Parce que la création sonore est un parent pauvre des politiques publiques, la Scam dévoile au Paris Podcast festival un livre blanc pour franchir le mur du son !
Ce document à destination des décideurs français et européens élabore des pistes législatives, fiscales, économiques concrètes, pour une meilleure structuration de la profession et un rééquilibrage de la chaîne de valeur de la création sonore.
Malgré l’essor remarquable du podcast et le vif intérêt du public pour la radio, la structuration du secteur est encore balbutiante. La création audionumérique souffre de plusieurs impensés juridiques : les conditions de la propriété intellectuelle peinent à être systématiquement garanties et un réel statut manque aux autrices et auteurs sonores pour dialoguer en confiance avec les différents acteurs du secteur (producteurs, diffuseurs, plateformes…).
Dans ce contexte, Création sonore, pour un écosystème pérenne se veut une plateforme de proposition :
Afin de maintenir et préserver l’essor de la création sonore : clarifier le régime juridique de la diffusion sonore pour un partage de la valeur avec tous les acteurs de la chaîne de création.
Sommaire
Franchir le mur du son, par Karine Le bail et Rémi Lainé (p3-4)
Préambule : Création sonore pour un écosystème pérenne (p5-6)
1. Le partage de la valeur : L’autorisation des ayants droit comme pilier de la diffusion sonore (p7-10)
2. Un écosysteme vertueux pour financer la création sonore (p11-15)
3. Donner une place aux auteurices de la création sonore dans le droit français (p17-21)
4. Encourager les décideurs Français et Européens à faire une place au média sonore dans la régulation des médias (p23-28)
Paroles de professionnels (p29-53)
astrid lockhart – 06 73 84 98 27 – astrid.lockhart@scam.fr
Cap sur la région Bretagne, avec ce 6eme volet de notre série Territoires et création sous la plume de la journaliste Emmanuelle Miquet. Une région enviée pour la qualité de son dialogue entre les professionnels et la collectivité du conseil régional. Des échanges sont actuellement en cours pour un futur dispositif supplémentaire, dédié à l’accompagnement des auteurs et des autrices.
Cinquième fonds d’aide à la création en 2022, la Bretagne s’est hissée à la sixième place de financeur du documentaire audiovisuel avec un seul guichet – le conseil régional – et une enveloppe de 1 048 153 euros (20 % du budget total). Celle-ci a bénéficié à 69 aides documentaires (42 % du total), majoritairement au stade de la production (85,5 % des projets), du développement (10,6 %) et de l’écriture (3,9 %). Cet investissement inclut le contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé avec les six acteurs locaux : les chaînes TVR, Tébéo, Tébésud, France 3 Bretagne et la web-tv bretonnante Brezhoweb ainsi que la plateforme Kub. L’an dernier, l’apport du COM dans le documentaire a atteint 359 153 euros (le 2e montant le plus élevé derrière celui des Hauts-de-France), dans 25 projets en production (44,6 % du nombre global des aides).
1 048 153 €
aide à la création
« La Bretagne, c’est un peu notre phare », considérait avec humour, mais néanmoins sérieusement, un auteur établi en Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans l’étude de la Scam « Le documentaire, les régions et leurs aides » (2021). La région bretonne, parmi les premières à s’être dotée d’un fonds régional d’aide à la création cinématographique et audiovisuelle (le FACCA), en 1989, « a toujours été proactive. Quelle que soit la majorité élue, il y a toujours eu cette volonté politique très forte de structurer le secteur pour que les professionnels puissent vivre de leur travail, tout en dialoguant avec eux », confirme l’Arbre, l’association des auteurs et autrices, réalisateurs et réalisatrices tous genres et circuits de diffusion des œuvres confondus, vivant en Bretagne.
Il existe une vraie logique de concertation et de co-construction. Que ce soit sur le FACCA ou le contrat d’objectifs et de moyens (COM), les professionnels sont très généralement associés aux réflexions et aux décisions qui sont prises
L’Arbre – association des auteurs réalisateurs de Bretagne
« Nous avons l’habitude de prendre des initiatives, proposer des améliorations, et la région a l’habitude de nous écouter, d’avoir sa porte ouverte. Cela ne veut pas dire qu’on est toujours d’accord et que l’on obtient systématiquement ce qu’on voudrait, mais le dialogue est là », poursuivent les auteurs. Leur spécificité sur ce territoire est qu’ils sont représentés via deux entités distinctes : le collège des auteurs réalisateurs et compositeurs (ARC) au sein de Films en Bretagne (FEB), la fédération interprofessionnelle de l’audiovisuelle et du cinéma qui regroupe l’ensemble des créateurs implantés sur le territoire, de l’écriture à la diffusion, et l’Arbre, antérieure à Films en Bretagne et qui lui a subsisté. Le périmètre du collège de FEB est plus large que l’Arbre, puisqu’il inclut les compositeurs de musique à l’image ainsi que les auteurs graphiques, aux côtés des scénaristes et des auteurs-réalisateurs de films.
Fondée en 1999, Films en Bretagne s’articule autour de quatre collèges avec chacun des représentants. Aux côtés des autrices et auteurs réalisateurs et compositeurs, figurent le collège des producteurs, celui des comédiens et des techniciens, ainsi qu’un autre qui réunit les acteurs culturels. Les négociations du secteur avec la région passent par Films en Bretagne. Toutefois, « des initiatives peuvent être menées par l’Arbre, voire conjointement avec la fédération, avec qui les relations sont très poreuses », explique l’association des auteurs et autrices.
La région se distingue également par son COM, unique dans l’Hexagone, car il réunit l’ensemble des six diffuseurs locaux publics et privés (cf.encadré La région Bretagne et le documentaire audiovisuel). Créé en 2009, il est le plus ancien. En 2022, une nouveauté a été introduite pour le documentaire : une « expérimentation portant sur les nouvelles écritures et les canaux numériques [qui] pourra être poursuivie » en 2023-2024, indique le document référentiel du COM 4 sur cette période. Dans ce cadre, « un programme de type documentaire pourra ainsi être soutenu et accompagné conjointement par les chaînes », est-il précisé.
L’idée est d’accompagner les nouveaux usages, en soutenant des œuvres qui sont pensées pour le digital, et non pour la télévision, avec un contenu d’intérêt régional .
Aurélie Rousseau, directrice générale de la chaîne locale TVR, coprésidente du syndicat national Locales.tv
« Si on a deux bons projets, on les fera. Cela dépendra des propositions. On s’inspire du travail mené par Arte sur les nouvelles écritures documentaires », détaille Aurélie Rousseau, directrice générale de la chaîne locale TVR, coprésidente du syndicat national Locales.tv et interlocutrice sur le COM de la Bretagne qu’elle a contribué à mettre en place. Une première série documentaire est actuellement en cours de production en association avec France 3 et les TV locales, pour Instagram : Rencontres du 3e clic, des épisodes de 5 minutes autour des sites de rencontres.
Ces projets « nouvelles écritures » sont financés à budget constant. « Depuis déjà plusieurs années, nous avons une enveloppe fermée pour le COM », expose Aurélie Rousseau, se félicitant d’avoir « déjà réussi à maintenir cette enveloppe ». Le contrat signé en Bretagne atteint « un montant de 1,8 million d’euros [au total Ndlr], le plus important en France, grâce à la subvention de la région Bretagne et des apports des chaînes en cash. A ce montant, s’ajoutent des apports en industrie des chaînes », souligne-t-elle également.
A l’instar du COM, le fonds de soutien de la région pourrait évoluer, dans les prochains mois, avec un nouveau dispositif spécifique qui serait destiné aux auteurices. Celui-ci viendrait compléter un panel classique constitué de l’aide à l’écriture pour les auteurs, l’aide au développement pour le producteur ou encore l’aide à la production, qui peut être « demandée sans diffuseur, ce qui est assez rare », met en avant l’Arbre.
Début octobre, à Saint-Quay-Portrieux, les Rencontres de Films en Bretagne, rendez-vous régional annuel de la filière, avaient inscrit à leur programme une « conversation » avec le CNC et Ciclic, l’agence de la région Centre-Val de Loire, pour faire le point sur l’impact de leurs dispositifs respectifs en matière d’accompagnement des auteurs, et ainsi, nourrir les échanges avec la région. Ils proposent chacun une aide au parcours d’auteur, sous forme de bourse. En parallèle de l’aide à l’écriture classique, attribuée à un seul projet, elle permet d’apporter un soutien plus global au bénéficiaire, dans son travail de recherche et d’expérimentation pour un ou plusieurs projets.
Il est nécessaire de renforcer sur le territoire breton le travail d’accompagnement des auteurs, « les maillons les plus fragiles du secteur alors que sans eux, celui-ci n’existerait pas », souligne l’Arbre qui porte cette demande avec le collège des auteurs de Films en Bretagne et celui des producteurs. « La région est complètement ouverte et elle réfléchit avec nous à ce nouveau dispositif d’aide qui serait destiné exclusivement et directement aux auteurs mais dont les contours restent à déterminer », poursuit l’Arbre.
« Nous sommes au tout début de la discussion », abonde la collectivité. « Ce qui ressort de nos échanges avec les auteurs et les autrices est qu’ils et elles ont besoin d’avoir du temps pour prendre du recul, sur une carrière, une façon d’écrire, et pas seulement sur un projet. La philosophie est là. Maintenant, tout reste à faire pour trouver la bonne formule. C’est presque un projet de territoire à inventer », estime la région. « L’idée est de trouver un endroit où les enjeux politiques et les enjeux de la filière se rejoignent, sinon, ça n’a aucun intérêt. On reste sur ce principe de coconstruction avec les professionnels », résume-t-elle. Le calendrier envisagé est une mise en œuvre de cette nouvelle aide « courant 2024 », évoque néanmoins la région. Ce soutien sera financé « par redéploiement », précise-t-elle, donc via des arbitrages, dans la mesure où il n’y aura pas de hausse du budget du FACCA. « Evidemment, ça ne fait pas nos affaires ! », réagit l’Arbre.
De son côté, la région met en avant avoir « réussi à sanctuariser l’enveloppe globale » du fonds de soutien, ce qui, dans le contexte économique général, est à souligner. Elle fait aussi valoir que ces trois dernières années, « moins de projets documentaires audiovisuels ont été soutenus mais mieux ». Cela est particulièrement vrai à l’étape du développement où la moyenne par aide est passée de 9 000 euros en 2020 à 10 091 euros en 2022, selon les chiffres de la collectivité que l’on retrouve dans le Panorama annuel des interventions territoriales publié par Ciclic (cf.Méthodologie).
La dernière augmentation significative du fonds d’aide à la création remonte à 2019. En hausse « d’un peu plus d’1 million d’euros », rappelle la région, elle s’est inscrite dans une évolution des aides et de gouvernance. Ces chantiers faisaient suite à la réforme territoriale, votée en 2015 et entrée en vigueur en 2016. « Celle-ci n’a pas impacté la Bretagne dans ses contours géographiques, restés identiques, mais avec la fusion d’autres régions, qui allaient gagner en termes de budget, il fallait qu’on cherche un nouveau positionnement et qu’on trouve notre place dans ce paysage recomposé. Cela ne pouvait pas se faire sur la concurrence financière, dans la mesure où notre budget n’allait pas pouvoir rivaliser avec ceux des grandes régions, mais en développant des axes qui seraient notre identité, comme les coproductions internationales, la fiction audiovisuelle, la promotion de valeurs écologiques et sociétales, telles que la transition écologique, la parité, les droits culturels ou l’éducation artistique et culturelle, notamment », explique la collectivité. Ces chantiers ne se sont pas faits « au détriment du documentaire, dont l’enveloppe a été sanctuarisée », souligne-t-elle.
C’est aussi à ce moment-là qu’a été créé Bretagne Cinéma, service qui regroupe le FACCA et l’Accueil des tournages, dans le but de « rationnaliser l’organisation et essayer d’être moins dans la gestion purement administrative et davantage dans l’accompagnement qualitatif des projets », poursuit la région.
69 aides
à la création
en 2022
41 K€
pour l'écriture
111 K€
pour le développement
896 K€
pour la
production
Dans les améliorations à apporter aujourd’hui au fond de soutien régional, les auteurs et les autrices affirment être « au tout début d’une réflexion autour d’une bourse de repérages, sur le modèle de dispositifs existants dans d’autres territoires ou dans l’aide Brouillon d’un rêve de la Scam, par exemple. Depuis 2022, cette dernière propose une bourse initiale de repérages. D’une dotation de 2 500 euros, elle est destinée à soutenir une première étape d’écriture pour effectuer des repérages, des recherches documentaires, des entretiens préparatoires ou permettre la fabrication d’un teaser. « C’est quelque chose qui nous manque », note l’Arbre, qui estime qu’en Bretagne, comme dans de nombreuses autres régions, les aides à l’écriture n’en sont plus vraiment, en raison des exigences demandées pour les dossiers qui doivent être déjà très aboutis.
Par ailleurs, l’Arbre plaide depuis déjà pas mal d’années pour que les auteurs et les autrices soient rémunérés pendant les résidences ou les formations auxquels ils participent. « Les résidences sont certes formidables et hyper intéressantes, mais de quoi vit-on pendant cette période ? », interroge l’association. « Les compositeurs de musique à l’image ou les auteurs graphiques dans l’audiovisuel sont, eux, rémunérés lorsqu’ils sont en résidence », fait-elle remarquer.
En partenariat avec l’Arbre, le collège des auteurs réalisateurs et compositeurs de Films en Bretagne a mené dernièrement une enquête « flash » sur les conditions de travail et de rémunération des auteurs et des autrices sur le territoire. Ce travail, restitué lors des récentes Rencontres de Saint-Quay-Portrieux, est une première étape vouée à nourrir une future enquête plus large sur l’ensemble de la filière. L’une des « demandes extrêmement forte » qui est ressortie de ce premier volet est la « création d’une maison des auteurs, voire quatre », indique l’Arbre. Soit une dans chaque département (les Côtes-d’Armor, le Finistère, l’Ille-et-Vilaine et le Morbihan), au nom du principe de décentralisation.
La grande force de la Bretagne tient à la structuration de la filière, très complète, partout sur le territoire, s’accordent d’ailleurs à dire les professionnels quel que soit leur métier.
Les films peuvent émerger dans la région, y être produits, puis diffusés.
Un représentant du collège des producteurs et des productrices de Films en Bretagne
Concernant la formation, par exemple, deux nouvelles offres sont attendues en septembre 2025 : un BTS Audiovisuel à Douarnenez, et l’école Skol Doc à Mellionnec. Cette dernière s’articulera autour de quatre axes : un cursus pour les amateurs, de la formation initiale, un cursus professionnel et de la formation continue. « « Les trois premiers existent déjà mais avec la création de l’école, ils vont prendre de l’ampleur, à côté de la formation continue, totalement nouvelle, pour la réalisation, le montage et la production », précise Jean-Jacques Rault, codirecteur de Ty Films, l’association à l’origine des Rencontres du film documentaire de Mellionnec et de Skol Doc, dont il a la charge. Ce village des Côtes-d’Armor est devenu un « petit Lussas, un lieu de résidences et de création très riche et très attractif pour les talents », relève un professionnel.
Le dynamisme de la Bretagne réside en outre dans le travail effectué en matière de diffusion des œuvres, grâce à un réseau de distribution très développé. La Bretagne se caractérise en effet par un nombre important de salles de cinéma indépendantes, dont beaucoup sont labellisées « art et essai », présentes sur tout le territoire. Opéré tout au long de l’année, cet accompagnement des films se retrouve notamment durant le Mois du film documentaire en novembre, coordonné par les quatre associations Cinécran (Morbihan), Comptoir du Doc (Ille-et-Vilaine), Daoulagad Breizh (Finistère) et Ty Films (Côtes-d’Armor). L’association Comptoir du Doc décline également le festival Vrai de vrai ! (auparavant nommé Les Etoiles du documentaire), à Rennes.
Les auteurs et les autrices sont conscients de ce travail de diffusion, qui marche avec l’ensemble du secteur. C’est plus facile de défendre un FACCA et des positions quand les films sont montrés, accompagnées par leurs auteurs.
L’Arbre
L’existence de ce réseau et ces initiatives créent forcément une émulation, ce point fait là aussi consensus chez l’ensemble des professionnels.
S’il fallait pointer une faiblesse sur le territoire breton si envié, ce serait l’absence de fonds de soutien à la création dans les départements, pourtant engagés à une époque. « Le Finistère et les Côtes-d’Armor en ont eus, avant de les supprimer il y a quelques années, pour des raisons budgétaires », rappelle un professionnel. Quand leur situation s’est améliorée, ils ont préféré investir sur des projets dits de « territoire », comme Ty Films ou le Groupe Ouest, connu entre autres pour ses résidences d’écriture. Leur retour dans la boucle des collectivités territoriales via un fonds de soutien dédié serait forcément un plus, s’accordent à nouveau les différents professionnels.
Ces focus sont circonscrits au seul documentaire audiovisuel (donc hors court et long métrage). Ils proposent une photographie quantitative et qualitative de chaque région, à travers la parole des auteurs-réalisateurs et autrices-réalisatrices qui vivent et travaillent dans ces territoires. S’y expriment également les points de vue des autres acteurs animant ces filières régionales.
Les chiffres clés relatifs à la région Bretagne sont issus des données collectées par l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire pour le Panorama des interventions territoriales en faveur du cinéma et de l’audiovisuel publié chaque année, dans le cadre de sa convention de coopération triennale État-région-CNC. Le périmètre des collectivités est identique à celui du Panorama, qui prend en compte la région, les départements, les eurométropoles, les métropoles et les villes, s’il y a lieu. De la même manière, les statistiques se concentrent sur les aides délivrées par la région, le premier niveau d’intervention. Les investissements de la région agrègent ceux octroyés via le ou les contrats d’objectifs et de moyens signés entre la collectivité et le ou les diffuseurs, quand ils existent. Les statistiques autres que celles de Ciclic qui pourraient être citées dans l’article sont dans tous les cas sourcées.
Remerciements : Pauline Martin et Pierre Dallois à l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire, les auteurs et autrices de la Boucle documentaire.
La Scam poursuit avec la journaliste Emmanuelle Miquet son tour de France par territoire. Direction la région des Hauts-de-France, marquée en 2023 par la mise en place d’un fonds de soutien à la création par le département de la Somme et de nouveaux règlements à Pictanovo qui ne font pas tous l’unanimité chez les créateurs régionaux.
Deuxième fonds régional d’aide à la création audiovisuelle et cinématographique en 2022, derrière l’Île-de-France, la région des Hauts-de-France est la troisième contributrice au documentaire audiovisuel, derrière la Corse, et la région francilienne, en tête. Son enveloppe atteint 1 491 085 euros en intégrant les deux contrats et d’objectifs et de moyens (COM) signés entre la région et les chaînes locales Wéo ainsi que BFM Grand Lille. Leur investissement cumulé s’établit à 423 250 euros, dans 23 projets à l’étape de la production (sur un total de 36 aidés, soit 64 %). Ce montant via le COM est le plus élevé de toutes les collectivités territoriales devant la Bretagne. L’intervention du fonds de soutien régional se répartit entres les aides à la production (83,2 % du total du budget total), le développement (8,5 %) et l’écriture (8,3 %).
1 491 085 €
aide à la création
Au terme de près de deux ans d’une concertation interprofessionnelle mouvementée, Pictanovo, l’association chargée de mettre en œuvre et de gérer financièrement le fonds de soutien de la région des Hauts-de-France, a adopté en juillet 2023 de nouveaux règlements, en vigueur depuis le mois de septembre. Le chantier avait été ouvert pour faire évoluer des textes modifiés à la marge ces dernières années, en tenant compte des demandes de la filière audiovisuelle et cinématographique.
Pour les auteurs et les autrices, l’une des évolutions les plus notables porte sur le fléchage de l’aide à l’écriture, qui est indirecte dans cette région. Le statut d’association loi 1901 de Pictanovo permet en effet à l’organisme de rémunérer une personne morale, soit la société de production qui est donc le bénéficiaire de l’aide, et non une personne physique (l’auteur).
L’aide à l’écriture est maintenant intégralement destinée aux auteurs
Safir Hauts de France
Auparavant, le règlement stipulait que « 60 % du budget » de l’aide à l’écriture devaient être consacrés à la rémunération des auteurs. Dorénavant, le fléchage prévoit que « 100 % de l’aide à l’écriture octroyée par Pictanovo » devront être consacrés à leur rémunération. Comme c’était déjà le cas précédemment, le producteur « doit obligatoirement présenter un contrat d’option et/ou de cession de droits d’auteur concernant l’œuvre et ce dès le dépôt du dossier ».
