Philippe Belin et Philippe Nicolas, membres de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) ont publié leur rapport sur l’état du documentaire en France, commandé par le ministère de la Culture. Etabli dans le cadre de l’Année du documentaire, il souligne à la fois un plébiscite du public (le documentaire en tête des genres prisés à la télévision) et une précarisation du secteur affectant à la fois les auteurs et les autrices et les sociétés de production.
La Scam accueille très favorablement les constats et les propositions de ce rapport, qui donne un juste panorama des enjeux et défis à relever.
Dans ce contexte, la Scam entend définir un cadre pour une nouvelle négociation des salaires et droits d’auteur entre auteurs et producteurs. À la suite de l’accord sur la rémunération minimale pour l’écriture d’un dossier documentaire, signé avec les producteurs, aux côtés de la Boucle documentaire et de la Garrd, en janvier dernier, la Scam est déterminée à mettre en place une enveloppe minimale de rémunération des réalisateurs (EMR).
Par ailleurs, le rapport relève la baisse du soutien apporté par le CNC qui, de conjoncturelle, semble devenir structurelle. Dans le cadre d’un meilleur financement du genre, le rapport plaide pour une amélioration du soutien direct aux auteurs et autrices. Si la Scam constate que des efforts ont été consentis par le CNC pour ramener le traitement de la fiction et du documentaire à plus d’équité, elle poursuit ses échanges avec ce dernier pour que la phase d’écriture soit mieux aidée.
Dans les nombreuses mesures préconisées par le rapport, saluons également les ambitions portées sur la Cinémathèque du documentaire, créée sous l’impulsion de la Scam qui œuvre sans relâche pour assurer sa consolidation et sa continuité.
Ce rapport ouvre des perspectives très encourageantes pour la création documentaire. Les documentaristes espèrent vivement qu’il sera suivi d’effets.
Contact presse : Florence Narozny – florence@lebureaudeflorence.fr – 06 86 50 24 51
L’évolution de l’intelligence artificielle (IA) a pris un tournant décisif. Elle offre de nouveaux outils de création dont le potentiel est très prometteur. Cette évolution stimulante pour les acteurs de la création doit respecter leurs droits.
Or, le domaine encore balbutiant du développement de l’IA crée de nombreuses incertitudes juridiques. Les opinions divergent sur la possible application aux IA génératives de l’exception de fouille de textes et de données, telle que prévue par la directive européenne du 17 avril 2019 transposée dans le code de la propriété intellectuelle (CPI). Cette exception permettrait aux fournisseurs de système d’IA de s’affranchir d’une autorisation des titulaires des droits d’auteur, sauf opposition de leur part.
Dans ce contexte, la Scam exerce à titre conservatoire, son droit d’opposition pour le compte de ses membres lui ayant apporté statutairement leurs droits de reproduction.
Ce droit d’opposition est exercé conformément à l’Article L. 122-5-3 III du CPI, quel que soit le type d’IA considéré. En conséquence, tout fournisseur de système d’IA souhaitant reproduire les œuvres du répertoire de la Scam devra obtenir une autorisation auprès d’elle.
Concernant les auteurs et autrices n’ayant pas apporté leur droit de reproduction à la Scam, ce droit d’opposition est de leur ressort, voire de celui de leurs cessionnaires ou ayants droit. Tel est le cas, notamment, de celles et ceux qui ont cédé ce droit à des éditeurs littéraires ou à des éditeurs de presse. La Scam leur recommande d’exercer leur droit via des clauses types à insérer dans leurs contrats de cession.
Dans l’attente d’une législation adéquate, cette démarche clarifie et apporte un cadre juridique à la reproduction des œuvres du répertoire de la Scam à des fins d’utilisation par une IA.
La Scam réaffirme ainsi sa mission principale : veiller au respect du droit d’auteur dans l’équité et la transparence, au bénéfice de celles et ceux qui lui ont confié la gestion de leurs droits.
Florence Narozny : florence@lebureaudeflorence.fr – 06 86 50 24 51
Pour mieux vous accompagner dans vos créations vidéo, la Scam vous propose un atelier pour vous éclairer sur le choix du statut juridique de votre activité.
