriser l’implantation de nouvelles, a déjà disparu. A l’automne 2024, des producteurs qui avaient reçu un avis favorable de la part des services du conseil régional, à l’issue de la tenue du comité, ont été finalement informés que les subventions ne seraient pas versées dans « un cadre budgétaire contraint inédit dès la fin de l’exercice 2024 », pour « raisons d’écritures comptables », explique la région. Le dispositif, décisif pour ses bénéficiaires, ne figurait pas dans la convention de coopération triennale signée entre l’Etat, le CNC et la région, conclue jusqu’à la fin de l’année 2025.

Le fonds d’aide à la création cinématographique, audiovisuelle et numérique de la région relève quant à lui des budgets d’investissements qui ne sont pas, pour l’heure, touchés par les coupes. Celui-ci est « préservé pour 2025 à hauteur de 3,1 millions d’euros », dont un abondement du CNC de 610 000 euros, en plus des 2,5 millions d’euros apportés par la collectivité », détaille Alexandre Thébault. Après avoir déjà « considérablement augmenté » sous le mandat de Christelle Morançais, l’enveloppe progresse de 100 000 euros sur un an.

L’objectif du conseil régional est de « pouvoir financer toutes les expressions artistiques issues du secteur audiovisuel et cinématographique », expose l’élu, alors que la collectivité met très en avant les tournages en prises de vues réelles dans sa stratégie d’investissements dans l’industrie. En témoigne le clip « Pays de la Loire, terre de cinéma », dont le slogan reflète l’ambition de la présidente de région dans ce domaine. « Les documentaires ont toute leur place dans l’étude des projets que nous accompagnons », affirme Alexandre Thébault. Il rappelle le nombre significatif de projets aidés chaque année (28 en 2024, soit 32% du volume total, cf.encadré chiffres), pour un « numéraire forcément moindre parce que le documentaire coûte beaucoup moins cher [à fabriquer] ».

Quel avenir pour La Plateforme au-delà de 2025 ?

Dans la nouvelle équation économique, La Plateforme « peut vivre jusqu’à décembre 2025, janvier 2026 au plus tard », estime le Bureau des auteurs et des autrices. Son budget prévisionnel s’établit à 225 000 euros en 2025, et une partie des 50% manquants, du fait de la suppression de la subvention régionale, a été compensée par les recettes des formations dispensées par l’association. Ce budget révisé implique toutefois le départ d’un des trois salariés, dès le mois de mai, entraînant le gel de certaines opérations du pôle, comme La Grande Tournée qui permet de faire circuler sur le territoire des films réalisés ou produits en région.

L’édition 2025 du parcours d’auteur a en revanche été maintenue, afin de ne pas pénaliser les bénéficiaires du seul dispositif à destination des auteurs et des autrices sur le territoire. Ce soutien est toutefois « menacé de disparition en 2026 », prévient La Plateforme, alors qu’il constitue « l’un des projets phares » de l’association dont il « résume bien [les] valeurs et l’ambition collective : fédérer, accompagner, valoriser, représenter ». Le dispositif a permis en outre d’impulser de nombreux films dont certains ont trouvé leur place sur les  chaînes nationales, comme sur Arte récemment, met en avant les Bureau des auteurs et des autrices.

Aujourd’hui, la question est de savoir « comment porter cette association de La Plateforme avec un effectif de salariés réduit », s’interrogent les professionnels. La majeure partie des adhérents, partisane de pérenniser la structure, défend la volonté « de réécrire un nouveau projet », avec des nouveaux partenaires et les contributions renforcées de ceux qui la soutiennent déjà. Actuellement, le pôle bénéficie du soutien financier d’autres collectivités, dont les villes de Nantes, Sablé-sur-Sarthe ou La Bernerie-en-Retz. Un échange est en cours sur les modalités des collaborations futures avec le département de Loire-Atlantique dont le soutien est supprimé en 2025.

« On travaille sur des perspectives de coopérations renforcées avec les réseaux ligériens et au-delà, tels l’Adéfi, la Cité du Film Le Mans (Sarthe), Atmosphère 53 (Mayenne), Films en Bretagne, Ciclic, la Boucle documentaire », détaille La Plateforme, reçue notamment par la Métropole de Nantes, en attendant de l’être par le CNC. « Mais surtout, nous organisons des rendez-vous tous les 15 jours avec l’ensemble des pôles culturels des Pays de la Loire pour écrire un projet commun autour de la culture et faire front face à l’austérité ». L’objectif est aussi de pouvoir « mutualiser certaines tâches (communication, administration, déplacements…) », décrit l’association.