« L’aide à l’écriture est maintenant intégralement destinée aux auteurs », résume la Safir Hauts-de-France, société des auteurs et réalisateurs indépendants, qui représente tous les répertoires.
Elle a porté cette demande conjointement avec Rhizom, l’association des producteurs et des productrices audiovisuels, cinéma et nouveaux médias dans les Hauts-de-France, à défaut de pouvoir obtenir une aide à l’écriture directe, pour les raisons évoquées précédemment.
L’autre évolution majeure concerne les critères de territorialité nécessaires pour recevoir des aides des Hauts-de-France. Sur ce point, les demandes des professionnels n’ont pas été totalement entendues.
La Safir et Rhizom ont défendu un modèle institué dans de nombreuses régions c’est-à-dire obtenir au minimum pour être éligible, deux critères sur les quatre établis : le lieu de résidence de l’auteur ou du réalisateur basé dans les Hauts-de-France ; celui de la société de production basé sur le territoire ; l’intérêt du sujet pour la région ; une dépense a minima sur le territoire de 160 % de la somme versée par Pictanovo. L’enjeu de cette proposition était que « le fonds continue à être favorable à la filière régionale et la conforte, ce qui a toujours été l’esprit des règlements », explique la Safir.
À l’arrivée, les textes se sont dans l’ensemble considérablement assouplis, estiment les professionnels. « Il y a une volonté, de créer de l’emploi en région, mais qui n’est pas encadrée par un minimum d’exigences de territorialité en dehors du court métrage » expose la Safir. Le règlement du court métrage stipule bien en effet qu’un critère au minimum est à respecter parmi les trois suivants : auteur/réalisateur, scénariste, coauteur ayant sa résidence fiscale en Hauts-de-France ; producteur, coproducteur délégué disposant d’un établissement stable dans la région ; un montant minimal de dépenses en Hauts-de-France de 130 % de l’aide attribuée.
En revanche, pour le documentaire, comme pour la fiction et l’animation, le texte n’est pas aussi précis, ce que regrette la Safir. Il mentionne que « seront notamment pris en compte les critères suivants » : l’expérience » des auteurs / réalisateurs, scénariste, coauteur, et/ou celle du ou des producteurs délégués ; le projet s’appuyant sur des caractéristiques géographiques, historiques, culturelles, sociales ou économiques du territoire ; et un tournage en région significatif. Il indique aussi que « le comité de lecture prendra en considération l’implication régionale que les projets d’œuvres porteront en termes d’emplois et de retombées économiques dans la région des Hauts-de-France, dans les limites autorisées par le RGEC » (le règlement général d’exemption par catégorie de la Commission européenne).
La raison de son choix est « très simple », répond Godefroy Vujicic, directeur général de Pictanovo. « Nous avons eu une alerte au niveau des services juridiques de la région et de l’Europe stipulant que les quatre critères envisagés n’étaient pas conformes au RGEC, donc aux règles européennes de libre installation et de libre concurrence dans l’espace Schengen ».
« Cet argument nous a étonné car ces quatre critères s’appliquent dans d’autres régions », commente la Safir.
Pour cette dernière, « le nouveau règlement ouvre la porte à des interprétations et à une certaine subjectivité autour de cette territorialité ». L’une de ses craintes est « que Pictanovo devienne un guichet comme un autre » et que « la facilité d’accès au fonds de soutien documentaire entraîne des dépôts très opportunistes, au détriment des dossiers portés avec des auteurs de la région ». « Nous ne demandons pas un passe-droit mais des garde-fous afin de prendre en compte la fragilité de la filière documentaire et son besoin d’être soutenue », détaille la Safire.
Ses interrogations vont au-delà de la problématique des auteurs et autrices. Il ne faudrait pas que soit remise en cause la philosophie originelle du fonds, créé pour développer un tissu professionnel régional. Pictanovo s’est d’ailleurs engagée sur une clause de revoyure afin de mesurer l’impact des nouveaux textes sur l’aide à l’écriture et les questions de territorialité.
Soutenir les auteurs et les producteurs locaux, c’est fixer les droits des œuvres sur le territoire, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on accueille un tournage initié à l’extérieur de la région. Cela permet aussi de résister à la concentration du secteur en Île-de-France.
Rhizom, association des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel en Hauts-De-France
« Il n’y a aucune volonté de notre part de fragiliser l’écosystème régional des auteurs et des producteurs, bien au contraire », réagit Godefroy Vujicic. Il souligne que dans les Hauts-de-France, des représentants des organisations professionnelles peuvent assister aux comités de sélection des dossiers. S’ils n’ont pas le droit de vote, ils ont la possibilité d’apporter avant celui-ci des informations complémentaires relatives à leurs adhérents. Ce fonctionnement, qui n’a rien de systématique au sein des autres collectivités, est une « énorme plus-value », juge Pictanovo.
Nous ne sommes pas un fonds ayant vocation à soutenir uniquement des projets régionaux ou des entreprises régionales. Nous n’en aurions pas le droit.
Pictanovo
L’ambition de Pictanovo est de continuer à « stimuler l’émulation au sein de la filière locale tout en conservant une attractivité pour qu’un maximum de projets de qualité arrive sur le territoire ». Aux côtés des auteurs et des producteurs, il existe un important tissu de techniciens, rappelle Godefroy Vujicic. Les ambitions des Hauts-de-France en matière d’attractivité dépassent le cadre national. La région a obtenu cinq dossiers lauréats (sur 68) lors de l’appel à projets de « La Grande Fabrique de l’image », initié dans le cadre de France 2030 pour des studios de tournage, de production numérique et de formation en cinéma et audiovisuel, afin de faire de la France un pays leader en Europe dans ces domaines.
Exceptée l’évolution récente des règlements sur la territorialité « la région a historiquement toujours bien soutenu le documentaire et bien accompagné la filière », estime la Safir. « Le doublement des fonds de Pictanovo en 2017 a constitué une bonne surprise car, automatiquement, ce sont plus d’aides à l’écriture, au développement et à la production qui ont été distribuées », relève l’association. « De plus, la mise en place du contrat d’objectifs et de moyens et les coproductions qu’il permet de générer (cf. Encadré chiffres), a entraîné une professionnalisation des auteurs et autrices, réalisateurs et réalisatrices de la région », souligne-t-elle. La Safir met en avant la variété des aides proposées dans le fonds de soutien, citant en particulier le fonds Emergence, « quasiment unique en France ». Il a vocation à accompagner les premiers pas des auteurs et soutenir les œuvres issues du monde associatif, notamment dans le secteur du documentaire. En 2022, il a bénéficié à cinq projets pour une enveloppe de 47 835 euros, selon les données de Pictanovo.
94 aides
à la création
en 2022
124 K€
pour l'écriture
126 K€
pour le développement
1 241 K€
pour la
production
L’autre porte d’entrée pour soutenir le genre est le fonds d’aide au programme éditorial d’écriture et de développement (95 000 euros investis dans 13 projets l’an dernier), ainsi que le fonds documentaire dont le montant s’est élevé à 977 000 euros attribués à 54 projets audiovisuels et cinématographiques, détaille Pictanovo : 14 en écriture ; 8 en développement et 32 en production. Près de 60 % de ces 54 aides sont allés à des sociétés de production régionales, pointe la structure, et « 53 auteurs-réalisateurs de la région en ont bénéficié, sachant que parfois il y a plusieurs bénéficiaires sur un seul et même projet ».
« Au total, via ces trois fonds, environ 1,2 million d’euros ont directement été fléchés sur le documentaire, auxquels vient s’ajouter le COM », insiste Godefroy Vujicic, dont l’investissement communiqué est légèrement différent de celui publié dans le Panorama de Ciclic (cf. Encadré chiffres). Le budget 2023 dévolu au genre se situe à un niveau similaire à 2022, indique-t-il. L’enveloppe d’aide à l’écriture et au développement documentaire a même été « réabondée de 25 000 euros », lors du dernier conseil d’administration, pour répondre à « l’inquiétude des auteurs » sur le montant qui « ne paraissait pas suffisamment important pour accompagner les nouveaux projets à venir en écriture et en développement », détaille-t-il encore.
En parallèle, le conseil départemental de la Somme a lancé en 2023 un fonds d’aide à la création audiovisuelle et cinématographique, visant à soutenir des projets promouvant le patrimoine samarien et les talents locaux. Destiné aux sociétés de production, réalisateurs et auteurs disposant d’une existence juridique, ainsi qu’aux associations, ce fonds intervient en écriture, avec un montant plafond de 4 000 euros en production et en diffusion dans le département. Les champs éligibles sont le court et le long métrage, la série TV et la websérie d’animation, de fiction et de documentaire. Une enveloppe de 121 000 euros sera allouée à la première des deux sessions annuelles, qui était attendue en septembre.
« Le fruit de la politique culturelle menée dans les Hauts-de-France est productif », constate Godefroy Vujicic.
En outre, le dirigeant met en exergue des festivals locaux porteurs pour la filière documentaire : le Festival international de grand reportage d’actualité (Figra), qui inclut le documentaire de société, à Douai, le Festival 2 Cinéma de Valenciennes, et le Festival international du film d’Amiens (Fifam), organisateur de résidences d’écriture, à l’Abbaye de Saint-Riquier, dont Pictanovo est désormais partenaire. Les sessions de pitchs (en court métrage, fiction et documentaire) de Cinémondes, le festival international du film indépendant de Berck-sur-Mer, contribuent également « à la dynamique générale visant à se déployer, grandir et se structurer », considère Pictanovo.
Avec le tissu d’auteurs, de réalisateurs et de producteurs en région extrêmement riche et qualitatif, on ne peut que continuer à porter des initiatives qui concourront à faire croître et faire monter en puissance cet écosystème.
Godefroy Vujicic
Une des missions actuelles de Rhizom est justement de s’adosser aux manifestations régionales pour « rendre visible le travail des professionnels locaux du documentaire et le mettre en valeur », explique l’association des producteurs. Parmi les initiatives les plus avancées, deux journées professionnelles devraient être proposées dans le cadre de la 19e édition de Cinémondes, attendue du 11 au 15 octobre. Une table-ronde intitulée « Filmer les migrations », initiée par la Safir, y est prévue samedi 14 octobre, entre autres. Au Fifam, qui se déroulera du 10 au 18 novembre, l’ensemble des professionnels du documentaire devrait aussi participer à une table ronde sur la diffusion des films.
La région des Hauts-de-France dispose aujourd’hui de deux COM, l’un avec
Wéo et l’autre avec BFM Grand Lille, qui ont contribué à la structuration de la filière documentaire, on l’a vu. À l’occasion de leur renégociation, il a été question qu’un troisième COM soit conclu avec France 3 Hauts-de-France, à partir de 2023. À l’heure de notre bouclage, un contrat avec la chaîne n’était pas d’actualité pour la région, a fait savoir cette dernière, sans plus de détails. Dans la perspective de ce nouveau COM, 100 000 euros avaient été provisionnés sur l’enveloppe globale pour France Télévisions. « Que vont-ils devenir ? », interroge la Safir. « Seront-ils définitivement perdus ou seront-ils répartis sur les deux autres chaînes, ce que nous demandons », poursuivent les auteurs, qui soulignent que la question se pose d’autant plus que le dernier comité relatif au COM en 2023 se réunira le 6 octobre.
Pour autant, pointe la Safir, le dynamisme des Hauts-de-France ne doit pas éluder la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les auteurs et autrices. « Comme au niveau national, on assiste ici à une paupérisation croissante de nos métiers, notamment due au fait que le montant des aides par projet (et les apports des chaînes régionales notamment) n’a pas changé depuis pratiquement dix ans, malgré l’augmentation générale des coûts », décrit l’organisation professionnelle. Le doublement du fonds en 2017 a en effet fait progresser le nombre de projets aidés mais pas le montant par projet.
Ce constat s’accompagne d’un « sentiment un peu général » chez ses adhérents du « syndrome du plafond de verre ». « Lorsqu’on est auteur-réalisateur en région, on collabore avec des producteurs de la région, on fait nos films avec les chaînes régionales, mais dès qu’on essaie de travailler avec le national, c’est un peu plus complexe. On a l’impression d’avoir une étiquette ‘Hauts-de-France’ qu’on a du mal à décoller », développe la Safir. « Et lorsqu’on collabore avec des producteurs parisiens, on est bien souvent ramenés à notre région, parce que leur intérêt est de nous avoir pour déposer une aide à Pictanovo et solliciter une chaîne régionale ».
Ces focus sont circonscrits au seul documentaire audiovisuel (donc hors court et long métrage). Ils proposent une photographie quantitative et qualitative de chaque région, à travers la parole des auteurs-réalisateurs et autrices-réalisatrices qui vivent et travaillent dans ces territoires. S’y expriment également les points de vue des autres acteurs animant ces filières régionales.
Les chiffres clés relatifs à la région Hauts-de-France sont issus des données collectées par l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire pour le Panorama des interventions territoriales en faveur du cinéma et de l’audiovisuel publié chaque année, dans le cadre de sa convention de coopération triennale État-région-CNC. Le périmètre des collectivités est identique à celui du Panorama, qui prend en compte la région, les départements, les eurométropoles, les métropoles et les villes, s’il y a lieu. De la même manière, les statistiques se concentrent sur les aides délivrées par la région, le premier niveau d’intervention. Les investissements de la région agrègent ceux octroyés via le ou les contrats d’objectifs et de moyens signés entre la collectivité et le ou les diffuseurs, quand ils existent. Les statistiques autres que celles de Ciclic qui pourraient être citées dans l’article sont dans tous les cas sourcées.
Remerciements : Pauline Martin et Pierre Dallois à l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire, les auteurs et autrices de la Boucle documentaire.
En région Auvergne-Rhône-Alpes, 8e volet de la série Territoires et Création, le documentaire occupe une place de choix, notamment avec la présence sur ses terres du village de Lussas. Mais, pour les auteurs et les autrices de l’audiovisuel, il s’agit aussi de pallier l’absence d’aide directe à l’écriture, remplacée depuis 2017 par un accompagnement en résidences.
En 2023, le budget alloué par la région Auvergne-Rhône-Alpes à la création s’est élevé à 6 823 000 euros, en cumul : 5 195 000 euros pour le fonds Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma et 1 628 000 pour le fonds audiovisuel, encore dénommé le Faccam. La part dévolue au documentaire audiovisuel dans le second a atteint 889 000 euros, accordés à 60 projets. Le soutien est, comme dans les autres régions, majoritairement attribué à l’étape de la production, avec 32 des aides (53%), pour un montant de 682 000 euros (77% de l’enveloppe totale). Suit le développement, avec 22 aides (37%) et 177 000 euros (20%). Le nombre d’aides à l’écriture, non directes, celles-ci étant dispensées à travers des résidences, s’établit à 6 (10%) pour une enveloppe de 30 000 euros (3%).
1 628 000 €
pour le fonds audiovisuel
En tête des régions françaises, en investissements dans la création, Auvergne-Rhône-Alpes est aussi l’une des rares à faire valoir plusieurs « pôles d’excellence ». Outre l’animation, adossée au festival international d’Annecy, et le court métrage, via le festival de Clermont-Ferrand, tous deux premiers mondiaux dans leur catégorie, le territoire se démarque dans le cinéma, à travers notamment le festival Lumière, consacré au patrimoine, et le documentaire, incarné par le village de Lussas. Entièrement dévolu au genre, il accueille depuis 1979 l’association Ardèche Images, active sur toute la chaîne : de la formation, avec l’école documentaire, à la diffusion, grâce aux Toiles du Docs. La Maison du Doc, centre de ressources, ainsi que les Etats généraux du film documentaire, haut lieu de rencontres pour la profession, dont la 36e édition aura lieu du 18 au 24 août, complètent le panorama.
Le territoire se démarque également par une organisation unique. Premier fonds du conseil régional, Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma a été créé en 1991 pour le long métrage, à l’origine. Le capital de cette société anonyme est détenu par la Région, la Caisse d’épargne Rhône-Alpes et Bpifrance. Lancé dans un second temps, le Faccam, devenu Facca, est le fonds de soutien dédié à l’audiovisuel. Il est géré directement par la collectivité.
En 2023, la répartition entre les deux fonds a évolué, avec le transfert de la fiction et de l’animation audiovisuelles du Faccam au sein d’Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma. En 2024, avec la création d’un fonds ad hoc pour la création en environnement numérique interactive et immersive, auparavant dans le périmètre du Faccam, celui-ci a été renommé Facca (le « m » désignait les nouveaux médias). Aujourd’hui, ce dernier ne regroupe plus que le documentaire audiovisuel, l’adaptation audiovisuelle de spectacle vivant et le court métrage. Le Facca alloue des subventions aux bénéficiaires de ses aides tandis que Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma finance les œuvres par des apports en coproduction, et perçoit donc des recettes d’exploitation sur celles-ci.
Autre distinguo, et non des moindres, alors qu’Auvergne-Rhône-Cinéma propose un dispositif de soutien à l’écriture et développement, accessible par l’auteur ou par la société de production, le Facca n’a plus d’aide directe à l’écriture. Depuis 2017, les auteurs et les autrices qui relèvent de ce fonds, domiciliés ou non sur le territoire, sont accompagnés à travers des résidences d’écriture par genre, avec chacune des intermédiaires chargés de les piloter. Pour le documentaire audiovisuel, il s’agit d’Ardèche Images.
Les résidences présentent « beaucoup d’avantages », expose Sophie Rotkopf, vice-présidente de la région Auvergne-Rhône-Alpes déléguée à la Culture. Elles permettent « de rompre l’isolement des auteurs, avec un environnement professionnel, des lieux dédiés, un encadrement, un tutorat… Surtout, à la sortie de la résidence, ils se voient proposer une présentation à des producteurs. Je ne dis pas que ça ‘matche’ à tous les coups mais cela donne plus de chances au projet pour engager des partenariats de production », poursuit l’élue. En d’autres termes, le taux de transformation des projets serait plus élevé qu’avec une aide directe. « En 2023, on a soutenu 14 auteurs [tous secteurs confondus au sein des industries culturelles et créatives], alors qu’avant 2017, on était plutôt entre 5 et 10, en moyenne. On engage plus d’argent puisqu’on était alors autour de 50 000 euros contre 84 000 euros l’an dernier, pour un nombre d’auteurs accompagnés qui a quasiment triplé. Ce n’est pas anodin », ajoute Sophie Rotkopf.
Ouvertes aux auteurs « jeunes ou confirmés », les résidences ont vocation à « encourager la création et l’émergence d’auteurs sur son territoire en lien avec les pôles et filières d’excellence », décrit la région sur son site. Dans la pratique, la résidence liée au documentaire « passant par l’école de Lussas, ce sont majoritairement des premiers ou des deuxièmes films qui sont sélectionnés, même si le critère d’émergence n’est pas exprimé explicitement », observe Aura-Aura, l’association des auteurs et autrices et réalisateurs et réalisatrices associés en Auvergne-Rhône-Alpes. En conséquence, une partie des auteurs n’y a pas accès.
« Le système de la résidence peut convenir à un type de profil, mais il ne correspond pas à tous, et il ne permet pas d’atteindre l’objectif principal de l’aide à l’écriture qui est, pour les auteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes, d’amorcer des projets, commencer à faire des repérages, pouvoir lancer leur film.»
estime Aura-Aura dont le collectif s’est constitué après la suppression de l’aide directe à l’écriture.
L’association professionnelle pointe aussi la faible proportion des auteurs et des autrices régionaux retenus. Sur les 14 bénéficiaires, en 2023, ils n’étaient que quatre, précise-t-elle, se référant au bilan annuel de la collectivité. Parmi ces quatre, deux ont été accueillis en résidences de perfectionnement d’écriture de documentaire de création d’Ardèche Images sur un total de six aides à l’écriture accordées au genre cette même année (cf. encadré chiffres). En 2022, aucun auteur régional ne figurait parmi les aides documentaires, souligne Aura-Aura.
A propos de l’argument selon lequel l’aide à l’écriture en résidences serait plus opérante que l’aide directe, 87% des projets soutenus entre 2010 et 2016 (donc via l’aide directe) avaient abouti ou étaient en cours de production, selon une étude d’Aura-Aura citée dans Le Livre blanc pour une nouvelle politique régionale de soutien à la création audiovisuelle et cinématographique. Publié à l’occasion des élections régionales de 2021, cet état des lieux du secteur résulte d’un travail mené par l’Appa, l’Association des producteurs et des productrices en Auvergne-Rhône-Alpes, en collaboration avec Aura-Aura.