À suivre en direct sur Zoom !
Micro-entreprise, régime des artistes-auteurs, EURL, EIRL, SASU, association, autant de termes qui peuvent paraître énigmatiques !
Lorsqu’il a fallu choisir un statut pour votre activité de vidéaste, vous vous êtes sentis un peu… dépassé ? Vous vous êtes demandé quelles sont les formes juridiques les plus adaptées à vos projets ? Pour connaître les avantages, inconvénients, obligations propres à chaque régime, venez suivre notre atelier.
Mathilde Ehret-Zoghi, fondatrice de Maze, vous conseillera pour structurer au mieux votre activité.
Mathilde Ehret-Zoghi est gérante et fondatrice de Maze. Au sein de Maze, elle intervient auprès de FRAC, centre d’art, collectivité territoriales et associations pour former leurs salariés à la gestion des rémunérations artistiques. Mathilde Ehret-Zoghi intervient auprès des écoles supérieures d’art, de centres de formation continue, de centres d’art et d’associations, ainsi qu’auprès d’artistes et de structures pour les former, les conseiller et les accompagner.
Pour mieux vous accompagner dans vos créations vidéo, la Scam et YouTube s’associent pour vous proposer régulièrement des ateliers pratiques.
Coup d’envoi avec ce premier atelier essentiel à votre activité. À suivre également en direct via Google meet !
Vous apprendrez à éviter la démonétisation et utiliser à votre avantage les outils « Copyright Match Tool » ou « Content ID »; à adapter un contenu pour éviter les blocages; à vulgariser une vidéo pour contourner les mots sensibles qui en bloqueraient la diffusion.
Autant d’éléments nécessaires pour gérer à bien votre activité.
Arielle Kuperminc et Guillaume Bentaieb, Responsables techniques des partenariats YouTube France animeront cet atelier et vous accompagneront pour éclairer vos pratiques.
C’est une formidable nouvelle. Mais, entre joie et amertume. Le Prix Nobel de la Paix est attribué à l’iranienne Narges Mohammadi, journaliste, et militante pour les droits des femmes et les droits humains. Un combat qui lui vaut d’être actuellement en détention, condamnée à une longue peine. Une de plus, après de nombreux allers-retours dans les geôles du régime des mollahs. Le Prix Albert Londres salue avec admiration le courage et le couronnement d’un tel engagement pour la « Femme, la Vie, la Liberté ».
C’est donc la troisième journaliste à recevoir cette distinction. En 2021, le russe Dmitri Muratov, ancien rédacteur en chef du journal Novaïa Gazeta, a lui aussi reçu ce Prix en vertu de sa lutte pour la liberté de la presse face à la propagande du kremlin. De même que la philippine Maria Ressa pour ses enquêtes avec sa plateforme de journalisme d’investigation, Rappler.
Voir ainsi salués des professionnels de l’information, montre la période que nous vivons. L’actualité s’est embrasée. Et les enjeux pour un travail de vérité sont considérables, voire déterminants. Invasion de l’Ukraine, conflit du Haut-Karabagh, crises multiples en Afrique, main de fer des talibans en Afghanistan, jusqu’à l’attaque massive du Hamas contre Israël… Toutes ces tragédies s’accompagnent de guerre de l’information.
Face à la perte de confiance que nous vivons, établir les faits est plus que jamais nécessaire, et le journalisme plus que jamais indispensable.
Cap sur Bayeux pour fêter les 30 ans du festival et honorer le journalisme de terrain si essentiel à nos démocraties. Un rendez-vous incontournable soutenu depuis sa création par la Scam qui gère les droits d’auteur de ces hommes et femmes qui nous informent et dont l’essence est de témoigner à tout prix pour que le monde sache. #PBCN2023
Vendredi 13 octobre à 21h – Pavillon – Place Gauquelin-Despallières
La Scam parraine pour la cinquième année consécutive la Soirée Grands Reporters, moment fort du Prix Bayeux.