L’enjeu, pour les professionnels, est de préserver l’écosystème qui a été construit depuis plus de dix ans et qui a permis la montée en compétences de la filière.  Il s’agit « de montrer qu’on reste un acteur du territoire » et de « continuer à soutenir la création, les talents, la diffusion, indépendamment de la région », considère le Bureau des auteurs et des autrices. Il s’agit aussi d’enrayer les tentations de certains de quitter une région où la filière locale serait encore moins soutenue qu’auparavant, au profit, par exemple, des voisins plus séduisants de la Bretagne ou du Centre-Val de Loire, par ailleurs liés aux Pays de la Loire par des actions interrégionales.

Le « nouveau projet » de La Plateforme doit être présenté en juin 2025 lors de  l’assemblée générale annuelle où le nom de l’association devrait notamment être « questionné », indique le Bureau des auteurs et des autrices. « On souhaite s’inscrire dans la continuité de La Plateforme, avec un projet recentré, plus indépendant », et forcément impacté par les coupes budgétaires. En cette « période de reconfiguration des financements publics », l’objectif est de « réaffirmer notre rôle structurant sur l’ensemble des Pays de la Loire » avec toutefois cette interrogation : « comment travailler l’ancrage territorial, auquel nous tenons profondément, alors que la région ne nous soutient plus ? », se demandent les auteurs et les autrices.

Au-delà de La Plateforme, des licenciements sont à prévoir dans des structures culturelles ; des sociétés de production et des festivals sont fragilisés ; des actions d’éducation à l’image en suspens. Cela ne présage rien de très rassurant quant à l’avenir de la culture en France. Et en même temps, on ne peut pas se permettre de baisser les bras.

Le Bureau des auteurs et des autrices

L’absence d’aide à l’écriture « complique le fait de pouvoir vivre du travail d’auteur ou d’autrice »

Le vote du budget 2025, avec les urgences qui sont apparues, a mis « entre parenthèses » la demande d’une aide à l’écriture adossée au fonds de soutien encore récemment réitérée par La Plateforme et l’Adéfi. Leur dernière proposition portait sur une aide directe aux auteurs et aux autrices, assortie d’un tutorat. « On espère un jour pouvoir rouvrir le dossier. Il est primordial de faire naître un projet sur le territoire », considère le Bureau des auteurs et des autrices de La Plateforme qui a toujours considéré le parcours d’auteur comme n’étant « pas suffisant », compte tenu du peu de personnes aidées chaque année. « L’aide à l’écriture, c’est de l’argent qui permet notamment de faire des repérages et nous octroie du temps, sans que l’on ait besoin de travailler dans un restaurant pour gagner sa vie », expose le Bureau des auteurs et des autrices. Ne pas y avoir accès « complique le fait de pouvoir vivre du travail d’auteur ou d’autrice », précise-t-il aussi, en relevant que nombre d’entre eux sont aussi techniciens, pour subvenir à leurs besoins.

L’absence d’aide à l’écriture signifie « une précarité absolue des auteurs qui sont toujours un peu le maillon faible de la création. Et nous, nous sommes dans une région qui porte très peu d’intérêt à cet endroit-là, alors que c’est le premier maillon de la filière », observe de son côté le Bureau des producteurs et des productrices de La Plateforme. « En tant que producteur, cela se traduit par des projets qui nous arrivent encore très en amont, sur lesquels il n’y a généralement pas eu suffisamment de temps de travail, faute de financement, ce qui retarde leur entrée en production ».

Dans les échanges avec le CNC pour la prochaine convention de coopération triennale (2026-2028), « nous avons à cœur de pouvoir consolider ce que nous avons réussi et qui s’incarne en particulier par l’augmentation des jours de tournage et des répercussions économiques, notamment en termes d’emploi pour la filière cinématographique et audiovisuelle locale », expose Alexandre Thébault. Mais s’agissant de la mise en place d’une aide à l’écriture, « on ne pourra pas ouvrir ce chantier », ni en 2025, ni « jusqu’à la fin du mandat [de Christelle Morançais] », prévient néanmoins l’élu. « La pertinence de cette demande, reçue très positivement à mon élection [en juin 2021], n’est pas à remettre en cause. Elle semble à la fois nécessaire et positive dans le cadre du dynamisme d’une filière. Les discussions allaient s’ouvrir, sauf que la situation a changé de manière radicale et que nous ne sommes plus en mesure d’y répondre », avance le conseiller régional. Les auteurs et les producteurs évoquent de leur côté une ouverture sur le sujet certes exprimée par la région, mais des demandes de rendez-vous ensuite sans cesse différées qui n’ont pas permis la concrétisation d’un dispositif dédié.