Compte tenu du bilan satisfaisait de la région sur les résidences, « il n’y a pas de retour prévu à une aide à l’écriture directe », avance Sophie Rotkopf. En revanche, une réflexion relative à de nouveaux dispositifs de soutien destinés aux créateurs est en cours. « Pour le cinéma et l’audiovisuel, nous réfléchissons – la décision n’est pas prise – à réintroduire une aide au catalogue de projets, sollicitée par les auteurs et les producteurs régionaux », détaille l’élue. S’agirait-il de deux aides distinctes, pour chacune des catégories de professionnels ? « C’est ce qu’on est en train de voir. Pour les producteurs, c’est quasiment évident, et s’agissant des auteurs, je pense que ça pourrait aussi être un outil important », répond la vice-présidente. Si ces options étaient confirmées, elles seraient effectives en 2025.
Aura-Aura espère fortement la mise en place de tels dispositifs qui, les concernant, s’apparenterait à une aide au parcours d’auteurs. Elle serait alors la seule aide directement perçue par les auteurs de la région. L’aide au parcours d’auteur ne peut remplacer une aide directe à l’écriture qui cible précisément le développement d’un projet de film, note toutefois l’association.
60 aides
à la création
en 2023
30 K€
pour l'écriture
177 K€
pour l'aide au développement
682 K€
pour la
production
La région est « aussi en réflexion sur les critères » de territorialité des aides au développement du Facca, peu nombreux pour être éligible, ce qui ouvre leur accès à des sociétés de production extérieures à la région et « créé un vrai appel d’air », souligne l’Appa. « Aujourd’hui, le seul critère est de dépenser au moins 100% du montant de l’aide attribuée sur le territoire, alors qu’auparavant, l’aide au développement était réservée aux sociétés régionales », évoque l’association. Elle estime qu’« une aide au catalogue viendrait, entre autres, rééquilibrer les choses à l’endroit de l’aide au développement pour laquelle la compétition devient très féroce ».
« Le défi est de parvenir à un équilibre pour ne pas se priver d’accompagner des projets qui ont un vrai ancrage territorial, sans pour autant que la société soit installée en Auvergne-Rhône-Alpes. »
Sophie Rotkopf, vice-présidente de la région & déléguée à la Culture
L’enjeu est de « trouver le bon niveau, sans être trop excluant ni pas suffisamment », observe quant à elle Sophie Rotkopf. « Aujourd’hui, pour le documentaire audiovisuel, environ les deux tiers des dépôts sont effectués par des sociétés régionales et pour le reste, c’est très majoritairement le réalisateur qui est implanté sur le territoire. Il existe quelques dossiers, à la marge, pour lesquels il est parfois compliqué de vérifier cet ancrage. Le défi est de parvenir à un équilibre pour ne pas se priver d’accompagner des projets qui ont un vrai ancrage territorial, sans pour autant que la société soit installée en Auvergne-Rhône-Alpes. Je ne m’interdis pas de modifier les critères pour l’année prochaine », avise l’élue.
Sur les 22 projets documentaires aidés en développement en 2023, neuf étaient portés par des auteurs régionaux (41%), détaille Aura-Aura, citant des données du bilan annuel de la collectivité. Le « soutien à « l’émergence » y est souligné, avec, parmi les 22 aides, 11 relevant d’« un premier ou [d’] deuxième film » (50%), contre « 7 sur 16 en 2022 » (44%). Concernant les aides à la production, 13 des 32 projets soutenus dans le genre étaient le fait de réalisateurs et de réalisatrices de la région (41%), à destination de diffuseurs nationaux et locaux.
Depuis juin 2023, le Facca bénéficie de deux comités de lecture, l’un pour les aides au développement et l’autre pour les aides à la production, auparavant réunies au sein d’un seul et même comité. Cette organisation, dont la demande était portée par les professionnels, avait pour objectif d’alléger des commissions déjà très chargées. « En 2020, on avait entre 80 et 100 dossiers documentaires par an. Depuis, on se situe davantage entre 100 et 150. Les membres des trois comités de lecture annuels se retrouvaient avec quasiment 50 projets par session. Cela devenait intenable. On est vraiment satisfait de ce double comité », constate Sophie Rotkopf. Les lecteurs ne sont toujours pas rémunérés en revanche. A noter également que les auteurs sont désormais représentés dans les comités, ce qui n’était pas le cas auparavant.
L’année 2024 signe par ailleurs la création par Lyon Métropole d’une bourse directe pour les auteurs et les autrices résidant sur le territoire du Grand Lyon, baptisée L’Atelier des cinéastes. Elle est ouverte aux films, séries et aux œuvres numériques, tous genres confondus (fiction, animation, documentaire), ainsi qu’aux longs métrages, en dehors de ceux en animation, selon le règlement. L’aide a pour ambition d’accompagner la « phase d’amorçage particulièrement difficile à conduire », à travers deux volets : une bourse d’écriture de 4 000 euros et un financement de 3 500 euros « pour animer un atelier cinéma pendant 5 à 10 jours, en lien avec des acteurs socioculturels et éducatifs (collèges, bibliothèques, centres sociaux, musées, etc.) ». Un appel à projets par an est prévu à ce stade. Cinq premiers lauréats ont déjà été sélectionnés pour 2024, soit un de plus qu’initialement prévu, grâce au soutien de la Drac (direction des affaires culturelles) d’Auvergne-Rhône-Alpes qui a rejoint le dispositif et le cofinance, aux côtés de la Métropole.
Issue d’un travail mené en concertation entre les producteurs de l’Appa et les auteurs de Aura-Aura, cette aide est opérée par L’Echappée, association locale de production audiovisuelle. A terme, l’objectif, pour les professionnels, serait la mise en place d’un fonds métropolitain, à l’image d’un mouvement observé ailleurs en France, comme à Toulon-Provence-Méditerranée, ou à Montpellier Méditerranée, pour les fonds les plus récents. L’élaboration par les auteurs et les producteurs de ce « mini-livre blanc ciblé sur la question métropolitaine » a aussi été impulsée par « l’absence d’aide régionale directe à l’écriture et l’explosion du coût de la vie, avec, à la clé, cette question : comment garder ses artistes sur son territoire, dans ce contexte ? », résume l’Appa. La bourse est la première des trois briques d’un projet comprenant une aide au développement également réservée aux sociétés du Grand Lyon, et une aide à la post-production ouverte à toutes les régions.
La contribution de la Métropole s’inscrit dans un schéma où la création est actuellement essentiellement portée par le conseil régional pour le seul documentaire audiovisuel. Les autres collectivités impliquées sur le territoire sont principalement les départements, qui investissent dans l’animation, en dehors de l’Ardèche, engagé auprès de Lussas. Le conseil départemental soutient également la plateforme de documentaire d’auteur Tënk, elle aussi basée dans le village. Depuis sa création, en 2016, le service de SVOD est un partenaire actif de la production, par le biais de préachats et de nombreux appels à projets.
Par ailleurs, la région d’Auvergne-Rhône-Alpes est signataire d’un contrat d’objectifs et de moyens (COM) « pour les missions de diffusion d’information régionale, conclu avec notamment 8 Mont Blanc, TL7 et Télé Grenoble », rapporte Sophie Rotkopf. En l’état, le dispositif n’est pas vertueux, ne proposant pas tous les effets leviers d’un COM pour la création, regrette l’Appa, soulignant pourtant les nombreux acteurs locaux en présence. Faire évoluer le contrat existant vers la création n’est, « pour l’instant », « pas un sujet », explique l’élue.
Celle-ci reste pour autant « très mobilisée sur ces questions de création ». « Non seulement on maintient largement nos niveaux de financement, mais on les augmente là où on peut, et ça fonctionne. Les retours sont bons. Les dépôts de dossiers sont croissants », expose-t-elle. « Aujourd’hui, le montant global investi dans la création s’établit à environ 6,6 millions d’euros (6 823 000 millions en 2023, cf. encadré chiffres). Il se répartit à hauteur de 5 millions entre Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma (3 millions sur le long métrage et 2 millions sur l’audiovisuel, fiction et animation) et 1,674 million d’euros pour le Facca », rappelle la vice-présidente. En 2024, le budget pour le documentaire audiovisuel stricto sensu s’élèvera « à 874 000 euros : 710 000 euros pour le soutien en production et 164 000 euros pour le développement [ce montant ne comprend pas les résidences d’écriture]. Il est un peu en hausse, comparé à 2023 où il atteignait 859 000 euros et 2022, à 841 00 euros. Ce n’est pas négligeable », considère la vice-présidente.
Sophie Rotkopf dresse par ailleurs « un bilan franchement positif » du basculement de la fiction et de l’animation audiovisuelles sur le fonds d’Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma, en revanche diversement apprécié chez les professionnels, certains considérant que celui-ci s’est accaparé une partie de l’audiovisuel. L’un des enjeux était de s’ouvrir aux œuvres audiovisuelles portées par des producteurs délégués pour des plateformes et des chaînes étrangères conventionnées par l’Arcom, à l’instar du CNC, met en avant la collectivité.
L’objectif était aussi de générer des revenus, en passant à un système de coproductions. Ce point explique que le documentaire audiovisuel soit resté dans le giron du Facca. Il possède une « économie bien différente, avec des recettes moindres par rapport à celles que l’on peut attendre d’un long métrage ou d’une fiction TV. Dans nos décisions, on tient compte de l’écosystème et de l’économie de chaque typologie de projets pour être au plus juste. Pour le documentaire, clairement, il fallait qu’on reste dans le système de subventions », explique Sophie Rotkopf. Par cette réorganisation, ajoute-t-elle, il s’agit « surtout de bénéficier du savoir-faire des équipes d’Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma en termes d’accueil de tournage. C’est capital car derrière, il est question de l’employabilité de nos techniciens, dans tous les types de métiers ».
« La région Auvergne-Rhône-Alpes doit avoir une attention pour les gens qui pensent, conçoivent et lancent des choses depuis le territoire. »
Association Appa
Dans les années à venir, l’enjeu est de faire face aux politiques offensives déployées ces dernières années par des territoires comme les Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie ou Provence-Alpes-Côte d’Azur, soulève l’Appa. Pour cela, Auvergne-Rhône-Alpes, région initialement pionnière, ne doit pas être qu’une « terre de tournages et de fabrication mais rester une terre d’initiatives », défend l’association professionnelle. Elle « doit avoir une attention pour les gens qui pensent, conçoivent et lancent des choses depuis le territoire, avec un fonds suffisamment fin dans ses modalités d’intervention ».
Auteurs et producteurs soulignent la « très bonne dynamique de travail », entre leurs associations respectives, une « force », dans ce dialogue renoué avec la région, qui permet d’échanger sur l’évolution des soutiens. « On se réjouit des discussions initiées l’an dernier, qui ont été fructueuses et qu’on ne demande qu’à confirmer, y compris avec Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma », met en avant l’Appa. « Ce travail prend du temps et se fait par étapes », observe de son côté Aura-Aura, se félicitant que « les auteurs sont davantage pris en compte » depuis la création du collectif.
Ces focus sont circonscrits au seul documentaire audiovisuel (donc hors court et long métrage). Ils proposeront une photographie quantitative et qualitative de chaque région, à travers la parole des auteurs-réalisateurs et autrices-réalisatrices qui vivent et travaillent dans ces territoires. S’y exprimeront également les points de vue des autres acteurs animant ces filières régionales.
Les chiffres clés relatifs à la région Auvergne-Rhône-Alpes sont issus des données collectées par l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire pour le Panorama des interventions territoriales en faveur du cinéma et de l’audiovisuel publié chaque année, dans le cadre de sa convention de coopération triennale État-région-CNC. Le périmètre des collectivités est identique à celui du Panorama, qui prend en compte la région, les départements, les eurométropoles, les métropoles et les villes, s’il y a lieu. De la même manière, les statistiques se concentrent sur les aides délivrées par la région, le premier niveau d’intervention. Les investissements de la région agrègent ceux octroyés via le ou les contrats d’objectifs et de moyens signés entre la collectivité et le ou les diffuseurs, quand ils existent. Les statistiques autres que celles de Ciclic qui pourraient être citées sont dans tous les cas sourcées.
Remerciements : Pauline Martin et Pierre Dallois à l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire, les auteurs et les autrices de la Boucle documentaire..
En région Bourgogne-Franche-Comté, 10e volet de la série Territoires et Création, les auteurs et les autrices de documentaire évoluent dans un territoire pourvu d’un fonds de soutien à la création parmi les moins dotés en France. Ils doivent en outre composer avec un tissu modeste de producteurs et l’absence de chaînes locales qui complique la fabrication des films mais n’empêche pas le dynamisme des acteurs en présence.
En 2024, le budget du fonds de soutien à la création audiovisuelle et cinématographique du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté s’est établi à 1 745 800 euros, dans 65 projets, un montant qui le classe parmi les plus bas, en France. Le documentaire audiovisuel capte près de 28% de l’enveloppe (488 000 euros) et 57% des projets (37). La répartition des soutiens se révèle un peu plus équilibrée comparé à d’autres territoires, avec, à l’étape de la production, généralement très largement en tête des aides octroyées, 46% du nombre de projets et 73,5% de l’enveloppe, suivie du développement (38% des projets et 21,5% du montant total), devant l’écriture (16% des projets et 5% du financement).
1 745 800 €
aide à la création
Mettre en lumière les productions de la région auprès du grand public, à travers des rencontres et des projections, c’est l’ambition des Rencontres Aparr’té, les 25 et 26 septembre 2025, à Gray, en Haute-Saône, organisées tous les deux ans par l’Association des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel de Bourgogne-Franche-Comté (Aparr). L’événement compte en outre un volet professionnel dont le programme de la quatrième édition propose, pour la première fois depuis sa création, un temps de rencontre entre les auteurs et les autrices de documentaire. Ce petit-déjeuner (jeudi 25, à 9h30) vise notamment à présenter le travail mené avec la Boucle documentaire à laquelle l’Aparr appartient.
L’agenda documentaire comprend par ailleurs une session consacrée à la réalisatrice Anna Salzberg autour de la fabrication en cours de son film Les Filmeuses, soutenu par la Région Bourgogne-Franche-Comté (vendredi 26 à 16h). La rencontre est animée par Les Petites Caméras, autre association de professionnels sur le territoire, entièrement dédiée au documentaire de création et membre de l’Aparr.
L’Aparr, créée en 2005, en tant qu’Association des producteurs audiovisuels Rhin-Rhône, réunit, elle, l’ensemble de la filière, tous genres confondus, depuis 2014, où a été engagée la réforme territoriale. La collectivité est née de la fusion administrative des régions de Bourgogne et de Franche-Comté. L’Aparr est composée de quatre collèges : auteurs-réalisateurs, techniciens et artistes interprètes, producteurs ainsi que diffuseurs et acteurs de l’éducation à l’image. Basée à Dijon, en Côte-d’Or, elle recense à ce jour 137 adhérents. Les Petites Caméras, fondée en 2014 et située à Sens (Yonne), fédère de son côté des auteurs et des autrices ainsi que des professionnels du cinéma documentaire.
Même si les circuits de diffusion des images changent aujourd’hui, en particulier pour le documentaire, le sésame du financement reste l’accès à un diffuseur.
Les auteurs de l’Aparr
La Bourgogne-Franche-Comté, parmi les régions les plus vastes de France, en superficie, mais avec une densité de population au rang des plus faibles dans l’Hexagone, présente une photographie de la création elle aussi contrastée. Derrière la vitrine attractive de représentation de la filière, en particulier pour les auteurs, « le budget du fonds d’aide à la création et à la production cinématographique et audiovisuelle du conseil régional est parmi les plus bas en France [1 745 800 euros en 2024, cf.encadré chiffres] », pointe le collège des auteurs et des autrices de documentaire de l’Aparr. Le tissu des producteurs reste « pauvre », poursuit-il, malgré les installations sur le territoire, ces dernières années, de plusieurs sociétés, parmi lesquelles pop’films et Nola Films. Quant aux chaînes locales, elles sont inexistantes, en dehors de France 3 Bourgogne-Franche-Comté, et la collectivité n’est signataire d’aucun contrat d’objectifs et de moyens (COM). Or, même si les circuits de diffusion des images changent aujourd’hui, en particulier pour le documentaire, « le sésame du financement reste l’accès à un diffuseur », observent les auteurs de l’Aparr.
Dans ce contexte, ces derniers peuvent compter sur l’engagement du service cinéma et audiovisuel de la Région, « particulièrement sur le documentaire », et son attention portée à l’équilibre de la répartition des aides du fonds de soutien à la création, en l’absence de fléchages financiers par genres et par formats, soulignent-ils. « Le documentaire dispose du taux de sélectivité le moins fort », mentionne à ce propos le service culture du conseil régional (le genre représente 57% des projets aidés par le fonds cf.encadré chiffres). Celui-ci, plus nuancé dans sa description du panorama général, dépeint quant à lui une filière locale « restreinte », avec un nombre de sociétés de production et un budget du fonds de soutien « modestes », qui composent finalement un tout « assez cohérent dans son ensemble », avec « beaucoup de compétences excellentes [qu’il essaie] de favoriser ».
Pour autant, « écrire et réaliser des documentaires dans cette région est difficile et usant », constatent plusieurs auteurs, évoquant la « vulnérabilité, voire la précarité », qui touche la plupart d’entre eux. Comme souvent dans le secteur du documentaire, nombre d’auteurs et d’autrices exercent d’autres activité en parallèle, « dans le son ou l’image », sur d’autres films que les leurs, ou encore dans des champs distincts, « comme l’éducation à l’image » notamment, faute de « base financière et de travail suffisamment stable pour ne se consacrer qu’à la création ». Un professionnel estime qu’il « serait naturel qu’une chaîne comme France 3 engage des réalisateurs régionaux à des postes techniques quand ils en ont les compétences et qu’ils ont besoin de travailler ».
« Etant confrontés à cette absence de télés locales, et surtout de COM, il est assez compliqué de produire [en Bourgogne-Franche-Comté]. Ici, c’est ‘do it yourself’ et ‘système D’», confirme le collège des producteurs et des productrices de l’Aparr. Auparavant, ceux-là parvenaient à travailler avec des chaînes locales des régions limitrophes, comme ViàVosges (devenue Vosges TV), par exemple, en Grand Est. Mais leurs conditions d’accès ont été restreintes aux auteurs, producteurs et sujets locaux et peu de ces télévisions acceptent désormais des projets extra-régionaux, en dehors notamment de Lyon Capital TV, en région Auvergne-Rhône-Alpes. Cette raréfaction crée un goulet d’étranglement, remarquent les créateurs. De ce fait, certaines sociétés franc-comtoises ont choisi de se tourner vers la coproduction internationale, « plus facile que de produire au national, aussi paradoxal que cela puisse paraître », relève le collège producteur de l’Aparr. Leur raisonnement est le suivant, « n’ayant pas de possibilité sur le territoire, voyons plus large », sans que le pari puisse toujours être remporté.
Pour les auteurs et les autrices, le défaut de chaînes locales est d’autant plus regrettable que ces diffuseurs sont un « espace de liberté fou, et qu’ils permettent de mettre le pied à l’étrier ». A l’inverse, France 3 Régions, bien que leur offrant pour le moment une certaine liberté sur leur territoire, « est soumise à un cahier des charges spécifique, n’autorisant pas d’aventure d’écriture », selon eux.
Autre caractéristique, « beaucoup de producteurs et de productrices de la région sont également réalisateurs et réalisatrices, souvent leur métier de départ », explique le collège dédié de l’Aparr. « On est petit et uni, c’est l’avantage. Il y a une notion de territoire qui est assez forte », dépeint-il aussi, considérant que l’association est « représentative du fonctionnement des professionnels » en Bourgogne-Franche-Comté : « on n’a pas d’intérêt à trop se diviser, même si chacun défend ses spécificités ».
37 aides
à la création
en 2024 pour le documentaire
24 K€
pour l'écriture
359 K€
au stade de la production
105 K€
au stade du développement
S’agissant du fonds de soutien à la création du conseil régional, il présente un nombre d’aides « assez variées », s’accordent les auteurs et les autrices, de l’écriture, au développement et à la production. Le montant de l’aide à l’écriture reste toutefois, selon eux, « relativement faible » avec un plancher de 2 000 euros et un plafond à 4 000 euros. Par ailleurs, tous mettent en avant l’aide à la création de films associatifs, « assez spécifique » à la Bourgogne-Franche-Comté, dans ses modalités de fonctionnement en tout cas. Ouvert en 2021, le dispositif a été initié par les auteurs et les autrices à travers Les Petites Caméras et l’Aparr.