L’Afghanistan n’est officiellement plus en guerre, mais le nouveau pouvoir taliban installé depuis 2021 accentue sa répression à l’égard des femmes et des filles, condamnées à rester invisibles, sans droit ni perspective. Interdiction d’étudier, de travailler, de circuler et de manifester. Plus de 3,5 millions de personnes sont déplacées en raison de l’insécurité et de nombreux enfants ne sont pas scolarisés. Cette année, la population civile au Panshir a subi des exactions : exécutions extrajudiciaires, torture, prise d’otages, détention illégale et persécutions au motif que les forces de sécurité de l’ancien gouvernement s’étaient réfugiées dans cette province. Le trafic de drogue serait combattu mais il est prégnant dans une économie effondrée qui accentue l’extrême pauvreté. La liberté de la presse est bafouée. Les journalistes, intimidés, oppressés, arrêtés, ne sont plus en mesure d’exercer leur métier. La guerre serait finie mais dans cette paix apparente subsistent la violence, les attentats, les flagellations en public, la charia, la peur, les privations.
Trente ans après avoir pris les armes, quel est le projet des talibans dans l’Afghanistan d’aujourd’hui ? Une guerre est-elle déclarée contre les femmes comme nulle part ailleurs dans le monde ? Que peut la communauté internationale ? Quelle est la responsabilité des Etats-Unis dans l’effondrement de la république afghane et le retour des talibans ? L’Afghanistan est-il condamné à vivre en circuit fermé sous le poids d’un régime qui opprime sa population ?
Préparée et animée par Éric Valmir, en présence de nombreuses et nombreux témoins
Samedi 14 octobre à 18h30 – Pavillon – Place Gauquelin-Despallières
Présentée par Nicolas Poincaré.
Cette année, Marie-Pierre Samitier et Christian Dauriac, membres de la commission des journalistes, représentent la Scam au sein du jury du Prix international de journalisme, présidé par l’un des plus grands photographes de guerre, l’américain Don McCullin.
Netflix France, l’USPA, le SPI, AnimFrance, le SATEV, le SEDPA, la SACD et la SCAM annoncent avoir signé un accord de partenariat dans le cadre des obligations d’investissement issues du décret SMAD.
Cet accord traduit la vision partagée des parties en faveur de la diversité, du renouvellement et du rayonnement de la création audiovisuelle française. Il confirme une volonté de l’industrie audiovisuelle française et des auteurs d’accompagner Netflix et lui reconnaît un rôle de premier plan.
● consacre 100 % de son obligation d’investissement dans les œuvres audiovisuelles à des œuvres patrimoniales (fiction, animation, documentaires de création, spectacle vivant, vidéos-musiques) à compter de 2023 ;
● porte son investissement en matière d’œuvres d’expression originale française à 85 % et à 68 % pour les œuvres indépendantes d’ici 2026 ;
● double son engagement de diversité pour atteindre 10 % de son obligation dans les œuvres audiovisuelles, dont 5 % dans le documentaire de création et 5 % dans l’animation.
Cet accord est conclu pour une durée initiale de quatre ans, jusqu’au 31 décembre 2026 et a vocation à être repris dans la convention entre Netflix et l’ARCOM.
Iris Bucher, présidente de l’USPA : L’USPA se réjouit d’avoir réussi à mener à bien, avec l’ensemble de ses partenaires, des négociations qui ont permis d’arriver à un accord satisfaisant pour la création française, tout particulièrement pour le documentaire de création. Un accord qui fait entrer pleinement Netflix, leader du marché de la SVoD en France, dans le dispositif de l’exception culturelle française et permet d’établir une relation de confiance avec la production indépendante.
Nora Melhli, présidente du bureau audiovisuel du SPI, a déclaré Nous sommes heureux de ce premier accord avec Netflix. Il démontre la capacité des professionnels français à accompagner dans la durée les nouveaux partenaires, dès lors qu’ils s’engagent à nos côtés afin de renforcer la production indépendante et la création française.
« Nous nous félicitons de cet accord qui est l’aboutissement d’un processus de négociations interprofessionnelles menées depuis l’entrée en vigueur du décret SMAD en juillet 2021. Il confirme notre volonté de collaborer toujours plus étroitement avec l’industrie créative française afin de faire émerger ensemble les talents et histoires de demain » a déclaré un porte-parole de Netflix.