  • 28 aides

    à la création
    en 2024 pour le documentaire

  • 432 K€

    au stade de la
    production

  • 74,5 K€

    au stade du
    développement

Pas de COM dédié à la création

Pour la filière documentaire locale, le tournant actuel pris par la collectivité n’a fait que renforcer le sentiment, antérieur à décembre 2024, d’être « peu soutenue » par celle-ci. Outre l’absence d’aide à l’écriture, les professionnels pointent l’effectif des services en charge de l’audiovisuel et du cinéma au sein de la région, parmi les plus petits de l’Hexagone, ainsi que la faiblesse des derniers contrats d’objectifs et de moyens (COM) sur le territoire. Jusqu’en 2024, la région en recensait cinq, signés avec les chaînes locales TéléNantes, Le Mans Télévision (LMTV), Angers Télévision, Canal Cholet et TV Vendée. Ces COM, financés par une subvention régionale de 200 000 euros, n’étaient ni fléchés vers des programmes patrimoniaux, ni abondés par le CNC. Ils servaient en réalité des objectifs de communication et consistaient principalement à des aides au fonctionnement aux télédiffuseurs, relève un observateur. Les COM ont été « supprimés en 2025, dans le contexte plus général de retrait de la région sur de nombreux sujets », précise la collectivité.

L’antenne de France 3 Pays de la Loire a jusque-là constitué à peu près le « seul atout » de la région, mentionne le Bureau des auteurs et des autrices de La Plateforme en louant le travail effectué par Olivier Brumelot, délégué à l’antenne et aux programmes de la chaîne, qui a fait valoir ses droits à la retraite, le 1er avril dernier. Celui-ci était également responsable de la coordination des documentaires régionaux au sein de France Télévisions depuis 2022. Ce « passionné de documentaire, ouvert à des écritures moins formatées, a joué un rôle majeur dans le paysage ligérien auquel il a beaucoup apporté », depuis son arrivée à France 3 Pays de la Loire, début 2017, estiment les professionnels. Son engagement a permis « d’une certaine façon de contrebalancer l’absence de soutien aux auteurs de la région », en favorisant l’émergence de jeunes auteurs et autrices et en contribuant à diversifier le tissu des producteurs de la région. Aussi le départ d’Olivier Brumelot, actuellement remplacé par intérim, soulève des questions pour la suite. La procédure d’appel à candidatures pour son poste sera lancée en juin, a précisé le réseau régional de France 3 à la Scam.

Sur le plan technique, France 3 Pays de la Loire ne disposant pas de moyens internes de fabrication (réunis sous l’appellation La Fabrique), les auteurs et les autrices ligériens qui travaillent pour la chaîne sont contraints d’aller monter leurs films dans les France 3 où un créneau est disponible. Cela peut être à Paris, Lille, Bordeaux, ce qui alourdit le bilan carbone de la production, et son coût financier, regrette le Bureau de La Plateforme.

Enfin, dans le contexte politique actuel, ce dernier évoque sa crainte, partagée avec les producteurs et les productrices, « d’une reprise en main politique sur les films » qui sollicitent une aide de la région. « Des élus ont déjà voté contre l’avis du comité de lecture, à l’unanimité, de soutenir un projet », rappellent les professionnels. Ce fut le cas notamment avec deux documentaires relatifs à Notre-Dame-des-Landes, dont celui de Thibault Férié (Notre-Dame-des-Landes, la reconquête, produit par Point du Jour), en 2019, pour France 3, ainsi que la presse l’avait relayé à l’époque des faits. En 1998, un projet de court métrage de fiction de Sébastien Lifshitz sur l’homosexualité avait in fine été refusé par la commission des affaires culturelles du conseil régional des Pays de la Loire alors présidée par Bruno Retailleau, qui a créé le fonds d’aide à la création de la région en 1986. « Nous aurions fait de même s’il s’était agi d’un amour entre un homme et une femme », avait alors affirmé l’actuel ministre de l’Intérieur, évoquant « un film quasi pornographique » selon les propos rapportés par Le Monde.