D’un montant compris entre 4 000 et 20 000 euros, il est destiné à des œuvres audiovisuelles et cinématographiques à caractère culturel, relevant du documentaire, du court métrage de fiction et d’animation, au stade du développement ou de la production, décrit le règlement. Ses auteurs, réalisateurs et producteurs doivent en outre « présenter une reconnaissance artistique (sélection en festival a minima de dimension régionale, Talents en court, résidence d’écriture, etc.) » et « proposer un plan de diffusion ». Ne sont éligibles que les « associations de production, c’est-à-dire avec le code APE 59.11. Le but de l’aide est vraiment de renforcer la professionnalisation en région et de consolider la filière », souligne le service culture de la Région.
En 2024, le soutien a bénéficié d’une enveloppe globale de 127 000 euros répartis sur neuf projets auxquels ont été attribuées dix aides. Le documentaire en est le bénéficiaire majoritaire, avec sept aides (cinq en production et deux en développement) pour 94 000 euros, soit 74% du budget total. Trois aides ont été attribuées à deux projets de courts métrages de fiction (une en développement et deux en production), détaille le service culture. L’enveloppe prévisionnelle en 2025 s’élève à 139 000 euros pour 11 projets dont huit aides pour le documentaire : quatre en développement et quatre en production, pour 92 000 euros (66% du budget total), des chiffres à confirmer à l’issue du dernier comité de l’année.
Pour la collectivité, le bilan de l’aide à la création films associatifs s’avère « positif, notamment sur des projets qui ont pu ensuite convaincre des sociétés de production ou être sélectionnés dans des festivals ». « Cette aide est vraiment importante. Elle a permis à pas mal de films de voir le jour », louent de leur côté les auteurs. Parmi ces films, « certains restent dans le cadre associatif et d’autres rejoignent un circuit de diffusion plus classique, au sein d’une chaîne ou en salles », en particulier pour le documentaire, se félicitent-ils. Indépendamment du cheminement, l’important est que le film trouve des fenêtres de diffusion, quelles qu’elles soient, estime pour sa part le service culture de la Région.
En parallèle du fonds de soutien régional, Les Petites Caméras offre un accompagnement complémentaire aux créateurs, avec des ateliers de réalisation ainsi qu’une résidence d’écriture de films documentaires, qui accueillent quatre auteurs et autrices par an, confirmés ou débutants. L’association apporte en outre une soutien à la production, étant devenue depuis plusieurs années une association de production de films associatifs. Concernant cette fois le Parcours Nouveaux talents, dispositif d’accompagnement à l’écriture national mis en place par le CNC et encadré par l’Aparr, à l’échelle de la région Bourgogne-Franche-Comté, il ne concerne que le court métrage de fiction.
Les auteurs et les autrices font également valoir la dynamique en termes de diffusion des films sur leur territoire. A titre d’exemple, le dispositif Docs ici, Courts là, soutenu par la région, la Drac et le CNC, et coordonné par l’Aparr, offre depuis 2012 un catalogue composé aujourd’hui de plus de 150 titres de documentaires et de courts métrages. Celui-ci est accessible à tous les types de structures (hôpitaux, Ehpad, établissements scolaires, festivals…) pour des séances non commerciales ou privées, grâce à des tarifs préférentiels, négociés en amont avec les ayants droit. L’objectif est aussi de donner une seconde vie aux films en fin de période d’exploitation.
Dans un autre ordre d’idées, les Archives départementales de la Côte-d’Or, à Dijon, se sont dotées au printemps 2024 d’un service dédié aux archives audiovisuelles, à l’instar d’initiatives semblables dans d’autres territoires, ou ponctuelles, en région Bourgogne-Franche-Comté. Le service audiovisuel des Archives de la Côte-d’Or, distinct de la Cinémathèque de Bourgogne-Jean Douchet, située dans la même ville, vise à répertorier et numériser aussi bien des films de famille et institutionnels que des productions de réalisateurs ou de cinéastes amateurs locaux qui, tous, « constituent une part essentielle du patrimoine côte-d’orien », dépeint le site. Il invite à déposer ses films, pour contribuer à préserver une mémoire menacée de « disparaître à jamais » avec l’obsolescence des supports ». Ce fonds est en outre « très intéressant pour les auteurs et les cinéastes de documentaire souvent en quête d’archives. Ces films amateurs contiennent parfois des trésors, d’autant plus précieux que les archives Pathé-Gaumont ont été largement essorées », exposent les auteurs de l’Aparr.
Écrire et réaliser des documentaires est, par nature, un métier d’endurance où la roue tourne, mais encore faut-il pour pouvoir bénéficier du moment où la roue vous est favorable, avoir les moyens financiers de subsister.
Les auteurs de l'Aparr
Dans un contexte général d’austérité pour les finances publiques, la stabilité du budget alloué à la culture par la Région Bourgogne-Franche-Comté, en 2025, est un autre des points à mettre au crédit de la collectivité. « Le budget primitif se compose de 19 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE, dédiés au fonctionnement, pour les festivals et les associations par exemple) et de 6,7 millions d’euros en autorisations de programme (AP, pour l’investissement, dont relève le fonds d’aide, pour rappel, en dehors de l’aide à l’écriture qui est versée à des particuliers) », détaille le service culture. « Il s’agit des montants qui pourraient être affectés cette année [2025] sachant que parallèlement la Région vote des crédits de fonctionnement et d’investissement pour couvrir les autorisations d’engagement et de programme », précise-t-il aussi, avec toutes les précautions d’usage tant que l’année n’est pas terminée.
S’agissant du cinéma et de l’audiovisuel, ces crédits s’établissent « potentiellement à 410 000 euros en AE ainsi que 2 millions d’euros en AP », une enveloppe là encore stable sur un an. La subvention annuelle de fonctionnement attribuée par la Région à l’Aparr, « en tant que structure ressource pour la filière », n’a pas bougé non plus entre 2024 et 2025, à 110 000 euros annuels sur un budget réalisé de 169 204 euros, en 2024. Ce budget réalisé a également bénéficié d’une aide directe du CNC de 50 000 euros.
Rappelons que plusieurs Régions ont opéré des coupes drastiques dans leurs budgets de fonctionnement en 2025, comme dans les Pays de la Loire, où le conseil régional a supprimé, entre autres, la subvention attribuée à La Plateforme, l’association qui regroupe tous les professionnels de la culture sur le territoire.
Pour 2026, il faudra attendre, sur le plan national, le projet de loi de finances, mais aussi de connaître, au niveau local, les orientations du nouveau président de la Région Bourgogne-Franche-Comté, Jérôme Durain (PS), élu le 5 septembre dernier, à la suite de la démission de Marie-Guite Dufay (PS) avant la fin de son mandat. La situation actuelle laisse toutefois entrevoir peu de marge pour des changements dans le fonds de soutien, à l’occasion notamment de la nouvelle convention de coopération triennale (2026-2028), et dans la continuité du travail mené, à l’été 2023, avec les professionnels, en vue d’un nouveau règlement et d’une évolution des aides. Ce travail n’a pas abouti à ce stade et « ce n’est pas à l’ordre du jour. Nous sommes – à l’échelle nationale et régionale – dans une période d’incertitudes où nous allons déjà prioritairement tenter de préserver les dispositifs existants », expose le service culture de la collectivité.
A l’époque, la réflexion avait notamment porté sur une aide groupée en développement, sous forme de « slate », c’est à dire un catalogue de programmes par société. Ce soutien permettrait de « compenser la périodicité des sessions pour les dispositifs existants au nombre de deux par an seulement », rappellent les producteurs et les productrices de l’Aparr. Le collège considère en outre qu’il manque toujours, dans le fonds de soutien, une aide au déplacement pour les sociétés de production dont « l’économie précaire et la trésorerie très serrée » les empêchent parfois de se déplacer, sur un marché ou un festival. Les auteurs et les autrices sont, eux, favorables à un dispositif semblable au parcours d’auteur, initié par le CNC pour accompagner un professionnel sur un ou plusieurs projets, et dont le modèle a été dupliqué dans certaines régions, comme en Centre-Val de Loire.
Écrire et réaliser des documentaires est, « par nature, un métier d’endurance où la roue tourne, mais encore faut-il pour pouvoir bénéficier du moment où la roue vous est favorable, avoir les moyens financiers de subsister », rappellent les auteurs et les autrices de l’Aparr. Si tous les projets ne peuvent pas aboutir, certes, ils identifient des améliorations possibles afin « d’éviter que les porteurs de projet perdent une énergie démesurée dans des démarches » pouvant « se révéler stériles et handicapantes, comme ne pas recevoir de réponse ou ne pas connaître les motivations d’un refus ». Cela vaut en particulier pour l’antenne régionale de France 3 pour laquelle les auteurs et les autrices réclament « davantage de transparence à la fois sur le positionnement éditorial et sur la manière dont sont choisis les projets ». Savoir permet « d’avancer » et « l’énergie déployée à se bagarrer pour chaque projet, fut-il sur des rails, est souvent perdue au détriment du projet artistique », regrettent-ils.
Ces focus sont circonscrits au seul documentaire audiovisuel (donc hors court et long métrage). Ils proposent une photographie quantitative et qualitative de chaque région, à travers la parole des auteurs-réalisateurs et autrices-réalisatrices qui vivent et travaillent dans ces territoires. S’y expriment également les points de vue des autres acteurs animant ces filières régionales.
Les chiffres clés relatifs à la région Bourgogne-Franche-Comté sont issus des données collectées par l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire pour le Panorama des interventions territoriales en faveur du cinéma et de l’audiovisuel publié chaque année, dans le cadre de sa convention de coopération triennale État-région-CNC. Le périmètre des collectivités est identique à celui du Panorama, qui prend en compte la région, les départements, les eurométropoles, les métropoles et les villes, s’il y a lieu. De la même manière, les statistiques se concentrent sur les aides délivrées par la région, le premier niveau d’intervention. Les investissements de la région agrègent ceux octroyés via le ou les contrats d’objectifs et de moyens signés entre la collectivité et le ou les diffuseurs, quand ils existent. Les statistiques autres que celles de Ciclic qui pourraient être citées sont dans tous les cas sourcées.
Remerciements : Pauline Martin et Pierre Dallois à l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire, les auteurs et les autrices de la Boucle documentaire.
En région Pays de la Loire, 9e volet de la série Territoires et Création, les auteurs et les autrices de documentaire font face à une situation inédite. En décembre 2024, les coupes drastiques opérées par la collectivité territoriale dans le budget alloué à la culture en 2025 sont venues fragiliser une filière locale déjà affaiblie par l’absence d’aide à l’écriture dans le fonds d’aide à la création régional, un cas unique en France.
En 2024, le conseil régional des Pays de la Loire a alloué à la création audiovisuelle et cinématographique une enveloppe de 3 055 000 euros dans 87 projets. Le documentaire audiovisuel capte 17% du budget (506 500 euros) et 32% des projets (28). Le soutien est concentré à l’étape de la production (61% du nombre d’aides et 85% du montant), suivie du développement (39% des projets et 15% de l’enveloppe). Aucune aide à l’écriture n’a été accordée en l’absence, historique, de dispositif dédié dans le fonds de soutien régional.
3 055 000 €
aide à la création
Malgré une mobilisation nationale massive des artistes et des professionnels de la culture, le conseil régional des Pays de la Loire a adopté, le 20 décembre 2024, un budget 2025 qui entérine un plan d’économies de 100 millions d’euros d’ici 2028, dont 82 millions d’euros dès cette année, et des coupes à hauteur de 62 % notamment dans la culture. Il prévoit également le non-renouvellement de 100 postes au sein des directions de la collectivité, soit 10% des effectifs, d’ici cette même échéance de 2028 qui correspond à la fin du mandat de Christelle Morançais, la présidente Horizons de la région. Il s’agit d’un « budget d’économies, de choix politiques forts pour l’avenir et de recentrage sur nos compétences prioritaires », s’est félicitée l’élue.
Face à la baisse des dotations de l’Etat, la collectivité n’est pas la seule à tailler dans les subventions culturelles mais elle se distingue par l’ampleur inédite de ses coupes, alors que l’effort budgétaire demandé aux collectivités locales dans la loi de finances pour 2025 a été ramené à 2,2 milliards d’euros. Son montant s’élevait à 5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances présenté à l’automne 2024 par le précédent gouvernement.
Pour autant, la Région Pays de la Loire a maintenu sa volonté de réduire la voilure en termes de dépenses publiques. Le budget 2025 voté par l’Assemblée nationale, comme la situation de la France, sont « catastrophiques » et « la poussière que certains ont voulu mettre sous le tapis » finira par réapparaître « de manière encore plus violente », expliquait à la Scam Alexandre Thébault, conseiller délégué à la culture et au patrimoine des Pays de la Loire, avant que le gouvernement n’annonce un nouvel effort de 40 milliards d’euros dans la dépense de l’Etat en 2026, en ciblant notamment les collectivités locales.
Le virage opéré par le territoire intervient dans une région déjà sensible pour les professionnels de l’audiovisuel et du cinéma qui y sont implantés. Celle-ci est la seule en France dont le fonds de soutien à la création cinématographique et audiovisuelle ne propose aucune aide à l’écriture, qu’elle soit directe ou indirecte. Ses aides sont concentrées sur le développement et la production ayant pour bénéficiaires les sociétés de production. Cette situation, historique, perdure, malgré les multiples demandes portées collectivement par la filière, comme encore récemment.
Sur le territoire, où des signes avant-coureurs avaient alerté sur le risque d’un plan d’économies, son ampleur a provoqué un « vrai tremblement de terre », la « sidération », résume le Bureau des auteurs et des autrices au sein de La Plateforme qui, depuis 2013, regroupe la filière du cinéma et de l’audiovisuel de la région dans son ensemble et tous genres confondus et oeuvre à sa structuration. La Plateforme, qui recense près de 300 adhérents, est l’un des six pôles culturels des Pays de la Loire, des associations soutenues depuis leur création par le conseil régional, la Drac ou d’autres collectivités sur le territoire. En parallèle, l’Adéfi, l’association pour le développement de la fiction, créée en 2007, revendiquait, en 2024, 129 membres professionnels du cinéma, de l’audiovisuel et du numérique, dans la région.
« Au-delà même de notre filière du cinéma et de l’audiovisuel, ces coupes budgétaires ont touché de nombreuses structures, notamment dans le sport ou le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes, avec le Planning familial par exemple, mais aussi des missions locales. Elles soulèvent la question même du projet de société voulue par la région », soulèvent les auteurs et les autrices. « L’impact sur la culture est global », relève de son côté le Bureau des producteurs et des productrices de La Plateforme. « On est dans un écosystème, donc tous un peu liés les uns aux autres : le cinéma et l’audiovisuel au spectacle vivant, lui-même lié aux arts visuels. Certains métiers, comme les techniciens, peuvent travailler pour ces différents secteurs ».
L’aide à l’écriture, c’est de l’argent qui permet notamment de faire des repérages et nous octroie du temps, sans que l’on ait besoin de travailler dans un restaurant pour gagner sa vie. Ne pas y avoir accès complique le fait de pouvoir vivre du travail d’auteur ou d’autrice.
Le Bureau des auteurs et des autrices
Le plan d’économies adopté par le conseil régional porte sur les budgets dits de fonctionnement. S’agissant du seul secteur du cinéma et de l’audiovisuel, il concerne pour l’instant les subventions allouées par la région aux festivals, nombreux sur le territoire : Premiers Plans à Angers, le Festival des 3 Continents à Nantes, le Festival du film de La Roche-sur-Yon, ou encore le Festival du film du Croisic. La Plateforme, pilier stratégique des professionnels sur le territoire, est également touchée de plein fouet avec une subvention divisée par deux en 2025 avant un désengagement total en 2026, mesure qui concerne l’ensemble des six pôles culturels de la région.
L’apport de la collectivité représente environ 41% du budget global de La Plateforme et 71% de sa masse salariale. Cette subvention est complétée par un abondement annuel du CNC de 15 000 euros pour le parcours d’auteur et d’autrice, dans le cadre de la convention de coopération triennale entre la région, la Drac et le CNC. Cette formation à l’écriture filmique, soutenue financièrement par la Scam, a été créée par La Plateforme il y a huit ans, pour répondre à l’absence d’aide à l’écriture dans le fonds de soutien de la région sans que les professionnels renoncent cependant à celle-ci.
Déployée sur six mois, l’aide au parcours d’auteur bénéficie chaque année à 10 auteurs ou autrices (cinq de documentaire et cinq de fiction) pour « développer et approfondir leur travail d’écriture, diversifier et renforcer leur réseau professionnel grâce à des rencontres avec des acteurs du secteur », décrit la présentation. Encadré par deux tuteurs ou tutrices, le soutien combine deux semaines de formation et une semaine de résidence ainsi que plusieurs rendez-vous individuels. Il se clôture par un exercice de pitch.
Par ailleurs, l’aide au développement de structures de production régionales, attribuée une fois par an par la région pour consolider les sociétés existantes et favoriser l’implantation de nouvelles, a déjà disparu. A l’automne 2024, des producteurs qui avaient reçu un avis favorable de la part des services du conseil régional, à l’issue de la tenue du comité, ont été finalement informés que les subventions ne seraient pas versées dans « un cadre budgétaire contraint inédit dès la fin de l’exercice 2024 », pour « raisons d’écritures comptables », explique la région. Le dispositif, décisif pour ses bénéficiaires, ne figurait pas dans la convention de coopération triennale signée entre l’Etat, le CNC et la région, conclue jusqu’à la fin de l’année 2025.
Le fonds d’aide à la création cinématographique, audiovisuelle et numérique de la région relève quant à lui des budgets d’investissements qui ne sont pas, pour l’heure, touchés par les coupes. Celui-ci est « préservé pour 2025 à hauteur de 3,1 millions d’euros », dont un abondement du CNC de 610 000 euros, en plus des 2,5 millions d’euros apportés par la collectivité », détaille Alexandre Thébault. Après avoir déjà « considérablement augmenté » sous le mandat de Christelle Morançais, l’enveloppe progresse de 100 000 euros sur un an.
L’objectif du conseil régional est de « pouvoir financer toutes les expressions artistiques issues du secteur audiovisuel et cinématographique », expose l’élu, alors que la collectivité met très en avant les tournages en prises de vues réelles dans sa stratégie d’investissements dans l’industrie. En témoigne le clip « Pays de la Loire, terre de cinéma », dont le slogan reflète l’ambition de la présidente de région dans ce domaine. « Les documentaires ont toute leur place dans l’étude des projets que nous accompagnons », affirme Alexandre Thébault. Il rappelle le nombre significatif de projets aidés chaque année (28 en 2024, soit 32% du volume total, cf.encadré chiffres), pour un « numéraire forcément moindre parce que le documentaire coûte beaucoup moins cher [à fabriquer] ».
Dans la nouvelle équation économique, La Plateforme « peut vivre jusqu’à décembre 2025, janvier 2026 au plus tard », estime le Bureau des auteurs et des autrices. Son budget prévisionnel s’établit à 225 000 euros en 2025, et une partie des 50% manquants, du fait de la suppression de la subvention régionale, a été compensée par les recettes des formations dispensées par l’association. Ce budget révisé implique toutefois le départ d’un des trois salariés, dès le mois de mai, entraînant le gel de certaines opérations du pôle, comme La Grande Tournée qui permet de faire circuler sur le territoire des films réalisés ou produits en région.
L’édition 2025 du parcours d’auteur a en revanche été maintenue, afin de ne pas pénaliser les bénéficiaires du seul dispositif à destination des auteurs et des autrices sur le territoire. Ce soutien est toutefois « menacé de disparition en 2026 », prévient La Plateforme, alors qu’il constitue « l’un des projets phares » de l’association dont il « résume bien [les] valeurs et l’ambition collective : fédérer, accompagner, valoriser, représenter ». Le dispositif a permis en outre d’impulser de nombreux films dont certains ont trouvé leur place sur les chaînes nationales, comme sur Arte récemment, met en avant les Bureau des auteurs et des autrices.
Aujourd’hui, la question est de savoir « comment porter cette association de La Plateforme avec un effectif de salariés réduit », s’interrogent les professionnels. La majeure partie des adhérents, partisane de pérenniser la structure, défend la volonté « de réécrire un nouveau projet », avec des nouveaux partenaires et les contributions renforcées de ceux qui la soutiennent déjà. Actuellement, le pôle bénéficie du soutien financier d’autres collectivités, dont les villes de Nantes, Sablé-sur-Sarthe ou La Bernerie-en-Retz. Un échange est en cours sur les modalités des collaborations futures avec le département de Loire-Atlantique dont le soutien est supprimé en 2025.