Emmanuelle Jouanole, présidente du SEDPA : Le SEDPA se félicite de l’aboutissement de ce premier accord interprofessionnel avec Netflix faisant la preuve de son engagement en faveur de la création audiovisuelle française.
Pascal Rogard, directeur général de la SACD : Ce 1er accord interprofessionnel conclu avec Netflix jette les bases d’un nouvel engagement en faveur de la création française et tout particulièrement de la création d’oeuvres patrimoniales. C’est un pas important fait à l’égard des auteurs de fiction et d’animation représentés par la SACD et la marque d’une volonté commune de conjuguer le développement des plateformes et le dynamisme de la création française.
Hervé Rony, directeur général de la Scam : Je me réjouis que cet accord ait pu enfin être trouvé avec un acteur majeur tel que Netflix. Le répertoire documentaire est reconnu. Netflix prend des engagements qui sont cohérents avec ses promesses et sa volonté affichée de défendre des œuvres originales.
Contacts presse
● Contacts auteurs, producteurs, distributeurs
○ USPA & AnimFrance : Stéphane Le Bars – s.lebars@uspa.fr – 06 60 23 53 96
○ SPI : Emmanuelle Mauger – 06 63 01 83 06
○ SATEV : Florence Braka – 06 03 51 70 18
○ SEDPA : Emmanuelle Jouanole – 06 33 68 36 54
○ SACD : Martin Dawance – martin.dawance@sacd.fr – 06 85 12 29 59
○ SCAM : Cristina Campodonico cristina.campodonico@scam.fr 06 85 33 36 56
● Netflix France : Line Zouhour – lzouhour@netflix.com
Chaque année, nos prix récompensent le talent des autrices et des auteurs à nous raconter le monde et valorisent celles et ceux qui ont laissé leur empreinte dans la création documentaire. Nous dévoilons ce magnifique palmarès audiovisuel avec fierté et nous félicitons la lauréate et les lauréats 2023 !
Jean-Pierre Thorn débute en 1965 à Aix en Provence par des mises en scène théâtrales. Il tourne son premier long-métrage en 1968 à l’usine occupée de Renault Flins. En 1970, il abandonne le cinéma pour embaucher comme ouvrier O.S. à l’usine Alsthom de Saint Ouen. En 1978, retour au cinéma. Il est animateur de la distribution cinéma du programme intitulé Mai 68 par lui-même. En 1980, il réalise son second long-métrage Le Dos au mur. En 1989, sa première fiction Je t’ai dans la peau évoque le destin d’une militante féministe, religieuse puis ouvrière et dirigeante syndicale. Depuis 1992, il collabore avec le mouvement hip hop et réalise 3 films, devenus emblématiques : Génération Hip Hop, Faire kiffer les anges et On n’est pas des marques de vélo. Le Documentaire Allez Yallah !, en 2006, suit une caravane de femmes en France et au Maroc, pour l’égalité de droits et contre la montée de l’intégrisme religieux. En 2019, il réalise L’Âcre parfum des immortelles.
Brigitte Bouillot est réalisatrice, photographe et scénographe. Elle a étudié́ les arts plastiques aux Beaux-Arts de Dijon. Après des débuts dans la performance artistique, elle s’oriente vers la scénographie, la photographie puis la réalisation de films de commande.
Oan Kim est réalisateur, photographe et musicien. Son travail de réalisateur se déploie entre installations d’art vidéo, films institutionnels et vidéoclips.
L’Homme qui peint des gouttes d’eau est leur premier film documentaire.
Charles Emptaz est grand reporter. Pour Arte, il a couvert de nombreux conflits hors des radars de l’actualité, en Afrique et au Moyen Orient. Son travail a été récompensé par une Étoile de la Scam 2016, le Prix Bayeux des correspondants de Guerre, le Prix DIG de l’investigation (Italie).
Olivier Jobard est photographe et réalisateur. À vingt ans, il est propulsé dans la guerre des Balkans. Il parcourt le monde, puis il retrouve en France, à Sangatte, les réfugiés des conflits qu’il couvre. Il choisit alors de porter son regard sur les questions migratoires.
