En invitant Laurent Bécue-Renard à Longueur d’Ondes, la Scam propose cette année encore, une séance exceptionnelle autour d’un documentariste prometteur à qui l’on doit le récent, poignant et subtil Of Men of War.

Si l’écriture d’un catalogue impose des figures de style, il en est une que nous prisons tout particulièrement : la page Scam. Pour au moins deux (bonnes) raisons. Parce que le programme proposé sera toujours de très haute volée, à la hauteur des textes publiés sous son égide. Parce que la Scam est bien plus qu’un partenaire, un compagnon de route des temps héroïques qui n’aura jamais dévié de sa voie en nous soutenant coûte que coûte, année après année. Et de quelle façon ! Sans son soutien indéfectible, le Festival de la radio et de l’écoute ne serait pas ce qu’il essaie d’être (à sa mesure) : une vitrine d’un continent radiophonique qui entend faire la part belle aux auteurs. Louons donc ce fil d’Ariane qui, édition après édition, ne cesse de dévider le fil d’une pelote où les compétences réciproques s’enrichissent de relations amicales, le tout au service d’une noble cause : une certaine exigence de la création. Toujours et par-dessus tout.
L’équipe de Longueur d’Ondes

à 14h – Rencontre avec Laurent Bécue-Renard, animée par Philippe Bertrand, producteur à France Inter.

Laurent Bécue-Renard
Né en 1966 à Paris, Laurent Bécue-Renard est diplômé de l’Institut d’Études politiques de Paris, ancien élève de l’Essec, Fulbright Visiting Fellow à Columbia University (New York). En 1995-1996, il passe la dernière année de la guerre à Sarajevo comme rédacteur en chef du magazine Sarajevo Online, qui publiera ses Chroniques de Sarajevo.
Après le conflit, il retourne en Bosnie-Herzégovine et se consacre à une réflexion sur les traces psychiques de la guerre en filmant sur plusieurs saisons le travail de deuil entrepris en thérapie par des veuves de jeunes combattants.
Le film qu’il en tire, De guerre lasses, est présenté dans une cinquantaine de festivals internationaux et plusieurs fois primé, recevant notamment le Prix du film de la Paix décerné au Festival international du film de Berlin et une Étoile de la Scam en 2006.
De guerre lasses, elles le sont, ces trois femmes bosniaques, Jasmina, Sedina et Senada. Elles n’ont pas trente ans. À Srebrenica, elles ont tout perdu : mari, frères, cousins, oncles, assassinés par les soldats serbes. Elles ont vécu l’horreur, ont vu les corps déchiquetés, les flots de sang. Réfugiées depuis plusieurs années dans un centre à Tuzla, elles acceptent sans y croire de suivre une thérapie. Non pas pour oublier, mais essayer de vivre avec. Laurent Bécue-Renard les suit dans cette démarche, au fil des saisons. La caméra est discrète, pas de zoom, pas de voyeurisme, mais une présence délicate et bienveillante qui recueille l’indicible confié
à Fika, l’extraordinaire thérapeute. Et l’on assiste peu à peu à leur renaissance, l’on se surprend à croire à leur avenir possible.
Deuxième volet d’une trilogie intitulée « Une généalogie de la colère », Of men and war (Des hommes et de la guerre) accompagne cette fois dans leur chemin intime douze jeunes soldats américains revenus de guerres lointaines meurtris dans leur âme.
On dénombre aux États-Unis près de 3 millions de vétérans des récentes guerres d’Irak et d’Afghanistan. Un tiers d’entre eux souffriraient de « syndrome de stress post-traumatique » (PTSD en anglais). Les journaux américains s’en nourrissent, vagues de suicides, addictions, violence conjugale, tueries collectives…
De 2008 à 2013, Laurent Bécue-Renard a partagé leur quotidien dans un centre de prise en charge pour anciens combattants, le Pathway Home, en Californie. Il les a ensuite accompagnés pendant les quatre années suivantes dans leur famille.
Initié par Fred Gusman, lui-même vétéran du Vietnam et précurseur d’un programme similaire à la fin des années 1970, le Pathway Home accueille de jeunes soldats en perdition. Costauds, tatoués, lunettes noires, ils sont brisés, en eux la souffrance est vertigineuse. En rupture avec eux-mêmes, avec leurs proches, avec la société dont ils sont incapables de réintégrer les codes.
Au Pathway, la parole s’articule peu à peu. Les démons émergent, l’horreur resurgit à la lumière des séances de thérapie de groupe d’une rare intensité. Ces personnages, femmes de Bosnie, soldats américains, incarnent la douleur universelle de tous les survivants, d’un côté et de l’autre de l’onde de dévastation de la guerre. Ils représentent aussi l’espoir de reconstruction d’une humanité blessée, observée avec patience et empathie par Laurent Bécue-Renard.

Philippe Bertrand
Originaire de Dijon, Philippe Bertrand est diplômé de Philosophie et enseigne de 1982 à 1985.
Il entre à Radio France en 1985 et travaille d’abord dans les stations locales de Bourgogne et de Provence, avant d’arriver à France Inter en 1996 où il produit les émissions Zinzin, Trafic d’influences, Dépaysage, Quand je serai grand et, depuis 2006, Carnets de campagne.
Philippe Bertrand a également présenté sur France 3 Tapages puis Texto, magazine littéraire, entre 1998 et 2002. Il publie deux ouvrages inspirés de ses émissions radio aux éditions Hoëbeke Quand j’serai grand et Ceux qui font la France. Un autre livre d’entretiens effectués avec Henri Clément est paru plus récemment sous le titre Une vie pour les abeilles, aux éditions Rue de l’échiquier.
Animateur de multiples conférences consacrées à l’économie sociale et solidaire, il est le modérateur depuis 2001 des cafés littéraires des Rendez-vous de l’Histoire de Blois. Philippe Bertrand est aussi administrateur de la Scam et représentant du collège sonore.


à 20h > Projection de Of men and war (Des hommes et de la guerre)

un film documentaire de Laurent Bécue-Renard
au Cinéma Les Studios – Brest
En présence du réalisateur