À l’issue de la finale du Prix le 9 décembre dernier, le jury a attribué le Prix Mentor 2021 à Elea Jeanne Schmitter pour son projet 40 ans 70 kg.
Une série illustrant les « data gap » : les femmes sont tout simplement absentes de la majorité des études statistiques, au détriment de leur santé, de leur sécurité, et parfois même de leur vie.

Elea Jeanne Schmitter
Elea Jeanne Schmitter

40 ans 70 kg

Voir le monde à travers une perspective féminine est lié au féminisme, une niche, idéologique, atypique.
Voir le monde à travers une perspective masculine est considérée comme neutre, universel.
Cette neutralité devient très concrète dès 1970. Un homme de 40 ans et de 70 kg devient le point de référence, un modèle « type » dont notre monde est criblé : films, actualités, littérature, science, urbanisme, économie. La plupart des infrastructures et équipements que l’on utilise quotidiennement ont été pensés sans égard aux différences entre les sexes. 40 ans 70 kilos est une série illustrant les « data gap »: les femmes sont tout simplement absentes de la majorité des études statistiques, au détriment de leur santé, de leur sécurité et parfois même de leur vie.
Vivre dans un monde construit autour de données et normes masculines a un impact quotidien sur la vie de femmes. Les conséquences peuvent être relativement mineures. Frissonner dans des bureaux réglés à une norme de température masculine, par exemple, ou avoir du mal à atteindre une étagère supérieure réglée à une norme de hauteur masculine. Irritant, certainement. Injuste, sans aucun doute. Mais pas mortel. Pas comme s’écraser dans une voiture dont les mesures de sécurité ne tiennent pas compte des mensurations des femmes. Ce n’est pas comme si votre crise cardiaque n’était pas diagnostiquée, car vos symptômes sont jugés « atypiques ».
L’une des choses les plus importantes à dire sur l’écart de données entre les sexes est qu’il n’est généralement pas malveillant, ni même délibéré. Plutôt l’inverse.
C’est simplement le produit d’une façon de penser qui existe depuis des millénaires et qui est donc une sorte de non-pensée. Un double sans réfléchir, même: les hommes vont de soi, et les femmes suivent. Parce que quand nous disons humain, dans l’ensemble, nous voulons dire homme.

Elea Jeanne Schmitter
Elea Jeanne Schmitter

Eléa Jeanne Schmitter est une artiste visuelle née à Auxerre en 1993. Après des études de droit européen, elle suit des études d’art à l’Université Concordia de Montréal dont elle sort diplômée en 2018. Elle rejoint ensuite l’école Kourtrajmé sous la direction de JR en 2020.
Son travail explore les transformations profondes et intimes que peuvent engendrer la société ou le pouvoir sur l’individu.
Inspirée de l’expérience de Milgram et celle de Stanford, elle observe l’injonction de la norme dans le rapport à l’image de soi et aux reflets numériques de pratiques marginales.

Elle travaille essentiellement sur le portrait, l’intime, sur la proximité et l’invisible.
La pratique d’Eléa repose sur la photographie et la matérialité de l’image mais est souvent précédée de mois de recherches et d’immersion qui feront de sa narration une exploration des schèmes de la reconstitution et de l’archive.

Elea Jeanne Schmitter
Elea Jeanne Schmitter