Cristina Campodonico / 06 85 33 36 56
cristina.campodonico@scam.fr
Sorj Chalandon, c’est une signature indissociable de la guerre d’Irlande : la signature d’un journaliste qui a opiniâtrement couvert ce conflit sanglant et fratricide au cœur de l’Europe, malgré l’indifférence, malgré la lassitude des citoyens… En lui remettant aujourd’hui le Prix Christophe de Ponfilly de la Scam, le jury salue son exceptionnel parcours et tous ses reportages qui ont marqué l’histoire du journalisme.
Il fut le premier journaliste occidental à rendre compte des exactions du régime syrien avec le massacre de Hama en 1982. Et l’un des premiers témoins, marqué à jamais, des massacres des populations palestiniennes de Sabra et Chatila. Il a poursuivi son travail journalistique à travers une œuvre littéraire fortement imprégnée du réel. Son expérience et sa passion pour l’information, sa recherche perpétuelle de la vérité des faits, sont plus que jamais une inspiration pour les journalistes d’aujourd’hui.
Créé en 2014, à l’instigation de la commission journaliste de la Scam*, le prix Christophe de Ponfilly est doté de 8000 €. Il couronne pour l’ensemble de son travail un ou une journaliste dont il salue le courage, le sens moral et la ténacité.
Jeune journaliste, Sorj Chalandon participe à la création de Libération au début des années 1970, auquel il collabore de 1973 à 2007. Chroniqueur judiciaire, grand reporter, rédacteur en chef adjoint du quotidien, il a couvert de nombreux conflits au Liban, au Tchad ou en Irak. Il est également l’auteur de reportages sur l’Irlande du Nord et sur le procès de Klaus Barbie, qui lui ont valu le Prix Albert Londres 1988. Il est actuellement journaliste au Canard enchaîné auteur de la rubrique « La Boîte aux images » qui chronique les écrans du réel.
Ecrivain, il a publié dix romans aux éditions Grasset. Une promesse obtient le Prix Médicis en 2006. En 2008, son roman Mon traître (Prix Joseph Kessel de la Scam) s’inspire de son amitié avec Denis Donaldson, membre de l’IRA et du Sinn Féin et agent du MI5. Trois ans plus tard, l’histoire est racontée du point de vue du « traître » dans Retour à Killybegs qui obtiendra le prix du roman de l’Académie française en 2011. Sorj Chalandon apparaît en dernière partie du documentaire Sans blessures apparentes, de Jean-Paul Mari (2010) – tiré de l’ouvrage éponyme publié chez Robert Laffont – consacré aux « damnés de la guerre», ainsi qu’aux séquelles psycho-émotionnelles qui en résultent. Son dernier roman, L’Enragé, paraîtra en août 2023, aux éditions Grasset.
* Nathalie Sapena (présidente de la commission), Patricio Arana, Olivier Da Lage, Didier Dahan, Christian Dauriac, Jennifer Deschamps, Emilie Gillet, Eric Lagneau, Cédric Lang-Roth, Thierry Ledoux, Jean-Michel Mazerolle, Laurence Neuer, Sophie Piard, Marie-Pierre Samitier, Violaine Vermot-Gaud.
Contact presse : cristina.campodonico@scam.fr
Patrick Chamoiseau a reçu le prix Marguerite Yourcenar 2023 pour l’ensemble de son œuvre. Retour sur le parcours de ce témoin de l’histoire coloniale et fervent penseur de la créolité, un chemin façonné de livres et d’essais marqués par la magnificence des mots.
Toujours, les grandes œuvres s’éclaircissent rétrospectivement de l’accomplissement qu’elles atteignent à la maturité, lorsque l’évidence s’impose de les célébrer comme un tout : ce tout était agissant dès le départ, dans chaque fragment, chaque esquisse sans doute, mais il aura fallu un long cheminement pour le dégager du brouillard des origines.