« On travaille sur des perspectives de coopérations renforcées avec les réseaux ligériens et au-delà, tels l’Adéfi, la Cité du Film Le Mans (Sarthe), Atmosphère 53 (Mayenne), Films en Bretagne, Ciclic, la Boucle documentaire », détaille La Plateforme, reçue notamment par la Métropole de Nantes, en attendant de l’être par le CNC. « Mais surtout, nous organisons des rendez-vous tous les 15 jours avec l’ensemble des pôles culturels des Pays de la Loire pour écrire un projet commun autour de la culture et faire front face à l’austérité ». L’objectif est aussi de pouvoir « mutualiser certaines tâches (communication, administration, déplacements…) », décrit l’association.
L’enjeu, pour les professionnels, est de préserver l’écosystème qui a été construit depuis plus de dix ans et qui a permis la montée en compétences de la filière. Il s’agit « de montrer qu’on reste un acteur du territoire » et de « continuer à soutenir la création, les talents, la diffusion, indépendamment de la région », considère le Bureau des auteurs et des autrices. Il s’agit aussi d’enrayer les tentations de certains de quitter une région où la filière locale serait encore moins soutenue qu’auparavant, au profit, par exemple, des voisins plus séduisants de la Bretagne ou du Centre-Val de Loire, par ailleurs liés aux Pays de la Loire par des actions interrégionales.
Le « nouveau projet » de La Plateforme doit être présenté en juin 2025 lors de l’assemblée générale annuelle où le nom de l’association devrait notamment être « questionné », indique le Bureau des auteurs et des autrices. « On souhaite s’inscrire dans la continuité de La Plateforme, avec un projet recentré, plus indépendant », et forcément impacté par les coupes budgétaires. En cette « période de reconfiguration des financements publics », l’objectif est de « réaffirmer notre rôle structurant sur l’ensemble des Pays de la Loire » avec toutefois cette interrogation : « comment travailler l’ancrage territorial, auquel nous tenons profondément, alors que la région ne nous soutient plus ? », se demandent les auteurs et les autrices.
Au-delà de La Plateforme, des licenciements sont à prévoir dans des structures culturelles ; des sociétés de production et des festivals sont fragilisés ; des actions d’éducation à l’image en suspens. Cela ne présage rien de très rassurant quant à l’avenir de la culture en France. Et en même temps, on ne peut pas se permettre de baisser les bras.
Le Bureau des auteurs et des autrices
Le vote du budget 2025, avec les urgences qui sont apparues, a mis « entre parenthèses » la demande d’une aide à l’écriture adossée au fonds de soutien encore récemment réitérée par La Plateforme et l’Adéfi. Leur dernière proposition portait sur une aide directe aux auteurs et aux autrices, assortie d’un tutorat. « On espère un jour pouvoir rouvrir le dossier. Il est primordial de faire naître un projet sur le territoire », considère le Bureau des auteurs et des autrices de La Plateforme qui a toujours considéré le parcours d’auteur comme n’étant « pas suffisant », compte tenu du peu de personnes aidées chaque année. « L’aide à l’écriture, c’est de l’argent qui permet notamment de faire des repérages et nous octroie du temps, sans que l’on ait besoin de travailler dans un restaurant pour gagner sa vie », expose le Bureau des auteurs et des autrices. Ne pas y avoir accès « complique le fait de pouvoir vivre du travail d’auteur ou d’autrice », précise-t-il aussi, en relevant que nombre d’entre eux sont aussi techniciens, pour subvenir à leurs besoins.
L’absence d’aide à l’écriture signifie « une précarité absolue des auteurs qui sont toujours un peu le maillon faible de la création. Et nous, nous sommes dans une région qui porte très peu d’intérêt à cet endroit-là, alors que c’est le premier maillon de la filière », observe de son côté le Bureau des producteurs et des productrices de La Plateforme. « En tant que producteur, cela se traduit par des projets qui nous arrivent encore très en amont, sur lesquels il n’y a généralement pas eu suffisamment de temps de travail, faute de financement, ce qui retarde leur entrée en production ».
Dans les échanges avec le CNC pour la prochaine convention de coopération triennale (2026-2028), « nous avons à cœur de pouvoir consolider ce que nous avons réussi et qui s’incarne en particulier par l’augmentation des jours de tournage et des répercussions économiques, notamment en termes d’emploi pour la filière cinématographique et audiovisuelle locale », expose Alexandre Thébault. Mais s’agissant de la mise en place d’une aide à l’écriture, « on ne pourra pas ouvrir ce chantier », ni en 2025, ni « jusqu’à la fin du mandat [de Christelle Morançais] », prévient néanmoins l’élu. « La pertinence de cette demande, reçue très positivement à mon élection [en juin 2021], n’est pas à remettre en cause. Elle semble à la fois nécessaire et positive dans le cadre du dynamisme d’une filière. Les discussions allaient s’ouvrir, sauf que la situation a changé de manière radicale et que nous ne sommes plus en mesure d’y répondre », avance le conseiller régional. Les auteurs et les producteurs évoquent de leur côté une ouverture sur le sujet certes exprimée par la région, mais des demandes de rendez-vous ensuite sans cesse différées qui n’ont pas permis la concrétisation d’un dispositif dédié.
28 aides
à la création
en 2024 pour le documentaire
432 K€
au stade de la
production
74,5 K€
au stade du
développement
Pour la filière documentaire locale, le tournant actuel pris par la collectivité n’a fait que renforcer le sentiment, antérieur à décembre 2024, d’être « peu soutenue » par celle-ci. Outre l’absence d’aide à l’écriture, les professionnels pointent l’effectif des services en charge de l’audiovisuel et du cinéma au sein de la région, parmi les plus petits de l’Hexagone, ainsi que la faiblesse des derniers contrats d’objectifs et de moyens (COM) sur le territoire. Jusqu’en 2024, la région en recensait cinq, signés avec les chaînes locales TéléNantes, Le Mans Télévision (LMTV), Angers Télévision, Canal Cholet et TV Vendée. Ces COM, financés par une subvention régionale de 200 000 euros, n’étaient ni fléchés vers des programmes patrimoniaux, ni abondés par le CNC. Ils servaient en réalité des objectifs de communication et consistaient principalement à des aides au fonctionnement aux télédiffuseurs, relève un observateur. Les COM ont été « supprimés en 2025, dans le contexte plus général de retrait de la région sur de nombreux sujets », précise la collectivité.
L’antenne de France 3 Pays de la Loire a jusque-là constitué à peu près le « seul atout » de la région, mentionne le Bureau des auteurs et des autrices de La Plateforme en louant le travail effectué par Olivier Brumelot, délégué à l’antenne et aux programmes de la chaîne, qui a fait valoir ses droits à la retraite, le 1er avril dernier. Celui-ci était également responsable de la coordination des documentaires régionaux au sein de France Télévisions depuis 2022. Ce « passionné de documentaire, ouvert à des écritures moins formatées, a joué un rôle majeur dans le paysage ligérien auquel il a beaucoup apporté », depuis son arrivée à France 3 Pays de la Loire, début 2017, estiment les professionnels. Son engagement a permis « d’une certaine façon de contrebalancer l’absence de soutien aux auteurs de la région », en favorisant l’émergence de jeunes auteurs et autrices et en contribuant à diversifier le tissu des producteurs de la région. Aussi le départ d’Olivier Brumelot, actuellement remplacé par intérim, soulève des questions pour la suite. La procédure d’appel à candidatures pour son poste sera lancée en juin, a précisé le réseau régional de France 3 à la Scam.
Sur le plan technique, France 3 Pays de la Loire ne disposant pas de moyens internes de fabrication (réunis sous l’appellation La Fabrique), les auteurs et les autrices ligériens qui travaillent pour la chaîne sont contraints d’aller monter leurs films dans les France 3 où un créneau est disponible. Cela peut être à Paris, Lille, Bordeaux, ce qui alourdit le bilan carbone de la production, et son coût financier, regrette le Bureau de La Plateforme.
Enfin, dans le contexte politique actuel, ce dernier évoque sa crainte, partagée avec les producteurs et les productrices, « d’une reprise en main politique sur les films » qui sollicitent une aide de la région. « Des élus ont déjà voté contre l’avis du comité de lecture, à l’unanimité, de soutenir un projet », rappellent les professionnels. Ce fut le cas notamment avec deux documentaires relatifs à Notre-Dame-des-Landes, dont celui de Thibault Férié (Notre-Dame-des-Landes, la reconquête, produit par Point du Jour), en 2019, pour France 3, ainsi que la presse l’avait relayé à l’époque des faits. En 1998, un projet de court métrage de fiction de Sébastien Lifshitz sur l’homosexualité avait in fine été refusé par la commission des affaires culturelles du conseil régional des Pays de la Loire alors présidée par Bruno Retailleau, qui a créé le fonds d’aide à la création de la région en 1986. « Nous aurions fait de même s’il s’était agi d’un amour entre un homme et une femme », avait alors affirmé l’actuel ministre de l’Intérieur, évoquant « un film quasi pornographique » selon les propos rapportés par Le Monde.
Plus récemment, le groupe écologiste du conseil régional a dénoncé une aide à la production de la collectivité de 200 000 euros pour le long métrage de fiction de Vaincre ou mourir de Paul Mignot et Vincent Mottez, sorti en 2023, qui retrace l’épopée du général De Charette pendant les guerres de Vendée. Premier opus de Puy du Fou Films, il a été produit par Nicolas de Villiers via la nouvelle entité de production audiovisuelle du groupe qui détient le célèbre parc à thème créé par son père, Philippe de Villiers.
En l’espèce, « l’ingérence, ou l’intolérance », sont venues d’un « certain bord très politisé » et d’une « certaine presse bien-pensante », n’ayant qui plus est « pas accès au dossier artistique du projet », déplore Alexandre Thébault. « Le simple fait que ce soit le Puy du Fou a généré une bronca », poursuit-il, évoquant « un jeu de dupes. Lui préfère se réjouir de cette « nouvelle boîte de production qui émerge, et pas des moindres, étant adossée à un parc qui compte parmi les plus connus au monde ». Plus largement, l’élu rappelle qu’en région Pays de la Loire, les décisions quant aux projets soutenus « sont prises souverainement, puisqu’au bout du bout, c’est toujours un vote [des élus] qui sanctionne ces décisions arbitrées avec l’éclairage des comités d’experts ».
En attendant l’assemblée générale de juin qui décidera de l’avenir de La Plateforme, les professionnels font état d’un « état d’esprit [qui] oscille entre lucidité et détermination » dans une « situation difficile » où « les coupes budgétaires régionales ont un impact réel sur notre écosystème ». « Au-delà de La Plateforme, des licenciements sont à prévoir dans des structures culturelles, des sociétés de production et des festivals sont fragilisées, des actions d’éducation à l’image en suspens. Cela ne présage rien de très rassurant quant à l’avenir de la culture en France. Et en même temps, on ne peut pas se permettre de baisser les bras », constate le Bureau des auteurs et des autrices.
Après la sidération, l’heure est à la remobilisation chez les adhérents de l’association. « On sent une énergie qui revient, portée par une envie de défendre ensemble un projet commun », observent les professionnels. Pour autant, « nous ne voulons pas faire comme si rien ne s’était passé. Il nous faudra notamment continuer à recueillir des informations factuelles sur l’impact socio-économique des coupes budgétaires et démontrer ses répercussions concernant l’égalité des territoires ». C’est aussi « dans ces contextes fragiles que peuvent émerger les projets les plus nécessaires, ceux qui rassemblent, donnent du sens, redonnent de l’élan et défendent la diversité culturelle aujourd’hui menacée. C’est ce que nous espérons construire, collectivement », avancent-ils.
Ces focus sont circonscrits au seul documentaire audiovisuel (donc hors court et long métrage). Ils proposent une photographie quantitative et qualitative de chaque région, à travers la parole des auteurs-réalisateurs et autrices-réalisatrices qui vivent et travaillent dans ces territoires. S’y expriment également les points de vue des autres acteurs animant ces filières régionales.
Les chiffres clés relatifs à la région Pays de la Loire sont issus des données collectées par l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire pour le Panorama des interventions territoriales en faveur du cinéma et de l’audiovisuel publié chaque année, dans le cadre de sa convention de coopération triennale État-région-CNC. Le périmètre des collectivités est identique à celui du Panorama, qui prend en compte la région, les départements, les eurométropoles, les métropoles et les villes, s’il y a lieu. De la même manière, les statistiques se concentrent sur les aides délivrées par la région, le premier niveau d’intervention. Les investissements de la région agrègent ceux octroyés via le ou les contrats d’objectifs et de moyens signés entre la collectivité et le ou les diffuseurs, quand ils existent. Les statistiques autres que celles de Ciclic qui pourraient être citées sont dans tous les cas sourcées.
Remerciements : Pauline Martin et Pierre Dallois à l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire, les auteurs et les autrices de la Boucle documentaire.
La Scam poursuit avec la journaliste Emmanuelle Miquet son tour de France par territoire. Rendez-vous dans la région Île-de-France qui se distingue par de nombreuses particularités : depuis l’aide à l’écriture attribuée en contrepartie d’ateliers-rencontres pour les auteurs et les autrices, jusqu’à l’absence d’aide au développement, ou de contrat d’objectifs et de moyens, qui sont au cœur des revendications des professionnels.
Sur le haut du podium en 2022, comme les années précédentes, forte d’un fonds d’aide à la création d’un total de 18 882 500 d’euros, la région Île-de-France est aussi la première contributrice au documentaire audiovisuel avec 1 924 000 euros. Ce montant ne représente toutefois que 10 % du budget total, soit le pourcentage le plus faible dans l’Hexagone, juste derrière la Nouvelle-Aquitaine (11 %). Il est délivré par le seul conseil régional, les autres collectivités actives sur le territoire – la ville de Paris et le département de Seine-Saint-Denis – n’ayant pas octroyé de subventions au genre. En 2022, l’enveloppe a été répartie sur 30 aides (17 % du total) dont 29 au stade de la production et une seule en phase d’écriture, pour un montant de 10 000 euros. Il s’agissait d’une année où « moins de projets avaient été retenus par le comité de lecture », explique la région, soulignant qu’en 2021, cinq aides à l’écriture de scénario avaient été attribuées et que sept l’ont été en 2023.
18 882 500 €
aide à la création
Si toutes les régions ont, par définition, leurs caractéristiques, l’Île-de-France cumule à elle seule plusieurs spécificités créant une situation qu’une partie des professionnels du documentaire audiovisuel y résidant jugent perfectible, en premier lieu les auteurs et les autrices. Dans ce territoire à la dimension à la fois régionale et nationale, première singularité – les chaînes nationales et de nombreuses sociétés de production étant implantées à Paris et en Île-de-France – les aides à l’écriture du fonds de soutien à la création ont, deuxième spécificité, un fonctionnement à part. « Par rapport à nos camarades des autres régions, elles sont très bien dotées, mais le problème est qu’il existe une contrepartie d’ateliers qui n’a quand même rien à voir avec un travail de création et d’écriture » résume Addoc, l’association des cinéastes documentaristes en Île-de-France.
Le montant de la bourse d’aide à l’écriture de scénario, de son appellation précise, versée directement par le conseil régional aux auteurs et autrices débutants et confirmés, est en effet la plus élevée de l’Hexagone avec une fourchette comprise entre 8 000 euros et 18 000 euros, en fonction de la durée de l’œuvre. Pour les documentaristes audiovisuels confirmés, celle-ci doit être « d’au moins 60 minutes », une exigence jugée assez contraignante, pour une aide moyenne de 10 000 euros.
L’attribution de l’aide au candidat ou à la candidate sélectionnée est subordonnée à la tenue d’ateliers-rencontres théoriques ou pratiques autour de la création cinématographique ou artistique (ateliers d’écriture, débat, réalisation …), gratuits. Pour ces ateliers « il n’est pas exigé de lien thématique avec le projet de scénario », décrit le règlement. Destinés à un public non professionnel, ils doivent se dérouler en Île-de-France, au sein d’une structure d’accueil au choix de l’auteur (lycée, bibliothèques, centres pénitentiaires, hôpitaux…) sur une période de 4 à 6 mois. « Sont attendues 24 heures minimum en tout, réparties en plusieurs rencontres régulières, une séance devant durer au moins 1h », est-il également précisé.
« Ces ateliers nous transforment en animateurs. Cela crée une confusion entre création et éducation à l’image, ce que nous aimons beaucoup faire par ailleurs, mais il s’agit de deux choses différentes. Les ‘collisionner’ ainsi dans une aide est problématique et vraiment regrettable par rapport à ce que représente le travail d’écriture et la création dans le documentaire ».
Addoc
L’association « salue » un « allègement du cahier des charges » des ateliers, ces dernières années, notant que la région a été attentive aux critiques des professionnels. Pour autant, « extrêmement chronophages et très lourds » ils ajoutent à la précarité, relève Addoc : « on travaille gratuitement, sans que cela ne nous ouvre des droits sociaux. C’est la double peine ».
« La tenue de cet atelier-rencontre en direction des publics franciliens est le seul critère de territorialité demandé par la Région aux auteurs et aux autrices pour l’aide à l’écriture, alors que d’autres collectivités demandent parfois un lien direct du projet lui-même avec le territoire ou la domiciliation de l’auteur », défend un représentant de la région. « Cette contrepartie s’inscrit aussi dans une logique de transmission et de médiation. Ainsi les Franciliens font la rencontre d’auteurs-artistes », fait-il également valoir. Il rappelle à son tour que « ce dispositif créé en 2012 a évolué depuis l’élection de Valérie Pécresse à la présidence de la Région Île-de-France en 2015, avec l’instauration de deux collèges (débutants et confirmés) et un assouplissement du cahier des charges pour les ateliers-rencontres », comme mentionné par les auteurs.
L’accès à l’aide, octroyée par une commission unique qui réunit tous les genres, le documentaire se retrouvant en compétition avec des projets de fiction et d’animation, est compliqué, y compris dans les modalités du dépôt des dossiers, estiment les auteurs. Contrairement aux autres régions, les inscriptions sont ouvertes « de minuit à minuit », à un jour donné, soit pour une durée de 24 heures. « Comme tout le monde se connecte en même temps, il est fréquent que la plateforme ‘bugge’ et qu’on passe la nuit à essayer de déposer son dossier », relate Addoc.
Un autre point, unique en France, cristallise les critiques : le principe du numerus clausus, instauré par la région, du fait d’un nombre de dépôts en constante augmentation, argue celle-ci. Sa mention a été supprimée depuis peu, informe la collectivité. Désormais, la page de l’aide à l’écriture de scénario sur le site de la région indique : « Attention, suivant le nombre de candidatures reçues pour un collège, il se peut que l’examen de certains dossiers soit reporté à une session ultérieure ». Auparavant, était explicitement évoquée l’application d’un « numerus clausus pour chaque collège (auteurs débutants et auteurs confirmés ». « L’examen des projets inscrits sur la plateforme après atteinte du numerus clausus sera reporté à une session ultérieure », était-il écrit. La suppression du terme signifie-t-elle pour autant l’abandon du principe ou celui-ci devient-il discrétionnaire ? La formulation, floue, laisse planer le doute.
La présence, et le vote, des élus dans les comités d’experts qui sélectionnent les dossiers, est une autre « particularité pour ne pas dire un particularisme » de la région Île-de-France également relevé par Addoc, qui regrette ce fonctionnement au sein du fonds de soutien. Autorisé, il est de fait très rare.
La région francilienne se distingue en outre par l’absence d’aide au développement dans son fonds de soutien, ainsi que de contrat d’objectifs et de moyens (COM) avec les télévisions locales. « Avec d’autres associations de documentaristes et des diffuseurs, on se bat depuis des années pour essayer d’en avoir un. Or, on n’arrive même pas à obtenir un rendez-vous avec la région pour en parler », déplore Addoc. La situation est pour ses membres d’autant moins compréhensible que le territoire affiche un dynamisme notable avec plusieurs chaînes engagées dans le documentaire, comme Télé Bocal, basée à Paris, vià93, à Montreuil, et TV 78, dans les Yvelines, et une évolution récente du paysage, avec les lancements de 20 Minutes TV ou de Figaro TV Ile-de-France, qui pourraient encore faire bouger les lignes.
L’absence de COM, dispositif abondé par la région et le CNC, a un impact très concret sur l’économie des œuvres soutenues par les chaînes locales franciliennes dont l’apport se fait généralement en industrie, et non en cash. « Si on avait un COM, on pourrait apporter un numéraire significatif dans les projets », expose Sylvain Poubelle, cofondateur et directeur de vià93.
Que l’Île-de-France ne soit pas signataire d’un COM, pour lequel la collectivité dit ne jamais avoir été sollicitée, ne l’empêche pas de soutenir des projets adossés aux chaînes locales, parallèlement à ceux destinés à des diffuseurs nationaux, fait-elle remarquer. Car « l’une des spécificités franciliennes est en effet qu’elle concentre les chaînes nationales », rappelle à son tour un représentant de la région, et que celles-ci déposent au même titre que les télévisions locales.