Plus récemment, le groupe écologiste du conseil régional a dénoncé une aide à la production de la collectivité de 200 000 euros pour le long métrage de fiction de Vaincre ou mourir de Paul Mignot et Vincent Mottez, sorti en 2023, qui retrace l’épopée du général De Charette pendant les guerres de Vendée. Premier opus de Puy du Fou Films, il a été produit par Nicolas de Villiers via la nouvelle entité de production audiovisuelle du groupe qui détient le célèbre parc à thème créé par son père, Philippe de Villiers.

En l’espèce, « l’ingérence, ou l’intolérance », sont venues d’un « certain bord très politisé » et d’une « certaine presse bien-pensante », n’ayant qui plus est « pas accès au dossier artistique du projet », déplore Alexandre Thébault. « Le simple fait que ce soit le Puy du Fou a généré une bronca », poursuit-il, évoquant « un jeu de dupes. Lui préfère se réjouir de cette « nouvelle boîte de production qui émerge, et pas des moindres, étant adossée à un parc qui compte parmi les plus connus au monde ». Plus largement, l’élu rappelle qu’en région Pays de la Loire, les décisions quant aux projets soutenus « sont prises souverainement, puisqu’au bout du bout, c’est toujours un vote [des élus] qui sanctionne ces décisions arbitrées avec l’éclairage des comités d’experts ».

En attendant l’assemblée générale de juin qui décidera de l’avenir de La Plateforme, les professionnels font état d’un « état d’esprit [qui] oscille entre lucidité et détermination » dans une « situation difficile » où « les coupes budgétaires régionales ont un impact réel sur notre écosystème ». « Au-delà de La Plateforme, des licenciements sont à prévoir dans des structures culturelles, des sociétés de production et des festivals sont fragilisées, des actions d’éducation à l’image en suspens. Cela ne présage rien de très rassurant quant à l’avenir de la culture en France. Et en même temps, on ne peut pas se permettre de baisser les bras », constate le Bureau des auteurs et des autrices.

Après la sidération, l’heure est à la remobilisation chez les adhérents de l’association. « On sent une énergie qui revient, portée par une envie de défendre ensemble un projet commun », observent les professionnels. Pour autant, « nous ne voulons pas faire comme si rien ne s’était passé. Il nous faudra notamment continuer à recueillir des informations factuelles sur l’impact socio-économique des coupes budgétaires et démontrer ses répercussions concernant l’égalité des territoires ». C’est aussi « dans ces contextes fragiles que peuvent émerger les projets les plus nécessaires, ceux qui rassemblent, donnent du sens, redonnent de l’élan et défendent la diversité culturelle aujourd’hui menacée. C’est ce que nous espérons construire, collectivement », avancent-ils.

Méthodologie des enquêtes de la Scam pour un état des lieux du documentaire en région

Ces focus sont circonscrits au seul documentaire audiovisuel (donc hors court et long métrage). Ils proposent une photographie quantitative et qualitative de chaque région, à travers la parole des auteurs-réalisateurs et autrices-réalisatrices qui vivent et travaillent dans ces territoires. S’y expriment également les points de vue des autres acteurs animant ces filières régionales.

Les chiffres clés relatifs à la région Pays de la Loire sont issus des données collectées par l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire pour le Panorama des interventions territoriales en faveur du cinéma et de l’audiovisuel publié chaque année, dans le cadre de sa convention de coopération triennale État-région-CNC. Le périmètre des collectivités est identique à celui du Panorama, qui prend en compte la région, les départements, les eurométropoles, les métropoles et les villes, s’il y a lieu. De la même manière, les statistiques se concentrent sur les aides délivrées par la région, le premier niveau d’intervention. Les investissements de la région agrègent ceux octroyés via le ou les contrats d’objectifs et de moyens signés entre la collectivité et le ou les diffuseurs, quand ils existent. Les statistiques autres que celles de Ciclic qui pourraient être citées sont dans tous les cas sourcées.

Remerciements : Pauline Martin et Pierre Dallois à l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire, les auteurs et les autrices de la Boucle documentaire.

 

 

Une série d’enquêtes menée par la journaliste Emmanuelle Miquet pour la Scam.