Peu d’œuvres en témoignent aussi nettement que celle de Patrick Chamoiseau, portée par la nécessité d’ouvrir la littérature francophone à un imaginaire de la diversité dégagé des œillères que nous a léguées l’histoire, et tout particulièrement l’histoire coloniale. Non sans atteindre parfois à une forme d’urgence dans « la ferveur des indignations » (Frères migrants, 2017), c’est dès ses prémisses que cette œuvre s’est inscrite à rebours exactement des processus de sclérose identitaire qui ronge notre début de millénaire hérissé de murs et de barbelés pour mieux reléguer les uns et enfermer les autres dans le ressentiment de leurs propres peurs.
Par-delà la magnificence d’une langue à la richesse harmonique nouvelle, c’est bien ce qui frappe à relire les premiers livres de Patrick Chamoiseau, de Chronique des sept misères (1986) au magistral Texaco (1992), chatoyante épopée des splendeurs et misères du peuple antillais depuis la sortie de l’esclavage : le chemin parcouru était donc tout entier contenu dans les prémisses, s’il y demeurait indiscernable ; pour reprendre une expression de Franz Kafka, une « conclusion innée » conditionnait déjà les premiers livres, serait-ce à l’insu de leur auteur qui cherchait, précisément, à la définir.
Patrick Chamoiseau l’affirme à sa façon à l’orée du fascinant Le Conteur, la nuit et le panier (2021) qui remonte aux sources de la création en terres créoles : alors que tout artiste est voué à cheminer de manière singulière, son œuvre en devient « un cheminement vers la compréhension de l’art qui est le sien ». Les livres publiés sont autant de pierres blanches qui matérialisent a posteriori ce « cheminement dépourvu de chemin ». « Comme tout artiste, l’écrivain s’invente une voie qui n’aboutit jamais, une voix qui cherche toujours son chant. C’est ainsi qu’il demeure désirant », car il n’est pas d’autre carburant que le désir, quand bien même le maître-mot de l’œuvre tout entière, en l’occurrence, resterait l’émotion : car au commencement est l’émotion, qui par deux fois s’est confrontée à la barrière de l’expression au long d’une « enfance créole » bientôt formatée par l’école coloniale, sous la férule d’un maître « grand pourfendeur de sabir créole, négateur des fastes de la culture dominée », celle qu’incarnait « Gros-Lombric », le double ou « l’écolier marron » amenant des confins de l’en-ville des contes de zombis et autre « Chouval-trois-pattes », ainsi que le raconte Chemin-d’école (1994), deuxième volume de la trilogie Une enfance créole.
Chamoiseau racontait volontiers comment l’écriture de l’essai, destiné à restituer la trajectoire d’une conscience ayant eu à trancher le choix d’une langue d’écriture, a ouvert la voie pour libérer enfin, et d’un seul souffle, le roman.
Bertrand Leclair
Si le Maître voguant « immatériel sur les cimes du savoir universel » terrifiait le présent, la langue qu’il imposait n’en reste pas moins celle dans laquelle a pu opérer l’appel d’air de la littérature mondiale. Alors que l’œuvre de Chamoiseau s’est construite sur deux jambes, alternant essais et romans ou récits, on ne peut sur ce point que s’attarder sur la parution conjointe, en 1997, de L’Esclave vieil homme et le Molosse et de Écrire en pays dominé. Chamoiseau racontait volontiers, à l’époque, comment l’écriture de l’essai, destiné à restituer la trajectoire d’une conscience ayant eu à trancher le choix d’une langue d’écriture, a ouvert la voie pour libérer enfin, et d’un seul souffle, le roman, très ancien projet qui lui résistait depuis des années. L’essai lui avait permis de comprendre que l’élan vers la liberté de son vieil esclave était certes un élan vers la réhumanisation mais que ce qu’il devait retrouver, à s’enfoncer dans les bois, n’était pas une essence perdue : de fait, il y découvre la présence agissante des traces de l’imaginaire amérindien aussi bien que le souvenir confus des divinités africaines ou des représentations symboliques imposées par le maître à travers la plantation. L’esclave vieil homme ne peut se réaliser en tant qu’être humain que dans une « totalité du monde » qu’il porte en lui, traçant la voie au monde ouvert né de la créolité, celui de « la Relation », chère à Édouard Glissant (1928-2011), dont l’élaboration théorique a profondément marqué Patrick Chamoiseau, l’incitant à dépasser à son tour les cloisonnements et les clivages identitaires.