Les bilans des aides à la production audiovisuelles (dénommées par la région fonds de soutien audiovisuel) votées en 2022 et en 2023 – pour des projets qui sont adossés à des diffuseurs, ce qui n’est pas le cas au stade de l’écriture -, traduisent, pour ces deux années-là en tout cas, une présence extrêmement rare d’œuvres associées à des télévisions locales. Selon les données disponibles jusqu’à il y a peu sur le site de la région, 85 projets tous genres confondus ont été soutenus durant cette période, parmi lesquels 52 documentaires (42 unitaires, 10 séries). Trois d’entre eux ont été accompagnés par des chaînes locales, soit moins de 6% : deux destinés à vià93 et un à France 3 Île-de-France. Les autres documentaires sélectionnés étaient majoritairement destinés à Arte et France Télévisions.
Pour Addoc, les aides attribuées par la région Île-de-France « ne reflètent pas le secteur du documentaire de création ». À part de rares exceptions, elles sont « généralement fléchées à destination de films qui ont une ambition économique et celle de faire de l’audience, donc à l’industrie, alors que le propre des cinéastes de documentaires est de tenter des formes et d’innover ». La région réfute toute discrimination « Les projets diffusés sur les chaînes locales comme sur les chaînes nationales sont éligibles aux aides régionales du fonds de soutien audiovisuel. Les choix sont opérés avant tout selon des critères artistiques et de solidité des projets. C’est tout ce qui compte.
« A coup de cœur égal, les commissions sont aussi assez sensibles aux besoins de financement. Elles vont parfois privilégier un projet qui est plus fragile économiquement »
La région Île-de-France
« Les chaînes locales ne sont absolument pas aidées par la région, que ce soit dans le domaine du documentaire ou dans leur fonctionnement, ce qui était le cas à une époque », constate, quant à lui, Sylvain Poubelle. Elles ont pourtant un rôle prépondérant « dans l’émergence des talents, un rôle de tête chercheuse », poursuit-il, de multiples exemples à l’appui. « Le documentaire La mort de Danton (2011), un film déterminant au début de la carrière d’Alice Diop « a été soutenu à l’époque par TVM Est Parisien, devenue ensuite vià93 », rappelle ainsi son dirigeant. Plus récemment, l’apport en industrie de la chaîne viàGrandParis (depuis rachetée et devenue Le Figaro TV Ile-de-France) a mis le pied à l’étrier à Laetitia Møller, pour son film L’énergie positive des Dieux, sur le processus créatif du groupe de rock Astéréotypie, composé d’autistes, sorti dans les salles après sa diffusion à la télévision.
Autre exemple et non des moindres : la trilogie Edouard mon pote de droite, grand succès de France Télévisions, dans laquelle le réalisateur Laurent Cibien a suivi Edouard Philippe entre 2014 et 2021. « Le premier épisode n’aurait jamais existé sans TVM Est Parisien », se souvient Sylvain Poubelle. Au début du projet, Edouard Philippe n’était pas encore premier Ministre, mais maire du Havre et « absolument pas connu. Aucune chaîne n’a voulu du film produit par la société montreuilloise Lardux Films, avec qui j’ai l’habitude de travailler. Ils sont venus me voir. Je les ai soutenus et le film a pu se monter ».
Le peu de soutien de la région aux documentaires diffusés sur les télévisions locales est « dommageable à la fois pour les sociétés de production, parce que ça fragilise leur plan de financement, dans la mesure où nos chaînes ne peuvent pas leur apporter un soutien en numéraire, pour les chaînes locales dont le travail n’est pas reconnu, et pour les auteurs », conclut Sylvain Poubelle. En tant que diffuseur, lui-même a « toujours été attentif aux premiers et aux deuxièmes films, contribuant ainsi à l’émergence des talents.
La situation francilienne tient en partie à sa double identité régionale / nationale : « Les trois quarts des producteurs se trouvent en Ile-de-France. Il n’y a donc pas un besoin aussi évident de soutenir l’écosystème régional, à l’inverse des autres territoires », observe le directeur de vià93. Quant au COM, « il n’y a pas d’enjeu à en signer. Les projets et les tournages viennent spontanément à la région », s’accordent à dire les professionnels.
La collectivité s’inscrit en faux contre ce tableau. « L’Ile-de-France est la première région à financer le documentaire audiovisuel en France », martèle-t-elle. « Entre 2016 [soit la première année du premier mandat de Valérie Pécresse] et 2023, la Région a soutenu [via le fonds de soutien audiovisuel] 217 documentaires (environ 27 par an) pour un montant total de 11 021 000 euros, et une moyenne annuelle de 1 377 000 euros. L’aide moyenne par documentaire s’établit à 51 000 euros qui s’échelonne en réalité entre 15 000 euros et 100 000 euros », selon le stade où l’œuvre est soutenue et selon la nature du projet, déroule l’Ile-de-France.
Les aides à la production audiovisuelle documentaire de la région sont très structurantes au plan de financement, avec des montants pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros, jusqu’à se substituer parfois à un partenaire, constatent de leur côté les producteurs, avec ce bémol : la contrainte, également, d’un format de 60 minutes minimum. Les investissements franciliens sont toutefois à souligner dans un secteur qui pâtit « d’un sous-financement structurel », tient à rappeler l’Union syndicale de la production audiovisuelle (Uspa), mentionnant que l’apport des diffuseurs dans le budget d’un documentaire se situe « à hauteur de 40-50% quand il peut atteindre jusqu’à 70% pour la fiction ». L’étude de l’Uspa sur le documentaire publié en juin 2022 « mettait en lumière que 8 œuvres sur 9 n’étaient pas amorties au moment des rendus de comptes. En clair, cela signifie une perte d’exploitation pour le producteur », insiste le syndicat.
La stratégie de la région est « de ne pas saupoudrer, en aidant peu, mais mieux », poursuivent les producteurs. Revers de la médaille, les élus sont rares, et les sélectionnés souvent porteurs de projets d’ampleur et internationaux. Le « taux de sélectivité (sur les documentaires recevables, pour le fonds de soutien audiovisuel, donc hors aides à l’écriture) était de 21% en 2022 et de 22% en 2023 », selon les données communiquées par la région. « On est un peu victime de notre succès », commente-t-elle.
30 aides
à la création
en 2022
10 K€
pour l'écriture (Région seule)
2M €
au stade de la
production
Dans ce contexte, l’Uspa plaide pour « maintenir ce financement structurant en aidant davantage de projets », ce qui, mécaniquement, reviendrait à accroître l’enveloppe du fonds de soutien. Le syndicat milite également pour l’ouverture de l’aide à la production audiovisuelle aux œuvres numériques (destinées par exemple à france.tv /slash ou arte.tv), aujourd’hui réservée à la fiction et à l’animation. « C’est très important car ces œuvres sont un moyen de toucher un nouveau public, d’innover dans les écritures et de faire naître de nouveaux talents. On regrette que la région Ile-de-France ne participe pas à ce mouvement », précise l’Uspa qui demande également l’extension de l’aide aux services de médias audiovisuels à la demande, dits Smad. Le fait qu’ils ne soient pas éligibles va à rebours « de l’évolution générale », avec l’intégration des plateformes étrangères dans l’écosystème français, via le décret Smad, en vigueur depuis le 1er juillet 2021, qui encadre les obligations de production des plateformes étrangères.
Le SPI, qui rejoint l’Uspa sur la demande d’ouverture du fonds de soutien au numérique, pour intégrer les nouveaux modes de récits immersifs, par exemple, identifie d’autres « angles morts ». Il pointe l’absence d’aide au développement, qui n’a jamais existé dans le fonds de soutien francilien, alors qu’il s’agit pourtant d’une « phase cruciale, pour le producteur et pour l’auteur », ainsi que d’une aide à l’industrie destinée aux producteurs installés en Ile-de-France. Pourtant, leurs coûts, comme les loyers, y sont plus élevés qu’ailleurs, souligne le syndicat. Une question reste posée, relève une productrice. « Y-aura-t-il demain un mandat qui proposera un soutien en adéquation avec l’évolution de l’industrie et les objectifs de celle-ci, qui sont aussi les nôtres ? », interroge-t-elle considérant qu’il existe « deux façons d’avoir une politique culturelle. Soit on attend que les projets viennent à soi, soit on initie des choses. »
Dans l’environnement économique contraint actuel, l’heure n’est pas à la hausse du budget, réagit la région aux différentes revendications. « Nous avons déjà la chance qu’il ait été maintenu, voire qu’il ait progressé, selon les années. On ne pourra pas élargir à l’infini les dispositifs et aller au-delà de ce que nous faisons, sachant que l’on fait plus que les autres », réaffirme la collectivité. Elle met en avant « l’exception culturelle francilienne », de par la hauteur de ses investissements, qui sont le fruit de la « seule volonté politique de l’exécutif ».
Une meilleure attention aux auteurs et aux autrices, grâce à un dispositif d’aide à l’écriture sans contrepartie, ainsi qu’aux documentaires de création, avec la signature d’un COM, permettrait déjà de rééquilibrer la politique actuelle, estime de son côté Addoc. L’association rappelle à son tour le vivier de créateurs et créatrices qui existe sur le territoire francilien. Un soutien mieux orienté concourrait à le valoriser.
Ces focus sont circonscrits au seul documentaire audiovisuel (donc hors court et long métrage). Ils proposent une photographie quantitative et qualitative de chaque région, à travers la parole des auteurs-réalisateurs et autrices-réalisatrices qui vivent et travaillent dans ces territoires. S’y expriment également les points de vue des autres acteurs animant ces filières régionales.
Les chiffres clés relatifs à la région Ile-de-France sont issus des données collectées par l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire pour le Panorama des interventions territoriales en faveur du cinéma et de l’audiovisuel publié chaque année, dans le cadre de sa convention de coopération triennale État-région-CNC. Le périmètre des collectivités est identique à celui du Panorama, qui prend en compte la région, les départements, les eurométropoles, les métropoles et les villes, s’il y a lieu. De la même manière, les statistiques se concentrent sur les aides délivrées par la région, le premier niveau d’intervention. Les investissements de la région agrègent ceux octroyés via le ou les contrats d’objectifs et de moyens signés entre la collectivité et le ou les diffuseurs, quand ils existent. Les statistiques autres que celles de Ciclic qui pourraient être citées dans l’article sont dans tous les cas sourcées.
Remerciements : Pauline Martin et Pierre Dallois à l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire, les auteurs et autrices de la Boucle documentaire.
La Scam poursuit avec la journaliste Emmanuelle Miquet son tour de France par territoire. Rendez-vous cette fois dans la région Grand Est, quatrième contributrice au genre en France, avec les subventions du conseil régional et celles de l’Eurométropole de Strasbourg cumulées.
Le début de l’année 2023 a marqué une « véritable avancée » pour la Safire Grand Est, l’association des auteurs, autrices, réalisateurs et réalisatrices du territoire, avec le vote par l’Eurométropole de Strasbourg, en mars, de l’aide au concept demandée par les auteurs et autrices après le Covid, en soutien à une profession fortement fragilisée.
Sixième fonds d’aide à la création, en 2022, la région Grand Est s’est hissée quatrième financeur du documentaire audiovisuel avec ses deux guichets, le conseil régional et l’Eurométropole de Strasbourg. Le premier a alloué au genre 1 213 790 euros (19 % de l’enveloppe totale de son fonds de soutien, incluant le contrat d’objectifs et de moyens et 35 % du nombre de projets). Les étapes de la production représentent 89 % des aides attribuées et le développement 11 %. S’y ajoutent quatre soutiens accordés au stade de l’écriture pour un montant de 16 000 euros, non comptabilisés par le Panorama des interventions territoriales dans le cinéma et l’audiovisuel de Ciclic pour des raisons de fléchage de la région dans sa transmission des données. Le règlement de la collectivité propose un dispositif commun (aide à l’écriture cinéma, audiovisuel et nouveaux médias), au sein duquel le montant de la subvention varie en fonction du format (inférieur ou supérieur à 60 minutes). En les prenant en compte, la part de l’écriture s’établit à 1,3 % de l’enveloppe documentaire et à 5,3 % des projets. L’Eurométropole de Strasbourg a attribué 200 000 euros (21 % de son fonds de soutien) dans 13 documentaires (34 % des aides), en production. En 2023, son soutien s’est élargi à l’écriture grâce à la toute nouvelle aide au concept.
1 429 790 €
aide à la création
Couvrant tous les genres de l’audiovisuel et du cinéma, le dispositif a pour objectif de soutenir l’origine du processus de création et de mener des recherches en amont de l’écriture du scénario, décrit le règlement. Il est accessible aux résidantes et résidants eurométropolitains expérimentés ou pas, avec une attention particulière aux « candidates et candidats émergents et issus de quartiers prioritaires ». C’est une « passerelle vers l’aide à l’écriture », résume la Safire.
Pour l’association, qui a porté l’aide au concept du début à la fin de sa mise en place, l’avancée se situe à deux niveaux. « D’une part, il s’agit de la seule ligne budgétaire culturelle qui a été ajoutée au niveau de l’Eurométropole, alors que la tendance générale est plutôt à la baisse des budgets de la culture. D’autre part, ce soutien va permettre à l’auteur de se projeter sur quelque chose d’ouvert, presque de l’ordre de l’embryon, contrairement à l’aide à l’écriture qui, aujourd’hui, que ce soit au CNC ou dans les territoires, n’en est plus vraiment une. Les exigences pour déposer les dossiers sont telles qu’on pourrait presque tourner le film », observe la Safire.
L’aide au concept a été pensée « pour mettre le pied à l’étrier à tous les autres dispositifs, régionaux et nationaux, et pour donner le temps de travailler aux auteurs émergents et à ceux plus chevronnés », appuie le département audiovisuel et cinéma de l’Eurométropole de Strasbourg. Son accompagnement s’articule en deux volets sur un an. Outre l’attribution d’une bourse pour soutenir le développement du projet, sera proposé un mentorat comprenant des ateliers collectifs pour les autrices et auteurs émergents et un suivi individuel pour les autres. L’enveloppe globale s’établit à 100 000 euros en 2023, avec l’ambition de soutenir 10 projets dotés chacun d’une bourse de 5 000 euros maximum. À partir de 2024, en année complète, l’objectif est de monter à 15 projets sélectionnés en deux sessions. Il y en avait une seule en 2023.
Avec l’aide au concept de l’Eurométropole et l’aide à l’écriture de la région, on a aujourd’hui un dispositif de mise en route des films qui est complet.
La Safire, Société des auteurs indépendants de la région Est
La mise en place de ce dispositif, soutenu au sein de l’Eurométropole par Murielle Fabre, vice-présidente chargée de l’action culturelle, de la lecture publique, de l’audiovisuel et du cinéma, renforce l’action de la collectivité territoriale dont le fonds de soutien à la création était jusque-là circonscrit à la production (cf. Encadré Chiffres). Constatant que l’écriture et le développement restent les étapes les moins bien financées, et que la crise sanitaire a fragilisé « davantage le statut d’auteur », l’Eurométropole a souhaité s’engager en complément et aux côtés de la région Grand Est dont le fonds de soutien intervient déjà à toutes les étapes. « Avec l’aide au concept de l’Eurométropole et l’aide à l’écriture de la région, on a aujourd’hui un dispositif de mise en route des films qui est complet », décrit la Safire.
Du côté de la région, l’année 2022 s’est distinguée par plusieurs évolutions déjà actées qui figureront dans sa convention triennale tripartite pour la période 2023-2025 dont elle espère le vote en septembre : la création du Bureau des Images (BDI), le retour de la gestion complète des aides à l’écriture par la région ou encore l’émergence du prix CinEuro pour le développement de coproductions transfrontalières, qui succède au fonds d’aide au codéveloppement transfrontalier de la Grande Région. .
Le prix Cineuro est attribué une fois par an en fiction et en documentaire. Concernant le documentaire, il offre de nouvelles opportunités de travailler sur des écritures différentes, font remarquer les services de la région. Sa dotation de 10 000 euros pouvant être complétée par un bonus de 5 000 euros après deux ans, si l’avancement du projet est jugé satisfaisant.
Nous avons sanctuarisé globalement le budget de la culture, ce qui n’est pas le cas dans toutes les régions.
Martine Lizola, présidente de la commission culture et mémoire du conseil régional et présidente du Bureau des Images
Ces changements « disent la volonté de la région Grand Est de renforcer la filière image et de lui apporter plus d’ingénierie pour la professionnaliser encore davantage », souligne, quant à elle, Martine Lizola, présidente de la commission culture et mémoire du conseil régional et présidente du Bureau des Images. En 2023, « nous avons sanctuarisé globalement le budget de la culture, ce qui n’est pas le cas dans toutes les régions », ajoute-t-elle. Pour ne parler que du fonds de soutien régional, il s’élève à près de 6 millions d’euros (avec l’apport du CNC) dont 685 000 euros dédiés à l’émergence et à l’accompagnement des talents, au travers de tous les dispositifs d’aides à l’écriture et au développement. Les chiffres de 2022 (cf. Encadré Chiffres) ne reflètent pas le « taux » d’accompagnement du documentaire en écriture par la région, précise la collectivité. Les années précédentes, cette étape avait été davantage soutenue, poursuit-elle, et en termes de dépôt, il y a eu davantage de dossiers reçus en 2023 en une seule session que sur la totalité de 2022.
Parallèlement à l’aide à l’écriture directe pour les auteurs et les autrices, la région accompagne la résidence de l’écriture à l’image, à Saint-Quirin. Depuis 2021, cette résidence est dédiée notamment aux autrices et auteurs régionaux de documentaire. Cette décision a été prise pour compenser la sélectivité grandissante du dispositif et la baisse du nombre de places par rapport à ce que la région espérait, explique celle-ci. La résidence de Saint-Quirin est l’un des points clés du développement de la filière en région, appuie l’Apage, l’association des producteurs audiovisuels du Grand Est.
Lancé le 1er janvier, le Bureau des Images est une nouvelle structure 100 % vouée à l’audiovisuel et au cinéma. Son périmètre comprend l’accueil des tournages ainsi que certaines des missions auparavant du ressort de l’Agence culturelle Grand Est et de Grand E-Nov+, l’agence chargée de l’innovation et de la prospection internationale. Avec cette nouvelle organisation, les aides à l’écriture de la région, précédemment instruites au sein de l’Agence culturelle Grand Est, sont depuis cette année à nouveau gérées par la région, au sein de comités par genres, ce qui n’était pas le cas avant. Cette évolution est une progression très satisfaisante pour les autrices et les auteurs de documentaires. Jusque-là, leurs projets se trouvaient « en concurrence directe avec les fictions et les commissions étaient en majorité composées de professionnels de ce genre, ce qui peut expliquer le peu de documentaires initiés », avance la Safire. Dorénavant, les dossiers seront jugés par leurs pairs.
Par ailleurs, la plateforme de VOD régionale gratuite Noozy, qui était administrée par Vosges TV, est désormais gérée en statut associatif par le BDI. « Nous attendons de Noozy qu’elle soit, d’une part, la vitrine de la production audiovisuelle du Grand Est et, d’autre part, la plateforme du documentaire », expose Martine Lizola qui fait état d’un budget de fonctionnement annuel de 400 000 euros. En attente de conventionnement de service de médias audiovisuels à la demande (Smad), à l’Arcom, la plateforme a néanmoins été incluse dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2023-2025 dont la signature est imminente. Elle rejoint ainsi Moselle TV (ex-Vià Moselle TV), Vosges TV et Canal 32. En revanche, Alsace 20, devenue BFM Alsace depuis son rachat par le groupe Altice Media, n’en fait plus partie.
L’aide au concept est aussi née du constat qu’il n’y a plus de vivier sur le territoire, depuis près de dix ans. C’est dramatique de ne plus voir de jeunes émerger.
La Safire
En l’absence du statut de Smad, qui permet aux producteurs de déclencher le soutien sélectif et automatique au CNC, la région a prévu d’allouer à Noozy un montant d’intervention limité pour les coproductions en année 1, dans le cadre du COM. L’essentiel de l’enveloppe a été réparti sur les trois chaînes locales aux côtés desquelles Noozy pourra apporter un complément du financement. Intégrer Noozy dans le dispositif permettra également que la plateforme devienne une sorte de replay centralisé pour l’ensemble des programmes financés via le COM (documentaires et courts-métrages), à l’issue de leur diffusion linéaire, en plus des achats et des productions internes réalisées par Noozy.
Concernant le BDI, son statut associatif en fait une structure intégrant pleinement dans ses instances les professionnels du territoire, relève la région. La Safire détient un siège au sein du bureau au même titre que l’Apage et les autres organisations, aux côtés de l’élue Martine Lizola, sa présidente. « Nous serons désormais en prise directe avec le politique ce qui nous permettra d’être dans un véritable dialogue, en continuant à faire des propositions », commente la Safire. Les autrices et les auteurs de documentaire pensent en particulier au renouvellement des générations, dans les prérogatives du BDI, sujet pour lequel il existe un « très gros problème dans le Grand Est » et auquel ils sont « très sensibles ».
« Ce bureau est censé aiguiller et proposer des choses à cette nouvelle génération qui pose énormément de questions sans savoir vers qui se tourner. La Safire remplit cette fonction, mais disposer d’un outil officiel est très important pour les auteurs », insistent ces derniers. « L’aide au concept est aussi née du constat qu’il n’y a plus de vivier sur le territoire, depuis près de dix ans. C’est dramatique de ne plus voir de jeunes émerger », poursuit la Safire.
Avec ce nouveau dispositif, elle espère relancer la dynamique de la région autrefois générée par le master en documentaire auquel a succédé un master de coproductions européennes à l’université de Strasbourg. « Celui-ci n’a rien apporté à la filière locale, alors que précédemment, des gens venaient des quatre coins du monde et se sont même parfois établis ensuite dans notre région », poursuit la Safire. Ce master est remplacé cette année par un master d’écriture, « mais il manque à cette région une vraie formation au cinéma et à l’audiovisuel, de l’écriture à la réalisation », selon la Safire.
88 aides
à la création
en 2022
16 K€
pour l'écriture (Région seule)
129,5 K€
pour le développement (Région seule)
1284,3 K€
pour la
production
La Safire identifie un autre point faible : « un appauvrissement des diffuseurs ». L’association pointe le manque de diversité concernant France 3 Grand Est, non signataire du COM, qui « a réduit drastiquement les documentaires de patrimoine et d’histoire – comme dans les autres antennes régionales – même si, depuis quelques mois, des films historiques ont pu revoir le jour ».
Plus largement, les autrices et les auteurs relèvent l’absence de « politique éditoriale ambitieuse et ouverte sur le monde » en matière de documentaire de création. « Le COM redémarre certes, mais les films dits fragiles ou de création ne trouvent plus forcément une attention souhaitée », relève la Safire. « Ils ont du mal à exister, malgré une obligation posée par la région mais qui n’est pas quantifiée. Il serait nécessaire d’imposer des “quotas” pour ne plus être à la merci de commissions irrégulières dans la diversité des choix », estime l’association. Elle rappelle que, par le passé, Vosges TV a obtenu de nombreuses Étoiles de la Scam et sélections dans les festivals nationaux et internationaux avec ses coproductions qui se sont tournées dans le monde entier. Ces derniers temps, la chaîne a pris un nouveau tournant.
La dynamique est plutôt favorable mais ce qui pèche dans notre région est la possibilité de faire des films différents.
La Safire
En résumé, « nous avons des mécanismes qui nous permettent de faire nos films avec deux collectivités qui financent fortement l’audiovisuel, et une vraie politique de production et d’aide au développement du territoire via le nouveau Bureau des Images. La dynamique est plutôt favorable mais ce qui pêche dans notre région est la possibilité de faire des films différents. Les écrans viennent à manquer ». Dans ce contexte, Noozy devient un enjeu. « L’ambition est qu’éditorialement, elle devienne quelque chose d’intéressant et de quasi unique comme le sont les plateformes KuB et Tënk, car le documentaire de création est en souffrance ici comme ailleurs », constate la Safire.
Cette dernière continuera à faire entendre sa voix, comme elle le fait depuis ses débuts, en œuvrant à la mise en place de différentes aides telles que la production sans diffuseur. Nommé « Œuvre indépendante de tout format », ce soutien « assez rare dans les régions », souligne la Safire, permet d’obtenir 25 000 euros pour un film qui n’a pas de diffuseur et qui peut ainsi quand même exister.
Ces focus restent circonscrits au seul documentaire audiovisuel (donc hors court et long métrage). Ils proposeront une photographie quantitative et qualitative de chaque région, à travers la parole des auteurs-réalisateurs et autrices-réalisatrices qui vivent et travaillent dans ces territoires. S’y exprimeront également les points de vue des autres acteurs animant ces filières régionales.
Les chiffres clés relatifs à la région Grand Est sont issus des données collectées par l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire pour le Panorama des interventions territoriales en faveur du cinéma et de l’audiovisuel publié chaque année, dans le cadre de sa convention de coopération triennale État-région-CNC. Le périmètre des collectivités est identique à celui du Panorama, qui prend en compte la région, les départements, les eurométropoles, les métropoles et les villes, s’il y a lieu. De la même manière, les statistiques se concentrent sur les aides délivrées par la région, le premier niveau d’intervention. Les investissements de la région agrègent ceux octroyés via le ou les contrats d’objectifs et de moyens signés entre la collectivité et le ou les diffuseurs, quand ils existent. Les statistiques autres que celles de Ciclic qui pourraient être citées sont dans tous les cas sourcées. (Le choix a été fait de ne pas comparer les chiffres de l’année 2021 et ceux de l’année 2020, sauf cas particulier, l’année de la pandémie ayant été marquée par l’attribution d’aides exceptionnelles, dans certaines régions, par définition non reconduites en 2021.)
Remerciements : Pauline Martin et Pierre Dallois à l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire et la Boucle documentaire.
Après l’étude transversale « Le documentaire, les régions et leurs aides », publiée en juin 2021, la Scam poursuit, avec la journaliste Emmanuelle Miquet, son tour de France des territoires, circonscrit à l’audiovisuel. Troisième focus avec la région Centre-Val de Loire dont le soutien moyen de l’aide à l’écriture est l’un des plus élevés en France et alors que l’agence Ciclic annonce un accompagnement renforcé des autrices et des auteurs.
Pionnière dans la décentralisation cinématographique et audiovisuelle, la région Centre-Val de Loire mène une politique active autour de la création mais dans laquelle les autrices et les auteurs de documentaire regroupés au sein du Baar, le Bureau des auteurs et réalisateurs du Centre, ne se retrouvaient pas toujours.
Depuis 2020, les choses ont évolué. « La notion d’auteur a été beaucoup mieux prise en compte », constate le collectif qui l’attribue en particulier à la mise en lumière de leur grande précarité lors de la crise sanitaire.
Avec un montant de 478 300 euros, qui intègre le contrat d’objectifs et de moyens (COM), le documentaire audiovisuel a capté, en 2021, 20 % de l’enveloppe globale du fonds d’aide à la création de la région Centre-Val de Loire, et 36 % du nombre de projets. À l’instar des autres collectivités, la répartition par étapes de soutien fait la part belle à la production, avec 63 % des aides attribuées au genre. Celles allouées à l’écriture atteignent 23 % (10 aides dont une directe), au-dessus des aides au développement (14 %). La région se distingue également par un soutien moyen à l’écriture supérieur à 5 000 euros, parmi les plus élevés en France.
478 300 €
aide à la création
Plus largement, cette évolution favorable s’explique par un ensemble d’éléments. Certains relèvent de l’échelon national, comme le rapport « Racine » sur le statut des artistes-auteurs et l’acte de création. D’autres se situent au niveau local. En parallèle de la relation entre les professionnels et Ciclic Centre Val-de-Loire, l’agence régionale pour le livre, l’image et la culture numérique (qui gère et met en œuvre le fonds de soutien), les échanges réguliers avec le conseil régional depuis l’arrivée d’une nouvelle élue à la vice-présidence déléguée à la Culture et à la Coopération internationale, sont un point « positif ».
La mise en place d’aides exceptionnelles pour les autrices et auteurs durant le Covid a également contribué à améliorer la situation. Pour les obtenir, le Baar a dû néanmoins « se mobiliser » auprès de la région, souligne le collectif qui compose une fédération informelle avec l’association des Producteurs associés en région Centre (Parc) et l’Association en région Centre des comédiens, ouvriers, réalisateurs et techniciens du cinéma et de l’audiovisuel (Accort).
Depuis qu’elle a été revalorisée, il y a quelques années, l’aide à l’écriture directe de la région Centre-Val de Loire est l’une des plus élevées des collectivités territoriales (cf. encadré chiffres). En 2021, a par ailleurs été créée une aide au parcours d’auteurs, demande portée par le Baar dans la lignée du dispositif du CNC. D’un montant forfaitaire de 10 000 euros, le soutien est destiné aux autrices et auteurs expérimentés du territoire, pour les accompagner durant un à deux ans sur leurs projets.
L’enveloppe actuelle offre la possibilité de soutenir quatre auteurs par an. Une réflexion « qui permettrait de faire plus que doubler le dispositif » est en cours, explique Pierre Dallois, responsable du pôle Création chez Ciclic. « Renforcer le parcours d’auteur, c’est essayer d’être dans la même logique que l’aide au programme d’entreprise qui accompagne les sociétés sur la base d’une stratégie entrepreneuriale », poursuit-il.
Les institutions publiques ont le devoir de garantir aux auteurs les moyens d’une liberté de création et de diversité.
Pierre Dallois, responsable du pôle Création, Ciclic
Plus globalement, l’agence souhaite « renforcer [ses] aides à l’écriture et au développement, notamment celles dédiées au documentaire », de « manière assez substantielle » dans le cadre de la nouvelle convention triennale tripartite pour la période 2023-2025 dont la négociation est imminente. « Nous prévoyons des augmentations des soutiens existant à l’écriture et au développement de 50 % à 75 %. Ce qui nous permettra de facto de soutenir plus d’œuvres », précise Pierre Dallois.
Cette orientation s’inscrit dans la « phase 2 » de la stratégie déployée par Ciclic. Après avoir mené, depuis 2017, « un travail assez important à l’égard des producteurs », l’agence entend devenir un « territoire de création spécialisé dans l’écriture et le développement » en consolidant ses soutiens en amont. « La défense et la fidélisation sur les territoires régionaux des auteurs, au cœur de la bataille entre les plateformes et la production indépendante, au même titre que les techniciens, devient un enjeu crucial », observe Pierre Dallois. La région ne pourra pas résoudre à elle seule toutes les problématiques, mais « les institutions publiques ont le devoir de garantir aux auteurs les moyens d’une liberté de création et de diversité ».
Dans ce contexte, l’agence veut accélérer cette année l’identification des autrices et auteurs sur le territoire. L’état des lieux de la filière régionale a démarré en 2018 avec la mise en place de l’observatoire Val de Loire Cinema Workshop, en partenariat avec la Scam et la SACD. Mais il existe un « hiatus important » entre les données : la Scam et la SACD recenseraient plus de 500 autrices et auteurs, quand Ciclic en identifie 150.
Aussi, le questionnaire qui leur est envoyé lorsqu’ils déposent un projet va être « peaufiné » et le partenariat avec les sociétés d’auteurs, ainsi que d’autres organisations les représentant (la Boucle documentaire et la SRF, notamment), sera « renforcé ». Travailler plus étroitement avec ces organismes nationaux est aussi un souhait de Ciclic dont l’objectif est « en priorité de pérenniser et de consolider le parcours des auteurs présents sur le territoire mais également d’en attirer de nouveaux ».
Avec le changement de vie induit par le Covid, il y a eu un effet démultiplicateur dans la région, en particulier dans le secteur de la production.
Baar, Bureau des auteurs et réalisateurs du Centre
Pour l’agence, se positionner sur l’écriture et le développement est « assez logique » étant donné le montant de son fonds, soit 2,6 millions d’euros. « Aller vers la production de fiction, long-métrage et TV nécessite beaucoup de moyens », relève Pierre Dallois. Le budget du fonds de soutien régional à la création, tous genres confondus, cristallise d’ailleurs les critiques des créatrices et des créateurs. « La politique de Ciclic est d’attirer un ensemble de professionnels sur le territoire. Avec le changement de vie induit par le Covid, il y a eu un effet démultiplicateur dans la région, en particulier dans le secteur de la production », remarque le Baar. Depuis 2020, dix-huit nouvelles sociétés de production se sont créées ou installées en région Centre-Val de Loire, portant leur total à soixante structures, confirme Ciclic.
Le budget actuel ne doit pas être seulement sanctuarisé, il doit surtout progresser proportionnellement à l’évolution de la filière.
Christophe Camoirano, producteur adhérent au Parc (Producteurs associés en région Centre)
Entre 2021 et 2022, le fonds a certes fini par progresser de 200 000 euros (180 000 euros issus de la région et 20 000 euros du CNC). Si les créatrices et les créateurs soulignent l’effort qui a été réalisé, toutes et tous l’estiment cependant insuffisant, a fortiori parce que l’enveloppe était stable depuis plus de dix ans et que l’augmentation n’est pas à la hauteur de la stratégie d’attractivité déployée par Ciclic. Cette politique est source de nouvelles rencontres et de nouveaux projets potentiels, admettent certains producteurs locaux, constatant qu’elle entraîne aussi une concurrence exacerbée entre les sociétés y compris au sein de leurs propres projets. « Le budget actuel ne doit pas être seulement sanctuarisé, mais doit progresser proportionnellement à l’évolution de la filière », insiste Christophe Camoirano, producteur adhérent au Parc. « II n’existe pas de système qui, à périmètre clos, puisse continuer à se développer », poursuit-il.
« La politique menée depuis 2017 par Ciclic nous permet d’être identifiés nationalement et internationalement, tout en contribuant à la structuration d’une filière en région sur le long terme », réagit Pierre Dallois. L’international est en effet devenu l’un des marqueurs du territoire avec la constitution d’un réseau regroupant différentes régions du monde, afin de favoriser des coproductions. Ciclic met en avant l’« effet levier » de cette stratégie qui génère et décuple les perspectives de financement comme elle fait rayonner les œuvres issues du Centre-Val de Loire.
La sélection à la dernière Berlinale du long-métrage documentaire Au cimetière de la pellicule de Thierno Souleymane Diallo, coproduit par la société tourangelle L’Image d’après et JPL Productions, basée à Villeurbanne, en région Auvergne-Rhône-Alpes, est « la preuve de l’efficacité de notre politique en faveur de l’identification de la filière régionale, à l’international, et de son effet structurant », juge l’agence.
43 aides
à la création
en 2021
50,4 K€
pour
l'écriture
70 K€
pour le développement
357,9 K€
pour la
production
Selon Ciclic, la croissance du nombre de professionnels sur le territoire, en effet encouragée par plusieurs dispositifs pour renouveler les talents et créer de nouvelles opportunités, n’a « paradoxalement » pas entraîné davantage de dépôts, excepté pour l’aide au programme d’entreprise. L’agence relève en outre que la contribution de la région au contrat d’objectifs et de moyens (COM), signé avec TV Tours-Val de Loire, Bip TV et France 3 Centre-Val de Loire, n’a cessé de progresser depuis 2020. Avec une nouvelle hausse prévue pour le prochain COM portant de septembre 2023 à août 2024, à hauteur de 70 000 euros, l’augmentation de l’apport de la région se chiffrera à 350 000 euros en trois ans, ce qui « pondère » l’idée que les budgets n’augmentent pas.
En 2023, le budget du fonds de soutien sera stable, en revanche, confirme Ciclic, ce qui, dans le cadre actuel des finances publiques et les priorités auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales, en particulier avec l’inflation du coût de l’énergie, « est à saluer », relève Philippe Germain, directeur général de Ciclic. Par ailleurs, en Centre-Val de Loire comme dans les autres régions, des interrogations se font jour concernant l’intervention du CNC. Le dispositif du 1 euro apporté par le Centre pour 2 euros de la collectivité n’a jamais été remis en question, affirme le CNC. Il se murmure néanmoins qu’à enveloppe constante, le Centre demanderait aux régions de transférer 10 % du fonds de soutien à la création à celui dédié à l’éducation à l’image et à la médiation. Si tel était le cas, les petits fonds comme ceux de Ciclic pourraient cependant ne pas être touchés.
La question budgétaire ne peut pas être abordée uniquement par le prisme du volume ou de la masse, considère Philippe Germain, citant en exemple les plateformes, fort bien dotées, « mais pour fabriquer quoi ? Si l’argent n’est pas mis au service d’un projet politique de soutien à la diversité, à l’indépendance et à la création ? ». Récemment renouvelé à son poste, pour un mandat de trois ans, le patron de Ciclic entend néanmoins reprendre son « bâton de pèlerin » auprès des six départements et deux métropoles – Tours et Orléans – de la région, dépourvus de fonds de soutien, pour que la politique culturelle puisse être « partagée » entre les différentes collectivités territoriales.
Gagner en souplesse et travailler à une fongibilité des crédits afin d’avoir un cadre suffisamment large pour que les porteurs de projets puissent déposer à toutes les étapes.
Pierre Dallois, responsable du pôle Création, Ciclic
En attendant, le renforcement des aides à l’écriture et au développement va être financé « par redéploiement de crédits », explique Pierre Dallois, « tout en conservant la logique intrinsèque » de la stratégie poursuivie par Ciclic ces six dernières années. L’ambition est de « gagner en souplesse et de travailler à une fongibilité des crédits afin d’avoir un cadre suffisamment large pour que les porteurs de projets puissent déposer à toutes les étapes ». « Aujourd’hui, nous avons dix-huit dispositifs dont deux dédiés à l’émergence qui s’avèrent à la fois chronophages et pas assez plastiques. La logique est de les conserver mais en simplifiant », par exemple en revoyant la fréquence des appels à projets, évoque Pierre Dallois.
De son côté, le Baar, qui défend la diversité des soutiens, plaide pour l’augmentation de l’enveloppe de l’aide après réalisation de court-métrage, « appréciée par beaucoup d’auteurs car elle permet de soutenir des films dits “fragiles” empruntant à des esthétiques et des techniques différentes ». Son montant forfaitaire s’élève actuellement à 15 000 euros par film, et les documentaires audiovisuels de moins d’une heure y sont éligibles.
Si les autrices et les auteurs du Baar s’estiment « plutôt bien lotis » et mieux considérés depuis deux ans, ils constatent néanmoins que la concertation vantée par Ciclic n’est pas pleinement satisfaisante dans les faits et relève surtout de la communication. Dernier exemple en date : les commissions plénières pour la sélection des dossiers se tiendront dorénavant en visioconférences et non plus en présentiel avec les experts et les porteurs de projets, pour des raisons de hausse des dépenses d’énergie et du temps de travail des agents, rapporte le collectif.
« On ne souhaite pas être une variable d’ajustement budgétaire alors que le fonds vient d’être augmenté.
Baar, Bureau des auteurs et réalisateurs du Centre
« On ne souhaite pas être une variable d’ajustement budgétaire alors que le fonds vient d’être augmenté », commente le Baar qui dit ne pas avoir été consulté et informé au dernier moment. Il craint « l’affaiblissement de ces commissions qui pourrait à terme justifier leurs disparitions ». « Ces auditions en présence, que nombre de régions nous envient, sont des moments essentiels qui arrivent au terme de plusieurs années de travail », insiste le collectif pour qui « rien ne remplace la rencontre physique ». « Nous refusons d’être écoutés avec une mauvaise connexion ou entre deux mails. Nous en avons tous déjà fait l’expérience. Sans même parler des délibérations, les échanges sont moins attentifs. Alors que le cœur de notre métier est celui de la rencontre, de l’échange, cette évolution au sein de l’agence publique, censée nous accompagner dans notre travail, apparaît comme un paradoxe. »
Cette décision rejoint l’ambition de Ciclic de gagner en « plasticité et en disponibilité », avance, quant à elle, l’agence. Le temps acquis « en s’allégeant des tâches de coordination logistiques et administratives qu’engendre l’organisation de commissions en présentiel » permettra à l’équipe, « à fonds constant, de mieux accompagner et suivre les projets ainsi que les professionnels ». Ciclic pointe en outre que le temps d’échange et de dialogue avec les commissions perdure. « Seule la modalité change. »
Dans les autres sujets en lien avec Ciclic évoqués par le Baar, figure la représentativité des autrices et des auteurs au conseil d’administration de l’agence. Les professionnels y siègent en tant que personnalités qualifiées et non au titre de leur association, les statuts de Ciclic ne le permettant pas. Le secteur du cinéma et de l’audiovisuel dispose d’un titulaire et d’un suppléant, et cela depuis seulement 2021, souligne le Baar, contrairement aux autres champs couverts par l’agence dont la présence au conseil d’administration est plus ancienne.
Les deux sièges sont actuellement respectivement occupés par un comédien, adhérent de l’association Accort, et une productrice, adhérente du Parc. Afin de remédier à l’absence des auteurs, le Baar plaide pour un nombre de sièges suffisant qui permette à chacune des organisations professionnelles d’avoir une personnalité qualifiée qui la représente.