On voudrait, bien entendu, s’attarder également sur le monumental Biblique des derniers gestes (2002), sur le lumineux L’Empreinte à Crusoé (2012). En tant que membre du jury du prix Marguerite Yourcenar destiné à couronner l’ensemble d’une œuvre, cependant, on ne peut conclure qu’en se réjouissant d’avoir l’honneur de décerner ce prix à Patrick Chamoiseau au moment où, une fois de plus, un diptyque associant roman et essai confère une dimension nouvelle à l’ensemble de son œuvre.
À l’essai déjà cité Le Conteur, la nuit et le panier, paru en 2021, répond merveilleusement le chef d’œuvre qu’est Le Vent du nord dans les fougères glacées, paru à l’automne dernier, et qui joue à merveille, en sous-main, du vertige que nourrissent les découvertes de la physique quantique[1]. Là où l’essai remontait aux sources de la création en retraçant l’extraordinaire émergence des premiers « maîtres de la Parole » dans le secret des veillées mortuaires, au temps de la catastrophe esclavagiste, le roman précipite quelques habitants des mornes en quête du dernier des maîtres de la Parole dont l’absence, d’abord passée inaperçue, creuse l’espace d’un manque, dans leur quotidien anesthésié. Aucun d’entre eux ne saurait dire exactement depuis quand Boulianno ne se présente plus aux veillées mortuaires : ayant « dépassé vieux » sans que nul ne puisse faire le compte de ses années, il n’apporte plus « cette lumière qui vient de la Parole, seule grâce capable de soutenir la vie en face de la mortalité ! » Car tous se souviennent que, lorsqu’il se présentait pour « monter au tambour » et entrer dans une la-ronde à la nuit tombée, « la mort elle-même trouvait à qui parler. (…) Hélas ! un jour, Boulianno Nérélé Iksilaire – honneur sur sa naissance et respect sur son nom – cessa de répondre aux appels ».
Par poussées fulgurantes qui sont autant de surprises, la logique du texte qui se fait luxuriant semble dès lors creuser dans un inconnu indiscernable.
Bertrand Leclair
L’homme a disparu comme on s’efface, ou s’estompe, dans la modernité martiniquaise, sans avoir « déposé chez personne » « ce cœur-de-chauffe de la sagesse » désormais « serré au plus profond dans le silence de Boulianno ». Doutes et hypothèses lancent les plus fervents des enquêteurs à sa recherche sur les hauteurs inhabitées de Sainte-Marie, haut lieu du marronnage à l’époque de l’esclavage. Par poussées fulgurantes qui sont autant de surprises, la logique du texte qui se fait luxuriant semble dès lors creuser dans un inconnu indiscernable d’être situé non pas au dehors, mais à l’intérieur des enquêteurs, et par conséquent du lecteur – puisque le chemin de la Parole « n’est pas dans ce monde, il n’est nulle part en dehors de ta force : il est en toi-même ! » Les voici en prise immédiate avec « cette affaire insondable du vivre », constatant que « dans ce monde-ci, le nôtre, celui où l’on bat la misère », les choses « comprenables ne sont hélas pas les plus importantes ».
Ce faisant, ce n’est rien de moins qu’une métonymie de la création littéraire et de sa nécessité vitale que propose Le Vent du nord dans les fougères glacées, grand roman de la maturité artistique. Le « cheminement sans chemin » de Patrick Chamoiseau y dévoile des terres inconnues où déployer ses somptueuses harmoniques, et nous enchanter à nouveau.
[1] On pourra lire à ce propos l’article publié dans le quotidien numérique AOC le 13 décembre 2022
Juré du prix Marguerite Yourcenar, Bertrand Leclair est journaliste, romancier, essayiste et dramaturge. Il est également auteur d’une vingtaine de pièces radiophoniques et a collaboré à de nombreux ouvrages collectifs.