Enfin, s’agissant du COM, le Baar regrette un certain « formatage des écritures », depuis sa mise en place par le biais d’un contrat unique pour les trois chaînes locales « poussées à travailler ensemble ». Seul Bip TV sort du lot, en initiant quelques rares films de création mais souvent financés en dehors du COM, décrit le Baar pour qui le dispositif ne tient pas sa promesse de soutenir la création audiovisuelle dans sa diversité.
Le collectif milite « pour un quota de films tournés avec une production régionale mais sur des sujets hors du territoire et à l’étranger, comme cela se fait en Bretagne ». « Ce serait cohérent avec l’aide à la coproduction internationale de Ciclic », souligne également le Baar qui regrette de ne pas être associé à l’élaboration du COM comme c’est le cas, là encore, en Bretagne, où les autrices et les auteurs le sont pleinement. À ce sujet, comme pour d’autres qui les concernent, les auteurs et les autrices souhaitent être partie prenante des décisions qui les engagent, et qui leur permettraient de déployer la diversité d’écritures qu’ils défendent.
Ces focus restent circonscrits au seul documentaire audiovisuel (donc hors court et long métrage). Ils proposeront une photographie quantitative et qualitative de chaque région, à travers la parole des auteurs-réalisateurs et autrices-réalisatrices qui vivent et travaillent dans ces territoires. S’y exprimeront également les points de vue des autres acteurs animant ces filières régionales.
Les chiffres clés relatifs à la région Occitanie sont issus des données collectées par l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire pour le Panorama des interventions territoriales en faveur du cinéma et de l’audiovisuel publié chaque année, dans le cadre de sa convention de coopération triennale État-région-CNC. Le périmètre des collectivités est identique à celui du Panorama, qui prend en compte la région, les départements, les eurométropoles, les métropoles et les villes, s’il y a lieu. De la même manière, les statistiques se concentrent sur les aides délivrées par la région, le premier niveau d’intervention. Les investissements de la région agrègent ceux octroyés via le ou les contrats d’objectifs et de moyens signés entre la collectivité et le ou les diffuseurs, quand ils existent. Les statistiques autres que celles de Ciclic qui pourraient être citées sont dans tous les cas sourcées. Le choix a été fait de ne pas comparer les chiffres de l’année 2021 et ceux de l’année 2020, sauf cas particulier, l’année de la pandémie ayant été marquée par l’attribution d’aides exceptionnelles, dans certaines régions, par définition non reconduites en 2021.
Remerciements : Pauline Martin et Pierre Dallois à l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire et la Boucle documentaire.
Après l’étude transversale « Le documentaire, les régions et leurs aides », publiée en juin 2021, la Scam poursuit avec la journaliste Emmanuelle Miquet son tour de France, cette fois par territoire. Deuxième focus avec la région Nouvelle-Aquitaine où plusieurs chantiers sont en cours parmi lesquels l’évolution des soutiens d’une collectivité devenue l’une des plus attractives de France pour les créateurs et les créatrices.
Le sentiment est partagé par la plupart des auteurs et des autrices de documentaires audiovisuels réunis au sein de Naais, l’association des auteurs et autrices de l’image et du son en Nouvelle-Aquitaine : à l’instar de l’ensemble de la communauté professionnelle du territoire, il ne manque pas grand-chose à la région Nouvelle-Aquitaine pour optimiser ses dispositifs à la création, nombreux et divers, et qui ont grandement contribué à structurer la filière
La plus grande région de France, depuis la réforme territoriale de 2015, combine les aides du fonds de soutien au cinéma et à l’audiovisuel de l’Agence livre, cinéma et audiovisuel en Nouvelle-Aquitaine (Alca) et les dispositifs propres à la région, dits fonds filières parce qu’à effets structurants pour les professionnels locaux. S’y ajoutent les soutiens des trois départements investis dans le documentaire, en 2021, sur les six engagés dans la création.
Enfin, les quatre contrats d’objectifs et de moyens (COM) signés entre la région et France 3 Nouvelle-Aquitaine, TV7, Kanaldude et ÒCtele contribuent majoritairement au genre (66 % du total des aides en 2021), avec un apport de 230 000 euros (64 % du montant). Fait rare, ces COM accordent des aides au développement et des conventions d’écriture, initiées par TV7 et rejointes par Kanaldude et ÒCtele.
Jusque-là opérés par la délégation numérique de la région Nouvelle-Aquitaine, les COM seront gérés par la direction du cinéma et de l’audiovisuel à partir de janvier 2023, année de l’échéance des contrats. Ce transfert a été décidé dans un souci de « mise en cohérence de la filière », explique Charline Claveau, conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine et vice-présidente chargée de la culture, des langues et cultures régionales et du patrimoine.
D’autres changements, résultant de plusieurs chantiers, interviendront dans les prochains mois. Outre la réforme du fonds de soutien menée par la région et l’Alca, cette dernière a initié une grande étude quantitative et qualitative dans le but de « dresser le premier état des lieux de la filière à l’échelle de la grande région Nouvelle-Aquitaine », commente Emmanuel Feulié, son directeur cinéma et audiovisuel. Cet état des lieux avait fait l’objet, ces dernières années, de demandes récurrentes des professionnels, et en particulier des auteurs et des autrices. Enfin, la réforme des statuts de l’agence Alca, prévue pour 2024, a été décidée à la suite de la dernière élection de son conseil d’administration, en décembre 2021, où Naais, qui y siégeait depuis la création de l’agence, n’a pas été réélue.
Les statuts actuels de l’Alca ne favorisent pas l’équilibre harmonieux et essentiel d’une communauté audiovisuelle qui ne cesse de progresser et d’évoluer.
Naaïs et La Tribune des auteurs
Par voie de communiqué de presse, Naais et le think-tank de La Tribune des auteurs, qui réunit principalement scénaristes, cinéastes, autrices-réalisatrices et auteurs-réalisateurs régionaux, ont immédiatement déploré que « les statuts actuels de l’agence ne favorisent pas l’équilibre harmonieux et essentiel d’une communauté audiovisuelle qui ne cesse de progresser et d’évoluer grâce notamment aux efforts financiers des collectivités locales ».
Les signataires ont demandé aux instances concernées de « prendre la mesure du déficit de représentativité » au sein du nouveau conseil d’administration de l’Alca et « de mettre en œuvre les dispositions nécessaires à l’intégration de représentants des cinéastes et des scénaristes ». Que Naais n’ait pas été renouvelée est « problématique », répète aujourd’hui encore Charline Claveau, une position exprimée dès janvier 2022, au Fipadoc, à Biarritz, au cours de la table ronde de la Scam Territoires et Création. Il est important que tous les corps de professionnels puissent être représentés au conseil d’administration, avait alors plaidé l’élue.
En attendant la réforme des statuts de l’Alca, il a été proposé à Naais un siège d’observateur permanent jusqu’aux prochaines élections, en 2024. Une alternative qui permet à l’association d’être présente, mais sans pouvoir prendre part au vote. La Tribune des auteurs a par ailleurs intégré récemment l’assemblée générale de l’Alca.
Troisième fonds d’aide à la création, derrière l’Ile-de-France et les Hauts-de-France, en 2021, la région Nouvelle-Aquitaine se classe septième nationale pour le documentaire audiovisuel, avec une enveloppe de 865 000 euros (11 % du fonds global), qui intègre les quatre contrats d’objectifs et de moyens (COM). Celle-ci franchit un million d’euros, si l’on y ajoute les départements impliqués dans le genre (Charente, Charente-Maritime, Dordogne), dont la contribution inclut des aides attribuées directement aux auteurs et aux auteurices, fait unique dans l’Hexagone, l’an dernier. À l’échelon de la seule région, la Nouvelle-Aquitaine rafle le record des aides directes à l’écriture (11). La répartition par étapes de soutien relègue néanmoins l’écriture (7 % du total alloué au documentaire) et le développement (1,2 %), loin derrière la production (91,8 %).
865 000 €
aide à la création
L’état des lieux du secteur du cinéma et de l’audiovisuel sur le territoire est en attente, la restitution du premier volet chiffré (nombre de professionnels par catégorie de métiers, de films produits, typologie…) ayant pris du retard. À terme, un document unique doit centraliser les statistiques et les éléments issus d’entretiens réalisés avec des professionnels par activité.
La réforme des règlements intérieurs des aides était, quant à elle, initialement prévue début 2023, sur la base des travaux menés par l’Alca et par le service culture de la région. Elle sera finalement reportée pour coïncider avec le renouvellement de la convention triennale de coopération État-région-CNC, à échéance fin 2022. Le futur contrat, qui porte sur la période 2023-2025, sera pour sa part en vigueur au 1er janvier, bien que signé à la fin 2023. En effet, la première année d’application de la convention est généralement celle du temps de la négociation et de sa rédaction.
Dans ce contexte, la collectivité vient de décider d’une concertation avec les professionnels du territoire, et avec des organisations nationales, pour ouvrir le débat. Le détail de ses modalités reste à définir. Une « conjonction de facteurs » a motivé ce nouveau calendrier, expose Charline Claveau. L’étude de l’Alca est « un bon point d’appui » pour relancer une consultation à l’occasion de sa restitution, estime l’élue. « Ensuite, il y a eu deux arrivées [la sienne, en juillet 2021, et celle de Rachel Cordier, directrice générale de l’Alca depuis le 1er septembre dernier], qui ont appuyé le souhait d’avoir un regard renouvelé », à l’approche de la nouvelle convention. Ce temps supplémentaire sera aussi l’occasion d’analyser les conséquences de la pandémie et de soulever les nombreuses interrogations qui pèsent sur les équilibres actuels de l’industrie : incertitudes budgétaires au CNC, fréquentation en salles et fragilité du financement après la suppression de la redevance.
La dernière concertation formelle avec les professionnels remonte à 2019-2020, pour la convention triennale 2020-2022, rappelle la Naais. « Ces dernières années, nous avons souvent été consultés tardivement et mis devant le fait accompli, que ce soit avec la région ou avec l’Alca. Donc la méthode est largement perfectible. Nous avons rencontré Charline Claveau et entendu sa volonté de changer les pratiques. »
On constate parfois des difficultés entre auteurs et producteurs, on voudrait être un peu plus exigeant sur ce point.
Emmanuel Feulié, Alca
Le calendrier a changé, mais l’approche de la région et de l’agence reste la même. Plus qu’une réforme d’ampleur, la démarche porte davantage sur « l’adaptation et l’amélioration de la mécanique », fait valoir la région, estimant que ses « fondations sont solides » et que les dispositifs et les règlements « ont donné des résultats ». Dans ce cadre, tout en confirmant les « axes importants » (la coproduction internationale, le cinéma, court et long métrage…), il s’agira par exemple « de redéfinir certains critères d’aides, et peut-être d’introduire de nouveaux soutiens, en fonction des résultats de la concertation », expose Emmanuel Feulié.
Au sujet du documentaire audiovisuel, « il n’y a pas de grands bouleversements annoncés, sinon peut-être sur des critères en lien avec le territoire, indique Emmanuel Feulié. On ne va probablement pas changer grand-chose sur le règlement qui concerne les auteurs », poursuit-il, soulignant toutefois qu’une « attention particulière » sera portée à leur rémunération concernant les aides en amont de développement et d’écriture, lorsqu’elles sont perçues par le producteur. « On constate parfois des difficultés entre auteurs et producteurs, on voudrait être un peu plus exigeant sur ce point », observe-t-il.
59 aides
à la création
en 2021
61 K€
pour
l'écriture
10 K€
pour le développement
794 K€
pour la
production
En faisant évoluer les règlements, l’enjeu est aussi de « gérer la crise de croissance de la région devenue extrêmement attractive ces dernières années », constate Emmanuel Feulié. Le nombre des dossiers déposés ne cesse d’augmenter, relève l’Alca. Sur les trois dernières années, la progression générale s’établit en moyenne à 5 %.
Entre 2021 et 2022, les demandes pour le genre documentaire (tous formats confondus, court et long métrage, unitaire TV) a bondi de 13,9 %. C’est à l’étape du développement que la hausse est la plus forte (+ 21,3 %), suivie de l’écriture (+ 15,9 %), celle de la production se révélant quasi stable (+ 1,2 %), selon les chiffres de l’Alca. À ce rythme, « le fonds de soutien sera de plus en plus sélectif », avertit l’agence, sans compter que ce volume complexifie la gestion des dossiers en interne.
Avant même ce scénario, l’une des principales revendications de Naais est « qu’il puisse y avoir un taux de sélectivité plus ouvert aux auteurs régionaux ». L’aide au « Projet d’après », mis en place par la région pour les auteurs et les autrices en 2020, durant le Covid, afin de soutenir des projets en amorce, « est le seul dispositif qui ne soit pas ultra sélectif et qui accompagne l’auteur sur la base d’une idée de film, devenant de ce fait une véritable aide à l’écriture et non pas une prime à l’écriture », relève Naais, très favorable à ce soutien. L’association constate, en revanche, que « l’aide à l’écriture conventionnelle n’est pas facile à obtenir en Nouvelle-Aquitaine ». Également bien dotée (5 000 euros maximum), l’aide au « Projet d’après » bénéficie en effet d’un taux de sélectivité très faible : près de 53 % (plus d’un projet sur deux soutenus) en 2022, 76,5 % en 2021 et un peu plus de 62 % en 2020, confirme la région.
Nous avons encore beaucoup de travail à faire pour sortir d’un tropisme aquitain et passer à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine.
Emmanuel Feulié, Alca
Lancé à titre expérimental, ce dispositif pourrait cependant bouger. Une réflexion est en cours pour une éventuelle évolution vers une aide au programme d’écriture, sur le modèle de l’aide au programme pour les sociétés de production, déjà gérée par la région. Destinée à une entreprise installée en Nouvelle-Aquitaine, celle-ci permet de soutenir une structure sur plusieurs projets en amorce. De la même manière, un auteur ou une autrice serait ainsi potentiellement accompagné sur divers projets.
Dans les initiatives « contrariées en partie par le Covid », l’Alca souhaite continuer à déployer des rencontres interprofessionnelles sur le territoire de la Nouvelle-Aquitaine comme cela s’est déjà fait à « Limoges, Poitiers et régulièrement à Biarritz, à l’occasion des différents festivals » accueillis dans la ville, rappelle le directeur du cinéma et de l’audiovisuel. « Nous avons encore beaucoup de travail à faire pour sortir d’un tropisme aquitain et passer à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine, aller repérer des talents… Cela n’est pas évident dans une région aussi grande que la nôtre. Il y a des territoires qu’on apprend encore à connaître », développe Emmanuel Feulié. Celui-ci pointe, en outre, une « équipe qui s’est beaucoup renouvelée » au sein de l’agence. Entre son arrivée, en 2019, et aujourd’hui, l’effectif du département cinéma et audiovisuel a plus que doublé, atteignant 18 personnes, depuis la rentrée de septembre.
« Progresser sur la circulation de l’information » et la clarification des soutiens de l’Alca est un autre des chantiers en cours de l’agence. La critique vaut aussi pour la région, selon des auteurs et autrices de Naais, qui évoquent par ailleurs la complexité, au quotidien, que peut entraîner la coexistence entre l’agence et la collectivité ainsi qu’un manque de lisibilité sur la répartition des aides. La question du dialogue et de la collaboration entre l’Alca et la région est d’autre part régulièrement pointée par les professionnels dans leur ensemble. Le fait que la Nouvelle-Aquitaine ait souhaité avoir une agence spécialisée « peut induire des effets non pas de concurrence mais des effets de bord et de difficultés de clarté, de lisibilité et d’articulation entre la région et l’Alca », reconnaît Charline Claveau.
Il est absolument nécessaire qu’il y ait une très grande fluidité et une étroitesse de travail entre la région et l’Alca.
Charline Claveau, région Nouvelle-Aquitaine
Dès son arrivée, l’élue a estimé « absolument nécessaire » qu’il puisse y « avoir une très grande fluidité et une étroitesse de travail » entre la région et l’Alca, et cela, pour le « bénéfice des professionnels ». L’agence dans sa forme actuelle, c’est-à-dire depuis la fusion, « est relativement jeune et assez neuve », tempère-t-elle néanmoins.
La première phase du travail sur l’évolution des règlements du fonds de soutien a été menée conjointement par l’équipe de l’Alca et par l’équipe cinéma de la région, rappelle quant à lui Emmanuel Feulié. « Il y a eu une démarche participative en interne entre les deux entités pour construire cette proposition. Nous avons appris à travailler ensemble. C’est très important. » Selon lui, « la concertation à venir donnera un éclairage nouveau. Les évolutions des dispositifs de soutien seront le fruit du croisement de ce travail et des retours des professionnels ».
Il ne s’agit pas seulement de produire en région mais depuis la région.
David Hurst, La Peña
La Nouvelle-Aquitaine se caractérise par la présence de nombreuses associations professionnelles qui pourraient se fédérer au sein d’une interprofessionnelle régionale. À la faveur d’échanges renforcés pendant la pandémie, « on s’est rendu compte qu’on partageait beaucoup plus de choses qu’on ne l’imaginait, notamment sur deux points fondamentaux que sont la création et l’initiative régionale. Il ne s’agit pas seulement de produire en région mais depuis la région », explique David Hurst, coprésident de La Peña (Produire en Nouvelle-Aquitaine), principale association de producteurs sur le territoire, moteur dans ce projet de collectif interassociatif.
L’objectif est « avant tout d’être une force de réflexion et de proposition par rapport à nos interlocuteurs institutionnels en valorisant cette question de la création depuis la région, poursuit David Hurst. Si on est tous ensemble, notre voix sera encore plus forte et plus incontournable. C’est d’autant plus important dans le contexte de fragilisation sur le plan national », note le producteur.
Le sujet de cette interprofessionnelle sera discuté durent la sixième édition de Territoire(s) d’images, les rencontres professionnelles organisées par La Peña, les 5 et 6 décembre, à Limoges. Un séminaire à huis clos entre les associations professionnelles y est annoncé, en présence notamment du Collectif des festivals de cinéma et d’audiovisuel de Nouvelle-Aquitaine, Naais, la Tribune des auteurs, les Maisons de production associées, Atana (Association des techniciens de l’audiovisuel en Nouvelle-Aquitaine) ou Cina (Cinémas indépendants de Nouvelle-Aquitaine).
À ce stade, Naais ne dispose pas « d’assez d’éléments pour se prononcer sur la forme que cela peut prendre, mais si elle est un véritable espace de dialogue, une interprofessionnelle peut être une vraie force. La rencontre à Limoges permettra, nous l’espérons, d’en poser les jalons », commente l’association, en amont. La Tribune des auteurs, d’ores et déjà favorable à cette initiative, évoque Films en Bretagne, qui réunit et représente les professionnels de l’audiovisuel et du cinéma, de l’écriture à la diffusion.
Ces multiples chantiers pourraient, demain, apporter le peu qui manque à la Nouvelle-Aquitaine pour optimiser ses dispositifs. C’est pourquoi leurs issues seront attentivement scrutées dans les prochains mois.
Ces focus restent circonscrits au seul documentaire audiovisuel (donc hors court et long métrage). Ils proposeront une photographie quantitative et qualitative de chaque région, à travers la parole des auteurs-réalisateurs et autrices-réalisatrices qui vivent et travaillent dans ces territoires. S’y exprimeront également les points de vue des autres acteurs animant ces filières régionales.
Les chiffres clés relatifs à la région Occitanie sont issus des données collectées par l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire pour le Panorama des interventions territoriales en faveur du cinéma et de l’audiovisuel publié chaque année, dans le cadre de sa convention de coopération triennale État-région-CNC. Le périmètre des collectivités est identique à celui du Panorama, qui prend en compte la région, les départements, les eurométropoles, les métropoles et les villes, s’il y a lieu. De la même manière, les statistiques se concentrent sur les aides délivrées par la région, le premier niveau d’intervention. Les investissements de la région agrègent ceux octroyés via le ou les contrats d’objectifs et de moyens signés entre la collectivité et le ou les diffuseurs, quand ils existent. Les statistiques autres que celles de Ciclic qui pourraient être citées sont dans tous les cas sourcées. Le choix a été fait de ne pas comparer les chiffres de l’année 2021 et ceux de l’année 2020, sauf cas particulier, l’année de la pandémie ayant été marquée par l’attribution d’aides exceptionnelles, dans certaines régions, par définition non reconduites en 2021.
Remerciements : Pauline Martin et Pierre Dallois à l’agence Ciclic-Centre-Val-de-Loire et la Boucle documentaire.